Chapitre 8
Le torchon sur l'épaule, posé sur sa chemise kaki qu'il portait sur un t-shirt noir, Dean fit glisser le bacon encore crépitant dans son assiette, l'envoyant rejoindre les deux œufs au plat qu'il venait de faire frire. Il semblait reposé, d'humeur presque enthousiaste, et s'affairait aux fourneaux avec application.
Il n'était pas huit heures et, avant son assiette, il en avait rempli une pour Sam, qu'il avait entendu traverser le couloir jusqu'aux toilettes. L'heure du lever était déjà tardive, pour le cadet, et il s'attendait à le voir faire irruption dans la cuisine d'un instant à l'autre. Sur la table de la cuisine, aux faux airs de laboratoire, Dean termina de placer les deux couverts l'un face à l'autre, posa un paquet de céréales près d'une bouteille de lait, à côté des pancakes, d'un pot de confiture et de la cafetière, puis s'essuya les mains avec le torchon avant de le lâcher près des frigos au moment où Sam, en bas de pyjama et maillot bleu acier, pénétra dans la pièce, échevelé et l'air ensommeillé.
Il fut extrêmement difficile pour Dean de ne pas loucher sur les épaules carrés ou le bombé du torse de son frère avantageusement moulés par le tissu, et plus encore d'ignorer la proéminence très apparente de son bas-ventre, mais il se consola en constatant sa parfaite maîtrise de ses émotions, ce qui contribua à entretenir son moral, relativement bon.
Tout comme sa faculté de dénégation.
- Hé, la Belle au Bois Dormant, enfin réveillée ? Tu tombes à pic, le p'tit déj est servi.
Sam, dans l'expectative, nota d'emblée la positivité et le tonus relatifs que manifestait son aîné. Il s'était longtemps demandé sous quelle tonalité aurait lieu leur prochaine réunion, après leur discussion de la veille, mais l'état d'esprit de Dean sembla ne lui faire ni chaud ni froid. Il savait que ce n'était qu'une façade, ou tout au mieux un rassérènement passager, et que cela ne résolvait rien à leurs problèmes profonds.
- Salut, dit-il d'une voix barbouillée tandis qu'il s'installa devant son assiette.
Dean le regarda examiner son repas et prendre une fourchette sans conviction. Il tiqua sur sa mine fatiguée, se rappelant fort bien les confessions de Sam, hier, et devina sans mal pourquoi il avait visiblement mal dormi, effort d'imagination d'autant moins difficile que, sans les deux masturbations auxquelles il s'était livré la veille, Dean aurait probablement eu les mêmes difficultés à trouver le sommeil. Il fut soudain malaisant pour l'aîné de la fratrie de se tenir là, face à son frère qu'il savait éprouver du désir à son endroit, son frère qui, réciproquement, le troublait de plus en plus. Il se demanda si Sam avait les mêmes pulsions que lui, et si oui, s'il avait une manière différente de les gérer, mais se poser cette simple question qu'il avait déjà tournée cent fois dans sa tête suffit à menacer de raidir son sexe. S'obligeant à penser que tout cela n'était que transitoire, qu'ils auraient tôt fait de trouver de quoi lever le charme et que l'histoire serait vite oubliée, il tourna alors le dos à ces idées dérangeantes pour s'asseoir à son tour et entamer son repas d'un bel appétit, quoiqu'un peu feint. Sam demeura muet, absent, à peine intéressé par son plat, et bien qu'il le fît avec une certaine réticence, craignant de relancer une conversation déplaisante, Dean eut bientôt besoin de rompre le lourd silence en place, en lançant sur un ton désinvolte un peu forcé :
- T'as l'air éclaté. T'as passé une nuit blanche, ou quoi ?
Sam ne réagit pas immédiatement et amputa de trois coups de fourchette un peu du blanc d'œuf qu'il regardait d'un œil maussade. Il le porta ensuite à sa bouche, et après l'avoir avalé, répondit d'une voix monocorde, sans lever la tête :
- Non, je ne suis pas allé me coucher très longtemps après toi. Je n'ai rien de nouveau à t'apprendre à propos des Érotes, désolé.
Dean ne sut exactement comment prendre la remarque. Après un court instant, il crut bon de préciser, le ton pacifique :
- Non, c'est... Ça fait rien. Cass va sûrement nous appeler bientôt, t'en fais pas pour ça.
Sam ne put réprimer un bruit de gorge dédaigneux, et marmonna :
- Ouais, c'est ça.
Dean se crispa légèrement sur sa chaise, le regard échaudé sur son frère. Il faillit lui demander clairement s'il s'était levé du pied gauche, mais s'en abstint finalement pour déclarer sur un ton bienveillant, pensant bien faire :
- Allez, te bile pas. Je me doute... que t'es pas très à l'aise, après ce dont on a parlé hier, j'comprends, mais ça va aller. On va vite trouver un moyen pour que tu redeviennes toi-même.
