Bonne lecture !
Chapitre 9
Marianne jette un coup d'œil à son reflet dans le miroir faisant face au bureau de Slughorn, un sourire étincelant. Elle lisse avec satisfaction sa mini-jupe en velours. Avant de s'écrier :
« Merlin ! Ces uniformes sont vraiment abominables ! »
Et se tourne vers moi avec un sourire malicieux.
« C'est plus pour porter des vrais fringues que pour la conversation de Slughorn que je vais à ces dîners ! »
Je replace correctement le headband qu'elle m'a offert à Noël dernier avant d'hocher la tête. Même si les dîners de Slughorn ne sont pas vraiment ce que je pourrais qualifier d'une partie de plaisir, je dirais même que je préfère encore ces soirées, et ce n'est pas peu dire ! Les dîners sont toujours une torture, le principe d'un dîner s'il est autre que la dégustation de mets fins est bien la conversation avec ses voisins. La conversation élégante et distinguée sur des sujets aussi frivoles qu'oubliables dont le seul but et de faire valoir sa capacité à être à l'aise en société. Ce que je ne suis pas. Comme vous avez pu le constater.
« Salut Fred. Bonsoir Marianne. »
Je sursaute avant de me tourner vers Chris qui vient d'arriver lui aussi. Un soulagement intense s'empare de moi. Je peux compter sur lui pour me soutenir là où Marianne s'empressera de papillonner avec tout le monde.
« Tiens salut Christopher ! fait Marianne avec un sourire, on est un peu en avance, non ?
- Mais entrez donc ! s'exclame soudain Slughorn en ouvrant la porte, ne soyons pas si timorés entre amis ! »
J'échange une grimace avec Chris. Il m'offre un sourire rassurant bien que peu enthousiasme. J'espère sincèrement que Slughorn nous a placé côte à côte. Quoi que même s'il ne l'a pas fait, je sais pour en avoir déjà fait l'expérience que fixer le fond du service en porcelaine n'est pas désagréable ou inintéressant. Il est décoré de miniatures toutes à fait charmantes sur des scènes sorcières du siècle dernier.
Mes espoirs ont hélas été vains, Slughorn avec toute la galanterie pompeuse dont il est capable me mène à mon siège en me demandant comment se porte cette chère Liene, ma mère. Avant de me placer entre Spencer Abott, un quatrième année de Gryffondor dont le père est à la tête du département des affaires étrangères au ministère, et Lauren Grennley une Serpentard fortunée autant qu'arrogante.
« Je suis ravi ! s'enthousiasme Slughorn, nous savoir tous réunis ne peut qu'inaugurer une excellente soirée ! »
Fortement improbable s'il me demandait mon avis, ce qu'il ne fait bien évidemment pas. Je ne suis qu'un de ses trésors ajoutés à sa collection de trophées. Ravie, en effet.
OoOoOo
Inutile de décrire ce dîner, je ne retiendrai que peu de choses. De ne pas avoir émis le moindre son et d'avoir pu contempler Réginald en biais lorsque Slughorn a tourné l'attention de notre assemblée sur lui. La sensation étrange et douloureuse qui s'est emparé de moi à cet instant ne m'a pas quitté même une fois à l'air libre dans le couloir. Il était si proche et pourtant irrémédiablement hors de ma portée, j'ai eu la désagréable impression de ne pas reconnaître le garçon à qui je parle. Comme s'il y avait deux Réginald, celui mondain et celui plus secret. Ce n'est qu'une seule et même personne mais j'ai eu conscience de n'être qu'une simple figurante. Et ce que finalement ce que je chéris, notre correspondance, n'a eu aucune incidence sur son quotidien. Il est le même, toujours aussi mignon et à l'aise, ouvert et sérieux. Ce mélange qui m'est devenu toxique. Je me rends compte que je ne fais que me faire du mal et que j'ai échoué.
Je n'arrive pas à lâcher prise.
« Ça va Fred ? demande Chris au moment de se séparer.
