On vous souhaite une bonne semaine et une bonne lecture :)
Chapitre 13
« C'est super cool ça ! s'écrie Marianne. Tu as un cavalier Fred ! »
Qui l'eut cru.
« Oh lalala il faut trouver ta robe maintenant ! Avant qu'il ai plus de choix ! Je te prêterai des escarpins si tu veux ! Oh ! Rita va être verte de jalousie hihihi ! »
Merlin tout puissant, je vais au bal de Noël avec David. David Lehnsherr.
« Fred ? ça va ? T'es toute pâle, tu te sens bien ? »
Mécaniquement, je tourne mon regard sur elle.
« Oui. »
C'est une catastrophe.
Cath m'a annoncé ça au petit déjeuner. Mes genoux se mettent doucement à trembler d'inquiétude. Je tripote pensivement la lanière de mon sac. Est-ce une pure coïncidence si Cath a réussi à me trouver une invitation ou a-t-elle vu clair en moi ? Moi-même je suis au milieu d'un brouillard de plus en plus épais. Non, elle me l'aurait dit. Cath n'est pas le genre de personne qui planifie dans votre dos. Elle est bien trop empressée pour garder ça pour elle toute seule. C'est une des qualités que j'apprécie le plus chez elle.
Marianne m'attrape le bras et nous guide à nos places habituelles, Christ s'installe à ma droite. Un instant, je suis étonnée de ne voir aucun éclair de tristesse dans ses yeux lorsque Marianne le salue. Flitwick nous demande d'ouvrir nos manuels et de sortir nos baguettes. Tandis qu'il se perd dans l'explication tortueuse d'un nouveau sortilège, je me perds dans mes pensées tortueuses.
Bien évidemment j'ai songé à l'éventuelle potentialité d'avoir un cavalier pour le bal. Je n'avais pas particulièrement d'angoisse, je savais que Cath, si elle trouvait quelqu'un, ce serait une personne que je connais. Du moins un minimum. Pour ne pas me tétaniser avant même le début de la soirée ou pire, me terrer dans la salle de bain du dortoir. Elle me connaît trop bien. Je n'étais pas inquiète, mais je n'avais alors pas songé un instant qu'elle trouve David. La simple pensée de son prénom me fait rougir brutalement et enfouir mon visage entre mes mains.
« Ca va Fred ? me souffle Christ.
- Ne t'inquiète pas, tout va bien, murmuré-je sans la moindre conviction. »
Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? me mortifié-je. Absolument rien. Parler de Pouchkine n'est pas du tout approprié. Encore moins d'Oscar Wilde. Personne n'aime parler de poésie. Je vais passer pour une personne vieillotte et triste, pédante et asociale. Et je ne veux pas qu'il pense cela de moi. Cette pensée me tord le cœur sans la moindre logique. Il n'y a aucune raison à cela. Aucune. Alors pourquoi ?
Et pourquoi diable a-t-il voulu m'inviter au bal ? N'a-t-il pas eu le temps de demander à une fille en étant cloué à son lit ? Nous n'avons jamais échangé une seule parole, j'ai pris garde à ne pas le regarder trop longtemps ! Ça n'a pas de sens. Peut-être s'est-elle trompée de David ? Ridicule, comme si nous connaissions trente-six David. Il y a sûrement pleins d'autres filles plus souriantes et plus jolies que moi qui veulent y aller avec lui. évidemment qu'il y en a. Il est très séduisant. Je m'interdis de m'enfoncer plus dans ce sujet-là qui me laisse la désagréable impression d'avoir perdu toute dignité, savoir-vivre. Et la tête avec.
Puis me rend compte d'un autre problème, plus urgent encore. Le prochain cours est avec les Serpentard. Qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire ?
OoOoOo
« Dépêche Fred, on va être en retard ! George va nous attendre ! »
Oh mon dieu, j'avais oublié George. Marianne va s'asseoir à côté de lui. Il faut absolument que je me trouve un bouclier avant de faire une syncope. J'ai la soudaine envie de disparaître. Ridicule envie même. De m'écrouler contre le mur et de refuser de faire un pas de plus. Je n'ai jamais été aussi mal. Ma timidité me dévore, m'entraînant avec elle dans un tourbillon d'angoisse et de palpitations frénétiques. Je ne peux pas aller en cours ou même le croiser dans le couloir. Je m'arrête de respirer et prie Dieu et Merlin d'ouvrir le sol pour me faire plonger dans les abysses de la terre. Sans le moindre remord.