Sam lâcha bruyamment sa fourchette et afficha un rictus d'une telle amertume que Dean réalisa aussitôt son erreur. En une phrase, il avait tout exposé, son aveuglement, son hypocrisie, sa volonté de continuer à mentir, et la condescendance avec laquelle il l'avait fait mit son cadet hors de lui.
- Que je redevienne moi-même ? décocha-t-il sur un ton cinglant, plantant ses yeux verts dans ceux de Dean. Tu es sérieux ?
L'aîné des Winchester voulut balbutier quelque chose mais les mots eurent du mal à lui monter aux lèvres.
- C'est juste que... Après ce que tu m'as dit hier...
- D'accord, coupa sèchement Sam, et donc ? Tu es sûr de ne rien oublier ? Tu es bien sûr qu'il n'y a pas quelqu'un d'autre, à part moi, qui vit la même chose, en ce moment ?
Dean se confronta défavorablement au regard accusateur de son frère. Il prit un air gêné, s'essuya la bouche et tenta d'argumenter peu après d'une voix mal assurée :
- Écoute, Sammy, de mon côté je gère, te tracasse...
- Tu gères ?! s'emporta-t-il. Et comment est-ce que tu gères, Dean ? Hein ? Ça m'intéresse de le savoir. Tu n'as même pas le courage d'affronter la réalité, pourquoi tu ne me dis pas le nom de la personne qui te remue les tripes, hein ? Tu as trop honte de dire la vérité ?
Dean serra les dents et rendit à Sam le mordant de son regard mais sans surenchérir. Il ne voulait pas se battre avec lui et, en le pointant du doigt, lui répéta :
- Pas besoin de parler de ça pendant des heures. Tu me comprends ? Ce qu'on a dans la tête en ce moment ne veut absolument rien dire, ça vaut même pas la peine d'y faire attention. Il n'y a qu'une chose qui compte, c'est de trouver le remède à ces... ce truc que ce fils de pute de rouquin nous a fait, et à partir de là ce sera de l'histoire ancienne.
- Est-ce que tu as écouté un seul mot de ce que je t'ai expliqué hier ? riposta Sam sans ménagement. Tu t'obstines à croire qu'on est victimes d'une sorte de sortilège, mais c'est autre chose ! Les bouquins sont clairs, ça ne vient pas d'eux ! Ça vient de nous !
Dean eut un geste de recul, épouvanté. Ses yeux s'agrandirent, et d'un ton grondant, d'un calme glacial, il coupa net en pointant son frère du doigt de façon plus menaçante :
- Reprends-toi, putain, Sam. Réfléchis un peu, oublie les bouquins, comment tu peux croire un truc pareil ? Ça fait partie du truc, de te faire gober que ce que tu ressens était déjà là, allez, quoi, réalise un peu : si c'était vrai ça voudrait dire que t'avais déjà... des vues sur moi, bordel, mais... tu vois bien que c'est n'importe quoi...
Sam ne le lâcha pas de son regard belliqueux, admettant qu'il n'avait pas foncièrement tort car jamais de tels désirs ne s'étaient fait sentir de cette manière. Mais il n'était pas aussi sûr que Dean que même s'ils n'en avaient jamais eu conscience, cette attirance n'était qu'illusion, et résolu à crever l'abcès il asséna sans penser à la réaction de son frère :
- Ce qui voudrait dire que tu en avais autant sur moi. Pas vrai, Dean ?
Sam vit ce dernier s'étrangler, et ses yeux dardés se déformer subtilement en se voilant d'une espèce d'effroi violent. Le cadet de la fratrie ne changea ni d'expression ni d'attitude, continuant de fixer son frère avec détermination, et devant son air grave et sérieux, Dean finit par répondre, la voix nouée et les muscles de son cou contractés à l'extrême :
- Qu'est-ce que... tu as dit ?
- Allez, arrête ton cinéma, persista-t-il sans se démonter. Pas avec moi, ok ? Je ne suis ni sourd ni aveugle, j'ai remarqué des choses, moi aussi, et à ton refus de me répondre j'ai bien compris que c'est envers moi, que tu éprouves quelque chose. On est dans la même situation, tous les deux, alors sors la tête du sable, pour une fois, et reconnais-le !
Une terreur irraisonnée s'empara de Dean, qui sentit de minuscules gouttelettes de sueur éclore à la base de chacun de ses cheveux. Son cœur s'emballa, et malgré son envie criante de nier farouchement les allégations de son frère, il resta pétrifié de honte d'avoir pu être pris en faute. Où ? Quand Sam avait-il compris ? Sa crainte d'être confronté par le détail à ce qu'il savait être exact le retint ainsi de mettre son cadet au défi de prouver ses dires, et bien qu'il se sentit lourdement accablé d'entendre de sa bouche la traduction authentique des émotions qu'il s'efforçait de combattre, il rassembla ses forces pour rester digne et garder une contenance.
