Bonne lecture !


Chapitre 8

« Parce que vous savez qui c'est ?! m'excité-je. C'est qui ?!

-On a juste des suspects, Cathouille, s'agace Jamie en me forçant à suivre son allure, me tenant fermement par l'avant-bras. C'est sûr que c'est des putains de Serpillères, d'façon ! »

Serpillères, comprendre Serpentards. Parfois, c'est aussi Vipères ou Nazis, Tordus… enfin bref, que des surnoms vraiment désagréables. Je ne sais pas ce que Jamie a avec les Serpentard mais il les a toujours détestés. C'est vrai que certains ont déjà lâché des « sang-de-bourbes » ou « bâtards de moldus » en nous parlant mais il ne s'agit que de cinq-six Serpentard, la grande majorité ne disent rien de raciste. Et puis, il n'y a pas que les Serpentard. Mais bon, le racisme n'est pas sorcier, il est humain. A Poudlard, on me juge de temps en temps pour mes parents moldus, à Mullburd, nos voisins moldus nous traitent de ritals, de métèques et de gitans pour les origines colombiennes de ma mère. Les riches nous méprisent parce que mes parents font ce qu'ils peuvent avec six enfants et seulement deux salaires, et certains hommes sont machos… Au final, moi, je pense qu'on est bien plus tranquille à Poudlard. Et puis, « sang-de-bourbe », je trouve ça presque mignon ! Au moins, ils se rappellent d'où je viens !

« Moi, je pense pas que ce soit des Serpentards !

-Oh, Cathouille, me gave pas ! Commence pas ! Déjà que tu fais une fixette sur eux, j'ai l'impression que t'es limite devenue leur plus grande fan alors qu'ils allaient te défoncer à coups de battes ! rabâche-t-il en faisant de grands gestes énervés avec le bras qui ne me tient pas. Franchement, tu me fais flipper, ma pauvre ! Faut t'enfermer !

-Bah toi aussi, alors ! riposté-je. Toi aussi, tu veux découvrir qui ils sont !

-Mais moi, je me méfie d'eux ! Je les déteste, moi ! Je les adule pas !

-Je les adule pas ! Je suis curieuse, c'est tout !

-Curieuse de quoi, hein ? C'est des psychopathes ! P't-être même des obsédés sexuels ! Et toi, t'as envie de te foutre dans leurs pattes ! T'es complètement malade, j'te jure, hein… Si je disais ça à Papa… Ou même à Bruno…

-J'ai fait ce que tu m'avais dit de faire, je te rappelle ! J'ai couru quand je les ai vus ! »

Il me fait tourner à gauche en m'observant d'un air partagé et je prends mon air le plus innocent et angélique. Il fait la moue puis grommelle :

« C'est vrai…

-Et j'ai couru vite ! »

Il me sourit et hoche la tête puis on arrive devant un pan de mur vierge. Il me lâche le bras et commence à passer et repasser devant celui-ci. Je roule des yeux.

« C'est pas original, sérieux… trop prédictible et tellement cliché ! Déjà que l'armée de Dumbledore se rassemblait là… »

Une fois qu'il a fini, la porte apparaît, grande et en métal. Il me lance un regard cinglant, me lâche un « la ferme et suis-moi ! », me rattrape par l'avant-bras et ouvre la porte pour que nous pénétrions dans la grande salle très lumineuse, aux murs bruns et à l'atmosphère chaleureuse. Il y a des photos par dizaines accrochées et encadrées, posées sur des meubles et, à part ça, et bien, il y a pleins de monde ; Réginald ; Marianne ; Rita ; Oscar ; Henry ; Eliza… Même John, ce qui me fait baisser les yeux, en me laissant guider par mon frère. Quand je les relève c'est pour tomber sur Dylan, le nouveau grand copain de James. Il est de taille moyenne, un menton pointu et ses cheveux bruns ont des accents roux qui sont en raccord avec ses nombreuses tâches de rousseurs. Il échange un check personnel avec James puis me sourit avec chaleur.

