– Opaline ?
– Humm ?
Je sens Isaak hésiter à mes côtés. Il plante ses lèvres dans le creux de mon cou et repousse mes cheveux avant de remonter le drap jusqu'à mes épaules. Il est si soyeux que cet hôtel a bien dû souffrir en sacrifice toute une colonie de licornes…
J'enfonce la tête dans mon oreiller et soupire sous la caresse de ses mains qui dessinent mon dos.
– Non, rien.
– Je ne veux pas sortir de ce lit, marmonné-je.
Le matelas, moelleux, s'enfonce sous son poids lorsqu'il se rallonge à mes côtés. Il pose sa tête sur le bas de mon dos, le recouvre de ses lèvres et son sourire sur ma peau me tire doucement de mes songes.
– Je ne veux vraiment pas sortir de ce lit…
Son petite rire vantard et satisfait me fait grimacer. Son soupir heureux m'arrache un frisson tandis que ses doigts pianotent sur ma peau.
– J'ai des courbatures à cause de toi…
– Tu sais comme j'aime t'entendre faire l'éloge de mes exploits sexu…
– Je parle de notre randonnée dans le grand canyon, sale pervers., maugrée-je.
– Pourtant, on s'est bien étirés, après l'exercice.
– Arrête ça, Hartley. Tes allusions obscènes me donnent encore moins envie de quitter ce lit.
Ses cheveux chatouillent mes omoplates à mesure qu'il remonte le long de mon corps. Ses lèvres trouvent les miennes et lorsqu'il m'embrasse, je me retourne sur le dos pour mieux le prendre dans mes bras.
– Tu vois, je ne suis pas particulièrement fan de ce pays, mais faut bien avouer que leurs hôtels déchirent !
– On devrait profiter de cette salle de bain gigantesque, approuve Isaak. Une famille d'éruptif entière pourrait rentrer dans la baignoire !
Mes yeux pétillent et Isaak pâlit :
– Je disais ça pour rire ! Que ça ne te donne pas d'idées !
Il s'écrase de tout son poids sur moi. Ça ne me dérange pas. J'aime le sentir contre moi et je le retiens, même. Je sais qu'il a du chagrin et qu'il aimerait que le temps ralentisse.
– Cette semaine est passée trop vite.
Nous avons parcouru les États-Unis, sans jamais dormir au même endroit plus d'une nuit. A Los Angeles, je l'ai traîné avec moi pour visiter tous les studios d'enregistrement et les tournages de films et de séries moldus que j'aime tant. A la Nouvelle-Orléans, nous avons nourri des bébés crocodiles avec des marshmallows. Isaak a failli perdre ses doigts. Il n'a pas ris autant que moi… A Nashville, je l'ai coiffé d'un chapeau de cowboy et je l'ai forcé à danser avec moi avec des santiags. On s'est tellement amusés… À Miami, nous avons fait des attractions jusque'à ce que j'en vomisse : cette fois-ci, c'est Isaak qui a beaucoup ris. Il a même pris plusieurs photographies qu'il a envoyé à Colin. À New-York, il m'a emmené voir une pièce à Broadway. C'était sur ma liste et il voulait me faire plaisir. Il s'est endormi en plein milieu, et ne s'est réveillé que pour notre randonnée du lendemain dans le grand canyon, pour aller voir des Oiseaux-Tonnerre.
Dans mon sac de voyage, j'ai toujours l'écrin avec cette bague qui pèse de plus en plus lourd. Je n'ai jamais trouvé le bon moment pour lui demander de devenir mon mari.
Las Vegas pourrait être l'endroit parfait.
– Il va bien falloir que l'on rentre, Isaak.
– Profitons encore un peu.
Je chasse la bouclette, qui lui tombe entre les deux yeux, et un peu de sa tristesse, j'espère.
– On peut rester dans ce lit. Où aller jouer dans l'un des casinos de cette ville de dépravés.
– Ce n'est pas une ville de dépravés !
– J'ai vu une lapine humanoïde habillée avec un string de fourrure rose et les seins à l'air en guise d'emblème d'un restaurant.
– C'est du génie.
– C'est écœurant.
Il opine et je suis heureuse de l'entendre rire et oublier un bref instant que demain, nous ne serons plus ensemble tous les jours.
– On fera ce que tu voudras Isaak. Et on repartira en vacances. Je te le promets…
Il a été rappelé en urgence la veille. Il a dû commander un portoloin à l'ambassade et il s'y rendra demain, pour retourner en Grande-Bretagne et travailler une semaine. Sa permission a été décalée sans qu'il n'obtienne plus de renseignements quant à la nature de ce report…
– C'est juste que… J'ai toujours l'impression de courir après le temps, et tu me manques déjà.
– Je suis là.
– Quand on est en Grande-Bretagne, tu étudies, et moi je travaille. Potter est intraitable en ce moment, sans parler de Teddy : depuis qu'il est avec Victoire, il me refile le sale boulot.
– Tu veux que je lui parle ?
