JUNE OF DOOM 2023
Jour 28 : « Tu t'y habitueras » - Couteau, otage, capitulation. (Day 28 : « You'll get used to it » - Knife, hostage, surrender).
C'est l'anniversaire de Christian Slater aujourd'hui ! Je n'écris plus autant d'OS sur eux qu'au début, mais je ne pouvais pas manquer l'anniversaire de l'acteur de l'un de mes personnages préférés de la Terre.
Gilles ne voyait pas vraiment comment il allait s'en sortir, cette fois. Il avait donné sa parole qu'il rejoindrait les rangs de leurs domestiques, qui tenaient plutôt des esclaves, s'ils laissaient Robin et ses terres tranquilles. Il l'avait fait en tant que personne qui avait de l'honneur, pour une fois, qui ne se contentait pas de fuir mais qui agissait pour les autres. Son frère avait peut-être déteint sur lui. Il était tellement bienfaisant et courageux.
Ces mercenaires étaient vraiment forts et très dangereux. En quelques jours seulement, ils avaient semé la terreur sur l'ensemble de la région où se trouvaient les terres de Locksley. Ils déferlaient comme des Pictes ou des Celtes sur les villages, les champs et les châteaux et ils pillaient et brûlaient tout. Ils ne parvenaient pas à faire quoi que ce soit pour les arrêter. Ils kidnappaient beaucoup de jeunes femmes et d'hommes, aussi, sans doute pour grossir leurs rangs. Gilles n'était pas vraiment sûr qu'ils aient des projets sur le long terme. Ils étaient juste là pour s'enrichir et défouler leurs pulsions de violence sur le royaume.
Gilles ne voulait pas que son frère soit blessé et il avait bien vu le découragement dans ses yeux bleus après la destruction d'un énième village. On voyait des panaches de fumée sombres et menaçants s'élever au loin derrière les arbres. Robin était si abattu et impuissant, le jeune voleur n'avait plus pu le supporter.
Il s'était offert en otage pour que le domaine de Locksley puisse prospérer à l'abri de leurs menaces. Ce peuple de mercenaires avait visiblement été ravi de détenir un membre de la noblesse anglaise (même s'il n'avait pas encore été officiellement reconnu) parmi leurs prisonniers et ils avaient promis de se tenir tranquilles… en échange de descentes régulières pour récupérer un peu de nourriture, évidemment !
Le jeune homme soupira en se sentant enveloppé par l'humidité de ce château des mercenaires. Il avait encore en tête le regard désespéré de Robin, qui était, évidemment, complètement opposé à ce plan. La façon dont il avait crié « Gilles ! » pendant que les hommes l'emmenaient lui brisait le cœur. Mais il allait devoir faire avec. Il ne reverrait sûrement jamais son frère, mais il espérait qu'il était quand même un peu fier de lui…
Il y avait des jeunes capturés partout dans la grande salle humide au plafond voûté. Ils faisaient du ménage, ils portaient des charges, les individus féminins étaient largement plus harcelés par les mercenaires que les prisonniers masculins. Quoi que… Gilles n'était pas sûr d'aimer le sourire de ces femmes d'âge mûr.
« Tu t'y habitueras, déclara le soldat qui l'avait emmené ici en lui jetant un paquet de linges beiges. Mets ça et va astiquer la chambre de notre chef. Tu appartiens à notre clan, maintenant. »
Gilles était trop découragé pour répondre quoi que ce soit. La flamme de son mauvais caractère semblait s'être éteinte. Il n'avait jamais été retenu captif comme ça, il avait toujours réussi à se sortir de ces situations difficiles en escaladant une muraille ou en passant par une fenêtre. Mais il avait donné sa parole… s'il revenait dessus, ils continueraient à détruire Locksley et ils s'en prendraient à son aîné. Au final… c'était presque plus Robin l'otage que lui.