« Tu veux aller à l'infirmerie ? »
Je me braque brutalement. Est-ce que je veux fuir comme une lâche ? Est-ce que je veux laisser ma timidité gagner ? Es-ce que je veux rester misérable et prisonnière d'elle toute ma vie ? Non. Je me me suis promis, cet été je me le suis promis fermement. Je dois essayer. Je jette un regard désespéré à Marianne.
« Tu peux t'asseoir à côté de moi ? »
Courageuse, mais pas téméraire. Elle fronce les sourcils.
« Pourquoi ? Tu veux me dire quelque chose ? »
Je secoue la tête en rougissant. Elle n'est pas dupe. Elle hoche la tête, je lâche un soupir de soulagement qui ne lui échappe évidemment pas. Aller en DCFM devient tout à coup beaucoup plus supportable. Irma Dalrumple trône avec assurance à son bureau et nous ordonne de nous asseoir en attendant les Serpentards. Je file m'installer au fond près de la fenêtre et traîne presque Marianne pour qu'elle se place à côté de moi. Elle a les yeux écarquillés d'étonnement devant un comportement qui m'est parfaitement étranger. Je me perds aussitôt au fond de mon sac pour me rendre invisible. Vieille technique de ma première année à Poudlard pour que les professeurs ne m'interrogent pas. Binns ne m'a remarqué qu'à partir de la deuxième année grâce à cela. Ça va marcher. Ça marche toujours.
« Hé salut Fred ! »
Les yeux rivés sur mon sac… j'en pleurerai de désespoir. Pourquoi moi ?
« Euh… salut ? répond Marianne.
- Ah ! David, se présente-t-il avec un sourire dans la voix. »
Je prie alors de toutes les forces qu'il me reste que Marianne fasse la conversation, comme elle sait si bien faire.
« Hé chérie, apostrophe George, tu veux t'asseoir où ? »
J'ai alors cet horrible pressentiment. Un pressentiment si fort que j'ai soudainement l'intime conviction qu'il va se réaliser. Et que Merlin me met à l'épreuve de ma timidité, teste ma volonté chevrotante. D'une fourberie implacable. Un battement de cil plus tard, sans que je n'ai vraiment le choix, ni l'audace d'ouvrir la bouche d'ailleurs, Marianne se lève pour filer papillonnante, se coller sur le banc d'à côté avec son petit ami. Les yeux exorbités je la regarde avec désespoir. David se laisse alors tomber à côté de moi. Horrifiée je sens tout mon sang me monter au visage, laissant mes membres flasques et sans vie. Incapable de s'enfuir.
Je suis incapable d'arrêter de le dévisager, comme s'il était Tolstoï réincarné.
« Bonjour. »
Ne me demandez pas de quel fin fond des entrailles ce mot est sorti. J'ai dû mal à croire que c'est du mien. Il me décroche un sourire ravi avant de s'exclamer.
« Salut ! Eh ben, j'ai fini par croire que t'étais muette ! »
Je baisse résolument les yeux sur le bureau. Mortifiée. Ça y est. Je n'ai dit qu'un mot et il me prend déjà pour une imbécile sans caractère, incapable de prononcer une syllabe.
« Euh, je sais pas si KitKat t'as dit pour le bal… »
Un rire nerveux m'échappe. KitKat ? Je ne pensais pas que ces barres chocolatées qu'elle lui a apportées deviendrait un label pour désigner ma meilleure amie.
« Tu veux venir avec moi ? Je comprendrais très bien si non hein, c'est un peu à la traine mais bon depuis l'infirmerie on voit pas vraiment les jolies filles ! Entre Pomfrèche et le bocal à sangsues… Ces machins ça fait vraiment… »
Médusée, je le regarde parler. Parler. Parler. Les yeux visés à mon manuel fermé.
« Mr Lehnsherr ! s'écrie alors Irma. Encore en train de parler ! »
Je sursaute, relève le visage et, horrifiée, la vois juste à côté de nous. Nous toisant de son impressionnante carrure de rugbyman. J'ouvre la bouche, cherche vainement une excuse mais elle m'ignore royalement. A mon plus grand soulagement.
