Bonne lecture!


Chapitre 7

Je souris en refermant la lettre. La repliant soigneusement avant de la glisser dans ma petite boîte à bijoux, comme un petit trésor. C'est la toute première fois que j'ai une discussion avec Réginald, une discussion qui n'est pas faite de commentaire sur le temps qui passe ou bien de la date de la dissertation de Botanique à rendre. Mon cœur est bien palpitant dans le creux de ma poitrine, erratique de plaisir après avoir lu combien il adorait lui aussi les vers de Pouchkine que je lui ai envoyés la dernière fois. Il m'a avoué ne pas trop goûter de la poésie mais à vrai dire je m'en doutais, je suis certainement la seule à emprunter les ouvrages du rayon Poésie d'ici ou d'ailleurs de la bibliothèque.

Ce qui me fait le plus plaisir, ce n'est pas que Réginald apprécie les vers russes, ou bien que lui et moi partageons maintenant quelque chose, quelques maigres brides de conversations intéressantes et sincères. Non, ce qui me touche le plus c'est de voir qui il est derrière cette image que tout le monde peut regarder, derrière le vernis se cache quelqu'un de bien plus gentil que je ne l'aurais pensé. J'ai aussi compris que je suis amoureuse d'une personne que tout le monde connaît, pas de la personne qu'il est vraiment. Même si j'avoue que son goût prononcé pour le Quidditch et l'attention qu'il met à toujours me demander de mes nouvelles et ne pas aborder ma déclaration d'amour me rendent toute chose. Ce qu'elles ne devraient pas pour mon bien. Je me trouve incapable de mettre à terme à notre correspondance.

J'en viens le soir, en relisant certains paragraphes le cœur battant, à me mettre à espérer que peut être il va tomber amoureux de moi. Ce n'est évidemment pas ce qu'il faudrait que je fasse pour tourner la page mais lorsqu'il a parlé à brûle-le-pourpoint son agacement à la suite du comportement possessif de Susan… Agacement répété depuis quelques lettres. Oui je sais vous me direz que c'est bête, qu'il faut penser à me préserver et non pas me jeter dans des rêves destructeurs. Mais je crains que l'amour ne soit totalement aveugle à ce genre de considération pragmatique.

Je relis ma réponse, que j'ai accompagnée de quelques vers d'Emily Dickinson troublant de par les traces de son état mental chancelant. Je suis certaine que malgré leur étrangeté, ils ne le laisseront pas indifférent.

Cher Réginald,

Oui en effet, on sent bien toute la mélancolie d'Alexandre Pouchkine, il faut dire qu'il venait d'être renvoyé de Saint Petersburg pour y avoir eu une réputation sulfureuse. Les poètes sont des gens à part, je me suis toujours dit que c'était parce qu'ils avaient une certaine vision, une certaine sensibilité vis-à-vis du monde qui leur faisaient en voir toute la beauté et toute la monstruosité.

J'ai entendu dire que le premier match du Tournoi des trois maisons opposera Serdaigle à Poufsouffle, je pense bien que Serdaigle va gagner, leur capitaine est vraiment très bon ! En revanche à ce qu'il paraît leur batteur ne pourra pas jouer les prochains entrainements, il semble qu'il se soit battu et ait une entorse du poignet… Ce n'est pas la première confrontation je crois, personne ne sait vraiment pourquoi elles se multiplient sans raison.

Es-tu allé chez Honey Duke pendant la sortie ? Ils ont ouvert toute une nouvelle gamme de bonbons sauteurs avec des goûts improbables ! Mes préférés sont ceux à la violette et au cassis, si jamais tu as toi aussi acheté un paquet, ne mange pas les jaunes ! je ne sais pas quel parfum c'est mais le goût est absolument dégoûtant, j'ai dû me laver trois fois les dents pour ne plus l'avoir dans la bouche !

Je n'ai guère envie d'aller au musée moi non plus, chaque année c'est la même exposition et les mêmes tableaux à regarder… Je sais bien que c'est en mémoire à une guerre dont nous ne sommes pas encore sortis mais ils devraient vraiment revoir l'aspect ludique de la sortie !

En espérant que tu ailles bien toi aussi.

Je la cachète avant de me lever, le dortoir est déserté à cette heure de la matinée, tout le monde est en cours. Ayant pris Runes j'ai cours moi le jeudi toute la matinée contrairement à Marianne. Je remonte mes collants qui ont glissé le long de mes jambes, l'hiver est en avance cette année et la température a chuté pour ne pas dépasser les 15 degrés.