C'est donc dans cet état de capitulation totale que Gilles attrapa ces fripes, attrapa une brosse et partit vers les escaliers qu'on lui avait indiqués. À partir de ce moment-là, le jeune homme commença à mélanger les heures et les jours. Il ne savait plus ce qu'il se passait, quand, quels étaient les événements importants ou les saisons qui passaient. Il était tout le temps en train de travailler, comme un esclave, et quand ce n'était pas le cas, il y avait toujours des femmes de mercenaires pour exiger un moment en sa compagnie. Il était beau. Elles ne comprenaient visiblement pas, ces femmes, qu'il n'avait aucune envie d'être ici, qu'il n'appartenait pas à leur clan et que sa seule famille, c'était Robin et qu'il avait envie de le retrouver.
Il pensait souvent à lui, la plupart du temps le soir, quand il avait enfin le droit de dormir sur une paillasse humide. Il contemplait le clair de lune par la fenêtre sans vitre et il se demandait ce qu'il pouvait être en train de faire. S'assurer que les récoltes avaient bien été rentrées pour l'hiver, renforcer les défenses du château, nouer des alliances avec d'autres nobles ? Il se demandait aussi si Robin pensait à lui. À vrai dire, il en était sûr et certain. Pendant toute sa vie d'errance, il n'avait pas été une personne tactile mais maintenant, qu'est-ce qu'il aurait donné pour pouvoir se lover dans ses bras !
Les semaines passèrent et puis, le mauvais caractère du jeune homme finit par revenir. Il commença à lancer des regards mauvais aux mercenaires hommes qui se permettaient de le brutaliser, à repousser sèchement les avances de ses admiratrices. Il répondait et cela lui valut un bon nombre de gifles et de raclées dont l'une d'entre elles l'envoya dans l'inconscience pendant plusieurs heures.
Mais il en avait définitivement assez. Il voulait retrouver sa liberté et son frère et il voulait les retrouver maintenant. Seule sa peur de voir encore plus de torts être faits à Robin et aux habitants de son fief le retenait.
L'occasion finit pourtant par se présenter, un jour que tout le château réquisitionné put entendre le fracas des armures, le cri des chevaliers et le galop des sabots de leurs montures. Le roi Richard avait fini par en avoir assez que de tels bandits sévissent dans son royaume. Il avait envoyé son armée les massacrer et Gilles, qui les avait vus arriver par la même fenêtre de laquelle il contemplait la lune, était sûr que son frère se trouvait avec eux.
Il essaya de se faufiler, avec certains autres prisonniers, dans la cohue et les meubles renversés jusqu'aux pièces les plus proches de l'entrée du château. Il cherchait Robin et, quand il l'aperçut qui dégainait l'épée de leur père pour faire face à l'un des généraux des mercenaires, son cœur bondit dans sa poitrine. La situation était tendue. Il y allait avoir des morts, des blessés gémissants, c'était peut-être dangereux pour son frère et il n'était pas encore tout à fait remis des corrections qu'il avait reçues.
Peu importait ! Les soldats du roi lui donnaient l'occasion qu'il attendait de retrouver Robin et il n'allait pas la laisser passer. Le jeune homme attrapa un couteau dans un pot en fer et s'élança vers l'un de ses ravisseurs.
« Tu ne t'en tireras pas comme ça ! s'écria, furieux, l'homme qui l'avait amené dans cet endroit.
-Tu as causé la mort et la destruction dans toute cette partie de l'Angleterre ! rétorqua le jeune voleur. Je ne crois pas que ce soit moi qui aie le droit de m'en tirer ou pas ! »
Il entendit son frère l'appeler au loin. Mais il n'avait pas le temps de s'en préoccuper tout de suite, même s'il avait vraiment envie de courir vers lui pour le retrouver. Les ennemis étaient partout. Ils devaient s'occuper d'eux en premier lieu.
