Disclaimer : Rien ne m'appartient (à part quelques personnages de mon invention), je ne touche pas une noise en écrivant cette histoire !
Avertissement : T
Note : Tout vient à point à qui sait attendre. J'espère que ce récit vous divertira à nouveau !
GIGANTESQUE MERCI à Elaia Asteraptor (dont vous pouvez trouver sur ce site l'ouvrage Ridicule, mon cher Riddle !) pour son beta-reading.

Chapitre 26 : Partir au front

« Montre-moi ta main ! »

D'abord, Adriana Mercador s'exécuta. Mais au lieu de se tendre droit devant elle, sa paume rencontra la peau laiteuse, traça des motifs imaginaires sur le flanc gracile, s'aventura sur la courbure bombée de la hanche…

« S'il te plaît ! » implora Louisa. « Tu dis que tu n'y crois pas, mais je sais ce que je fais ! »

« Non. » répéta Adriana, mais elle se trouva incapable de réprimer le sourire qui vint danser sur ses lèvres. « La bonne aventure ne m'a jamais intéressée. Merci mais non merci. »

Louisa fronça ses magnifiques sourcils noirs, vexée. Ses yeux bleu clair la transpercèrent sur place, et elle se redressa comme pour s'échapper des draps. Cela n'empêcha pas Adriana de se pencher en avant pour déposer des baisers sur sa poitrine dénudée, pâle et soyeuse comme deux perles de nacre.

« Tu me parles de bonne aventure ? Mais je fais bien mieux que ça ! Moi, je peux lire le destin ! » Louisa emprisonna son visage entre ses longs doigts, forçant son amante à détacher ses lèvres de sa peau diaphane. « Ton destin… » insista-t-elle. Ses pouces tracèrent de douces volutes sur les pommettes d'Adriana qui la contempla en retour, le cœur battant. La beauté de Louisa était à couper le souffle, et elle peinait parfois à croire que de tous ses prétendants et de toutes ses rivales, c'était elle qui avait réussi à l'amener entre ses draps – elle, et personne d'autre. « Mon intuition m'a toujours soufflé que tu étais vouée à quelque chose de grandiose. Mais si tu me laissais regarder, je pourrais être plus précise… »

« Si mon sort est déjà scellé, il s'accomplira quoi qu'il arrive, n'est-ce pas ? Que je le connaisse ou que je l'ignore, ça ne fera aucune différence. » la taquina Adriana. Elle tendit le cou pour chercher à nouveau la douceur des lèvres, le velouté de la langue… et se retrouva propulsé en arrière, les mains de Louisa appuyant sans douceur sur ses clavicules pour l'éloigner du précieux délice.

« Au contraire ! Les plus grands sorciers se sont entourés de prêtresses pour les guider. Merlin et Morgane, Catherine de Medicis et Ruggieri, Rodolphe et Kepler ! Ce n'est pas parce que les dés sont jetés que tu dois te résoudre à agir sans conscience. Comprendre les fils du destin pourrait t'emmener plus loin… » La voix de Louisa se fit mielleuse, chaude et séduisante, tandis qu'elle revenait à l'attaque. Visiblement, elle avait opté pour une autre stratégie, plus voluptueuse. « S'il te plaît, Adi… Laisse-moi déchiffrer ta destinée… S'il te plaît… » Si elle implorait… si elle la suppliait, tout en continuant ce qu'elle faisait, alors Adriana ne répondait plus de rien…

« … bon, d'accord. » céda-t-elle finalement dans un soupir résigné. Elle regretta aussitôt que Louisa eût abandonné ses marques d'affection, le poids de son corps et sa chaleur se dérobant à son envie. La jeune fille s'assit en tailleurs et saisit sa main avec empressement, satisfaite de pouvoir enfin satisfaire son obsession. Adriana cala son visage dans le creux de sa main libre et admira à nouveau son amante. Un adorable air appliqué plaqué sur son visage, elle avait repoussé ses cheveux noirs en arrière. Ils étaient si longs qu'à l'angle formé par le matelas et le creux de ses reins, ils s'étalaient en gracieux éventail d'un noir brillant sur le blanc crémeux des draps. Après trois interminables minutes de silence, Adriana commença à s'impatienter. Son regard allait de Louisa à sa main, de sa main à Louisa, mais celle-ci ne laissait rien transparaître du fil de ses pensées.

« Alors, quoi ? » finit-elle par demander.

« Tais-toi. Je me concentre. » répliqua sèchement la voyante en devenir.

Adriana ne put s'empêcher de rire. « Allez ! Je t'ai vu faire des prédictions hyper précises en quinze secondes top chrono. Qu'est-ce que me réserve le destin, finalement ? Tu as attisé ma curiosité ! »

« Shhh. » siffla Louisa entre ses dents.

Puis, aussi brusquement qu'elle s'était plongée dans son exercice de chiromancie, elle lâcha la main de son amante. Se penchant par-dessus le lit, elle tâtonna sur le sol à la recherche de sa robe prestement retirée et fouilla dans sa poche. Quand elle revint dans l'écrin du lit, Adriana vit qu'elle mélangeait son jeu de tarot avec fébrilité.

« Prends-en une. » lui ordonna sèchement Louisa. « Allez ! » s'agaça-t-elle en lui brandissant son jeu sous le nez.

« D'accord, d'accord… » obtempéra-t-elle aussi calmement que possible. Louisa Picquery avait son caractère. Elle le savait depuis plusieurs semaines maintenant, depuis la première fois où elle s'était fâchée sans qu'Adriana ne comprenne exactement pourquoi, la poussant à répliquer et hurler à son tour, jusqu'à ce que les cris prennent fin pour être remplacés par l'étreinte passionnée après laquelle Adriana avait tant couru. Elle extirpa une carte du paquet, la retourna et la posa sur le lit. L'Impératrice, reconnut-elle. Les Amoureux. Le 7 de bâtons. Louisa hocha la tête de droite à gauche en signe de désapprobation, puis acheva le tirage. La Tour. Le 9 d'épées. A peine Adriana eut-elle déchiffré le dernier mot que le paquet de cartes fut reconstitué et remis à sa place.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? » s'enquit-elle avec une légère angoisse. « Louisa ? »

Mais la sorcière lui avait tourné le dos et s'était recroquevillée de son côté du lit.

« Parle-moi. » s'inquiéta Adriana en lui secouant l'épaule. « S'il te plaît ! »

Quand Louisa lui fit à nouveau face, des larmes débordaient telles des gouttes de rosée sur ses longs cils noirs.

« Une autre femme. » s'étrangla Louisa. « Une autre femme arrivera. Elle prendra ma place. Elle volera ton cœur, ta tête, et… tes jambes. »

« Mes jambes ? » s'étonna Adriana en caressant affectueusement la joue de l'apprentie-devin.

Louisa acquiesça fiévreusement. « Un autre pays, loin vers l'Est… une bête monstrueuse, et tellement de neige, et de gigantesques rochers… tu voudras la sauver, et tu perdras tes jambes. »

« Ne pleure pas. » Elle embrassa chaque paupière gorgée d'eau. « Ne crains rien, je n'ai aucune intention de partir. Ni envie d'une autre que toi. Et je ne compte certainement pas perdre mes jambes. » assura-t-elle du ton le plus rassurant qu'elle pu invoquer.

« Je l'ai vue : chevelure de miel et de soleil et bois de châtaignier… »

« Quoi ? »

« Elle sera blonde. A l'opposé de moi… Et sa baguette… »

« Mon amour, je sais que tu es la plus douée d'Ilvermorny en divination, mais ce charabia prouve bien que cette matière est absurde. C'est ma faute : je n'étais pas concentrée en choisissant mes cartes, j'ai dû fausser le tirage. »

Mais Louisa continuait de la regarder comme si elle avait commis quelque lourde faute.

« C'était un pays si lointain… Promets que tu ne t'éloigneras jamais de moi. Promets-le ! »

« Jamais. » jura Adriana avant de capturer ses lèvres avec ferveur. « Jamais ! »

« Vraiment ? »

Elle sentit les ongles de Louisa s'enfoncer sous sa mâchoire, griffer la peau de son cou, et ré-ouvrit les yeux. La sorcière la dévisageait avec froideur. « Menteuse. » L'accusation provoqua un douloureux pincement au cœur, et Louisa resserra sa prise autour de son cou. Adriana écarquilla les yeux de surprise et de douleur. L'air ne passait plus, sa gorge brûlait… et les ongles de Louisa devinrent griffes, serres acérées sous sa mâchoire… la souffrance devenait insoutenable tandis que des flots de boue jaillissaient de son gosier, la noyant, l'asphyxiant à jamais.

Adriana se réveilla en sursaut et porta instinctivement ses mains à sa gorge. Celle-ci picotait atrocement, comme chaque matin depuis qu'elle avait réchappé à la tentative d'empoisonnement à l'hebona. Elle dévora sa chambre du regard, rassurée par l'arrivée du soleil qui éclairait les éléments familiers de ses appartements à Poudlard. La prise de conscience de sa propre solitude la rassura : Louisa Picquery ne pouvait plus rien contre elle. Elle avait défait ce sortilège depuis longtemps.

Elle se leva pour se servir de l'eau qu'elle avala goulûment. Même des années plus tard, après avoir traversé le monde pour s'en éloigner autant que possible, la présence ténébreuse de Louisa semblait planer sur elle. Adriana avait toujours été solitaire – à la limite de la misanthropie. Les autres, leur charabia incessant, leurs craintes futiles la fatiguaient. A Ilvermorny, Abram McKinnon avait su percer sa carapace et Merlin, qu'il avait été bon d'enfin compter sur quelqu'un pour alléger les journées trop lourdes. Et puis Louisa était arrivée : mentant comme elle respirait, promettant monts et merveilles, réclamant toutes les attentions et tout l'amour du monde sans jamais rétribuer qui que ce soit à sa juste valeur. Elle était sortie avec Abram d'abord. Louisa ne séduisait pas – elle dévorait l'âme de ses soupirants et de ses soupirantes et leur volait tout amour-propre au passage. Adriana était tombée dans le triste piège : elle avait désiré et aimé comme une damnée, pour finalement réaliser l'ampleur de la mascarade. Abram, vexé et trahi, s'était trouvé d'autres amis. Lorsqu'Adriana s'était libérée de l'emprise de Louisa, sa solitude l'avait noyée comme jamais auparavant.

Elle reposa son verre d'eau près d'un paquet de copies corrigées. Si elle n'avait plus été en mesure d'assurer les cours magistraux depuis l'empoisonnement, elle avait continué de donner des exercices et des dissertations à ses élèves. Puis les examens de fin d'année étaient arrivés. Son sommeil avait dû pâtir de la quasi-nuit blanche de la veille : l'échéance de rendu des résultats d'ASPIC arrivait à grands pas. Les copies étaient anonymes, mais après un an de loyaux services, elle reconnaissait l'écriture. Son index traça bêtement la forme intrigante des 'f' et des 't' qui se baladaient sur la copie, jusqu'à ce qu'elle rende compte de son geste. Frissonnant de gêne, elle rassembla les paquets de parchemins et noya le devoir dans la masse. « Tu en as assez fait. » se sermonna-t-elle intérieurement. Il existait des limites à ne pas franchir. Emma Prewett deviendrait une sorcière formidable, sans aucun doute. Très puissante et admirable d'intégrité. Elle dégageait une aura solitaire qui touchait en plein cœur l'ancienne adolescente esseulée. Quant au courage incroyable dont elle avait fait preuve lors de l'attaque de Pré-au-lard... « Mais elle a à peine dix-huit ans. Et c'est ton élève. » se répéta Adriana en fronçant les sourcils, faisant taire la voix assurant qu'elles n'avaient que quelques années d'écart, que la jeune fille était majeure… La moralité d'Adriana avait souvent été questionnée dans le passé, et le serait encore sûrement à l'avenir, mais cette limite-là ne serait pas franchie. Il y avait des pactes qu'on ne trahissait pas, celui du professorat en faisait partie. Elle voulait pouvoir continuer de se regarder dans la glace sans dégoût.