En sortant, je croise quelques-uns de mes camardes, baisse instantanément la tête pour visser mes yeux au sol. La lettre dans la poche brûle ma main. Malgré l'habitude qui s'est peu à peu instaurée dans mon quotidien d'envoyer des lettres anonymes, j'ai toujours l'impression d'être une criminelle que les rougeurs dénoncent et que les autres soupçonnent. C'est probablement faux mais j'ai dans l'idée que ce genre de réaction est purement due à ma timidité maladive qui craint pour sa sécurité.

Je relève la tête en passant derrière le portrait de la Grosse Dame qui se pomponne dans un négligé vaporeux en soie rose poudré. De lourdes boucles encadrent son visage grassouillet, tous les Gryffondor savent qu'elle lorgne sur le nouveau locataire du tableau en face de l'infirmerie. Elle me jette un regard et d'une humeur visiblement effusive s'écrie.

« Oooh mais je reconnais cet air ! Alors ma jolie, on file rejoindre son amoureux au lieu d'aller en cours ? »

Elle glousse, le sang me monte au joue alors que j'accélère le pas pour m'éloigner sans la regarder.

« Ne te vexe pas oh ! Je ne suis pas non plus en position de me moquer, as-tu entendu parlé d'Ernest Granfrais ? Délicieux jeune homme n'est-ce pas ? »

Mal à l'aise, je ne réponds pas. Si elle a pu me percer à jour, je n'imagine pas combien d'autres personnes sont au courant. Je me rassure, personne ne voit sans doute la moindre de différence sur frederika Vernon, elle rougit et alors ? Elle rougit tout le temps. Je n'ai jamais autant été contente de ma timidité !

OoOoOo

« C'est pas normal, tu devrais être prudente Cath…

- T'inquiète pas Chris ! Je vais retrouver qui c'était ! C'est peut être le plus grand mystère qui soit depuis le Basilic !

- C'est pas vraiment rassurant, murmuré-je, votre batteur a eu le poignet brisé quand même…

- C'est parce que c'est pas rassurant que c'est passionnant ! affirme ma meilleure amie. »

J'échange un regard circonspect avec Christopher, c'est bien une réplique digne de Catherine. Pourtant il n'y a rien de particulièrement excitant à savoir qu'elle a failli passer à tabac par des gens aux visages floutés armés de battes de Quidditch. Rien d'excitant du tout ! La rumeur court que les nés-moldus sont les cibles mais je sais que c'est faux puisque qu'Harriet Smith ainsi qu'un garçon de première année tous les deux sangs purs se sont fait avoir également. Et savoir qu'ils frappent au hasard n'est vraiment pas rassurant, tout le monde est soudainement devenu la cible d'une bande anonyme et disciplinée. Personne n'a osé aller se plaindre, de peur de se faire tabasser dans un couloir désert eux aussi. Je dois dire que la menace qui pèse me donne froid dans le dos et j'accélère toujours le pas dans le couloir si je suis toute seule. Certaines filles de mon dortoir se déplacent même par groupe.

« Eh ! s'écrit Cath en se faisant brutalement bousculée. »

Je lève les yeux pour voir John la fusiller du regard alors qu'elle se frotte son bras qui a cogné le mur. Il n'y a pas assez d'élèves pour qu'on puisse justifier ce télescopage. Cath s'arrête alors qu'il tourne la tête et s'éloigne à grandes enjambées furieuses. Je lui demande doucement si elle n'a pas mal tandis que Chris resté figé d'étonnement fronce les sourcils.

« Qu'est-ce qu'il lui prend à celui-là ?

- Il veut plus me parler… chuchote Cath dépitée.

- Comme ça ? demandé-il de perplexe. Lui ?!

- J'ai pas voulu être sa copine, lâche-t-elle, et maintenant il me déteste.

- Et c'est une raison pour te faire mal ? marmonné-je énervée. »

Elle ne dit rien, peinée d'être ainsi traitée pour son honnêteté. Chris lui assure qu'elle a eu raison, qu'elle n'avait pas à se forcer et que c'est lui l'imbécile dans l'histoire. Je la prends vivement dans mes bras, la consoler de la perte de cet « ami ».

« Si c'est vraiment ton ami Cath, soufflé-je, il va revenir et s'excuser, sinon il ne te mérite pas. D'accord ?

- D'accord, hoche-t-elle la tête avec un léger sourire.

