Je voulais des vacances relaxantes et reposantes.
Pourtant, je sais qu'Isaak pense que ces mots sont synonymes de barbantes et rasoirs.
Je voulais voir l'armée de terre, admirer la réserve de dragons chinois, rencontrer quelques Zouwus et me promener dans le marché magique chinois ou visiter les pagodes magiques… Mais non. Il a fallu qu'Isaak choisisse la ville de Pékin pour une toute autre raison.
– C'est un nimbus 2020, Hartley ! On va finir écraser en bouillie ou embrochés sur une statue de dragons !
– J'ai vu un vieux Comète 360 ! Ça ne vaut rien face à mon nimbus !
– C'est dangereux !
– Oh pitié, Opaline, en me fais pas croire que le danger te repousse !
Je hausse un sourcil, franchement vexée.
– Je suis la personne la plus prudente que tu connaisses.
– Pour une personne prudente, t'as le don de te fourrer dans de sacrés bazars parfois… Allez, ce sera marrant !
J'en doute très sérieusement.
– La plupart des compétiteurs sont des coursiers de haut niveau, Isaak. T'étais peut-être un attrapeur potable quand tu jouais à Poudlard, mais tu n'as clairement pas l'étoffe d'une star de Quidditch, ni même l'entraînement nécessaire à une telle compétition.
Il fait prendre à son visage une moue boudeuse, presque suppliante.
– Ne m'oblige pas à être la plus raisonnable de nous deux. On sait toi et moi que ce rôle ne me convient pas, refusé-je en secouant la tête.
– Beaucoup d'amateurs participent à la compétition. Viktor Krum lui-même a remporté la course alors qu'il avait seulement 10 ans !
– Tu me parles d'un joueur d'un autre temps et qui est à la retraite depuis au moins quinze ans ! Alors sa participation au rallye ne date pas d'hier ! Les concurrents de la Compétition de vitesse d'aujourd'hui sont des monstres !
– Avec ou sans toi, je vais le faire.
Mon visage se décompose.
– Tu ne veux pas visiter le temple du ciel, plutôt ?
– Il sera toujours là demain ! trépigne-t-il. J'ai vraiment envie de faire cette course. Et…
– Quoi ?
Il commence à papillonner des yeux, ce qui est à le fois ridicule et beaucoup trop craquant. Mignon, parce qu'il cherche à m'attendrir. Ridicule, parce qu'il a une vilaine cicatrice qui lui barre l'œil droit et qu'on dirait qu'il a un spasme dû un manque de magnésium.
– En fait, je ne le ferai jamais sans toi.
– Tu me fais du chantage ? m'exclamé-je.
– Tu adores cette course ! Avec Colin, vous vous passiez les rediffusions de tous les rallyes quand nous étions gosses !
– Ce n'est pas parce que je regarde que je veux y participer ! Je dirais même que ça me dissuade grandement ! Y'a des morts !
– Pas depuis une dizaine d'années.
– Avec la poisse que j'ai, ton balai va prendre feu et nos deux familles nous retrouveront dans une boîte d'allumettes !
– Ta malchance compensera mon talent naturel, sourit-il. Sans elle, les autres n'auraient aucune chance et ce serait bien injuste.
Il pose ses mains sur mes hanches et colle son front au mien.
– Allez, ce sera marrant. Et je promets d'être prudent. On sera dans le fond de la course, en queue de peloton. Je ne chercherai même pas à gagner ! Promis, juré !
– Isaak… Je t'aime. Mais t'es une vermine de Serpentard, gagner c'est un besoin vital pour toi. Rappelle-toi de la fois où tu es tombé dans les pommes juste pour me prouver que tu pouvais tenir plus longtemps que moi en apnée…
Il balaie l'air de la main déposer un baiser sur mes lèvres, comme pour chasser ce mauvais souvenir de son esprit. Puis, il agite l'affiche sous mon nez, illustrant une femme sur un balai filant à toute allure jusqu'à sortir du cadre du papier en un million d'étincelles.