- Oui, je suis juste un peu fatiguée, prétexté-je. Et puis demain on a cette dissertation à rendre… »
Il me lance un regard dubitatif, certes l'excuse est improbable puisque je finis toujours mes dissertations une semaine avant de les rendre. Je lui suis pourtant reconnaissante de ne pas faire de commentaire. Chris a toujours eu la délicatesse de ne pas insister, il sait bien que ça ne ferait que me refermer sur moi-même pour protéger mon malaise. Je n'ai pas envie de l'ennuyer avec ça quand il est dans une situation bien pire que la mienne. Même s'il faut reconnaître que Marianne ne fait pas cas de sa déclaration et n'en a jamais reparlé, se contentant de le traiter comme une connaissance avec qui elle s'entend bien puisqu'ils pratiquent tous deux le piano. Marianne avec autant de talent que de passion.
Nous nous séparons, la soirée ne nous aura pas permis de beaucoup discuter et la présence de Marianne à mes côtés en sortant ne l'a pas mis à l'aise pour engager la conversation. Ce que je conçois vraiment, de toute façon je n'avais pas envie de parler. Une fois qu'il a disparu, elle s'empare de mon bras et nous entraîne vers nos dortoirs en discourant sur son sujet favori du moment, le bal de Noël. George lui a demandé d'y aller avec lui il y a trois jours, et l'explosion de joie à cette demande a supplanté la déception de si peu de romantisme dans la manière de lui présenter son invitation.
« Je pourrais remettre ma robe dorée, continue-t-elle, même si je l'ai déjà porté cette année à la soirée du club de Slug… Avec une coiffure élaborée ça devrait passer non ?
- Je suis certaine que ça sera parfait, assuré-je.
- Mais j'ai vu cette robe rouge dans WitchMag, tu sais celle que je t'ai montrée, la bustier… Elle est vraiment magnifique. »
Les parents de Marianne sont pauvres et divorcés, sa mère qui a eu la garde des trois filles Dashwood vit retirée dans un cottage en pleine campagne et fait vivre son foyer avec une pension alimentaire et le travail de secrétaire à la mairie de leur village. Elinor Dashwood, la sœur ainée de Marianne a pris un travail pour l'aider bien qu'elle va déménager pour aller habiter avec son fiancé, Edward Ferrars à Brighton. Ne reste que Margaret, la petite dernière qui n'a que dix ans, une petite rebelle qui clame vouloir devenir le nouveau grand auteur de Grande Bretagne. Elle m'envoie régulièrement ses pages d'écritures pour avoir mon avis.
« Et toi, tu penses mettre quoi ?
- Je ne sais pas trop… haussé-je les épaules, je n'y ai pas encore réfléchi.
- T'as raison ! Faut d'abord te trouver un cavalier ! acquiesce-t-elle. Tu vas surement dégoter un gars super ! Je suis même certaine que t'as déjà tapé dans l'œil de quelque, t'es toute mignonne quand tu rougis Freddy !
- Ah… euh… enfin, rougissé-je.
- Tant pis pour Réginald s'il préfère y aller avec sa grosse truie de copine ! asséne-t-elle, il te mérite pas s'il ne s'est pas encore rendu compte que t'es la fille la plus intelligente de Poudlard ! »
Je souris, amusée. Bien que me rappeler que je vais en toute certitude aller au bal de Noël seule n'est pas sans me pincer le cœur. Moi qui ai toujours rêvé d'avoir comme dans les livres, la soirée parfaite… Il faudra se contenter de ma seule compagnie. Je préfère m'abstenir de le dire à Marianne, elle est bien trop romantique pour concevoir qu'on puisse penser passer une agréable soirée en sa seule compagnie lors du bal de Poudlard.
En rentrant dans le dortoir, je me glisse vite sous les couvertures. Avant d'ouvrir mon recueil du poète sorcier italien Rénégal, le marque page est la dernière lettre de Réginald. Je la glisse entre la couverture et la dernière page, pour ne plus y penser.