- Catherine ! s'écrie soudainement une voix. »

Je lève le regard pour voir courir vers nous la petite et ronde silhouette d'Eliza Elton, une fille de sixième année à Poufsouffle. Une copine de Cath que je connais de vue. Assez pour savoir qu'elle est un membre actif de la SALE – pour la libération des elfes de maison. Organisation maintenant nationalement reconnue et dirigée par l'une des héroïnes de la guerre, Hermione Weasley. Brune, elle a des joues rondes et une peau de pêche, elle n'est pas particulièrement belle mais elle a un très beau sourire et des yeux clairs et lumineux. Elle nous tend à chacun des prospectus sur les propositions des normes contractuelles entre elfes de maison et employeurs, et rémunération.

« Il y aura un discours à la radio sur Soirées débats à neuf heures ! explique-t-elle, pour lancer le projet dans le ministère ! J'espère que vous écouterez !

- Bien sûr ! assure Cath par gentillesse – les elfes de maisons sont trop inoffensifs pour susciter son attention.

- Tenez, montre-t-elle, c'est tout marqué dans le prospectus ! A neuf heure, hein, n'oubliez pas c'est pour une bonne cause ! »

J'hoche légèrement la tête et elle nous salue avant de s'éloigner vers un groupe de cinquième année. Cath la suit du regard, de façon trop insistante pour que ça ait le moindre rapport avec la libération des elfes de maison. Chris n'a visiblement rien remarqué, je ne peux en revanche pas m'empêcher de me demander ce qui lui trotte dans la tête.

OoOoOo

« Bien sûr que si ! s'exclame Pénélope. C'est dans moins de deux mois !

- Je viens de me faire larguer ! riposte blessé Rita.

- Justement, faut lui montrer que t'es passée à autre chose ! Et que t'as un cavalier ! Que t'es encore désirable et que t'as pas eu de problème pour le remplacer !

- Et comme j'ai pas encore quelqu'un je ne suis plus désirable c'est ça ?! geint-elle.

- M'fais pas dire ce que j'ai pas dit ! »

Pénélope pince ses lèvres pulpeuses recouvertes de gloss, scrutant la masse d'élèves qui attendent patiemment devant le musée que McGonagall demande à tout le monde d'entrer. Elle arrête son regard avant de donner un coup de coude à Marianne.

« J'ai exactement le mec qu'il te faut Ri ! Célibataire et sexy !

- C'est encore possible ? Oh ! Non, me dis pas que c'est Brad Pitt !

- Nope ! Il est célibataire ? Enfin bref ! Plus à portée de main ma poule, mais aussi blond t'inquiète ! Marianne je t'en prie va nous présenter à ton grand pote, Connors !

- Oscar ? fronce-t-elle les sourcils. On est pas pote.

- T'es pote avec tout le monde ma poule !

- Je le connais à peine, assure-t-elle. »

Pénélope lève les yeux au ciel, prenant alors d'autorité un des bras de Marianne et de Rita pour les précipiter à la rencontre de l'homme providentiel de la vie sentimentale de Rita et de sa vengeance post-rupture. Je jette des regards effarés aux alentours. Avant de les suivre puisque nous sommes en rang par maison. Ce n'est pas de gaieté de cœur, Oscar Connors, ses cheveux blonds et ses yeux bleus, sont en train de parler à Edward Rochester, sa petite amie Blanche Ingram, et Réginald. Mes mains commencent à trembler de nervosité. Je me sens toujours extrêmement mal à l'aise alors que je suis certaine que pas un ne fait attention à moi.

Mes oreilles bourdonnantes ne me permettent juste de comprendre que ni Oscar ni Rita ne sont enchantés des poussées matrimoniales de Pénélope. L'un probablement parce que Rita n'est pas réputée pour être une personne sympathique l'autre sûrement parce qu'elle pense encore à Théodoric et sa jolie Serdaigle.

« Laisse tomber Pénélope, rit Oscar.

- C'est juste malheureux qu'un beau mec comme toi soit célibataire… l'ignore-t-elle, et comme justement Rita vient juste de larguer son boulet…

- Pénélope ! siffle-t-elle furieuse, la ferme !

- On connait tous les poussées matrimoniales de Pénélope, tente de calmer le jeu Marianne.