Heureusement, l'année touchait à sa fin. Dans quelques jours, les élèves feraient leurs bagages – Emma Prewett quitterait à jamais Poudlard et commencerait sa carrière de sorcière. C'était pour le mieux. « Ce n'est qu'une obsession ridicule. » se répétait Adriana avec de moins en moins de fermeté. Pour sûr, la défense d'approcher rendait la jeune fille encore plus attirante. Un levier balourd, basique et diablement efficace pour attiser le désir. Elles avaient frôlé la catastrophe juste avant son empoisonnement. Ce n'était pas raisonnable, ni acceptable. Qu'est-ce qui se serait passé si…
La sorcière sursauta lorsque trois coups à la porte la tirèrent de son inadmissible rêverie. Le sortilège d'alarme vira au vert : l'encadrement de la porte dégagea un halo de couleur menthe. A priori, le château reconnaissait le visiteur ou la visiteuse impromptue. Ce fut néanmoins armée de sa baguette qu'elle décida d'ouvrir.

« Bonjour Adriana. » déclara Albus Dumbledore. Il était vêtu d'une improbable robe de sorcier molletonnée à petites fleurs pastel. A ses côtés se tenait un sorcier à la mine patibulaire et pétri de tocs nerveux qu'elle reconnut immédiatement.

« Vous vous souvenez d'Alastor ? Je craignais de vous réveiller à cette heure si matinale, mais nous avons le bonheur de vous trouver debout. »

En vérité, la sorcière soupçonnait l'éminent directeur de garder un œil magique sur chaque habitant du château. La pensée était tellement dérangeante que même le corps enseignant n'osait aller plus loin dans cette réflexion. « Je ne parvenais pas à me rendormir. » expliqua-t-elle avant de porter la main à sa gorge : sa voix était naturellement devenue grave à la puberté, mais l'empoisonnement à l'hebona avait vraiment abîmé ses cordes vocales.

« Pouvons-nous entrer un instant ? Pardonnez notre intrusion mais les couloirs de Poudlard ont des oreilles… » Adriana acquiesça du chef et les laissa pénétrer dans la petite pièce.

« Comment vous portez-vous ? » demanda le professeur Dumbledore avec énormément de douceur.

Elle essaya de s'éclaircir la voix autant que possible. « Disons que j'ai abandonné mon rêve de carrière dans la chanson magique. »
Les cordes vocales abîmées, c'était une chose. Mais l'attaque insidieuse dont elle avait été victime avait détraqué une partie de ses neurones, elle en était certaine. Adriana s'était toujours relevée de ses folles aventures à travers le monde. Galvanisée par le danger, suffisamment pragmatique pour ne pas se laisser tourmenter la nuit venue par des obstacles depuis résolus, elle ne s'était jamais retrouvée dans cette situation. Vulnérable. Affronter des monstres, des sorciers et sorcières féroces ne l'effrayait pas. Mais venant d'enfants (car si elle était à peine plus âgée, il s'agissait d'enfants), dans ce grand château humide… elle ne pouvait se vanter d'aucun contrôle. La plupart des élèves arpentaient Poudlard depuis des années connaissaient et comprenaient ce lieu étrange bien mieux qu'elle. Quant aux divisions internes qui rongeaient la société magique britannique, elles la dépassaient complètement. Depuis le crime, de vieux souvenirs survenaient aux moments les plus incongrus. Mais elle ne souhaitait certainement pas en faire part aux deux hommes en face d'elle. Adriana avait simplement hâte de partir et clore ce chapitre de sa vie une bonne fois pour toutes. Et si Abraxas Malfoy la retrouvait… alors tant pis.

« Les potions de Pomfresh font-elles effet ? »

Elle haussa les épaules. « Pas assez vite à mon goût, mais je peux à nouveau râler contre les élèves qui me rendent leurs devoirs en retard. Je suppose que c'est donc bon signe. J'aurais juste aimé qu'on trouve le coupable. Quand je pense que je corrige sûrement ses copies… Oh, à ce sujet. » Elle attrapa les piles de parchemins corrigés et les tendit au directeur. « Les insomnies ont parfois du bon. Voilà les évaluations des septième année. »

« Merci d'avoir honoré vos fonctions jusqu'au bout. »

« Libérée de vos dernières copies, ça vous dégagera du temps pour vous préparer au combat. » intervint Maugrey pour qui les échanges de politesse s'éternisaient visiblement.

Mercador referma son kimono en croisant ses bras l'un sur l'autre et dévisagea l'Auror. « Au combat ? » répéta-t-elle sans laisser transparaître aucune expression.

« Votre mission n'est pas terminée. Vous vous étiez engagée à former ces jeunes au-delà de ce que prévoit le programme officiel. Mais nous avons une guerre à mener, et vous devez continuer votre travail. »

« Je suis Compagnonne, pas mercenaire. La Grande-Bretagne n'est pas mon pays. Cette guerre ne m'appartient pas. »

Maugrey éructa un grognement mécontent.

« Parce que vous croyez que ça ne concerne que nous ? L'obsession du sang-pur est une problématique sorcière universelle ! »

« Non, c'est faux. On la retrouve avant tout dans les pays européens et anglo-saxons. Tous les territoires sorciers ne sont pas obnubilés par ce débat absurde. Par ailleurs, lors de la révolte chamanique qui a frappé mon pays, le Royaume-Uni n'a pas levé le petit doigt. Pourtant, la séparation forcée entre magie de terroir et magie d'état me semble être une problématique sorcière universelle. » ironisa-t-elle. Réduisant son sel, elle se tourna vers Albus Dumbledore. Elle respectait le sorcier et devinait aisément le fardeau qui devait être le sien. « Je suis désolée pour vous, mais je ne vous dois rien. » conclut-t-elle avec sincérité. « Je crois même avoir déjà assez donné de ma personne. » coassa-t-elle. Ses cordes vocales ne reviendraient jamais à leur état normal.

« Vous préférez donc fuir lâchement ? »

Adriana fit claquer sa langue contre son palais. « J'ai tenu mon engagement, Mr. Maugrey. J'ai été empoisonnée, mais je suis restée jusqu'au bout pour assurer le contrôle pédagogique. Il n'a jamais été question que je reste toute ma vie dans l'enceinte de Poudlard. Je suis inscrite comme Compagnonne, je compte bien terminer mon initiation. » Elle se tourna vers Dumbledore et reprit avec moins d'indignation : « Je suis navrée, Monsieur le Directeur. Mais j'avais prévenu dès le départ que ce ne serait que temporaire. »

« Bien sûr, je m'en souviens. De toute façon, cela fait des années qu'aucun enseignant de défense contre les forces du mal n'a réussi pas à tenir plus d'un an. » ajouta le sorcier d'une voix songeuse. « Je suis juste désolé que vous vous sentiez moins en sécurité à Poudlard que dehors, un dangereux mage noir à vos trousses. »

Elle haussa un sourcil surpris. « Et moi qui avais tant essayé de vous cacher la raison de ma demande d'hospitalité. Évidemment, rien ne vous échappe… »

« Disons que j'essaie toujours de reconstituer les pièces du puzzle. »

Mais Alastor Maugrey se fichait bien des énigmes à résoudre. « Alors c'est non ? Vous ne souhaitez pas rejoindre l'Ordre ? »

« Et finir dépecée par un Mangemort pour une cause qui n'est pas la mienne ? J'apprécie l'aventure, mais les missions suicide ne m'excitent pas. »

« Vous préférez partir en voyage plutôt que retrousser vos manches et vous battre ? » la provoqua-t-il une fois de plus.

« Il existe au moins trois fronts magiques actuellement. » énuméra la sorcière. « Un affrontement entre castes en Birmanie, une révolte de sorcières au Mexique et un début de guerre civile en Grande-Bretagne. Pourquoi ici plutôt que Myanmar ou Mexico ? Sauf votre respect, vous autres sorciers britanniques devraient vous aventurer au-delà de votre île. Vous payez des siècles à entretenir des préjugés tordus autour d'une soi-disant aristocratie magique mais tous les sorciers et sorcières du monde ne partagent pas cette vision. »

« Vous avez entièrement raison, Adriana. Pardonnez notre audace, nous devions insister tant vos talents nous auraient été précieux. » conclut Dumbledore.

« Je ne veux pas faire preuve d'ingratitude. Merci infiniment pour votre accueil. Je… si j'avais vraiment su qu'Abraxas Malefoy me poursuivrait jusqu'ici, je n'aurais pas sollicité ce poste. Je pensais qu'il essaierait mais qu'il se découragerait très vite face à l'ardeur de la tâche. » admit la jeune femme avec une petite grimace embêtée. « J'espère que vous savez que… que je n'ai jamais souhaité mettre les élèves en danger. »

Le regard plein de jugement de Maugrey la dérangeait au plus haut point, mais elle se concentra sur le directeur.

« Ha ! » sourit ce dernier « Maintenant que vous avez enfin admis la véritable raison de votre passage parmi nous, puis-je vous demander ce que ce mystérieux personnage cherchait exactement ? »

« Je… n'en suis pas certaine. Un médaillon céladon. Un objet insignifiant mais que tout le monde semble pourtant se disputer. Mais je ne l'ai plus, il m'a été repris fin décembre par une sibylle envoyée par le POIDS. Tout ça pour ça… »

Dumbledore garda le silence, mais elle pouvait presque distinguer le mouvement de sa pensée à travers ses yeux pétillants.

« Je ne sais pas de quoi il s'agit exactement, mais ça pue la magie noire. » renifla Maugrey. « Mes Aurors tiennent ce Malefoy à l'oeil. Au moindre faux-pas, nous l'arrêterons. Pardon d'avoir pris de votre temps, Professeur Mercador. Et bon voyage, profitez bien de la plage tandis que nous nous battrons pour nos vies. » ajouta-t-il d'un ton ironique.
Haussant les yeux au ciel, elle se contenta d'ouvrir sa porte pour lui indiquer la sortie. Les magiciens anglais faisaient parfois preuve d'un sacré toupet. En refermant sa porte derrière la robe de chambre fleurie de Dumbledore, elle songea qu'il était vraiment temps pour elle de partir. Loin de cette pièce où elle passait sa convalescence confinée, loin des mages noirs qui gagnaient chaque jour en puissance, loin des remontrances gonflées d'Alastor Maugrey, et loin de l'expression belle, grave et tentatrice d'Emma Prewett.


Emma saisit les mornilles que lui tendait Peter Pettigrow, calcula l'appoint et rangea les pièces dans sa petite caisse portative.

« Bravo pour ton achat ! » déclara-t-elle laconiquement.

Le jeune sorcier lui lança un regard circonspect.

« C'est ironique ? »
Elle soupira. « Oui, Pettigrow, c'est ironique. » Comme il continuait de la fixer, elle dut ajouter : « Mais que mon aigreur ne t'empêche pas d'apprécier ton album de fin d'années. Félicitations et adieu. »

« Ooookay… » souffla le garçon en roulant des yeux. En s'éloignant du stand, il lui jeta encore un ou deux regards mi-inquiets, mi-vexés.

Emma étira ses jambes sous la table pleine d'albums de fin d'année que les septième année étaient censés venir lui acheter. Les tous derniers examens avaient eu lieu en matinée et le château était désormais traversé de ce vague contentement relâché propre à la fin des évaluations, notamment celles des BUSES et des ASPICS, qui voyaient enfin renaître les cinquième et septième année débordés. Mais Emma peinait à rejoindre ce sentiment familier et appréciable du travail accompli. Tout d'abord, il faisait fort beau, et elle aussi aurait apprécié se dégourdir les jambes près du lac plutôt que de tenir ce stand sous les voûtes de pierre de la cour intérieur - mais elle avait échappé aux premiers jours de vente et c'était désormais son tour parmi les préfets qui s'étaient relayés. Ensuite, elle faisait partie de ceux qui jugeaient légèrement la mise en scène fantasmée, d'une promotion où chacun se serait bien entendu. Plus encore cette année : entre les décès, les départs et les disputes, l'hypocrisie de l'opération la frappait plus que jamais. En toute honnêteté : qui aurait envie de se rappeler de la tête d'Antigone Greengrass ? Elle n'en faisait pas partie. Songeuse, elle observa autour d'elle les autres élèves qui se retrouvaient en petits groupes, se taquinaient, se tapaient virilement sur l'épaule ou se câlinaient pour savourer les derniers moments de l'année passés ensemble. Dieu et Merlin savaient que son expérience avait été différente de la leur dans l'enceinte de cette école, mais ce n'était pas grave, réalisa-t-elle avec étonnement. Elle resterait sûrement toujours solitaire, concentrée sur sa besogne et relativement indifférente aux mondanités ambiantes… La grande différence cette année, c'est que sa tranquille persévérance scolaire avait été grignotée par un autre type d'appétit. Un appétit resté inassouvi, frustré.