« La p'tite Cath Morland ! Comment ça va ?

-Super ! C'est grand ici, dis donc ! remarqué-je. Et vous êtes nombreux !

-Bref, conclut mon frère la petite parlotte. C'est l'allumée qui me sert de sœur dont je t'ai parlé ! Elle s'est presque fait attraper par ces connards et j'pense qu'il faut la briefer sur tout ça, qu'elle se rende compte des dangers et qu'elle nous aide aussi.

-Plus on est de fous, plus on rit ! commente Dylan avec un clin d'œil en ma direction. Bienvenue au club !

-C'est un club ? m'étonné-je.

-Non, Cath, » me dit-il. Il me dépasse et je me retourne pour le voir s'avancer au milieu de la salle pour annoncer avec force : « C'est une armée ! »

Des garçons et quelques filles poussent un cri d'acclamation à cette phrase et je lance un coup d'œil surpris à Jamie qui me sourit avec arrogance en croisant les bras sur sa poitrine, droit comme un i. Quand je disais que tout ça était cliché, voilà qu'en plus ils se qualifient déjà d'armée…

Dylan fait un geste accompagné de « viens-là, mon frère ! » à Jamie qui me tapote l'épaule pour me laisser avec pour seule consigne, « fais comme chez toi, Cathouille ! » et il va rejoindre Dylan tandis que Marianne et ses amies, Henry et John et pleins d'autres les entourent et qu'ils commencent à parler.

« Salut, Cathie ! C'est cool que tu nous rejoignes ! »

Je souris à Eliza qui est venue se poster juste à ma gauche. Elle me présente un plateau recouvert de mini-tartes à la citrouille et j'en prends une avec plaisir. Ça ne m'étonne pas qu'Eliza fasse partie de l'organisation de mon frère et Dylan, elle est très activiste, comme fille… grande fan d'Hermione Granger et supportrice de la Libération des elfes-de-maison… tout-ça-tout-ça. Vraiment très généreuse, ouverte aux autres et concernée, pas égoïste pour un sou, et toutes ces observations ô combien positives m'ont amené à la conclusion suivante : elle serait parfaite –vraiment parfaite !- pour mon Chris adoré au cœur sauvagement brisé par Marianne !

« Après avoir manqué de te faire agresser, tu fais bien, vraiment, me dit-elle alors que je déguste sa mini-tarte. J'étais tellement inquiète quand tu m'as racontée ça ! Toute petite comme t'es, tu n'aurais rien pu faire ! C'est affreux de s'en prendre aux gens comme ça, aux filles et aux petits…

-Naaan…, rié-je. T'en fais pas, ça va ! C'était même presque drôle, en fait ! Bon, sur le coup, j'ai eu peur mais… ouais, c'était quelque chose ! »

Elle me regarde avec, dans ses yeux verts, ce mélange d'admiration, de fascination et d'inquiétude que je connais bien. Les gens ne savent pas apprécier les moments excitants de leurs vies ! Je tourne la tête vers le rassemblement au milieu de la salle, au cœur duquel est mon frère. La fameuse armée. Je partage avec Eliza ma perplexité :

« Je croyais que la guerre était finie et vous, vous refaites une armée…

-Tant qu'il y aura des raisons de se battre dans ce monde, la paix ne sera pas suffisante, Cath. »

Je hoche vaguement la tête avec une moue dubitative, reprenant une mini-tarte.