« Ah je vois que Miss Vernon est votre voisine, au moins on ne nous entendra plus maintenant ! »
Humiliée, je me ratatine sur le banc. Lui ne semble pas le moins du monde traumatisé, ni secoué. Ni rien de tout ce qui me donne envie de me cacher sous le bureau. Tout le monde nous regarde, c'est insoutenable. Et elle déclare à tous que je suis aussi muette qu'il le croit. Je baisse les yeux, me triture nerveusement les mains et attends que la tempête passe.
Elle s'éloigne ensuite. Et c'est sûrement la première fois que je la vois avoir un sourire aussi satisfait. Il est vrai que le silence dans sa classe est sa religion, elle prêche sa messe à tous les cours. Je suis probablement son élève favorite. En dépit de mes notes qui n'égale pas celle d'Imbert Macfin. Je m'autorise enfin à prendre une profonde inspiration et sens mes jambes se détendre. Mes épaules s'affaissent et j'ouvre enfin mon manuel.
« Hé, souffle David, on partage ? J'ai paumé le mien… »
Je glisse un regard vers lui, rougis en sentant ses yeux sur moi. Puis pousse mon livre au milieu du bureau en me recroquevillant de mon côté du banc. Le cœur battant. Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Réginald pourtant trois rangs devant moi n'a pas effleuré mon esprit de la journée. Et pourtant la tristesse, la douleur, le regret et la cuisante douleur de l'humiliation sont encore là, tapis en moi. Mon sang cesse alors de bouillonner et les tremblements frénétiques de mon cœur angoissé se calment lentement. Je glisse un regard par la fenêtre, il va sûrement neiger ce soir.
« Fred ? »
Je sursaute à nouveau. Et tout remonte en bloc pour briser ma fragile tranquillité. Je me raidis et tourne lentement la tête vers lui. En un soubresaut de volonté que je ne croyais pas posséder. Mon souffle se coupe. Il a de si beaux yeux verts. Toujours en mouvement. Une nuance de noisette se reflète dans sa pupille. Je ne l'avais pas remarqué. Il présente un air incertain.
« C'est ok pour le bal ? »
Et j'hoche la tête brutalement avant de me détourner pour rougir. Le nez dans mon parchemin.
« C'est cool ! »
Je sais qu'il sourit. Pourquoi ? Il ne me connaît pas. Je ne le connais pas. Alors pourquoi il a cet effet sur moi ?
« Je vais vous mettre par paire pour l'exercice, bien commençons avec vous Simons. »
Et j'ai presque un regret lorsque Pénélope s'avance en traînant les pieds vers moi.
« A tout à l'heure Fred ! me lance-t-il. »
Je ne me retourne pas mais sens néanmoins un sourire irrésistible se dessiner sur mes lèvres.
OoOoOo
« En plus il est cool David ! fait-elle avec enthousiasme. Et puis c'est sûr il fait pas partie des néo-mangemorts ! Tu as accepté ? »
J'hoche lentement la tête, évitant soigneusement de croiser son regard. Cath debout devant le banc a un sourire ravi sur les lèvres.
« Tu es contente hein ? demande-t-elle en fronçant les sourcils. »
Le sang me monte au visage, je rive mes yeux sur le lac sans rien dire. Puis hoche à nouveau la tête en rougissant un peu plus fort. Elle s'assoit à côté de moi, se collant plus près de mon bras pour se réchauffer un peu. J'essuie une gouttelette de pluie de la couverture de La Tempête de Shakespeare. J'ai l'intime conviction en lisant ses pièces dont les tirades en vers sont aussi rythmées que ironiques de lire de la poésie. Je préfère d'ailleurs ses pièces à ses recueils de poèmes, bien que tous ne soient pas du même avis. Certains considèrent même que ses œuvres mineures sont trop peu estimées, je ne suis pas de cet avis. Bien qu'agréables, elles sont loin d'égaler ses œuvres maîtresses.
Je suis sûre que David me trouverait ennuyeuse à mourir si j'en venais pas un malheureux hasard à parler de poésie. Si je suis contente, oui. Bien malgré la logique et au-delà de ma compréhension, il me plait. D'un point de vue physique tout du moins. Je m'étonne à être devenue si superficielle. Mais je doute de pouvoir être moi-même à cette soirée. Je ne le suis vraiment qu'avec Cath et Christ, et encore je n'ai pas pu lui dire ce qui m'arrivait. Je me trouve, à juste titre probablement, trop ridicule.