Le Rallye des Balais est une course annuelle de balais. La ville d'accueil, cette année Pékin, est imprégnée de magie pour embrumer les moldus et les empêcher de voir des sorciers en train de foncer comme des malades entre les maisons, les voitures et les bâtiments, sur leurs balais. Il n'y a qu'une seule règle : dépasser la ligne d'arrivée, située à dix kilomètres du départ.
Je la regarde comme une gamine de six ans, celle que j'ai été et qui rêvait d'y assister.
– Je sais que tu voulais y participer quand tu étais petite, commence Isaak.
– Ne joue pas cette carte là, grogné-je.
– Tes parents et ton frère t'ont interdit de t'approcher d'un balai.
– Toi aussi, je te signale.
Il pâlit, touché.
– Mais je suis le premier à t'avoir fait monter dessus ! Et depuis, dès que tu le demandes, je ne te refuses jamais un tour !
– Jamais sans toi.
– J'ai peur pour mon balai.
Je sourcille.
– Et pour toi, évidemment, sourit-il en ricanant. Allez, Opaline ! Ce sera marrant !
– Et cette course n'est pas qu'une question de balai ! La magie y est autorisée ! En tant que Cracmole, je suis la pire copilote du monde ! Je ne pourrai jamais couvrir tes arrières.
– Tu crois vraiment que j'ai besoin que quelqu'un assure mes arrières Wallergan ? fait-il en prenant un ton franchement vexé.
J'y songe sérieusement… C'est vrai qu'une opportunité comme celle-ci ne se représentera pas avant longtemps. Je meurs d'envie de le faire. Mais…
– T'es pas en porcelaine, Opaline. Malgré tout ce qu'on a pu te faire croire à tort. T'es la personne la plus forte que je connaisse.
Je sais qu'il en dit pas ça pour me faire plier. Pourtant, ça fonctionne.
– Allons enfourcher ton vieux nimbus 2020, Hartley, craqué-je en souriant de toutes mes dents.
Il lâche un juron d'un ton joyeux et sort deux tickets d'inscription de sa poche.
– Tu nous as déjà inscrits ? m'offusqué-je.
– Je savais que tu dirai oui !
– Vermine de Serpentard !
Quel roublard !
– Allez viens ! Il nous reste à peine 10 minutes pour nous préparer !
– QUOI ?
Je serre de moi-même sa main dans la mienne pour qu'il nous fasse transplaner au plus vite. Sur le lieu de départ de la course, les pétards explosent partout et le brouhaha de la foule qui nous entoure forment une joyeuse cacophonie. Quelques personnes sont déjà en tenues, prêtes, déterminées. D'autres rient et boivent une dernière choppe avant de rejoindre la ligne de départ. Isaak fait valider nos tickets.
– Une course en duo ? Humm… , nous examine un homme à la moustache triangulaire. Le prix pour le premier duo à franchir la ligne d'arrivée et de 50 000 gallions. La Fédération Internationale du Rallye Balais décline toute responsabilité en cas de chute, accident, blessure et mort d'un participant. Veuillez signer les décharges…
Un gémissement s'échappe d'entre mes lèvres.
– Oh Morgane…
– Trop cool, siffle Isaak en signant tout de suite.
Ma main est moins sûre que la sienne…
Isaak nous traîne jusqu'aux vestiaires, son nimbus 2020 dans les mains. Il sort de son vieux sac de sport nos lunettes et équipements de vol. Je change de chaussures et enlève de la poche de mon jean l'écrin pour le mettre dans l'une des deux vestes fourrées le plus discrètement possible. Le vent est encore clément, mais avec la vitesse, nous avons souvent rapidement froid, surtout lorsque l'on prend de l'altitude. J'ai le cœur au bord des lèvres.
– Faut que j'aille vomir, avertis-je Isaak.
– Mais non, mais non… Tout va bien se passer !
Il ajuste ses lunettes et place les miennes sur mon front, attachant mes cheveux en une tresse, les mouvements de ses doigts dans mes cheveux m'apportant un certain apaisement. Je triture mon bracelet d'opalines et admire Isaak, en train de se préparer.