Cherchant à dissiper sa morosité, elle engagea ses pensées vers des chemins plus engageants. Demain serait consacré aux bagages, aux retours des livres à la bibliothèque, à la tenue de la salle commune de Serpentard et aux dernières tâches administratives. Puis le surlendemain, elle prendrait le Poudlard Express le matin, direction Londres, pour se rendre au Ministère de la Magie l'après-midi. Une petite cérémonie formelle avait lieu pour accueillir les nouveaux venus qui commençaient leur carrière au Ministère. Elle attendait encore le retour des Compagnons de la Magie et avait dû s'inscrire ailleurs, au cas où sa candidature ne serait pas retenue.

« Alors, Prewett, on effraie Pettigrow ? La prochaine fois, choisis un adversaire à ta taille ! Tiens, garde la monnaie. »

Elle sortit de sa rêverie pour se retrouver face à James Potter qui déposa trois gallions d'or sur la table et saisit deux almanachs sans même attendre son autorisation.

« Ce n'est pas ma faute si ton ami est très impressionnable. » répondit-elle sans ciller. « Tu es certain que tu ne veux pas ta monnaie ? »

« Nah, c'est pour les caisses de Poudlard et le stock de tritons gingembre de McGo. Ma dévotion pour les futurs élèves est sans limite. Mais Prewett, pourquoi ce sourire à l'envers ? Haut les coeurs, l'école est finie, les examens aussi, youpi ! »

A l'autre bout de la cour, un mouvement attira l'oeil d'Emma. La professeure de Défenses contre les forces du mal traversa l'aile de la cour d'un pas moins rapide qu'avant. Elle semblait acquiescer silencieusement aux indications du professeur McGonagall sur le déroulement de la fin d'année scolaire. Pendant trois brèves secondes, le regard de Mercador rencontra le sien et son coeur marqua un battement. Puis le professeur fuit son regard et les deux sorcières disparurent dans les couloirs intérieurs de Poudlard. Emma soupira et se tourna à nouveau vers Potter. Le garçon arborait toujours son sempiternel sourire en glissant les almanachs dans son sac en bandoulière, mais Emma le trouva changé. Quel élève ici ne portait pas une trace, même minime, de l'année qu'ils venaient de traverser ? C'était quasiment imperceptible pour qui n'y prêtait pas attention : une ombre dans le regard, une latence dans l'insouciance pétillante qui animait d'ordinaire les sourires, les voix et les sourcils des jeunes gens peuplant les couloirs de Poudlard. Potter faisait bonne figure, se raccrochait à ce qu'il incarnait depuis leur premier jour dans ces lieux : une attitude de malicieux plaisantin, de joyeux trouble-fête, de bagarreur sans aucun souci pour les conséquences du lendemain, d'éternel optimiste. Mais elle repéra facilement une dureté nouvelle dans ses iris noisette, une fragilité inédite dans son sourire franc. Il n'était pas extraordinaire que certains élèves évoluent drastiquement à partir de la cinquième année, se concentrant sur leurs examens et la constitution de leurs dossiers. Depuis leur sixième année, depuis la mystérieuse dispute qui avait fragilisé le petit groupe autour de Potter, ce dernier avait certes mûri. Mais afficher davantage de maturité et dissimuler tant bien que mal une peur de l'avenir étaient deux élans bien différents. L'incertitude infiltrait les conversations et les jeux, les espoirs et les ambitions. Il était possible de la nier, mais Emma se sentait trop pragmatique pour ignorer l'éléphant dans la pièce.

« Ça n'est pas comme d'habitude. Dieu sait ce qui nous attend l'année prochaine. »

Le sourire de Potter vacilla mais il ne se défila pas et planta ses yeux dans les siens.

« Une chose à la fois, Prewett. Pour ma part, je reste concentré sur les derniers rapports à rendre à McGo, me remplir la panse pendant le banquet de fin d'année et profiter du parc avec Lily. »

Le Gryffondor s'éloigna en lui adressant un clin d'oeil amical. Tout devait être plus simple lorsqu'on était entouré d'amour, pensa-t-elle. Un groupe de Serdaigle s'approcha pour se procurer des almanachs, et elle revint à sa tâche en essayant de ne pas se laisser engloutir par l'écrasante conscience de sa propre solitude.


James franchit la porte d'entrée du château et contempla avec affection le lac scintillant et les montagnes écossaises qui se gorgeaient d'un soleil rare. Le parc de Poudlard paraissait plus beau que jamais : mais peut-être que cette impression n'était due qu'au fait que vingt-quatre heures plus tard, il quitterait définitivement cette école qui lui avait tant donné et tant appris. En étirant les bras vers le ciel pour se délasser de la journée de rangement et de supervision du ménage de pré-vacances que sa fonction de préfet lui imposait, il grimaça de douleur. Le dictame ne résolvait pas tout. Malgré les semaines qui avaient passé, les blessures infligées par l'horrible Snivellus tiraient encore sur sa poitrine, surtout lorsqu'il abusait de corvées et de tâches ménagères. Ironiquement, l'absence de match de quidditch l'avait préservé de devoir affronter ses propres limites : il avait certainement perdu une partie de son habilité de poursuiveur au passage, mais cela n'avait pu entâcher les performances de Gryffondor. Piètre consolation. Le sorcier secoua la tête pour faire fuir l'amertume de sa tête.

James entama sa marche dans le parc vide : une heure plus tôt, des écoliers s'esclaffaient et passaient les dernières heures de l'année scolaire allongés sur l'herbe. Mais le soleil commençait à décliner et, une heure avant le dîner, tous s'affairaient désormais à remplir leurs malles et bagages. Tous ? Non ! une étudiante résistait encore à la frénésie des derniers préparatifs. Lily, adossée à l'ombre d'un chêne, se délassait d'une journée qui avait été également éprouvante pour elle : les préfets n'étaient jamais autant sollicités que la veille des vacances, lorsqu'il s'agissait de retrouver un rapeltout à forte valeur sentimentale égaré quelque part dans la salle commune, de rattraper un chat récalcitrant juché sur une armure et refusant de descendre, ou de trancher une sombre histoire d'emprunt (ou de vol, selon les points de vue) d'une cape de sorcier . A la vue de sa petite amie, le garçon ralentit et inspira profondément. Il avait un plan. Un plan pour parer à son insatisfaction.

Cela faisait plusieurs semaines – plus de deux mois en fait – que Lily et lui sortaient ensemble. Sur le papier, tout se passait bien. Ils se taquinaient sans trop se disputer – environs trois fois sur cinq, ils parvenaient à éviter l'affrontement. Les ragots allaient bon train, mais finalement, aucun ne les avait atteints de plein fouet. En dépit des stressants ASPICS qui demandaient tant de révisions, ils avaient même réussi à partager de nombreuses nuits ensemble - et tout se déroulait bien de ce côté, mieux que bien, même. Alors que demandait le peuple ?

Par la barbe de Merlin, le peuple réclamait une déclaration. Nette, précise et sans équivoque. James en avait trop dit lors de leurs premiers ébats – il s'en était mordu la langue par la suite. Heureusement, elle n'avait pas pris la fuite pour autant – mais le rapport lui semblait bien trop déséquilibré. En sa défaveur. Or, la vulnérabilité ne lui convenait guère. Il fallait absolument que Lily crache le morceau ! Bien sûr, il ne l'aurait jamais avoué à qui que ce soit, mais depuis le duel avec Rogue, l'idée infusait en lui comme un thé oublié sur un bureau, amère et sombre. Surtout qu'en dépit de son cœur immense, Lily était suffisamment orgueilleuse pour couper les ponts si elle estimait que ses relations ne lui convenaient plus… Rogue l'avait bien cherché (l'imbécile), mais James ne pouvait pas empêcher une vague crainte de s'installer et parasiter sa fierté qu'il avait crue inébranlable avant l'arrivée d'une certaine sorcière dans sa vie. Il était évident que comparer sa relation à un match de quidditch le ferait passer pour le pire des mufles : mais c'était ainsi, James adorait gagner. Et la victoire ne serait complète que lorsqu'il aurait obtenu une déclaration d'amour de Lily Evans. Il avait tendu des perches, laissé des silences lourds de sous-entendus, multiplié les échanges de regards intenses : sans succès. La jeune fille n'était certes pas froide, au contraire, mais il avait dit « je t'aime », elle non, et Sirius avait beau lui rire au nez en arguant que c'était vraiment une inquiétude de midinette, James n'arrivait pas à passer outre. C'était une lente torture que son meilleur ami connaîtrait peut-être un jour : l'infime incertitude quant aux sentiments de son être le plus chèrement désiré.

Alors il avait élaboré un plan, et la première étape jouait en sa faveur. « Hé, Evans ! » cria-t-il en sortant une enveloppe de sa poche. « Prête pour le décompte des points ? »

Lily se tourna vers lui en souriant et le battement de son coeur accéléra : l'ivresse était délicieuse.
Les courriers des résultats des ASPIC arrivaient toujours avant les vacances scolaires afin de permettre aux élèves de dernière année d'organiser leurs rattrapages ou même leur redoublement avant de quitter l'école. Sans surprise, tout leur petit groupe avait décoché son diplôme – même Peter avait obtenu l'examen de justesse. Le détail des notes leur était parvenu le matin même, et les deux préfets-en-chef s'étaient croisé toute la journée à force de courir après des familiers en fuite et de régler des conflits de dernière minute.

« Plus prête que toi. » répondit la sorcière en refermant son livre, tandis qu'il s'asseyait en tailleurs face à elle.

« Très bien, je t'écoute. »

Lily sortit le parchemin de la poche avant de sa chemise et le déplia doucement avant de le mettre à hauteur de nez de James. Pointant son index sur le total des notes, elle annonça avec félicité : « Neuf cent cinquante-quatre points. » Il émit un sifflement admiratif. « Pas mal, Evans. Pas mal du tout. »

« Et toi ? »

« Neuf cent cinquante points. »

Triomphante, elle brandit le poing de la victoire. « Je t'ai BATTU, Potter ! »

« Et c'est moi qu'on traite d'ultra-compétitif… »

« J'ai gagné le pari. » insista la sorcière. « Tu avais une matière en plus que moi. »

« Taratata ! Quel mauvais joueur ! J'ai une note plus élevée, c'est tout ce qui compte. Un vrai Gryffondor sait reconnaître dignement sa défaite. »
Un sourire mutin apparut sur le visage de James, sourire qui ne promettait rien de bon.

« Ta note globale est plus haute, c'est vrai. Mais les termes de notre pari ne portaient que sur la note de métamorphose. »

« Tu n'es qu'une arnaque sur pattes. » protesta la sorcière. « C'est trop facile de revenir sur ta parole maintenant que les jeux sont faits. »

« Le but n'était pas de réaliser des comptes d'apothicaire pour élire qui était le meilleur aux ASPIC. Le but était de prouver qui était le meilleur tout court en métamorphose puisque c'est là que nous avions parié. Et il se trouve que j'ai obtenu cent quatre-vingt-dix neuf points à cette épreuve. » rayonna James.

« Je ne te crois pas. » déclara-t-elle calmement, mais saisit malgré tout le papier qu'il lui tendait.
Défaite, Lily déchiffra la ligne des résultats en métamorphoses. Elle avait reçu une note tout à fait honorable de cent soixante points, mais battre James dans son domaine de prédilection aurait été la cerise sur le gâteau.

« Je suppose que, d'une certaine manière, nous avons tous les deux gagné. »

« Ou alors nous avons tous les deux perdu. » rectifia-t-elle.

« Un vrai Gryffondor sait reconnaître sa défaite. » lui rappela James. « Admets la tienne, alors ! Je suis le meilleur en métamorphose. Tu peux être la meilleure dans tout le reste. » concéda-t-il d'un geste nonchalant de la main.