« Cath ! s'écrie Eliza. »
Emmitouflée dans une épaisse écharpe en laine aux couleurs de sa maison, elle s'avance vers nous de sa démarche déterminée, ferme et franche. Cette fille m'impressionne de par cette volonté implacable qu'elle affiche dans tout ce qu'elle entreprend. Et malgré sa force de caractère, elle reste assez naïve et pleine d'espoir là où de plus réalistes comprennent que ça n'aboutira pas.
« On a une réunion ce soir, James n'était pas sûr que tu sois au courant !
- Ah… d'accord ! »
Je jette un regard circonspect à ma meilleure amie, étonnée de cette réponse mécanique. Auraient-ils fait quelque chose qui lui a déplu ? Je glisse discrètement ma main dans la sienne, lui demandant silencieusement si tout va bien. Si elle veut m'en parler, peut-être pas mais je suis patiente.
« Même heure, même endroit ! sourit-elle. J'amènerai des muffins qu'a fait ma mère ! »
J'ai un sourire.
« Je t'en garderai un frederika, me promet-elle. »
Je rougis, baisse les yeux devant cette gentillesse. Cath me fait un clin d'œil. Oui, elle a raison. Eliza est une fille adorable, que mérite Christ.
OoOoOo
Il y a quelque chose de différent. J'ai presque un certain gène à être là, comme si John par ses attentions démonstratives envers Cath m'intimait sans trop d'élégance de les laisser seul-à-seul. Je suis mal à l'aise, bien évidemment. Mais je ne vais pas le laisser monopoliser ma meilleure amie avec qui je ne passe pas assez de temps à mon goût. Il devra donc supporter ma présence, pas si rédhibitoire à ses caresses pressantes. Je n'irai pas jusqu'à dire que je le trouve vulgaire, mais je pense sincèrement que ce manque de retenue est assez dérangeant et le fait qu'il s'en moque éperdument encore plus. Néanmoins je dois lui reconnaître un avantage, il est amoureux d'elle. Je ne sais pas si c'est de l'amour ou de la passion à vrai dire, toujours est-il qu'il me paraît sincère même si son personnage ne m'inspire pas confiance. Surement un gène familial puisque j'ai de plus en plus de mal à supporter l'enthousiasme débordant pour leur couple.
Enfoncée dans un gros et confortable fauteuil, près de la cheminée qui crépite en me réchauffant les jambes. Un énorme grimoire des Métamorphoses d'Ovide sur les genoux dont je n'ai pas lu plus d'une page. J'aurais aimé parler à Cath, lui dire que je suis paniquée à l'idée d'une soirée avec David. Habituellement j'aurais été simplement mal à l'aise, angoissée. Mais jamais je n'aurais eu cette inquiétude de passer pour une fille placide et froide. Je me serais contentée d'une politesse distante pour dissimuler ma timidité.
« Cath ! Mais qu'est-ce que tu fous encore là ?! s'exclame Henry. Ya…»
Je sursaute et relève les yeux sur lui. Il a déjà attrapé le pointé de Cath et je constate avec un plaisir coupable la mine renfrognée, furibonde et meurtrière de John. Je sais bien que je devrais dire honnêtement ce que j'en pense à Cath, mais elle connaissait ma position sur John. Je respecte son choix bien que je n'adhère nullement.
« Hé ! Où tu l'embarques ? grince John.
- A la soirée de Marina, claque-t-il avec une sécheresse que je ne lui connait pas.
- Non ! C'est ce soir ! Par Merlin j'avais complètement oublié !
- Ouais ben ça j'avais remarqué ! rie Henry, ton frère est furax !
- Bon, je viens, assène John. »
J'hausse un sourcil surpris. Henry a un air mécontent lorsque Cath s'empresse d'affirmer que ça ne posera aucun problème. Je les regarde se lever pour partir, elle m'embrasse le haut du crâne avec affection, me souhaitant une bonne soirée. Elle sait qu'elle n'a pas besoin de me proposer, même par politesse. Je ne suis pas une créature de la nuit, seulement si l'activité consiste à tourner des pages dans un lit bien douillet.
En observant ce trio improbable sortir, un pressentiment étrange me saisit. Il se trame quelque chose, je ne saurais hélas pas dire quoi. Et c'est diablement frustrant.