Donc, on aura jamais la paix, quoi…

xOxOxO

On quitte la Grande Salle, Chris et moi, après avoir mangé notre déjeuner. On essaye surtout de ne pas nous faire écraser par la masse grouillante et surexcitée de nos camarades qui n'en peuvent plus et se ruent vers la sortie. Le premier match de l'année va commencer dans une heure et bien sûr, il est très important d'être dans les premiers à investir les gradins, de sorte à pouvoir trouver les meilleures places ! C'est pour ça que j'ai pressé Chris car lui n'en a strictement rien à faire du match mais, moi, bon, déjà, j'aime le Quidditch, il y a toujours des blessés et des évènements très amusants, mais surtout, mon frère joue ! Il n'est pas capitaine mais il aurait vraiment dû l'être ! Il était d'ailleurs furieux quand on lui a refusé le poste au profit de Marina Sprang, une fille de Sixième année, en plus, poursuiveuse de l'équipe mais c'est justement à cause de son naturel tempétueux et nerveux, voir carrément violent –faut bien le dire- que Jamie n'a pas été choisi. M'enfin, en ayant assisté régulièrement à leurs entrainements, je peux vous dire que c'est comme si Jamie l'était, capitaine, parce que Marina boit ses paroles et a, de toute façon, bien trop peur que mon frère pique une colère pour le contester. Ah, mon frère… c'est le meilleur ! Enfin, voilà, c'est sûr Poufsouffle va gagner !

Je me cramponne au bras de Chris qui s'évertue à nous tracer le chemin et lui demande :

« Tu penses que quels joueurs vont finir à l'infirmerie, à ce match ? Moi, je pense…

-Demande plutôt à ton frère qui il prévoit de dégommer, me coupe-t-il en lançant un regard sévère à un garçon qui essayait de nous pousser pour passer par les portes. C'est lui le plus dangereux ! Sincèrement, je pense qu'il a des problèmes nerveux…

-Tu crois ? Ah, bah, peut-être… Tata avait conseillé à Maman de lui faire voir un psy quand on était encore des gamins…

-Ouais, bah ta mère aurait dû l'écouter ! »

J'éclate de rire puis lui dis :

« Au fait, j'ai pensé que peut-être pour le bal, ce serait bien que tu te trouves une cavalière, Chris… Je pourrais t'aider aussi, si tu veux. »

Il ne dit rien; me lance un vague coup d'œil et continue de nous frayer un chemin. On arrive enfin à sortir de la masse, dans le parc de Poudlard et on est rejoint par Marianne et Freddy, et les autres filles. Je lâche Chris pour aller juste à côté de Freddy et lui attraper le bras.

« Tu viens dans les gradins des Poufsouffle avec Chris et moi, hein, Freddy ?

-Oh bah non ! fait Marianne. Vous n'avez qu'à venir dans ceux des Gryffondor avec nous !

-Bah en fait, c'est mieux qu'on soit avec les Pouffsoufle parce que mon frère est à Pouf…, commencé-je.

-C'est pas comme si ça changeait quelque chose, Cathie, m'interrompt Chris. Tu le supporteras des gradins des Gryffondors, ce sera très bien aussi. »

Je le regarde d'un drôle d'air. Je pensais que ça le gênerait d'être avec la bande à Marianne, c'est pour ça surtout que je voulais qu'on soit Fred, lui et moi, seulement mais il me lance un coup d'œil rassurant et je hausse les épaules tandis que Marianne s'exclame que c'est parfait. Fred me sourit avant d'être embarquée par Marianne. Je grogne légèrement. Parfois, Marianne est vraiment agaçante. Elle est dans la maison et donc le dortoir et dans tous les cours de Fred, et en plus, elle mange très souvent avec elle, et elle ne veut même pas que Fred vienne voir le match avec nous. Chris revient à ma hauteur tandis qu'on suit le groupe –personnellement, je traîne un peu des pieds mais bon…

« J'aimerais vraiment beaucoup que tu m'aides à me trouver une cavalière pour le bal, Cathie, me dit-il en souriant.

-C'est vrai ?! m'enthousiasmé-je. Génial ! Tu vas voir elle sera super gentille !

-Je te fais confiance pour ça. »

xOxOxO

Marianne pousse un cri en se reculant dans son siège quand mon frère envoie un cognard en plein dans le ventre de Forbes alors que, soyons clair, il n'y avait strictement aucun avantage à faire tomber le poursuiveur Serpentard de son balai puisqu'il était bien loin du souaffle. Mais je souris parce que je sais très bien que c'est la réponse façon Jamie-Morland pour son arcade éclatée, et ça me fait plaisir que celui qui s'en est pris à mon frère jumeau souffre à son tour, alors qu'il était seul contre trois.