« Arrête de m'embrouiller. Tu as perdu ce pari. Les termes étaient les suivants : si tu gagnais, j'acceptais de monter sur ton balai. Si je gagnais, tu devais rendre une visite au calmar géant : alors j'espère que tu as emporté ton maillot de bain. »

James renifla. « Oublie le pari, on s'en fiche. Et si tu tiens vraiment à ce gage stupide, je m'exécuterai. Mais en contre-partie… s'il te plaît, viens voler avec moi. »
Elle fit non de la tête. « Je n'ai aucune envie de me rompre le cou à quelques jours seulement des vacances. »

« S'il te plaît ! Je sais que les leçons de vol ne t'ont pas mise à l'aise, mais c'est la dernière occasion de survoler Poudlard ! La vue est imprenable ! Promis, on redescendra au moindre problème. Ce n'est pas comme si je t'emmenais jouer un match de quidditch. Le ciel est superbe, il fait chaud, il n'y a pas de vent. C'est la dernière fois que cette occasion se présente. Pour notre dernier jour…Tu ne le regretteras pas ! »

Elle roula des yeux en signe de protestation. « Je le regretterai, si je tombe. »

« Est-ce que j'ai une tête à te laisser tomber ? » Accepte, sinon mon plan échoue. Il saisit sa main et conjura son meilleur regard de boursoufle abandonné. « S'il te plaît, Lily… » La sorcière soupira profondément. « Tu me promets de revenir à terre si je te le demande ? » Triomphant, James embrassa la paume de sa main. « Juré. Accio Nimbus Flash ! »

Il se releva et l'aida à se hisser sur ses pieds tandis que le balai, tout juste sorti des vestiaires de quidditch, s'arrêtait entre eux. James tendit la main pour en prendre la maîtrise et s'assit dessus, beaucoup plus proche des brindilles que d'habitude afin de permettre à sa petite amie de monter sans difficultés.
Celle-ci se leva, les mains sur les hanches, soupirant et effectuant des pas d'hésitation.

« Lily… s'il te plaît… »

Insistant, il performa sa meilleure moue suppliante. Finalement, elle baissa les bras et s'approcha à contre-coeur. Yes !

« Je suppose que les Gryffondor doivent agir en dépit de leurs peurs. » déclara-t-elle avec appréhension en enfourchant le balai derrière lui. « Mais je te préviens. Si tu me lâches, je mourrai. Et ensuite, je te quitterai. »

« Fais-moi confiance. » sourit-il. Il sécurisa son bras gauche autour de sa taille, sa main droite appuyant sur le manche. Puis, ils décolèrent avec douceur.

Lily eut la sensation de se trouver dans un ascenseur : pour le moment, ils n'avançaient pas encore et se contentaient de prendre de la hauteur. Très lentement, le panorama changea, Poudlard apparaissant avec la totalité de ses tourelles et de ses passages extérieurs. La cabane de Hagrid ressemblait de plus en plus à un tas de pailles, et le terrain de quidditch à un jeu de construction pour enfant.

« Ça va, Evans ? » murmura-t-il à son oreille.

Elle grogna un acquiescement inintelligible.

« Tu as vu comme le lac scintille ? Et les montagnes après Pré-au-lard ? Je suis sûr que tu ne les as jamais vus comme ça ! Il n'y a pas de point de vue similaire à Poudlard ! Oh, et au pied de la colline, là-bas, il y a parfois des troupeaux de licornes à cette heure-ci. Tentée d'aller jeter un œil ? »

« Je suppose que oui… » approuva-t-elle prudemment.

« Accroche-toi, on démarre ! »

Elle s'efforça de ne pas enfoncer ses ongles dans l'avant-bras du jeune homme tandis qu'ils progressaient vers le nord. Au bout de quelques minutes, toutefois, elle commença à se relaxer un peu. Ils avaient trouvé leur vitesse de croisière, et James prenait garde de ne réaliser aucune accélération sans la prévenir au préalable, aucun mouvement brusque qui aurait pu la surprendre. Vu la distance monstrueuse qui les séparait du sol, mieux valait éviter de regarder en bas et admirer le paysage à l'horizon. Elle se surprit à admirer les perspectives inédites des lieux qu'elle connaissait par cœur. Elle osa même se pencher légèrement par-dessus bord alors qu'ils surplombaient Pré-au-lard.

« Oh, je crois que c'est Hagrid ! Il paraît si petit… »
Les espoirs de James se réalisèrent : les licornes étaient de sortie. Leurs peaux argentées miroitaient sous le soleil déclinant. D'aussi haut, on aurait dit un tableau impressionniste. Les tâches blanches et brillantes se mélangeaient aux teintes de roses et de vert qui annonçaient le début de l'été écossais.

« Quel dommage ! Sept ans passés ici, et je n'ai pas vu grand-chose d'autre que l'école et Pré-au-lard… » déplora-t-elle.

« Rien ne nous empêche de revenir. »

Elle se cala encore davantage contre lui.

« Ce ne sera pas pareil. »

Le combat qui les attendait était gigantesque, mais elle n'avait pas envie d'y réfléchir pour le moment. * James comprit sa mélancolie et embrassa son épaule. Précautionneusement, il effectua un demi-tour pour les faire rejoindre le château. L'exclamation de Lily, alors qu'ils repartaient vers l'ouest, le fit sourire de toutes ses dents : c'était exactement ce qu'il avait prévu, leur timing était parfait. Le soleil couchant diffusait ses peintures flamboyantes sur la toile du ciel. Rose, orange et bleu se disputaient la voûte céleste et répandaient leur luminosité sur les arbres de la Forêt Interdite. Quelques petites touches de flocons nuageux apportaient encore davantage de reflets et de nuances. Le contraste avec la silhouette sombre de Poudlard était sublime.

« Tu vois, ça valait le coup de me faire confiance. »

Plus à l'aise qu'elle ne l'avait été depuis le début du vol, elle se dégagea légèrement de son étreinte pour attraper délicatement sa joue droite. Les yeux brillants, elle l'embrassa avec une tendresse qui le plongea dans un état de félicité absolument délicieux.
Aucun d'eux ne remarqua le premier vol de hiboux qui amenaient la Gazette du Soir. Ni le second qui suivit aussitôt, émergeant d'un nuage cotonneux qui n'inspirait aucune méfiance. Les oiseaux foncèrent sur le couple dans un bruissement d'ailes assourdissants.
Lily sursauta si fort qu'elle manqua de tomber. Pris de panique, James, pour la première fois depuis des années, perdit le contrôle de son balai. Le paysage titanesque fut soudainement réduit à la pelouse verte qui se rapprochait, beaucoup, beaucoup, beaucoup trop vite… Il parvint à rattraper le manche juste à temps. Dans l'espoir d'amortir leur chute, il tendit les pieds en avant : comme des freins, ils s'enfoncèrent dans la terre du terrain de quidditch et les ralentirent peu à peu... Enfin, le balai s'immobilisa et ils furent propulsés en avant.
James avait atterri sur le dos. Il reprit conscience de la réalité par le biais de ses talons qui brûlaient à l'intérieur de ses chaussures. Le coup au cœur vint quand il se rappela qu'il n'était pas seul sur son balai. Les yeux écarquillés de peur, il roula sur le côté.

« Lily ! » appela-t-il avec angoisse. Si elle était blessée, ce serait par sa faute ! Il avait été si stupide d'insister ! Et si elle était saine et sauve, peut-être le détesterait-elle pour s'être acharné à la faire monter sur un balai alors qu'elle en était terrifiée…

Elle se trouvait un mètre plus loin, prostrée sur le côté, et ses mains cachaient son visage. S'avançant à genoux, il se pencha sur elle pour s'apercevoir qu'elle tremblait.

« Tu as mal quelque part ? » s'étrangla James, angoissé par les soubresauts dont elle était victime. En l'absence de réponse, il saisit ses poignets, à la recherche d'un bleu ou d'une coupure – peut-être pire encore… mais la sorcière semblait intacte. Plus que ça, en fait : ses tremblements trahissaient non sa peur, mais son hilarité. Infiniment soulagé, James se détendit un peu tandis que Lily explosait de rire et se laissait aller sur le sol.

« Merci Circé, Morgane, Merlin, tu es entière ! » soupira-t-il de tout son être. « Qu'est-ce que tu aurais fait, avec des poignets cassés ? Alors que tu as de si jolis poignets… » Ignorant le fou rire de la sorcière, il utilisa la légère pression maintenue sur ses articulations et souleva ses avant-bras de quelques centimètres. « … et de très beaux coudes. Tu sais que tu as de très beaux coudes ? »

« Mon dieu, donnez-moi la force… » implora-t-elle. Elle leva les yeux au ciel mais son sourire rayonnait. « Garde tes compliments à deux noises, Potter ! Il y a deux minutes, tu as failli me tuer ! »

« Si je n'ai pas vu les hiboux à temps, c'est parce que tu m'embrassais… Ce n'est pas ma faute si tu passes ton temps à me distraire ! »

« Ni la mienne si tu n'arrives pas à te retenir. »

« Peuh ! Tu adores ça. Arrête de rire ! » Mais le fou rire commençait à le gagner aussi.

« J'ai eu super peur ! » se gondola-t-elle.

« Pardon… Mais je te tenais ! Promis ! Je ne t'aurais jamais laissé tomber, tu le sais, n'est-ce pas ? »
Les vagues d'hilarité commençaient à se dissiper et les respirations s'approfondissaient.

« Je crois que je le sais, oui. » répondit finalement la jeune fille. Ses grands yeux verts offraient une insondable profondeur. Il ne parvenait pas à saisir ce qui se déroulait en elle. Merlin, que le silence était pesant. Savait-elle le tourment qu'elle lui infligeait ? Que fallait-il lui prouver de plus ? Les réveils au beau milieu de la nuit, les discussions à n'en plus finir, les déclarations, les cadeaux, les vols au soleil couchant… Il s'était ouvert – il avait offert son coeur sur un plateau, nom d'un dragon – mais elle se refusait à effectuer le pas restant. Entêtée et fière comme une vraie Gryffondor. Il n'allait pas non plus la supplier d'avouer ses sentiments ? Il lui restait très peu de dignité quand il s'agissait de cette fille – soit. Mais même lui avait ses limites ! C'était sûrement lourdaud et stupide, mais tant qu'elle n'aurait pas prononcé la phrase, l'issue resterait incertaine pour lui.
Dis-le… allez, dis-le… juste trois petits mots. Plus vertigineux qu'une descente en Nimbus Flash, plus étourdissant qu'une embardée en plein vol, plus épatant qu'une coupe de quidditch portée à bout de bras… Deux syllabes. Deux misérables syllabes ! « CORNEDRUE ! EVANS ! Vous n'avez pas honte ?!»

Le cri faussement outré de Sirius les extirpa de leur transe d'embarras et de gêne. Pouvait-on mourir de frustration ?

« Est-ce que c'est un spectacle recommandable pour des première année ? Le monde magique part à vaut-l'eau, c'est un scandale… Ah non, ne partez pas tout de suite, j'ai quelque chose à vous dire. »

Sans aucune gêne, Sirius s'installa dans l'herbe, entre les deux tourtereaux qui tentaient de retrouver une posture assise.

« Tout va bien ? Tu saignes un peu, Cornedrue. »

James frotta son coude qui avait raclé la pelouse pendant sa chute et haussa les épaules.

« Des égratignures. »

« James nous a fait tomber de son balai. » rétorqua Lily, mais son sourire était trop taquin pour que la pique soit sérieuse.
Sirius fit un vague geste englobant la tête de la sorcière. « Ceci explique cette coupe… intéressante, Evans. Mais ce n'était pas le sujet de ma venue. » rectifia-t-il tandis que Lily utilisait ses doigts comme peignes de fortune pour remettre un semblant d'ordre dans ses cheveux follement ébouriffés par le vol et la chute. Songeur, Sirius sortit une cigarette de sa poche et l'alluma distraitement, comme si le geste pouvait l'aider à trier ses réflexions. « J'ai bien réfléchi. J'ai dix-huit ans révolus, bientôt dix-neuf. Que le croque-mitaine me dévore si je me trompe, mais je crois qu'il est temps d'appliquer un conseil donné par un adulte responsable. Un seul, pas plus. » Il tira une première bouffée sous leurs regards perplexes. « L'avocat que m'a recommandé Euphemia a gagné contre ma mère. J'ai récupéré l'héritage que m'a laissé Alphard Black. Je suppose que la moindre des choses à faire est d'écouter la suggestion de ta mère, Cornedrue. Ne pas dilapider la somme rondelette qui se trouve désormais dans mon compte de jeune sorcier émancipé, et de l'investir dans quelque chose de solide qui ne soit pas une moto moldue ou mon poids en whisky Pur-feu. »

Jouant du silence stupéfait de ses amis, il tira une bouffée de cigarette avant de sortir, de sa poche arrière, la page immobilière de la Gazette.