– Tu vas lui casser la gueule ?
– Je suis sûre que je peux lui faire peur.
– Oh oui. T'es une terreur, approuve-t-il très sérieusement.
Je caresse sa joue et tente de le rassurer :
– On prendra du temps pour nous Isaak. Je te le promets. Et ce n'est qu'une semaine. Une toute petite semaine de répit dans nos vacances de rêve. Faut bien qu'on redescende sur terre de temps en temps, tu ne crois pas ?
Il soupire. Au fond, nous savons parfaitement que la permission d'Isaak ne sera pas renouvelée avant plusieurs mois et que si Potter lui a demandé de rentrer, c'est qu'il a vraiment besoin de lui et que la situation l'exige.
– On a encore un peu de temps, se résigne-t-il.
Ses baisers passionnés me font perdre la tête et toute notion du temps. Emmêlés dans les draps, nous abusons des services de l'hôtel pour manger, pour boire et nous ne quittons pas le lit, que nous occupons jusqu'à ce que la nuit tombe, jusqu'à être rassasié du touché de l'autre.
Quand Isaak fait glisser la fermeture éclair dans le dos de ma robe, je souris béatement, en rangeant l'écrin dans la poche de ma veste.
– Tu vas détester ça, me prévient Isaak.
– Sûrement, mais je veux rentrer au moins une fois dans ma vie dans l'un de ces établissements.
Son regard amoureux me hisse sur un piédestal de confiance que je ne quitte jamais lorsqu'il est à mes côtés. J'ajuste son nœud papillon et nous sortons enfin de la chambre, pour nous diriger vers l'un des casinos sorciers de Las Vegas. On entend d'ici les sons des machines à sous, le murmure des paris lancés à tout vas et les mains ramassant les gains. On entend aussi les chants des vélanes qui distraient les trop bon joueurs, les nymphes des eaux qui dansent dans les fontaines et les fées qui rient d'une mélodie bien à elles.
Les gobelins à l'entrée n'ont pas l'air commode. L'un d'eux louche sur les pointes bleues de mes cheveux.
– Vos baguettes.
Isaak fronce les sourcils.
– Je vous demande pardon ?
– Les armes sont interdites dans les casinos, récite mécaniquement l'un des employés. C'est pour la sécurité de tous. Trop d'histoires. Trop de sorciers vénaux. Trop de gens malhonnêtes. Trop de morts.
– De morts ? couiné-je.
Je me tourne vers Isaak, qui a une main posée dans mon dos.
– On devrait peut-être rentrer, t'as raison.
– Vous seriez surprise de découvrir comme certains humains on l'avada kedavra qui les démange pour un rien ou une quinte gagnante…, poursuit le gobelin.
– Je suis auror ! J'ai besoin de ma baguette en tant que représentant de…
– Les aurors n'ont aucune autorité ici. Monsieur, votre baguette je vous prie, insiste-t-il.
Le gobelin le toise et Isaak, loin de se démonter grogne avant de capituler. Il regarde sa baguette lui être retiré et se ranger dans l'un des casiers de l'entrée comme un bébé regarderait son hochet lui être arraché des mains.
– Mademoiselle, votre baguette.
– Je n'en ai pas.
– Mademoiselle, votre baguette.
Le gobelin persiste. Son collègue commence à me tourner autour et les clients du casino nous regarde.
Le pouce d'Isaak se met à caresser le dos de ma main, alors que je commence à perdre patience. Je bégaie, les larmes aux yeux. Des gens commencent à observer la scène. Isaak se poste entre eux et moi, comme pour me cacher du monde et me protéger de ces visages curieux.
– On aurait dû rester dans ce lit, je soupire.
Le gobelin insiste encore une fois, sans me lâcher du regard.
– Je suis une cracmole, lâché-je enfin.
Ils s'écartent pour nous laisser passer, sans faire plus de cérémonie et je me sens honteuse, consciente des regards qui se posent sur moi. Mes talons s'enfoncent dans la moquette aussi cramoisie que mes joues : tout le monde nous regarde, et ils ont tous probablement entendu …
– Est-ce que ça va ? me demande Isaak.
– Parfaitement, je souris un peu tristement. Allons faire quelques mises. Je me défends bien au Poker mordeur !
– T'es nulle, Opaline…
– Non, pas du tout, je te cache juste mes brillantes stratégies pour un jour, t'éblouir avec un coup de maître !
– Bien sûr , chérie…
Il enroule un bras autour de mes hanches et ne le retire que pour s'installer à une table. Je perds vite le fil du jeu, faute de savoir quelles en sont les règles. Isaak semble s'amuser. Je sais qu'il est déjà venu plusieurs fois avec Colin, et que toutes les nouvelles recrues des aurors viennent jouer de temps en temps. Teddy a essayé de me briefer un peu, sans grand succès. Après quelques parties, je commence à saisir le principe de ce jeu et admire l'aisance d'Isaak qui, sans vraiment gagner, n'a rien perdu et se maintient. Je sais qu'il cache bien son jeu et fait exprès de faire en sorte que ses adversaires le sous-estiment.