« Dans sa face ! m'écrié-je joyeusement. Il l'a pas volé, celui-là !

-Euh ouais, enfin…, commence Rita.

-ALLEZZZ, JAMIIIIIE ! hurlé-je en secouant les bras de ma place assise, entre Fred et Chris. VAS-YYYY ! MASSACRE-LEEEESS ! »

Jamie tourne sa tête en ma direction, non loin des gradins des Gryffondor et me lève sa batte d'un geste vorace. Je ris, très fière d'avoir un frère aussi fortiche en Quidditch ! Et le voilà reparti pour intercepter un cognard et le balancer tout droit vers l'attrapeur de Serpentard qui file sûrement derrière le vif d'or… ou alors, c'est juste pour le plaisir.

« J'aimerais vraiment pas être un Cognard…, fait Freddy en grimaçant.

-Ni un Serpentard, ajoute Chris.

-Ni une batte ! rigolé-je.

-Ouais, bah tout ce qui ton frère touche, quoi ! »

Fred et moi rions à la remarque très juste de Chris. Puis, mes yeux tombent sur Régi que sa copine nourrit à coups de Choco-Grenouille, juste devant nous. J'essaye de faire comme rien n'était mais ça me dérange assez, sachant que Régi n'arrête pas de se plaindre de sa relation avec sa petite-amie à Fred mais qu'il reste avec elle. Et, en plus, il sait très bien que Fred –enfin, sa correspondante mystérieuse, pour lui, mais bon, c'est pareil- est folle amoureuse de lui… mais bon, vu comme ils n'arrêtent pas d'échanger, je suis certaine qu'il va bientôt rompre avec Susan quand il se rendra compte que Fred est la fille qui lui faut ! Je ne dis pas ça contre Susan mais s'ils se disputent autant, autant qu'ils arrêtent là ! Et puis, le plus tôt ce sera, le mieux ce sera pour tout le monde, aussi. J'observe le profil de Fred qui prend un soin tout particulier à ne pas regarder le couple devant nous mais je vois bien cette lueur triste dans ses yeux.

« Ca va s'arranger bientôt, Fred, lui soufflé-je. A mon avis, il est déjà amoureux de toi mais il ne sait pas comment faire parce qu'il ne sait pas qui tu es… C'est le genre à suivre les règles –je le vois bien en potion… c'est ennuyant, enfin bon ! Donc, ça doit être une première tout ça pour lui !

-J'ai un peu honte d'espérer que ce soit vrai, m'avoue-t-elle. Il a déjà une copine…

-Bah pourquoi ? lui dis-je. Tu fais rien de mal…

-Ton frère est une telle brute ! rigole alors Marianne. Il s'acharne vraiment sur les Serpentard ! »

Je reporte mon attention au match et je le vois surtout en train de discuter avec son homologue, sûrement en train de préparer un plan offensif. Henry passe alors à toute vitesse dans mon champ de vision, le souaffle sous le bras. Il l'envoi à Dylan, l'autre poursuiveur, qui le lui renvoie et Henry finit par marquer, faisant se lever le gradin des Poufsouffle qui hurle leur joie. Je me contente d'applaudir avec euphorie.

« Cette année, la coupe, elle est pour nous ! » assuré-je.

C'est précisément Susan qui se retourne pour me fusiller du regard et je fronce les sourcils avec irritation. Rho, ça va, c'est pas comme si tout le monde ne voyait pas que notre équipe était la meilleure ! Pff, tous des jaloux.

« En plus, me retourné-je vers Fred. Sa copine, c'est vraiment une harpie… »

xOxOxO

J'applaudis avec les autres tandis que Henry et mon frère soulèvent le petit Troisième Année qui est l'attrapeur de notre équipe et qui a piqué avec talent le vif d'or sous le balais de celui des Serpentard. Il est rouge pivoine de timidité mise à mal et d'excitation, assis sur les épaules des deux garçons les plus populaires de Pouffsouffle, voir de Poudlard, acclamé par tous les élèves de notre maison. C'est sûr, c'est son moment de gloire ! Et ça ne fait que commencer puisque ce n'était que le premier match !