« Par exemple, en achetant un appartement. On s'était toujours dit qu'on habiterait ensemble après Poudlard, Cornedrue. Mais pour ça, j'ai besoin d'indications. Qu'est-ce que je fais ? Je repère pour un, pour deux ? Pour trois ? » ajouta-t-il après un infime coup d'œil en direction de Lily.

« J'apprécie ta délicatesse. » s'émut cette dernière. « Mais je m'en voudrais de briser vos beaux projets de vie entre maraudeurs. »

« Dis plutôt que tu n'as pas confiance en mes qualités de colocataire. » la provoqua Sirius avec un sourire en coin.

« Ce n'est pas totalement faux. » avoua la jeune sorcière. « Je parie sur deux semaines avant que l'appartement explose. »

« Peuh. On a partagé la même chambre pendant sept ans, et la tour de Gryffondor tient toujours debout, à ce que je sache. »

Elle roula des yeux. « Mais dans quel état ? C'est bien là la question… »
Déjà, le cerveau de James surchauffait. Et comme d'habitude, il ne pouvait s'empêcher de foncer comme la tête brûlée qu'il était : les mots surgirent sur ses lèvres avant même qu'il n'en calcule les risques. « Sirius a raison, tu pourrais venir avec habiter avec nous. Je suis sûr que ta présence réduirait les risques d'incendie au moins de moitié. »

Le regard de sa petite amie s'attarda sur lui. Elle n'en a absolument pas envie, comprit James. Trouvant une parade, Lily pointa son index sur Sirius.

« Sirius ne souhaite pas que je m'installe avec vous. Il a demandé par égard pour toi. Ce qui ne veut pas dire que je n'apprécie pas l'effort de politesse… »
L'intéressa haussa les épaules et rejeta ses cheveux en arrière. « Ça dépend. C'est vrai que j'avais plutôt prévu de vivre avec mon meilleur pote. Maintenant, si tu sais cuisiner, par exemple… »

« Black, je n'emménagerai pas chez toi pour devenir ta domestique. Est-ce que j'ai l'air d'une elfe de maison ? »
James refusa toutefois de lâcher le morceau. « Mais qu'est-ce que tu feras après, alors ? Tu resteras habiter chez mes parents alors que je vivrai ailleurs avec Sirius ? C'est absurde. » Le petit groupe avait prévu de poser ses bagages chez les Potter le lendemain, avant de se rendre à la petite cérémonie d'entrée du programme des Aurors à laquelle Marlene et Alice devaient assister. Y rester pendant les vacances d'été semblait logique, mais rien n'avait encore été décidé pour la suite.

« Je trouverai mon propre appartement dès que j'aurai obtenu mon premier poste et un contrat qui rassurera un éventuel propriétaire. J'ai un entretien au CRIM mercredi, j'aviserai ensuite. »

« Tu as d'autres pistes ? »

Lily demeura impassible.

« Et bien, en vérité, non. De moins en moins d'entreprises privées semblent prêtes à accepter de nés-moldus. C'est trop risqué… Mais le CRIM est un établissement publique. Ils continuent de recruter et rémunérer les gens comme moi. Le même problème se pose pour les logements, mais ce n'est pas grave, ce ne sont pas les immeubles moldus qui manquent. »

« A condition que tu arrives à changer ton argent. » marmonna James. « Qu'est-ce que tu feras si les gobelins refusent de transformer les gallions en livres sterling ? » Tous s'assombrirent d'un coup. C'était paru le matin-même dans la Gazette : Gringotts se réservait le droit de refuser les conversions en monnaie moldue, afin d'éviter « une dilapidation des fortunes sorcières. »

« Évidemment, si tu venais habiter avec nous, cela réglerait le problème. » reprit James.

« Tu pourrais emménager avec nous. L'appartement n'aurait besoin que de deux chambres de toute façon, puisque tu dormiras dans son lit. » formula Sirius.

« Mais alors, où dormirait James ? » fit mine de s'inquiéter Lily.

« Je lui offrirais bien le mien, mais il ronfle trop. Il n'aura qu'à utiliser le canapé. »

James laissa les deux ricaner : lui n'avait pas le cœur à rire, car Lily esquivait la conversation comme un attrapeur fuyait les cognards.

« Deux traîtres à leur sang et une née-moldue, une bonne base pour une colocation parfaite. » insista Sirius. « Des pâtes. Des sandwichs. Des bières. Des fêtes. La vie, quoi. »

« C'est adorable, mais je vais me débrouiller. » rit Lily. « Installez-vous ensemble, faites enrager votre voisinage comme vous avez fait enrager McGonagall, faites le plein d'histoires improbables à raconter à la génération future... »

« A ta guise. » La déclaration de Sirius était laconique, mais James le connaissait assez pour savoir qu'il était secrètement soulagé que Lily se retire du paysage. « On rentre ? J'ai entendu dire que la relève s'était procurée du whisky pur-feu pour fêter notre dernière journée à Poudlard. De braves petits ! Je suis un peu ému, je crois qu'on leur a transmis les valeurs les plus importantes de Gryffondor… »

James demeura relativement éteint jusqu'à leur arrivée dans la salle commune où Lily partit rejoindre les autres filles de septième année qui bavardaient près de la cheminée.

« Ça te plaît pas, hein ? » lui demanda brusquement Sirius dès qu'elle se fut suffisamment éloignée.
James croisa les bras. « Une née-moldue qui s'installe seule dans une résidence où personne n'aura de baguette pour venir à son secours, et cette née-moldue se trouve être ma copine. L'idée ne me déplaît pas, Patmol, c'est juste le plan le plus stupide du monde. Elle n'a qu'à envoyer une invitation de crémaillère à Voldemort et ses sbires, ça ira plus vite. »

Sirius haussa les épaules. « C'est très noble de ta part. Surtout que ton inquiétude n'a rien à voir avec la jalousie de la voir s'installer ailleurs que chez toi.» James fronça les sourcils : il n'avait pas à se justifier sur ce point, même pas auprès de Sirius. Ce dernier lui administra une vigoureuse tape sur l'épaule. « Et ben, mon vieux Potter… bonne chance pour lui expliquer tout ça en des termes qui ne lui inspireront pas un sortilège de chauve-furie à ton égard. » James poussa un long soupir et replongea ses mains dans ses poches. C'était déjà se mettre en danger que d'avouer ouvertement ses sentiments… mais quel était l'intérêt de cette vulnérabilité si les choses continuaient exactement comme avant, lorsque Lily se méfiait de lui et qu'ils vivaient en parallèle sans jamais se rencontrer vraiment ?


« Minerva ! Votre thé refroidit. »

Sortant de sa torpeur, la sorcière réalisa que la remarque d'Albus Dumbledore était tout à fait exacte. D'un mouvement hâtif de l'index, elle réchauffa la tasse.

« Sacrilège ! » souffla malicieusement le directeur. « Un bon thé ne se réchauffe jamais lorsqu'il a déjà été infusé ! »

« Je déteste le gâchis. »

Minerva se redressa sur sa chaise. L'obligation administrative était devenue une sorte de tradition. Le dernier jour de l'année scolaire, alors que le directeur et son adjointe se retrouvaient pour clore officiellement les bulletins scolaires et envoyer par hiboux officiels les dossiers des jeunes sorciers et sorcières qui s'engageaient dans la fonction publique magique, Minerva et Albus profitaient de leur tâche ingrate pour s'offrir un petit-déjeuner royal en papotant de tout et de rien. « Quelque chose vous tracasse ? » demanda le vieux sorcier avec beaucoup de douceur.

« Mis à part que tout ceci doit être fini avant le départ du train, non, pas plus que ça. »

Mais ces paroles à peine prononcées, elle sut que c'était inexact.

« En vérité, Albus… j'expérimente… non, c'est idiot. Le professeur Stubbs appellerait cela un pressentiment, je présume. »

Le directeur fit mine de porter une main à son cœur. « Ma chère Minerva ! Vous deviendriez une adepte des arts divinatoires ? »

Un claquement de langue ironique lui répondit. « Certainement pas. Me voilà juste anxieuse, c'est tout. Je crois que cela date d'hier soir, en fait. J'ai reçu un message d'Alastor. Il me demandait un rapport sur les potentielles nouvelles recrues. »

« Et que lui avez-vous répondu ? »

« Qu'il n'est pas chef des armées et que je ne suis pas son général, pour commencer. Mais également qu'on n'allait peut-être pas fondre sur ces enfants comme sur des proies. »

Albus recula et jeta son insondable regard bleu à travers la fenêtre.

« Vous savez, Minerva… Aussi brutal puisse se montrer Alastor, je crains qu'il n'ait au moins en partie raison. »
Minerva reposa son thé, écœurée.

« Ils ont dix-sept, dix-huit ans tout au plus. »

« Je ne préconise pas de recruter en masse. Mais une approche ciblée... »

« Ce sont des enfants. »

« Certains ont traversé, ces derniers temps, des drames qui les rendent infiniment plus responsables que certains adultes. »

Minerva se leva de son fauteuil.

« Si cela ne vous embête pas, Albus, je terminerai de tamponner tous ces bulletins après le départ du train. Ce sont nos élèves, pas de la chair à baguette. La plupart ne savent même pas se faire cuire un œuf ou laver leurs chaussettes, tant ils ont bénéficié des services des elfes de Poudlard. Les prochains mois sont ceux de leur entrée dans la vie adulte – alors comment oser leur demander une chose pareille ? Entrer dans l'Ordre alors que... »

« Minerva. » Le rappel à l'ordre lui fit l'effet d'une douche froide. Poudlard n'était plus aussi sûr qu'avant, les murs avaient des oreilles. « Ce matin encore, Sirius Black a renversé son jus d'orange dans les chaussures de Peter Pettigrow pour amuser la tablée. Aussi doués que soient certains de nos élèves, je doute que les projets d'Alastor soient raisonnables. »

« Sirius Black est désormais diplômé. » la contredit doucement Albus. « Il n'est déjà plus notre élève, Minerva. »

« Le train part dans trois quarts d'heures. Pour trois quarts d'heure, il est encore sous ma supervision. » s'obstina l'enseignante. Elle savait qu'Albus Dumbledore était sage et elle ne lui en voulait pas la moins du monde. Ni même à Alastor Maugrey, en vérité… mais le futur qui se dressait devant ces enfants (car ils n'avaient même pas vingt ans, nom d'un dragon !) lui hérissait le poil. « Sur ce, je vous laisse. Je vais vérifier que nos futurs soldats n'ont pas oublié leurs pyjamas ni leurs encriers sous les canapés de leur salle commune. » ironisa-t-elle avant de se diriger vers la porte.

En la refermant, elle constata qu'Albus Dumbledore regardait toujours au dehors, perdu dans ses réflexions.
Il y avait des limites, songea-t-elle tandis qu'elle s'éloignait des tours réservées à l'administration. Les couloirs redevenaient plus vivants, les enfants et adolescents plus présents. Grisés par la fin d'année scolaire et l'arrivée imminente des vacances, ils s'arrêtaient à peine de courir ou de chahuter en la voyant arriver sur leur chemin. Il y avait des limites. Oui, l'actualité était terrifiante et la faisait se relever la nuit. Mais ce n'était pas une raison pour considérer des enfants comme des guerriers en puissance.

Comme à chaque départ, c'était la joyeuse cohue : qui courait après son crapaud fuyard, qui pleurait sur l'épaule de ses amis à l'idée d'être séparé pendant deux mois, qui tentait d'épater la galerie avec un dernier tour de magie permis par le Ministère tandis qu'ils se trouvaient sur le territoire de Poudlard… Arrivée à la tour de Gryffondor, elle tomba sur les deux préfets-en-chef qui tentaient de vider la salle commune. « Accio rapeltout ! » répétait James Potter dans une position peu flatteuse. Le jeune homme rampait à plat ventre, les quatre fers en l'air, le bras tordu pour accéder à un angle improbable entre une statue de plein pied représentant Godric Gryffondor en personne, un cellier rempli à craquer de jeux de société magiques et une plante en pot patibulaire qui refusait qu'on la déplace sans assommer l'importun de ses lianes vengeresses. « Tu es sûre que tu as vraiment besoin de ce rapeltout ? » demanda Lily Evans à la jeune première année rougissante qui acquiesça vivement du chef. « Il était à ma mère, elle y tient beaucoup. » marmonna la gamine. Potter jura une nouvelle fois, répéta le sortilège d'attraction. Alors que Minerva s'apprêtait à intervenir, il poussa un cri victorieux : tel un attrapeur, il brandit le poing qui contenait la pierre rouge et luisante. Lily la lui prit et la confia à la première-année visiblement très soulagée.