Un Serpentard jusqu'à la moelle.
Quand je sens quelqu'un se coller à moi dans mon dos, je me déplace plus à gauche, pour me rapprocher d'Isaak. Il fronce les sourcils et m'interroge silencieusement. Je ne réponds pas. La personne derrière moi se rapproche un peu plus, appuyant son torse contre mon dos. Je m'assois à moitié sur les genoux d'Isaak, qui m'y accueille avec autant de plaisir que de surpise. Je n'ai jamais été une très grande fan des démonstrations d'affection en public. Je frissonne, mal-à-l'aise et Isaak s'en rend vite compte. Sa main se pose en éventail sur mon ventre et son souffle chatouille ma nuque. Je lui désigne une carte, pour qu'il la joue. Il mordille ses lèvres en réfléchissant et hoche la tête, approuvant mon choix qui se base juste sur le fait que je trouve la carte en question très jolie.
Une main se pose sur ma taille avec insistance et se ballade jusque vers mes fesses. Et mon sang ne fait qu'un tour, car je sais que cette main n'appartient pas à Isaak, parce qu'il tient toutes ses cartes de la gauche et me maintient doucement contre lui avec la droite. Je me lève d'un bond et mon coup de poing part tout seul.
– Full. J'ai gagné, se réjouit Isaak au même moment.
Les exclamations des gens autour de la table me concernent davantage.
L'homme qui était derrière moi, a le nez en sang et a reculé de deux pas. Je secoue mon poing douloureux en grimaçant.
Les gobelins sont déjà à ma hauteur, prêts à m'escorter jusqu'à la sortie.
– Veuillez nous suivre Mademoiselle.
– Cet homme m'a tripoté !
J'ai à peine le temps de cligner des yeux qu'un second coup de poing fait entendre. Isaak secoue sa main quand mes yeux, accusateurs, se posent sur lui. L'homme est tombé sur le sol et geint, en lâchant par intermittence quelques jurons qui me feraient presque sourire. Devant mon regard assassin, Isaak hausse les épaules comme un gamin cherchant déjà à se dédouaner :
– Quoi ? s'écrie Isaak. Il t'a tripoté !
– Ah bah ça, c'était utile, bravo.
Il n'a même pas l'air coupable… Il est fier de lui, ce crétin.
– On aurait vraiment dû rester au lit, soupire-t-il.
– Au moins, j'ai prouvé à tout le monde ici que personne n'a besoin de baguette pour semer la zizanie, m'exclamé-je en me ratatinant sur moi-même, honteuse d'avoir crée un tel esclandre.
– Et cette leçon est signé Opaline Wallergan. Prenez note, mesdames et messieurs ! fait théâtralement Isaak en saluant la foule. Et c'est ma copine, vous entendez ?
Je secoue la tête, dépitée, mais souris comme idiote, profondément amusée et attendrie.
Comment fait-il pour me faire bomber le torse et me faire me sentir fière en quelques mots seulement ?
– Allez viens, on se casse, me lance-t-il. Bien que ce ne soit pas à nous de partir, mais à ce vieux porc !
Les gobelins ne nous escortent pas jusqu'à la sortie : ils ont écouté Isaak et ont pris à part le sorcier dont la robe est tachée du sang qui continue de s'échapper de son nez. Nous passons nous même la porte en riant si fort que nous en pleurons. Nous nous arrêtons subitement, parce que dans nos yeux, il se passe quelqu'un chose. une évidence, une sorte de réalisation que ce qui vient de se passer est un moment, un souvenir que nous partagerons pour toujours. Il y a de la tendresse, de l'amour et ce truc, ce désir de faire ma vie avec lui et de le chérir. Il le ressent lui aussi. Je le sais.
Je me dis que ce moment est parfait. Alors je tâtonne ma poche, prête à sortir l'écrin.
– Opaline ?
– Oui ?
Son regard est trop sérieux. Il prend mes mains dans les siennes et inspire calmement.
– Et si on déménageait dans cette maison que tu aimes tant, le cottage à Sennen Cove ?
Je reste immobile quelques secondes.
– Je sais, tu vas dire que ce n'est pas sérieux, qu'on va devoir s'endetter, que tu n'as pas encore terminé tes études et que notre appartement est parfait… Mais cette maison est à vendre depuis des lustres et on l'adore ! Je ne veux plus seulement m'amuser à imaginer avec toi comment on la retaperait et les fleurs ridicules qu'on y planterait dans le jardin. Je veux vraiment le faire.
Je l'embrasse.
Parce que c'est la meilleure réponse.
– Ça veut dire oui ?
Je hoche la tête avant de le guider jusqu'à notre chambre.
Demain, nous rentrerons de voyage pour construire un nouveau chez-nous.
C'est la seule raison que je veux retenir et la demande urgente de Potter est vite oubliée, le temps d'une seule soirée.