« Félicitation pour votre victoire. »

Avec étonnement, je me rends compte que c'est Isa qui vient de me féliciter. Peu d'élèves des autres maisons ne sont venus fêter notre victoire avec nous. Fred et Chris m'ont dit qu'ils viendront peut-être plus tard mais ils attachent une certaine importance au règlement intérieur qui n'encourage pas réellement l'intrusion des autres salles communes que notre maison, donc je ne les attends pas vraiment. Mais je sais qu'ils sont très contents tous les deux que nous ayons écrasé à plate couture Serpentard ! De toute façon, Chris se fiche du Quidditch et veut surtout que je sois contente, et Fred… bah, elle supporte Gryffondor, quand même, mais elle supporte aussi Poufsouffle ! Tout ça pour dire que je suis étonnée de voir Isa ici, sachant qu'elle est à Serdaigle, mais que plus ravie ! Je suis sûre qu'elle est venue féliciter mon frère ! C'est tellement beau, l'amour !

« Merci ! Jamie a écrabouillé tous les joueurs, donc c'était sûr qu'on allait gagner !

-Oui, il est incroyable, » sourit-elle en le regardant.

A quelques mètres de nous, il a un grand sourire triomphal et, avec Henry, ils font redescendre leur attrapeur avant de lui décoiffer les cheveux, taquin.

« On aime toutes les deux énormément nos frères, pas vrai, Catherine ?

-Ah bah oui ! C'est sûr !

-Cath…

-Oui ? » dis-je en me retournant vers elle.

Elle a un air sévère plaqué sur le visage et je suis prise de court. Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai dit quelque chose ? Elle soupire.

« John t'aime à un point… à un tel point que, bon sang, Cath ! s'emporte-t-elle. Comment fais-tu pour pas le voir ? Il ne voit que toi ! Il est fou de toi !

-Isa, je…, bredouillé-je.

-Non ! Ecoute-moi ! T'as une chance insensée ! Ce genre d'amour, crois-moi, tout le monde ne le rencontre pas dans une vie ! Tout le monde n'a pas la chance de croiser quelqu'un qui les aime comme John t'aime ! Si tu n'essayes pas, Cath, si tu ne lui donnes pas même une chance, tu le regretteras toute ta vie… »

Déstabilisée, je ne trouve rien à dire et la dévisage, la bouche ouverte bêtement. Est-ce que John m'aime vraiment… à ce point ? Je veux dire, d'accord, il est gentil et toujours là, mais est-ce que… enfin, ça ne veut pas dire forcément que c'est aussi fort que ça, si ? Et puis, ce ne peut pas être le seul garçon qui m'aimera dans toute ma vie ? C'est vrai que Cindy dit souvent qu'on n'a qu'une seule âme sœur et que le plus dur est de la trouver, qu'un seul grand amour dans une vie. Elle pose une main sur mon épaule, désolée et triste, et soupire encore une fois.

« Mais je ne l'aime pas, moi, Isa…

-Et alors ? Cath…, souffle-t-elle en secouant la tête. C'est comme ça, la vie. Dans un couple, il y en a toujours un qui aime plus que l'autre… Je le sais bien, moi… »

Et elle regarde à nouveau mon frère qui parle avec Marina, sa capitaine.

« Vous êtes de sacrés briseurs de cœur dans la famille Morland…, rit-elle en me lançant un coup d'œil qui me parait un brin accusateur. Tu fais comme tu veux, hein, Cath mais… réfléchis-y… »

Et elle s'en va, se faufilant entre mes camarades qui continuent à danser, rire et parler fort. Mais, moi, je ne me sens plus si bien que ça et mon estomac me pèse. Je crois que je me sens coupable. Est-ce que j'ai vraiment brisé le cœur de John ? Ce n'est pas du tout ce que je voulais…

Je m'assois dans le canapé derrière moi, juste à côté d'Eliza qui lit la Gazette du Sorcier, une monture de lunettes de vue posée sur le nez. En me voyant, elle repose d'ailleurs sa lecture et ôte ses lunettes.