– Si t'as pas ta dose d'adrénaline de la journée, tu meurs, c'est ça ?
Il plaque ses lèvres contre les miennes, passant ses mains sous mon pull. Ce baiser est long et langoureux, de ceux qui normalement, nous conduisent en un lieu où nous ne serons que tous les deux. Je me laisse fondre entre ses bras.
– C'est toi, ma dose d'adrénaline.
Je souris comme une idiote.
– Et je ne l'aurai jamais fait sans toi.
Je le sais.
– Colin va être vert de jalousie comme un crapaud ! ricané-je.
Il me fait enfiler l'une des vestes avant de mettre la sienne.
Une fois sur la ligne de départ, mon cœur bat trop fort. Je m'accroche au balai comme si ma vie en dépendait. À mes côtés, les autres participants en binômes se font rares, et pourtant… ils n'en sont pas moins effrayants. Deux femmes à notre droite doivent avoir des origines sirènes parce que leurs dents pointues ne me dit rien qui vaille. Elles ont l'air féroce et l'une d'elles m'a même grogné dessus. Je réajuste le dossard d'Isaak, en position et m'assure que sa bouclette ne le dérangera pas, en la relevant.
Le coup de départ retentit et nous partons, aussi rapidement que les autres. Isaak nous fait rapidement prendre de l'altitude, alors que j'examine la carte. L'orientation est souvent ce qui perd le plus de grands joueurs.
– Direction nord-ouest, indiqué-je à Isaak.
Il nous fait bifurquer à gauche si rapidement, que j'en perds l'équilibre. Je rentre mes mains dans mes poches et mon cœur s'arrête définitivement. Je n'y sens pas l'écrin.
Je fouille plusieurs fois, sentant mon sang se figer dans mon corps, avant de m'accrocher à la taille d'Isaak pour lui faire les poches.
– Opaline, qu'est-ce que tu fiches ?
Il descend en piquet, pour éviter deux sorciers qui nous prennent en tenaille. Je me penche pour éviter le troisième, juste au-dessus nous. Isaak remonte subitement en chandelle et j'en profite pour donner un grand coup de pied au coureur qui nous colle sur le flanc gauche, le percutant assez fort pour le déstabiliser et le faire vriller.
Fière de moi, je souris, avant de me rappeler que j'ai perdu la bague. Je recommence à tâtonner les poches d'Isaak, sentant l'écrin à travers le tissus épais de la veste.
Misères, il a prit la mienne et je porte la sienne…
– Oh regarde Opaline !
Pékin est merveilleuse vue du Ciel. La brume est magnifique et les pétards qui continuent d'éclater dans le ciel ont une aura mystérieuse qui donne des couleurs improbables au brouillard. On devine les grattes ciel, les maisons plus traditionnels en bas, la place rouge aussi, ainsi que le grand palais impérial et la Coline de charbon, qu'Isaak m'a fait grimper la veille.
Les dragons de pierre survolent le ciel à notre hauteur. Isaak nous fait aller plus vite, pour semer les deux autres sorciers qui nous suivent à la trace.
– Plus à l'ouest !
Il s'exécute alors qu'un premier sort lui chatouille l'oreille. Je déglutis faiblement. Isaak sort sa baguette et se retourne rapidement, lançant un protego qui fait rebondir une autre attaque, nous débarrassant d'un concurrent. Le dernier grogne de frustration alors qu'Isaak se reconcentre sur notre itinéraire.
Nous trouvons quelques mètres plus loin un peloton tout entier, où les sorts font briller le ciel, et le zèbrent de plusieurs éclairs de magie. Il le contourne habillement, attirant l'attention de quelques mécontents, qui constatent que nous prenons l'avantage sur le groupe. Plusieurs sorciers nous prennent en chasse. Isaak nous fait slalomer, prenant une trajectoire aléatoire pour éviter que les sorts ne nous touchent.