- Je n'aurai pas cette discussion avec toi, cracha-t-il en un avertissement impérieux, les yeux exorbités. T'as bien entendu ? Pas question.
C'était une forme d'aveu, mais Sam n'y puisa aucun réconfort. Il était là, le risque de cassure, au moment où ni l'un ni l'autre ne pourrait plus faire semblant, au moment où chacun devrait admettre devant l'autre la réalité du problème, au-delà de la honte ou des questionnements de toutes sortes, et ce moment était venu.
- Ok, fit Sam en hochant la tête de dépit, le regard navré. Fais l'autruche, si ça te chante. Après tout c'est ton truc.
Dean, à cet instant, perdit tout le calme qu'il s'efforçait de conserver, et poussé dans ses retranchements, quasi contraint d'avouer les élans impossibles qui ne le lâchaient pas depuis trois jours, il vitupéra, explosif :
- Putain, mais Sam, mais... Qu'est-ce-que tu veux que je te dise ! C'est un truc de dingue, je serais marteau de seulement penser que ça puisse avoir un fond de vrai ! Tout ce que je veux c'est qu'on trouve comment se retirer vite fait ces idées du crâne et surtout oublier qu'elles ont existé ! Enfin on est frères, merde ! Tu te rends pas compte !
- Tu dis ça parce que c'est vraiment ce que tu penses, s'enquit Sam d'un ton aussi mesuré que provocateur, ou parce que c'est juste plus facile que de te poser les vraies questions ?
Le regard de Dean s'embrasa tellement que son frère le crut prêt à lui décrocher la mâchoire.
- Je suis pas gay, ok ?! cria l'aîné des Winchester en se dressant vivement sur ses jambes.
- Parce que moi oui ? répliqua Sam qui fit alors le choix de maîtriser ses nerfs afin de contrebalancer la perte de contrôle de Dean. Ce n'est pas de ça, dont il est question. Mais qu'est-ce que tu crois qu'on va pouvoir régler si tu refuses de voir la vérité en face ?
Rarement Sam avait-il vu son frère à ce point hors de lui. Dean se tenait debout en face de lui, déstabilisé, furieux, révolté, mais peu importait la violence de ces émotions, aucune n'était assez forte pour dissimuler la peur qui le tenaillait.
- Ok, vomit-il alors le visage défait et la voix tremblante de nervosité, excédé d'être traité de lâche et de menteur. Tu veux la vérité ? Tu me l'as dit, alors je vais te le dire, c'est vrai, t'as raison. Toutes ces idées dingues qui me trottent dans la tête, depuis Gloucester... Ces trucs de fou auxquels j'aurais jamais cru penser... C'est vers toi que c'est tourné, je le reconnais.
Il ouvrit les bras puis ajouta :
- Satisfait ?
L'aveu avait été tellement difficile à faire, et semblait soudain rendre si réel quelque chose qui, tu jusqu'alors, était resté comme confiné au rang de délire inoffensif, que des larmes de rage parurent faire briller les yeux de Dean, sa gorge plus serrée qu'un chiffon noué. Sam en éprouva un vif pincement au cœur, et sombre, abattu, presque brisé par ce qu'il venait d'entendre, il confia d'une voix éteinte :
- Non. Rien dans ce qui se passe ne me satisfait, Dean.
Celui-ci leva brièvement le menton et dévia le regard pour tenter de cacher l'immense dépit qui l'affligeait. Dans un silence insupportable, il chercha sa place, quelque chose à dire ou à faire à présent qu'il s'était livré, mais il n'entrevit aucune autre solution que la fuite pour cesser d'exposer sa mortification aux yeux de son frère. Et plein d'aigreur, pour mille et une raisons, il se dirigea bientôt d'un pas traînant vers la porte en disant simplement, la voix transie :
- Je sais pas ce que ça t'apporte, mais j'espère au moins que ça t'a fait du bien de me faire cracher le morceau.
C'était tout le contraire, et Sam resta seul, comme la veille au soir, partagé entre crainte et colère, doute et remords, miné par la sensation qu'il avait brisé quelque chose entre son frère et lui de manière irréparable.
L'explication houleuse qu'ils avaient eue, presque inattendue, laissa le cadet des Winchester notablement secoué. Les choses s'étaient déroulées plus rapidement et plus intensément qu'il l'avait imaginé, comme si les non-dits n'avaient attendu qu'une occasion de faire enfin surface, mais qu'avait-il gagné à obtenir de Dean la vérité ? Sam demeura un long moment dans la cuisine à se poser la question, devant son repas froid, considérant que l'embarras indicible dans lequel il avait mis son frère n'était certainement pas propice à la conjugaison de leurs efforts pour régler leurs problèmes. Renouer un dialogue constructif était-il à présent possible ? La vexation d'avoir été le seul à admettre la réalité sans y avoir été contraint valait-elle de causer ces dégâts ?