OoOoOo
Comme chaque année une effervescence joviale a pris place à Poudlard, on assiste à une course à la plus belle robe et au cavalier, cavalière comme s'il s'agissait d'un marathon pour décrocher un O à ses ASPICS. Rita et Pénélope sont en pleine discussion sur le port ou non de talons pour le bal, l'une affirmant qu'elle ne survivra pas une soirée avec douze centimètres en plus à chaque pied, l'autre affirmant que l'élégance même d'une tenue réside dans cet accessoire indispensable. Marianne est quant à elle partie en quête de la marmelade à l'orange amère. Je tartine consciencieusement mon pain grillé avec de la confiture de griotte tout en respirant l'odeur familière d'un bon Earl Grey bien infusé. Une odeur forte et un goût un peu amer. Maman m'a souvent raconté que c'était le thé préféré de papa.
« Les filles ! Il faut absolument que je vous lise un truc à mourir de rire ! »
Je sursaute, un frisson désagréable me brûle la colonne vertébrale. Je ne relève pas les yeux, il s'agit de Susan. Qui s'assoit à côté de moi le plus naturellement du monde pour entamer une session potins avec l'une des commères les plus connues de Poudlard, Pénélope Grazia.
« Attendez ! rit-elle alors que Rita et Pénélope la pressent de tout révéler. C'est une espèce de gourde qui a pas arrêté d'envoyer des lettres à Régi ! »
Mon souffle se coupe. Mes doigts deviennent rigides, en lâche mon couteau qui s'en va s'enfoncer mollement dans la confiture.
« Cher Réginald ! commence-t-elle avant de commenter, c'est déjà bien guindé ! Donc, Cher Réginald ! »
Les deux autres se mettent à glousser d'impatience, je n'ai plus faim. Je me retiens presque de respirer, priant qu'elles oublient jusqu'à ma simple existence. J'ai les oreilles qui bourdonnent, seules quelques brides de mes phrases me parviennent. Susan pioche dans tout ce que j'ai écrit, éclatant de rire avant de s'écrier.
« Oh et celle-là ! Pouchkine est l'un de mes poètes préférés, mes vers préférés je te les ai écrit, il n'y a pas besoin d'être des intellectuels pour en voir toute la beauté ! Merlin ! Qui écrit encore comme ça ? C'est froid et vieux ! »
Et elle se met à lire mes vers. Les vers de Pouchkine. J'ai envie de vomir. Rita explose de rire.
« C'est quoi un cours de littérature ?! »
Je sens les larmes poindre et les ravale, les enfermant dans ma gorge déjà nouée. Tout y passe, mon amour pour la poésie, mes questions sincères, des souvenirs et… C'est me mettre à nue devant tout le monde. L'humiliation est si dure, si cuisante. Mes cheveux dissimulent à peine les rougissements qui me brûlent les joues.
« Je suis amoureuse de toi. Je ne sais pas trop comment on doit écrire des déclarations d'amour… A ben ça c'est clair ! Non mais sérieux t'y crois ça ?! Elle ose écrire à mon copain.
- Carrément, s'offusque Pénélope, qui est complètement dingue de toi en plus !
- Je suis sûre qu'elle pensait à un vrai roman d'amour où il te larguait ! affirme Rita moqueuse,c'est débile ! Tu vas faire quoi ?
- C'est déjà fait ! Je lui ai écrit pendant des semaines à cette gourde ! Elle a cru a une romance épistolaire j'suis sûre !
- Noooon ! ricane les deux autres, c'est horrible ! »
Ma vision se brouille. Je n'arrive plus à respirer. Mes mains tremblent, je les glisse sous la table. Renversant mon thé. Atterrée je m'empresse d'éponger avec ma serviette, sentant leurs regards se tourner vers moi. Susan me tapote alors l'épaule avant de sourire narquoisement à Pénélope et Rita.