- Si on pouvait s'en passer d'ailleurs, grommelle Oscar. »

Réginald rit, à travers mes cils je peux voir ses fossettes. Je sens le sang me monter au visage. Marianne enroule son bras autour du mien. Me dire qu'il est à un mètre et qu'il me prend pour une parfaite inconnue, qu'il ne fait même pas attention à moi alors que l'on s'écrit activement… ça me perce le cœur. Me fait revenir à la réalité plus brutalement que je ne l'aurais imaginé. Je n'existe pas dans son monde à lui, dans le monde réel où les gens ne parlent pas par lettres.

J'en aurais envie de pleurer de déception.

OoOoOo

Je n'ai jamais été trop concernée par ce musée sur la dernière guerre des sorciers. Je ne suis pas dénuée de compassion ni de pitié mais je ne me sens pas concernée, pas directement du moins. Je suis sang-mêlé, mon père est un moldu. Ma mère est néerlandaise, elle a fait ses études sorcières en Roumanie, d'où sont originaires mes grands-parents. Lorsque la guerre a éclaté, elle était pleinement intégrée dans le monde moldu de mon père, elle ne connaissait aucun sorcier anglais. J'ai été éloignée pendant toute mon enfance des attentats et n'ai vraiment eu de traumatisme qu'à la mort de papa dans un accident de voiture. Elle n'a pas pris part à la guerre et le fait qu'elle soit une ressortissante des Pays-Bas l'a protégé des mangemorts. Elle n'a rien eu à craindre et je n'ai compris la gravité de la situation qu'à la fin de la guerre. Visiter ce musée c'est pour moi comme visiter le musée de la révolution industrielle anglaise, c'est de l'Histoire, ça me paraît trop éloigné de moi. Alors que pourtant beaucoup de mes camarades ont perdu des proches pendant les combats. Certains malgré les années éclatent en sanglots devant la longue liste des tués pour la liberté affichée à la sortie du musée. Je me suis toujours sentie un peu honteuse de mon détachement même si je suis émue devant certaines images, je n'ai pas l'impression d'avoir vécu ce temps-là.

C'est tout à fait différent pour Chris, son père a été un auror actif qui a écopé d'une célèbre cicatrice le long de sa jugulaire lors d'un affrontement avec Bellatrix Lestrange. Ou encore pour Réginald dont la sœur aînée est morte à la bataille de Poudlard.

« C'est mortel ce musé, marmonne Cath. On écoute toujours la même chose, on s'arrête devant les mêmes baguettes et photos… »

Je lui souris, partageant pleinement son sentiment.

« Bonjour la compassion ! lance Henry soudain à côté de nous, je l'avais bien dit qu'avec tes histoires morbides t'allais finir par avoir un cœur de pierre !

- Non mais c'est comme un bon King, le lire sept fois le rend complètement…

- Insipide, complété-je.

- Stephen King ? fronce-t-il les sourcils. »

Amusée, je contemple la mine choquée de Cath alors qu'elle dévisage Henry comme s'il venait de sortir tout droit de l'une des photographies accrochées au mur.

« T'es pas sérieux ! s'exclame-t-elle.

- Miss Morland ! siffle McGonagall.

- T'es pas sérieux ! siffle-t-elle plus bas.

- Quoi ? hausse-t-il les épaules, encore un mec assommant que t'aimes bien ? Décidément t'en fais collection ! »

Il a un sourire moqueur, Cath se lance alors dans un plaidoyer enflammé pour l'auteur américain de romans noirs tandis que j'arque un sourcil étonné par sa réflexion. Faisait-il référence à John ? Je ne peux m'empêcher de songer que c'est étrange. Bien trop étrange pour vouloir quitter mon esprit. Certes, John n'est pas le garçon le plus apprécié mais de là à l'insulter alors que tout le monde a appris plus ou moins qu'il s'était fait jeté par Cath… Ce n'est pas vraiment délicat de la part d'Henry. Surtout en présence de Cath qui a à mon grand désarroi est assez affectée de la colère de John et de ses mesquineries blessantes. Je crois bien qu'elle n'a pas saisi l'allusion de toute façon.

« Y paraît que tu t'as failli de faire tabasser, la coupe-t-il de but-en-blanc.

- Oh ça ! hausse-t-elle les épaules, je cours vite ! Mais j'ai bien l'intention de mener l'enquête !

- Mener l'enquête ? répète-t-il éberlué. »

C'est évidemment très étonnant qu'une victime d'une attaque se remette aussi vite et prenne ce genre de décisions. J'ai un sourire amusé alors que Catherine hoche la tête avec fermeté. Il a une moue dubitative avant de lâcher avec plus de sérieux que je n'ai l'habitude de le voir en montrer :

« Ouais ben fais gaffe quand même. »