« Hâtez-vous, Keller ! » la pressa McGonagall. « Le train ne va plus tarder. Potter, Evans ? Tout s'est bien passé ? »

« A merveille ! » grogna James Potter en se massant le bas du dos. « Quand je pense qu'on m'avait parlé de la gloire éternelle et sans tâche qui attendait les préfets-en-chef. J'ai passé l'année dans la paperasse et à plat-ventre pour le bon plaisir de première années complètement ingrats. C'est un scandale, professeur, un véritable scandale ! »

Minerva réprima un sourire : elle aurait déçu son élève en affichant un visage qui ne soit pas de marbre. « C'était un juste retour de bâton, Potter. Je ne compte plus les cheveux blancs que vous avez fait gagner à notre équipe pédagogique. »

« Naaah ! » nia le jeune sorcier avec un sourire impertinent. « On a simplement préservé votre jeunesse et votre agilité ! »

Minerva leva les yeux au plafond, pour le plaisir manifeste de son (ancien) élève.

« La tour de Gryffondor est vide à part pour nous trois, Professeur. » prévint Lily Evans. « Il est temps de rejoindre le quai, James… par Merlin, que tout ça semble bizarre. »

Les deux jeunes gens échangèrent une drôle d'expression mélancolique : il s'agissait de leur dernier instant passé dans leur Salle Commune.

« Qui sait ? Peut-être reviendrez-vous un jour, pour enseigner, par exemple. »

« Oh, professeur ! Imaginez un peu si nous devenions collègues ! » lança Potter, les yeux plus pétillants que jamais derrière ses lunettes.

« N'y pensez même pas ! Je m'adressais à Evans. Allez, ouste ! »

De la tour jusqu'à la gare, les élèves continuaient de se presser pour monter dans le Poudlard Express. Les effectifs s'étant considérablement réduits depuis le début de l'année. Le quai semblait bien plus clairsemé que les autres années. Minerva s'assura qu'aucun bagage n'avait été laissé sur le bord du quai, maintint la porte ouverte à un Serdaigle de cinquième année qui effectuait une provision de dernière minute de friandises au stand Honeydukes de la gare, houspilla (pour la dernière fois de sa carrière) Sirius Black qui s'était assis sur le rebord de la fenêtre de son wagon et fumait ouvertement une cigarette en dépit de tous les règlements de l'école. Puis le sifflet retentit et la locomotive se mit tranquillement en marche. Des enfants, songea-t-elle à nouveau. Elle éduquait et enseignait pour élever leurs esprits et leurs compétences, certainement pas pour les envoyer se faire massacrer par des sorciers mal dégrossis. Elle aurait une petite conversation avec Alastor Maugrey cet après-midi même, après la cérémonie d'entrée des apprentis Aurors.

James et Sirius s'étaient toujours un peu moqué des septième année lors de leur dernier trajet en Poudlard Express. La population se séparait généralement en deux catégories : la première partie partait en roue libre, riant, jouant, se poursuivant dans les couloirs de manière excessivement bruyante, euphorique, comme enivrée de whisky pur feu. Ils entraînaient les autres promotions dans leurs dernières bêtises et leur ridicule propageait une joie contagieuse. La seconde catégorie - en minorité numérique, et principalement composée de filles et de couples séparés par leurs orientations professionnelles respectives, il fallait l'avouer, s'échangeait des mouchoirs en se pleurant dans le creux de l'épaule ou en se collant aux vitres de manière exagérément nostalgique. Pendant des années, une partie de Sirius s'était néanmoins réjoui à l'idée qu'un jour, lui aussi serait traversé par l'ivresse du chapitre clos et de la vie devant soi. C'était désormais son tour de goûter au précieux nectar, mais cette année proposait une conclusion différente. Les disparitions avaient été bien trop nombreuses, les départs également, et les couloirs du Poudlard Express ne ressemblaient pas au joyeux chaos fêtard inhérent à la fin d'année scolaire et aux débuts des vacances estivales.

Même le compartiment des maraudeurs semblait empli d'une ambiance étrange qui donna à Sirius un désagréable sentiment de déjà-vu : déjà, lors de leur précédent trajet en train vers Londres, juste avant l'attaque de Sainte-Mangouste, l'atmosphère avait été morose. Une fois de plus, Remus était absent, car ce soir était une Pleine Lune et il passait donc la nuit au laboratoire de médicomagie pour les essais anti-lycanthropie. Marlene et Peter semblaient tous deux frappés du sceau de la mélancolie du départ - Marlene éprouvant de surcroît un certain stress en raison de la cérémonie des nouveaux Aurors qui aurait lieu plus tard le jour même. Lily avait pris place près de la fenêtre, perdue dans ses pensées, comme si la réponse à ses mystérieuses questions se trouvait dans la campagne britannique. Quant à Cornedrue… il essayait tant bien que mal de signifier son existence à sa bien-aimée, en lui effleurant la main ou en cherchant son regard, mais la sorcière ne remarquait sa présence que subrepticement, lui souriant avec absence avant de repartir aux pensées dont elle fermait rigoureusement l'accès à quiconque.
Sirius choisit alors sa stratégie de prédilection : se moquer de tout et de tout le monde, appuyant sur ce qui pourrait faire réagir ses comparses, piquant parfois là où il soupçonnait typiquement que cela fasse mal, mais son grincheux public réagissait mal à son humour déplacé. Apathiques, ils l'ignoraient. Poussés à bout, ils se contentaient de froncer les sourcils en le rappelant à l'ordre d'un « Sirius. » minimaliste. Un ennui mortel.

Au bout de deux heures, il prétexta une fringale pour enjamber sacs et malles et chercher de l'air dans le couloir : il étouffait. Après avoir acheté un sachet de patacitrouilles, il resta dans l'entre deux-wagons pour gober ses friandises.

« Bon appétit. » lui souhaita Aileas Barrow qui venait de régler la dame du chariot et de décapsuler son jus de citrouille. Il leva son sac comme une invitation à se servir, et la sorcière accepta en le remerciant et en lui tendant sa bouteille en échange.

« Vraiment la grosse rigolade ce trajet en train. » soupira-t-il.

Aileas lui lança un drôle de regard par en dessous.

« Ça été une année difficile. Je pense tous les jours à Cassie, tu sais. »

Il haussa les épaules. « Moi aussi, mais afficher des têtes de détraqueurs ne lui rendra pas ses jambes. »

« Hm… » Elle avala les bonbons et détourna le regard.

« Dis ce que tu as à dire, Barrow. Pas la peine de prendre des pincettes avec moi, tu sais, je suis résistant. »
Elle hésita un instant. « J'ai juste pensé que ta dureté… » Sirius insista d'un moulinet du bras. « … que peut-être tu étais bien un Black après tout. »
Sirius laissa échapper un rire sans joie et haussa les épaules. Factuellement, doucement, dangereusement, il répondit :

« Vas te faire voir chez les trolls, Barrow. »
Aileas écarquilla les yeux et recula d'un pas. « Oh, wow. Je comprends ce qu'Erin voulait dire. Bonne chance à toi, Black. »

Mais déjà il faisait mine de ne plus prêter attention. Tandis qu'elle disparaissait dans le couloir, Sirius mordit férocement dans une patacitrouille.


Sur le quai de la voie 9 3/4 qui se dépeuplait rapidement, Marlene et Lily se serrèrent dans les bras.
« Je dépose mes affaires chez Abram et on se voit cet après-midi ! » déclara Marlene avec un sourire pour chacun. Puis, elle posa sa main sur le tisonnier-portoloin qu'avait amené un employé du Ministère chargé de sa sécurité (brouillée ou pas avec sa mère, Abram avait insisté pour qu'elle accepte cette faveur ministérielle, c'était plus prudent), et disparut rapidement avec ses valises dans un tourbillon de couleurs.

James, Sirius, Lily et Peter devaient en revanche prendre le magicobus jusqu'à Godric's Hollow : ils se dirigèrent en dehors de la gare, traînant leur affaires avec plus ou moins d'aisance jusqu'à l'arrière du bâtiment. Enfin, James sortit sa baguette et l'agita pour appeler le transport sorcier. Ce dernier ne tarda pas à apparaître dans une pétarade et ils y grimpèrent, Peter marmonnant dans sa barbe des supplications pour que le bus ne batte pas des records de virages serrés et d'insupportables bonds.
Malheureusement, la célèbre nausée du magicobus prit bientôt le relais à différents niveaux pour chacun. C'est avec un soulagement non dissimulé qu'ils entendirent la voix annoncer « Prochain arrêt, Godric's Hollow ! Prochain arrêt ! »
En sortant les derniers bagages et diverses cages de hiboux du bus temporairement à l'arrêt, James eut la joie de remarquer sa mère qui avait fait l'effort de venir les accueillir.

« Très chère Euphemia ! » le dépassa Sirius en ouvrant grand ses bras vers la sorcière qui le lui rendit bien.
« Chouchou. » souffla James, faussement amer. Un sourire s'inscrit sur le visage de Lily, mais il fut de courte durée. Le jeune homme se sentait désolé : il avait l'habitude de ses humeurs changeantes, mais aujourd'hui particulièrement, il se sentait au pied du mur de l'intense forteresse dans laquelle elle semblait préférer se réfugier plutôt que de partager ses états d'âme. Dès qu'ils se furent éloignés du village, un sortilège de lévitation combiné à une formule de confusion appliqués aux bagages permit à tous de marcher tranquillement vers la maison des Potter. Sirius venait de défier Peter à courir vers leur demeure, désormais en vue, et Euphemia ralentit le pas pour se mettre à hauteur de son fils.

« James, avant que nous arrivions, il faut que je te prévienne… » Il savait déjà où elle voulait en venir. « Ton père est déjà bien diminué par sa condition. Sa santé… elle se dégrade plus vite que prévu. Il passe beaucoup de temps allongé, maintenant. »
James tendit son bras pour qu'elle s'y cramponne et posa sa main sur celle déjà bien ridée et tâchée de sa mère. A son autre côté, il savait que Lily tendait l'oreille, finement silencieuse.

« Je dirai à Sirius et Peter de ne pas trop faire de bruit. » assura-t-il. Ses deux amis se chamaillaient en amont du chemin et l'on entendait distinctement les aboiements provocateurs de Sirius et les couinements de protestation de Peter.
« Oh, je ne pense pas que ce soit un problème, au contraire. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, et la vie, c'est aussi très bruyant après tout ! »
« Pitié, Euphemia, ne les encouragez pas. » intervint Lily.
Le coeur de James s'allégea un peu tandis qu'il se laissait bercer par la douceur de leurs rires respectifs.


Comme annoncé, Fleamont dormait à leur arrivée. Un déjeuner sur le pouce plus tard, chacun se débarbouilla et revêtit une tenue plus à propos pour la cérémonie du Ministère, puis se retrouva devant la cheminée des Potter où James alluma un feu avant de se saisir de la poudre de cheminette.

« Vous transmettrez toutes mes félicitations à Marlene McKinnon et Alice Darley ! Amusez-vous bien ! » leur souhaita Euphemia avant qu'ils ne s'engouffrent tour à tour dans la cheminée.

« Une cérémonie officielle du Ministère, ma définition de la fiesta. » ironisa Sirius.

« Avance donc. » soupira James en le poussant gentiment dans les flammes vertes. C'était important pour Marlene, et donc pour Lily et Remus - il avait déjà négocié avec son ami plusieurs pintes qui suivraient cette petite corvée.
L'atrium du Ministère était plutôt calme en ce début d'été : seuls quelques sorciers et sorcières légèrement apprêtés se dirigeaient tranquillement vers une salle de réception, devant lesquelles se trouvait un officiel du Ministère équipé d'un coffre monté sur roulettes. Chaque personne montrant son invitation devait présenter sa baguette, qui rejoignait l'intérieur du coffre en échange d'un morceau de papier.

« Qu'est-ce qu'ils font ? » formula Peter à voix haute.

« Mesure de sécurité spéciale du nouveau protocole ! » répondit Frank Londubat qui venait d'apparaître à leurs côtés. « Salut tout le monde ! Salut Romuald ! » ajouta-t-il en direction de l'employé à la sécurité qui lui lança un regard blasé.

« Sérieusement ? Un vestiaire à baguettes ? » La voix incrédule de Sirius ne faisait que refléter la réticence de tout leur petit groupe.