« Ça te rappelle pas vaguement quelque chose Frederika ? »
Rita pousse un couinement tandis que Pénélope s'écrit :
« NON ?! »
Elles me dévisagent, je deviens blême. Le sang quitte mon visage, toute dignité humaine m'a été soudain arraché me recroqueville sur moi-même alors que Susan balance mes lettres en face de moi.
« Tu peux les reprendre, ça l'a bien fait rire aussi ! »
Il y a un énorme silence qui m'étouffe, qui m'envahit et me noie. Avant qu'elles ne se remettent à glousser. Je suis si petite, si insignifiante. Si ridicule. Et humiliée. Percée à jour et jetée sur la place publique comme si je n'avais aucune importance. C'est si dur, si dur de ne pas me mettre à pleurer.
« Salut ! s'exclame soudainement Marianne, j'ai loupé quoi ?
- Le scoop de la semaine ! réplique Pénélope. »
Horrifiée, je me lève brutalement. Et je manque de tomber. Marianne tente de me retenir, étonnée. Je l'ignore et sors de la Grande Salle. Le poids des regards me fait trébucher, je rougis violemment. Mon cœur n'est plus en miette, mon cœur a été pulvérisé. Il n'y a plus rien. Plus rien.
Plus rien du tout.
OoOoOo
Je m'attendais à tout, me faire montrer du doigt, les rires sur mon passage, les remarques désobligeantes. A devoir être si mal à l'aise que le peu d'assurance que j'ai aurait été balayée dès le premier regard moqueur. Je ne voulais pas aller en cours mais Cath m'a persuadé, et elle a raison je ne vais pas laisser Susan, après avoir détruit mon amour propre, mettre en péril ma réussite scolaire.
La première chose dont on me parle lorsqu'on nous aborde dans le couloir, devant la salle de Sortilèges ce n'est à propos de mes lettres, ni de l'humiliation publique infligée au petit déjeuné. Non, Henry l'air sombre s'approche de nous.
"Qu'est-ce qu'il y a Henry ? s'étonne Cath de sa mine.
- Un Serpentard a été envoyé à l'infirmerie ce matin.
- Un Serpentard, pourquoi ?
- Il a été tabassé, explique-t-il.
- Par les gars floutés ? s'excite-t-elle.
- J'en sais rien, mais il parait que c'était pas beau à voir, grimace-t-il."
ça ne peut pas être une coïncidence, c'est forcément cette bande. Mais c'est la première fois qu'on parle d'une attaque sur un Serpentard, ce qui faisait d'ailleurs supposer que les personnes étaient de Serpentard. Certains y voient même une réformation des fils et filles de mangemort avides de vengeance en ces temps de procès à Londres pour crime contre la Liberté. Personnellement je ne pense pas qu'il s'agisse d'une coalition de tous les Serpentard, ça ne serait pas gérable et il y aurait forcément eu une erreur dans l'engrenage. Non, il s'agit sûrement d'un petit groupe.
Henry a une mine inquiète. Une mine inquiète tournée vers le visage dévoré par la curiosité de Catherine. Je le comprends, les attaques prennent soudainement un aspect plus réel. Ça n'avait été que des petites escarmouches, à cet instant je prends conscience que c'est plus. Je ne saurais dire quoi, mais j'ai la soudaine sensation que ce Serpentard ne sera pas le seul coup d'éclat.
"C'est qui ?
- Lehnsherr, fait-il avant de dire, Cath c'est peut être pas très prudent de te lancer sur leur traces hein, c'est pas des rigolos.
- Si personne ne les démasque, ça va pas les arrêter ! réplique-t-elle avec un sourire confiant. Et puis ya Freddy avec moi !"
Je sursaute, nullement au courant de ce détail. Nullement étonnée non plus. Cette remarque arrache un sourire à Henry. Je préfère rester près d'elle pendant son enquête, comme ça je peux la protéger. Il y a si peu de personne pour qui je compte, je dois les protéger.
Cath la première.