« Ca va pas, Cath ?

-Hein ? fais-je. Si…

-Tu t'es pas refaite agressée, pas vrai ?!

-Oh non ! » assuré-je en riant un peu.

J'aurais préféré ! Mais voir Eliza me rappelle que j'ai dit à Chris que je lui trouverai une gentille cavalière… Je retrouve le sourire une bonne fois pour toutes et demande à ma voisine :

« Au fait, Liza ! T'as déjà un cavalier pour le bal ?

-Ah…, fait-elle en rougissant et regardant ailleurs. Non, j'ai pas vraiment… je me suis pas encore vraiment attaquée à la question et bon, aucun garçon…

-Tu penses quoi de Christopher Brandon ? la coupé-je.

-Christopher ? Ton meilleur ami ?

-Ahum !

-Euhmm… je… Pourquoi tu me demandes ça ? Ca m'étonnerait qu'il n'ait pas de cavalière…

-Il n'en a pas encore, précisé-je. Mais je veux bien te le réserver si une fille vient lui demander ! »

Pour le coup, elle devient cramoisie et bredouille un « merci mais je ne sais pas… » qui me fait dire qu'elle sait très bien qu'elle est tout à fait pour mon idée de réservation ! C'est Chris qui va être content !

On s'assoit alors juste à ma gauche, dans le canapé, et je me retourne pour voir qu'il s'agit d'Henry qui s'est confortablement installé, les bras étendus sur le dossier –derrière ma tête, entre autre- et un pied posé sur la table-basse. Il a un large sourire sur le visage et observe les festivités, ses cheveux bruns toujours fixés dans sa complexe coiffure de gel en pétard et son grand nez cassé, à mon avis, à maintes reprises, vu sa forme. J'ai entendu des tas de filles répéter et répéter qu'Henry était tellement mignon et sexy mais que, vraiment, son nez gâchait tout… personnellement, c'est ce que je préfère chez lui ! Je me demande à chaque fois quelle est l'histoire de ce fameux nez à bosse !

« Alors, Cathouille, t'es fière de nous ? me demande-t-il.

-Oh oui, trop fière ! m'écrié-je. Jamie est le meilleur !

-Merci pour moi, j'me sens vachement aimé d'un coup… »

Il se tourne vers moi, l'air moqueur brillant dans ses yeux noisettes intensifié par ses épais sourcils qu'il fait toujours gigoter avec une souplesse impressionnante.

« Ta sœur doit bien t'aimer ! Moi, j'aime mon frère, c'est tout, » dis-je en haussant des épaules.

Et qu'est-ce que j'y peux si je n'aime pas celui d'Isa ?

« J'ai pas de sœur donc, personne m'aime et c'est normal, c'est ça ? rit-il.

-Ta maman t'aime, t'inquiète pas, Henry ! plaisante Eliza.

-Ah, merci, Liza ! Parce que franchement Cath…

-Quoi, moi ? me vexé-je. T'as quand même bien joué ! J'ai juste dit que Jamie était le meilleur !

-C'est vrai, admet-il. Ton frangin est le meilleur… mais c'est moi qui marque ! »

Je fais la moue, grommelant que c'est vrai parce que c'est difficile à contester. Il me lance ce regard arrogant qui ressemble tellement à ceux de Jamie que je ne me demande pas un instant pourquoi ils s'entendent aussi bien.

« Tout ça pour que Cath te complimente…, commente Eliza. Mais bien joué, Henry !

-Ah ouais, j'te le fais pas dire, Liza, réplique Henry. c'est pas tous les jours facile avec Miss Morland…

-T'as qu'à aller t'assoir ailleurs, alors !

-Ailleurs, hum ? réfléchit-il. Nope, j'suis bien là ! »

Qu'il est nul…

« Tu fais style que je te gêne mais tu souris, Miss Morland !

-Rho, tais-toi, Henry ! »