« Tu pourras t'en passer pendant trente minutes, Black. »

« Frank Londubat, votre baguette est également requise. » déclara Romuald d'une voix robotique. Sirius ricana face à la mine déconfite de Frank.

« Est-ce vraiment nécessaire ? » demanda Lily en grimaçant, et James la remercia mentalement de poser la question. Romuald la dévisagea d'un oeil vide.

« Il s'agit de règles décidées au plus haut niveau du Ministère. Qui sommes-nous pour les questionner ? Merci Monsieur. » enchaîna-t-il en tendant un bout de papier au sorcier qui venait de lui confier son précieux bien.

« Je ne suis pas au courant que cette mesure concernait également les employés. » intervint Frank. « C'est vrai qu'ils tâtonnent beaucoup en ce moment, mais… »

« Aucun port de baguette ne sera autorisé à l'intérieur de la salle. »

« Bien, bien, bien. » répéta Frank machinalement. « Et bien, je m'exécute. » décida-t-il finalement, visiblement soucieux de montrer le bon exemple.
Romuald étiqueta le précieux objet, le rangea dans son coffre et tendit un morceau de papier. « Tu connais la règle. Ne le perds pas, aucune baguette ne sera rendue sans présentation du reçu. Pas de papier, pas de baguette. »

« Ah non, très peu pour moi ! » refusa Sirius.

« Il te faudra attendre dehors, alors. La seule personne qui est habilitée à garder sa baguette dans ce genre de situation, c'est Alastor Maugrey. Ecoute, c'est une simple mesure de sécurité. Ça fait une semaine qu'on fonctionne comme ça pour les événements officiels. Peu importe l'apparence du sorcier, s'il tente d'abuser nos services grâce au polynectar ou à la métamorphose… Pas de baguette, pas d'escarmouche. Au fond, c'est logique qu'on nous demande aussi le même petit sacrifice. A tout à l'heure ! » Frank s'engouffra dans la salle de réception.

Dépassant sa réticence, James grimaça et tendit sa baguette à Romuald. Sirius roula de gros yeux.

« T'es sérieux ? »

« C'est juste du protocole. » répondit James en essayant de s'auto-convaincre. « Merci. » Il glissa le papier dans la poche de son pantalon.

« Gardez bien votre numéro. Suivant ! »
Peter s'exécuta, puis Lily - à qui il confia son papier (« étourdi comme je suis, je risque de le perdre »). En minorité numérique, Sirius céda.

« Je vous préviens, si ma baguette n'est pas là quand je reviens… »
Romuald le jaugea d'un oeil torve. « Vous m'avez percé à jour, je complète mon salaire de misère par du trafic international de baguettes. »

« Viens, Patmol. » chuchota James en passant son bras autour des épaules de son meilleur ami qui s'apprêtait à riposter. « Trente minutes et tu retrouveras ta précieuse baguette. Ça va bien se passer. »

Ils se dirigèrent parmi les rangées de sièges qui faisaient face à une estrade. Aux premiers rangs, ils reconnurent Alastor Maugrey, les professeurs McGonagall et Mercador, ainsi que Catherine McKinnon. Au second rang se trouvaient les nouvelles recrues : Marlene qui leur fit un signe excité de la main (et regardait partout ailleurs que vers sa mère), Emma Prewett, quelques visages connus de Serdaigle et Poufsouffle, mais également des sorciers et sorcières qui semblaient un peu plus âgés ou qui étaient peut-être issus d'un recrutement international. Chacun portait un badge aux couleurs du service qu'il ou elle rejoignait. James compta : il était manifeste que les Aurors avaient été moins pointilleux sur leur sélection cette année-là. En plus de Marlene et d'Alice qui ne saurait tarder, on comptait huit recrutements au service des Aurors, c'était moitié plus que d'habitude, et ça n'annonçait rien de bon…
Au troisième rang, des employés confirmés tels que Frank Londubat bavardaient gaiement, vêtus de leurs plus beaux uniformes. Puis les familles et les proches des nouvelles recrues occupaient les sièges. Ils s'installèrent donc relativement au fond de la salle.

« Je me sens nu. Et pas d'une bonne manière. » grommela Sirius en croisant les bras sur sa poitrine.

« Trente minutes, Sirius, juste trente minutes. » répéta James avec lassitude.

Lily se pencha vers James.

« Je reviens. »

James serra ses doigts contre les siens avec insistance avant de la laisser se lever et s'éloigner.


Lily fit le chemin inverse, récupéra sa baguette auprès du vestiaire et se dirigea vers la fontaine de l'atrium. Il lui faudrait ensuite recommencer la procédure mais comme Sirius, se sentir dépossédée de sa baguette lui était très inconfortable.
Prudemment, elle s'assit sur le rebord et sortit de sa poche le mot qui l'avait obsédée toute la journée.

« Rendez-vous à cinq heures devant la fontaine magique. » Le mot devait avoir été tracé à l'aide d'un sort cursif tant il semblait impersonnel. Pour la cinquième fois au moins depuis qu'elle avait reçu le parchemin, Lily essaya de repérer une imperfection dans les mots tracés à la plume, un signe qui trahirait l'identité de son mystérieux expéditeur… Ne trouvant aucun détail manqué, elle le replia, décroisa les jambes en espérant les désengourdir, lissa sa robe. La cérémonie d'admission devait être sur le point de commencer : peu importe qui lui avait envoyé ce mot, elle espérait qu'il ne serait pas en retard.

Elle avait reçu ce mot à l'aube. Une chouette hulotte de la poste magique avait toqué à la fenêtre de James (encore profondément endormi), déposé le parchemin et s'était envolée aussitôt sa tâche accomplie. La fontaine magique faisait référence à celle de l'atrium du Ministère. Elle avait immédiatement fait le lien avec la cérémonie de cet après-midi. Elle avait plusieurs théories sur l'expéditeur, mais aucune ne semblait faire sens dans son esprit.

La cérémonie étant imminente, le calme régnait dans le grand hall du ministère. Lily ferma les yeux et inspira profondément en se laissant bercer par le bruissement aquatique dans son dos. L'agitation de la fin d'année scolaire - de la fin de Poudlard, son Poudlard, l'avait profondément remuée.

Comme beaucoup d'autres élèves, elle avait considéré cette école comme sa seconde maison. Mais cela n'avait jamais été aussi vrai que cette année, après l'assassinat de ses parents, la rupture avec Pétunia et la perte de leur pavillon d'enfance. Bien sûr, elle adorait l'atmosphère du domicile des Potter - qui aurait pu se sentir mal dans cette demeure à la fois cossue et confortable ? Mais ce n'était pas chez elle. Par ailleurs, elle recommençait à questionner la soudaineté et l'intensité à laquelle elle s'était éprise de James Potter. Etait-elle délirante ? S'agissait-il d'un mécanisme de gestion du deuil, destiné à combler les énormes failles affectives auxquelles elle était confrontée ? Par moments, elle lui en aurait presque voulu : son optimisme à toute épreuve, son énergie débridée lui rappelant à quel point son combat à elle pour rester à flots lui réclamait des efforts. Mais aussitôt, elle comprenait que c'était à elle-même qu'elle reprochait son incapacité à faire face au monde avec davantage de panache. Elle se sentait profondément perdue : habiter chez les Potter tandis que James et Sirius seraient en colocation était une option si étrange... Il en était hors de question ! Il lui faudrait trouver son chez-elle, rapidement. Mais elle avait toujours apprécié les ambiances pleines de vie, que ce soit dans sa demeure d'enfance ou dans la salle de Gryffondor. De plus, elle avait pris l'habitude de dormir avec James - plus que cela, de discuter, rire, l'étreindre sous les draps, s'endormir au son de sa respiration, se rassurer à la chaleur de son corps après ses cauchemars… Etait-elle prête à renoncer à ces moments qui lui faisaient du bien et l'aidaient à affronter l'incertitude de l'avenir en la ramenant sereinement au moment présent ?

Elle savait que le jeune sorcier l'aimait, il le lui avait explicitement formulé. Mais l'aimait-elle en retour ou trouvait-elle en lui un simple palliatif à son année de misères et de deuils ? Se sentirait-elle sereine à nouveau un jour ? L'atrium était vide à présent, sauf pour elle et Romuald qui regardait sa montre, prêt à déguerpir dès que l'horloge lui donnerait le signal. Un elfe de maison s'extirpa de la salle de réception, laissant s'échapper la rumeur des conversations pendant une courte seconde, avant de se hâter en direction des cuisines du Ministère. A gauche de la fontaine, les flammes vertes s'agitèrent et laissèrent apparaître un couple de sorciers que Lily reconnut immédiatement comme les parents d'Alice Darlay.

« J'avais pourtant dit à ce satané elfe de racheter de la poudre de cheminette ! » protesta Mr Darlay, très apprêté et marchant à grandes enjambées.

« John, tu pars dans le mauvais sens ! Regarde les panneaux… pourquoi veux-tu que la cérémonie ait lieu au Service de régulation des créatures magiques, enfin ? » le reprit sa femme en tirant sur un bout de sa manche. Le sorcier lui emboîta le pas mais ignora sa remarque.

« Je te jure, Peggy, que si nous ratons le passage d'Alice par la faute de cette créature… »

« C'est toi qui vas nous retarder, si tu continues de râler au lieu de marcher. »

Lily plia le mot et jeta un regard aux retardataires qui se pressaient, parés de leurs plus dignes atours, dans le hall désormais désert du Ministère. Elle leur sourit vaguement, mais le couple ne lui prêta guère d'attention et disparut finalement derrière les lourdes portes qui abritaient la cérémonie d'accueil des nouveaux membres du Ministère de la Magie. A nouveau seule, elle quitta le rebord de la fontaine magique où elle se trouvait assise et jeta un coup d'œil à l'énorme pendule accrochée au-dessus d'elle. Selon le programme, elle ne faisait que manquer le discours d'un émissaire ministériel – mais d'ici cinq minutes, elle risquerait de rater le passage de Marlene… Impatiente, elle jeta un dernier coup d'œil au mot. « Rendez-vous à cinq heures devant la fontaine magique. »
Un bruit de talons claquant sur le sol attira son attention. Alice Darlay, échevelée et rouge d'avoir trop couru, traversait le hall en vociférant. Apercevant Lily, elle lui adressa un signe de la main et ralentit à sa hauteur.

« ça a déjà commencé ? » Sans attendre de réponse, elle posa un poing sur ses hanches et s'agrippa au bord de la fontaine. « Oh, sainte-goule, j'ai plus de souffle, achevez-moi là… » Lily pouffa, rattrapa une épingle qui sortait du chignon échevelé de la retardataire et la lui tendit.

« Depuis une ou deux minutes seulement. Je viens de voir passer tes parents, ils étaient en retard aussi. »
Alice fit un moulinet avec le bras. « Un truc de famille. Même si ce n'est qu'à moitié ma faute, cette fois-ci. J'étais chez Guipure, et on m'a fait attendre pour l'essayage de la robe… Nom d'un dragon, je peux pas entrer comme ça ! » gémit-elle en remarquant la quantité de plis qui abîmaient sa robe de soirée.

« Retire ton manteau, je vais t'aider à te défroisser. » proposa Lily en sortant sa baguette.

« Merci ! » souffla Alice en écarquillant les yeux de gratitude.

Elles entreprirent de la débarrasser pour avoir un meilleur accès à l'étoffe, puis Lily lança un sortilège de défroissage informulé tandis qu'Alice essayait de reprendre un souffle cohérent.

« Tu attends encore quelqu'un, Evans ? » finit par demander la retardataire.
« Hm hm. » se contenta de répondre l'intéressée. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge : cinq heures moins trois… Les portes de la salle se refermèrent et l'employé en charge de la garde des baguettes scella précautionneusement le coffre contenant les précieux outils avant de le cadenasser magiquement. « Mais je crois qu'on m'a posé un lapin. Voilà, tu peux y aller. »
Encore essoufflée, Alice se contenta de lui adresser un large sourire et de tendre ses deux pouces en l'air en signe de remerciement, avant de se pencher pour ramasser

ses affaires. Une flamme verte s'agita alors dans une cheminée de l'atrium, laissant apparaître deux ombres qui s'extirpèrent de l'âtre et évaluèrent le hall vide.