– Tu ne peux pas conduire et nous protéger en même temps ! hurlé-je.
Je commence sérieusement à avoir la peur de ma vie.
– Avance toi. Colle-toi à moi !
– C'EST DÉJÀ CE QUE JE FAIS !
C'est à peine si j'ai encore les yeux ouverts !
– À mon signal, tu prends les commande ! Tu t'avances au maximum !
– QUOI ?
– Je vais transplaner derrière toi !
– MAIS T'ES UN GRAND MALADE !
Il nous fait perdre de l'altitude, pour que nous ne soyons plus qu'à quelques mètres du sol, sur une belle avenue en ligne droite.
– À TROIS ! crie-t-il au-dessus des voitures.
– Tu fais chier Isaak !
Il commence le décompte et quand vient le trois, je bascule en avant sentant le balai s'élever par la manque du poids du corps d'Isaak qui vient de disparaître, et m'avance au maximum. Lorsqu'il réapparaît derrière moi, le balai rebascule en arrière. Isaak a mal calculer la distance et nous fait chavirer. Je nous redresse tant bien que mal et sens son dos se coller au mien.
Je l'entends prononcer des formules et cela m'inquiète.
– Tout va bien ?
– Oui, contente-toi de voler !
Je grommelle, ressortant ma carte d'une main tremblante et nous dirigeant à toute vitesse en direction de la ligne d'arrivée. Je n'ai jamais osé demander à Isaak de prendre les commandes ou d'être celle qui dirigeais le balai. Je ne l'ai jamais fait et mes manœuvres sont maladroites et trop imprécises. Je remonte en chandelle, pour éviter quelques arbres. Isaak ceinture ses bras autour de ma taille et se retourne posant ses lèvres dans mon cou. Je slalome entre les voitures moldus, nous fait raser les toits de quelques maisons, et admire la vue, savoure la liberté et apprécie le vent frais qui engourdie la peau de mon visage.
Nous ne terminons ni premier, ni dernier. Ni même deuxième ou avant-dernier. On se contente d'un milieu respectable, arrivant au milieu de tout un autre groupe, et d'une foule en délire qui acclame tous les participants. Une fois arrêtés, les jambes tremblantes, je reste crispée sur le balai, les mains fermement ancrées sur le manche. Isaak les détend et me force à lâcher prise.
– On l'a fait Opaline !
Je descends prudemment, prise d'un certains vertige, entre les loopings, les vrilles, les descentes et les montées brutales que nous avons effectués. Un sourire idiot sur le visage, je voudrais sautiller sur place sans y parvenir. Mes jambes tremblent vraiment beaucoup trop. Je me jette sur lui pour l'embrasser et le serrer dans mes bras. Il me fait tourner au-dessus du sol.
C'est ça le bonheur.
Je me colle à lui et repasse mes mains dans ses poches, en cherchant l'écrin. Je le range prudemment dans la mienne.
– Tu nous as mené jusqu'à la ligne de départ…, murmure Isaak à mon oreille.
– Je n'aurais pas pu le faire sans toi.
Il désigne d'un coup de tête un sorcier qui boitille.
– Lui pense l'inverse. Tu lui as donné un sacré coup de pied ! éclate-t-il de rire. Mais j'avoue avoir eu ma dose d'émotion pour l'année.
Menteur. Il refera un truc stupide et dangereux d'ici mercredi prochain.
Nous regardons les gagnants lever leurs coupes. Le duo qui a remporté cette édition jauge la foule d'un regard mauvais. La gagnante qui était en solitaire au contraire, pousse des cris de jubilations qui nous font tous rire.
La main sur l'écrin, je le relâche et la sors de ma poche pour la poser sur la joue d'Isaak.
Je remets ma demande à une prochaine fois. Trop d'émotions d'un coup nous ferait hiberner à coup sûr pour des mois entiers…
Mais quand il saura qu'il avait sur lui sa bague… Isaak en sera malade et ça nous fera une superbe anecdote à raconter le jour de notre mariage.
Enfin… S'il veut bien m'épouser.