« J'arrive, mon frère ! lança-t-il donc négligemment par-dessus son épaule. J'élimine juste quelques gêneurs d'abord ! »
D'un coup de couteau bien placé, il entailla la joue de son agresseur, qui porta les doigts à la coupure juste assez longtemps pour que Gilles puisse lui donner un coup de poing en pleine figure. Il lui cassa le nez et cessa aussitôt de s'intéresser à lui, courant vers un autre mercenaire qu'il fit tomber dans les escaliers du cellier. Peu à peu, galvanisés par son exemple, les autres prisonniers commencèrent eux aussi à donner des coups de droite et de gauche, utilisant tout ce qui leur tombait sous la main : armes abandonnées, ustensiles de cuisine, débris de bois, eau bouillante… Il y eut bientôt deux camps, dans le hall du château : les chevaliers du roi avec leurs armures resplendissantes et les captifs, négligés depuis des semaines, qui se battaient avec toute la belle énergie de ces jours terribles de privation.
Au bout d'un moment, il n'y eut plus aucun mercenaire à affronter. Ils avaient tous été tués ou bien faits prisonniers mais l'excitation de la bataille était longue à quitter le jeune voleur. Il serrait encore les doigts autour de son couteau, regardant partout où il pouvait malgré le sang qui lui coulait sur le visage.
Soudain, deux bras se nouèrent autour de lui et le firent pivoter en le soulevant pratiquement au-dessus du sol. En faisant volte-face, il tomba immédiatement dans le regard bleu de Robin et, sans qu'il les contrôle, ses doigts lâchèrent son arme.
« Robin ! s'exclama-t-il avant de sentir des larmes déborder de ses yeux, bien embarrassantes et dont il était sincèrement surpris.
-Gilles ! répondit son frère, ses mains courant déjà partout sur son visage. Par Dieu ! J'ai eu si peur de ne plus jamais te voir ! Mais qu'est-ce qui t'a pris de te constituer otage comme ça ?
-Tu es quand même un peu fier de moi ? demanda le jeune voleur depuis la poitrine de son aîné, contre laquelle Robin le serrait de toutes ses forces. Ha… N'appuie pas trop ici, j'ai mal.
-Pardon ! Tu es blessé ? À cause du combat qui vient de faire rage ? Tu as été incroyablement courageux. Je suis fier de toi, pour tout. Mais tu n'aurais pas dû te mettre en danger de la sorte. Certains jours, je… j'ai vraiment cru que je t'avais perdu pour toujours…
-Oui, ironisa son cadet pour le faire sourire, parce que tu es vieux et que vu la "vitesse" avec laquelle tu as réglé ce problème…
-Hé ! »
Robin recommença à lui caresser le visage et les deux frères décidèrent que, pour une fois, ils pouvaient bien se permettre de ne pas se montrer aidants, impliqués et dévoués en aidant les soldats du roi à fouiller les lieux à la recherche de tout ce qui pourrait témoigner de ce terrible événement ou bien pour récupérer ce que le groupe avait volé. Gilles était blessé, plutôt traumatisé par ces mois de captivité, ils voulaient rentrer à la maison.
Comme les terres de Locksley étaient assez éloignées, ils durent faire le voyage en plusieurs fois. Pour ce premier jour, ils s'arrêtèrent assez rapidement dans une maison forte appartenant à quelque seigneur allié, où Gilles aurait de quoi se reposer et Robin, panser ses blessures.
Il invita ainsi son petit frère à s'étendre sur une banquette, à poser sa tête sur ses genoux et lui, il appliqua des compresses d'eau froide sur tous les bleus et les ecchymoses qui marquaient le corps de son cadet. Ensuite, il y appliqua de la pommade et Gilles lui raconta tout ce qu'il avait vécu aux mains de ces mercenaires.
« Je suis désolé, murmura Robin en tapotant une bosse particulièrement gonflée sur la tempe de son frère. Ça aurait dû être moi…
-Ne dis pas de bêtises, le coupa Gilles. Tu m'imagines chevauchant aux côtés des troupes du roi pour attaquer cette forteresse ?
-Non, probablement pas…
-Bien. Alors la question est réglée. »
L'archer esquissa un sourire. Gilles se dit alors qu'il pouvait bien s'endormir, maintenant que son frère se sentait moins coupable, et il laissa les limbes du repos l'emmener dans leurs bras. Accessoirement, il était toujours dans ceux de Robin. Après l'avoir espéré durant tout le temps de sa captivité.