« Darren ! » souffla-t-elle avec incrédulité. Sans qu'elle le leur ait commandé, ses pieds la guidèrent vers les deux arrivants. « Rendez-vous à cinq heures devant la fontaine magique » : c'était donc lui, le mystérieux expéditeur : mais qu'avait-il à lui dire ? Elle reconnut la sorcière blonde derrière lui, pour l'avoir déjà vue à Pré-au-lard avant d'aller passer son permis de transplanage. Le jeune homme écarquilla de grands yeux en la voyant arriver, tandis que la sorcière la prenait en joue.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » demanda-t-il.

Elle s'immobilisa à un mètre de distance. Ce n'était pas donc lui qui lui avait envoyé le mot ? « C'est plutôt à toi que je devrais poser la question. » rétorqua-t-elle.

« Qui est-ce ? » demanda rudement la sorcière sans la quitter des yeux.
« Tout va bien, Mary. » Il fit un geste pour l'amener à abaisser sa baguette. « Elle ne nous menacera pas. »
« Qu'est-ce que vous faites là ? » reprit Lily. « Il y a une cérémonie organisée par le Bureau des Aurors juste derrière cette porte… »
« Précisément. » déclara Mary. « Et tu nous fais perdre notre temps. Elle nous met en retard, Darren… »
« Je sais. Allons-y. Tu devrais partir, Lily. » conseilla-t-il froidement. Ses yeux s'attardèrent brièvement sur Alice, qui continuait de réajuster sa robe tout en observant la scène avec curiosité.

Sur ces mots, il la dépassa. Mary et lui entreprirent de grimper l'escalier menant aux étages administratifs.
Tout ceci n'avait aucun sens. Elle devait lui demander… « Si tu ne voulais pas me voir, pourquoi tu m'as envoyée ce mot ? » lança-t-elle alors qu'ils s'éloignaient.
Darren se retourna, manifestement confus.

« De quoi tu parles ? Je ne t'ai rien envoyé… » Mais alors qui ? « Tu devrais y aller, Lily. Vraiment. Prends une cheminée et va-t-en. »
Au bout de quelques mètres, ils avaient disparu dans les étages. Le coeur de Lily commençait à battre cette chamade si désagréable, qui lui était devenue si familière cette année : la mélodie funèbre du danger grondant qui faisait pulser son sang plus vite dans son corps et asséchait sa gorge.
Lily redescendit les marches. Alice la fixait tout en se rhabillant. Elle n'avait pas pu tout entendre d'aussi loin, mais quelque chose clochait : l'innocent stress du retard se transformait en vigilance de future Auror.

« Tout va bien ? »
« Alice, tu sais si Dumbledore doit venir à la cérémonie ? » demanda Lily, alarmée.
« Je l'ignore. Peut-être, oui, c'est un événement officiel après tout. Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu voudrais parler à Frank ? »

Lily s'apprêtait à acquiescer quand deux sorts furent simultanément lancés à travers la pièce.

« Stupéfix ! Expelliarmus ! » Quasiment disparu au bout de l'atrium, l'employé de sécurité magique se figea tandis que son coffre tombait sur le sol. En même temps, la baguette de Lily sauta dans les airs : aussitôt, Alice dégaina la sienne.
« Clipeum ! »

Une sphère blanche se forma autour d'elles, les protégeant temporairement de tout autre sortilège. Alice avait eu le bon réflexe : trois Mangemorts encagoulés venaient d'apparaître, tous vêtus de noir, et les encerclaient désormais. « Bah alors, les filles ? » les railla celui du milieu. « On est en retard à la fête ? On aurait mieux fait de rester chez soi, peut-être… ? »

« Tout dépend de leurs noms. » fit laconiquement remarquer celui qui se tenait à droite. Il tendit sa baguette et essaya de l'enfoncer dans la sphère de protection. L'enchantement craquela légèrement et Alice se mit à suer à grosses gouttes. Elle tenait bon malgré tout. Instinctivement, Lily plaqua ses paumes sur la surface argentée et invoqua un sortilège du bouclier. La manière n'était peut-être pas orthodoxe, mais suffisamment efficace pour qu'une décharge électrique revienne contre le Mangemort : celui-ci chuta maladroitement en arrière sous le choc et poussa un juron étouffé par son masque.

« Woh, tout doux ! » glissa le Mangemort du milieu. « Dites-nous tout, les filles… donnez-nous vos noms et peut-être que vous aurez de la chance. Toi, je te reconnais… tu es la fille Darlay, n'est-ce pas ? Et le mariage avec Londubat est prévu pour bientôt, je crois ? Tu as de la chance. Rentre chez toi, fais ton devoir. Occupe-toi des petits sang-pur que Londubat te donnera et tu n'auras rien à craindre. »

Alice serra les dents, toujours concentrée à maintenir la sphère de protection autour d'elle. « Réjouissant programme. » marmonna-t-elle. « Mais un peu trop rétrograde à mon goût. »

« Tu feras moins la maline quand notre Seigneur sera à la tête du monde sorcier. Tu seras bien obligée d'embrasser le privilège qui t'a été accordé dès la naissance. Sinon, nous nous chargerons de te rappeler ta place… »

« Et l'autre ? » Le Mangemort tourna sa tête encagoulée vers celui qui avait désarmé Lily et se trouvait tout à gauche. « Elle a l'âge d'être à Poudlard. Tu dois savoir qui c'est, non ? »

« Je la reconnais ! » s'exclama le Mangemort qui était tombé et massait ses reins endoloris. « C'est la sang-de-bourbe qui a défié notre maître à Pré-au-lard ! Celle avec qui traîne ce traître-à-son-sang de Potter… »

« Ah ! Pas de chance pour toi, la sang-de-bourbe ! » se lamenta le premier. « Bon, passons aux choses sérieuses. Darlay, arrête de te fatiguer. Rentre chez toi gentiment, laisse-nous nous occuper de la sang-de-bourbe… »

« Je vais plutôt attendre que les Aurors arrivent pour régler votre compte. » répliqua Alice.

« Ah, c'est comme ça ? Prends ton mal en patience, alors, parce que nous sommes aussi dans la salle là-bas… et à l'entrée du Ministère… et un peu partout, en fait… c'est ça que tu veux, hm ? Être traitée comme une parjure à ton sang ? Ça t'excite, Darlay, de nous provoquer quand nous avons la grande magnanimité de te laisser en paix ? Tu ne paies rien pour attendre… »

Lily sentit ses entrailles geler de peur. S'ils disaient vrai, alors tous ceux qui assistaient à la cérémonie étaient menacés… décontractés, les deux Mangemorts continuèrent de tourner avec nonchalance autour de la sphère, tandis que celui qui avait désarmé Lily évaluait la salle de son regard. Silencieux, il préférait laisser ses deux acolytes se donner en spectacle.

« Il ne nous reste plus qu'à attendre que tu perdes tes forces, et vous serez à nous. On a tout notre temps… »

Lily évalua leurs chances du regard. Désarmée, elle n'irait pas bien loin… on ne lui avait jamais appris à se battre sans… sans baguette ! Mais bien sûr ! Ses yeux comptèrent les torches allumées tout autour de l'atrium : il y en avait une bonne trentaine. A bout de forces, Alice ne pouvait s'empêcher de trembler en maintenant l'enchantement. Leurs regards se croisèrent, et Lily lui adressa un clin d'oeil avant de bondir hors de la sphère. Les deux Mangemorts reprirent leurs postures de combat, mais c'était trop tard : elle avait déjà tendu les bras, effectué les enchaînements que Mercador leur avait appris… les flammes vinrent trouver refuge dans ses paumes qu'elle brandit en direction du Mangemort qui paraissait être le chef du petit groupe. Il hurla tandis que le feu brûlait toute la partie supérieure de son corps, et tomba dans la fontaine. Son acolyte prit Alice en chasse et les sorts commencèrent à fuser. A court d'idées, Lily se jeta littéralement contre celui qui l'avait désarmée, et ils tombèrent sur le sol. Elle ne s'était jamais battue comme ça, avec ses mains, ses dents, ses pieds, mais il fallait une première à tout, estima-t-elle en lançant son poing serré sur la mâchoire du Mangemort. A sa surprise, il semblait étrangement apathique : elle aurait cru que prendre le dessus serait plus difficile dans une bagarre « à la moldue » ! Peut-être ne s'attendait-il pas à une telle virulence de sa part - de la part d'une sorcière qui plus est. Profitant de son hébétement, elle se hissa sur lui malgré sa robe et son manteau, tordit son poignet pour lui faire lâcher prise et récupérer sa baguette… Malheureusement, ce geste le réveilla. Elle poussa un cri de douleur quand il agrippa ses cheveux et la fit basculer en arrière, inversant leurs positions.

Elle se débattit de toutes ses forces, tirant avec frénésie, mordant et griffant, mais le Mangemort demeurait impassible désormais, comme statufié malgré sa sauvagerie.

« ALICE ! » cria-t-elle, consciente qu'il reprenait le dessus, qu'il était en position de faire ce qui bon lui semblait…

Son cri mourut dans sa gorge alors qu'il enserrait son cou dans sa main gantée de noire. Il se pencha sur elle et elle résista plus que jamais, révulsée en sentant la tiédeur de son souffle contre son oreille…

« Sauve-toi ! Prends la sortie des visiteurs, et sauve ta peau ! » souffla-t-il. Stupéfaite, elle cessa de résister. Avait-elle rêvé ce qu'il venait de dire ? Et cette voix, était-ce vraiment celle de… ?

Sa paume reconnut le manche familier de sa baguette de saule : Severus Rogue venait de la lui abandonner contre ses doigts. Elle se cramponna à l'objet et s'exclama : « Stupéfix ! » Son ancien meilleur ami se laissa toucher – c'était impossible autrement, il avait vu son geste, entendu le début du sort, il aurait pu anticiper de mille manières différentes – et tomba en arrière.
Elle se releva précipitamment, pointa sa baguette en direction du troisième Mangemort à abattre. Le maléfice d'entrave qu'elle décocha frappa le mage noir en même temps que celui lancé par Alice.

« Viens ! » s'exclama cette dernière en se précipitant vers la porte derrière laquelle se trouvaient leurs amis.

« Alohomora ! Alohomora ! » implorèrent-elles. Mais le bois demeura immobile malgré leurs suppliques. Il fallait trouver une autre solution.

« Ton père est directeur de la maintenance magique, non ? » demanda brusquement Lily. « Tu sais si on peut y accéder par une entrée de service ? Un passage destiné uniquement aux elfes, un couloir secret, quelque chose ? »

Alice réfléchit un instant, ses yeux bruns bougeant à toute vitesse dans leurs orbites.

« Oui… oui, de l'autre côté, on peut arriver par la balustrade du haut ! On pourra emprunter un escalier qui fait arriver à l'arrière de l'estrade. Viens ! »
Tandis qu'elles se dirigeaient vers l'escalier à l'autre bout de l'atrium, les feux de cheminette s'activèrent dans chaque âtre. Elles étaient presque arrivées en haut quand les figures toutes masquées et vêtues de noire commencèrent à s'extirper et à envahir l'atrium. Sans un mot, Lily attrapa le poignet d'Alice et lui montra la scène qu'elles s'apprêtaient à quitter. Les yeux de la sorcière s'arrondirent de peur à la vue de la quinzaine de Mangemorts qui arrivaient, commençaient à évaluer les dégâts qu'elles avaient causés sur leurs trois éclaireurs, se dirigeaient vers la salle de réception verrouillée…
Silencieusement, elles se glissèrent derrière la porte qui mènerait vers la balustrade - si elles y parvenaient à temps - pour prévenir Frank, James, et toute la foule démunie de baguettes qui se trouverait bientôt face à une foule de Mangemorts enragés.


Plus qu'un chapitre et un épilogue à venir, et rassurez-vous, ils sont déjà écrits et prêts à être publiés ! Rendez-vous dans deux semaines puis à nouveau deux semaines ! En attendant, si vous avez des questions sur l'intrigue, c'est le moment de les formuler en commentaire. Normalement j'ai couvert toutes les intrigues en suspens mais mieux vaut prévenir que guérir et je ne suis pas à l'abri d'omettre un angle narratif ! Bon, évidemment tout ne se règle pas en 1977, il y aura forcément quelques points de suspension. Mais n'hésitez pas à me signifier vos interrogations en commentaires !
J'espère que vous êtes heureuxses de retrouver ce récit et d'en observer le dénouement. A très vite ! Et un grand merci à Elaia Asteraptor (qui publie sur ce site aussi, n'hésitez pas à lire son travail) pour sa beta-lecture !