Le sujet n'était toujours pas tranché quand Sam quitta la cuisine, embrouillé, nauséeux, décidé à aller prendre une longue douche pour se décrasser l'esprit. En dépit de la réaction de Dean, qu'il comprenait, il ne pouvait tourner le dos à l'idée que l'acceptation de leurs troubles constituait un préalable indispensable à leur résolution, bien qu'il ignorait comment. Rétrospectivement, le comportement de son frère à Gloucester devenait clair et limpide ; sa nervosité quand ils étaient tout proches l'un de l'autre, sa masturbation, dans la salle de bains, au souvenir de laquelle Sam sentait toujours monter puissamment son excitation, même si sa tête était ailleurs... Comprendre que, dès le début, ils avaient partagé en secret le même émoi, l'un envers l'autre, l'interpellait beaucoup, car à l'aune de ce qu'il avait découvert quant aux pouvoirs des Érotes, cela les obligeait à s'interroger sur la nature profonde de leurs sentiments, et à remettre en question les fondements de leur identité.
Dean, pour l'heure, était incapable d'une telle introspection. Sam l'avait bien saisi, et n'en était absolument pas étonné compte tenu de la propension de son frère à nier sciemment les faits sur lesquels il n'avait pas d'emprise. Lui-même n'était pas plus à l'aise d'envisager que leur rencontre avec la triade ait pu n'être rien de plus qu'un déclencheur, mais il savait que c'était une hypothèse logique si les manuscrits disaient vrai. Le dilemme moral qui se posait était de taille, et vu sous cet angle, comprendre les extrémités auxquelles en étaient venus celles et ceux qui avaient déclenché le début de cette enquête, était moins difficile.
Sam sentit qu'il avait plus que jamais besoin de cette douche. Pour se réveiller, pour peut-être clarifier ses pensées, et même remettre à zéro, en quelque sorte, ses capacités de réflexions et d'analyse d'une situation qui, en plus de lui échapper de plus en plus, était sans doute aussi en train de l'amener à prendre des décisions peu judicieuses. Tout en allant prendre du linge propre dans sa chambre, il continua de penser à Dean, redoutant la prochaine fois qu'il se trouverait en face de lui. En se demandant s'il devait chercher à provoquer l'événement ou bien attendre qu'il se produise, il se mit torse nu en abandonnant ses vêtements au pied du lit, avant de réaliser qu'à l'ordinaire, il se déshabillait plutôt dans la salle de bains. Constatant à son changement de comportement qu'il était réellement perturbé, Sam se contenta d'ôter sa ceinture et prit uniquement sa serviette, qu'il jeta sur son épaule nue, en se disant que quitte à changer ses habitudes, il récupérerait un peignoir en sortant de la douche pour revenir s'habiller tranquillement ensuite.
Il rejoignit alors la salle de bains et y entra d'un air las, incapable de chasser de son esprit l'accrochage qu'il avait eu avec Dean. Sans jeter même un regard dans la vaste pièce éclairée, dont au fil du temps ils avaient légèrement étoffé l'équipement pour rompre un peu avec les airs de douches de vestiaire qui caractérisaient l'endroit, il se déchaussa près de la porte tout en suspendant son t-shirt et sa serviette à la patère, juste à gauche, près d'un peignoir ivoire, fit sauter un à un les boutons de sa braguette, puis se saisit des deux bords de son jean, au niveau des hanches, pour s'en délester.
Il eut à peine le temps de l'abaisser jusqu'au dessous des fesses, caleçon compris, que le rideau blanc de la douche la plus éloignée, parmi les deux larges bacs blancs présents côte à côte le long du mur ouest, s'ouvrit tout à coup pour laisser paraître Dean, dégoulinant en tenue d'Adam, le bout des doigts frôlant encore les robinets qu'il venait de fermer.
La surprise fut totale et immédiate pour tous les deux. À l'étonnement de se retrouver en présence de l'autre alors que chacun s'était cru seul, s'ajouta la stupeur de se voir nus ou presque, et le choc que cela provoqua, particulièrement dans le contexte qui était actuellement le leur, les fit se figer aussi brusquement qu'un animal dans les phares d'une voiture. Trop interloqués pour parler, la raison du silence prostré qu'ils observèrent se trouvait en fait ailleurs, car presque instantanément, leurs yeux se vissèrent au corps de l'autre et ni Sam ni Dean ne fut en mesure de s'en détacher. Les pupilles dilatées, ce dernier regarda son frère dénudé jusqu'au bas des hanches et sentit aussitôt son sang se mettre à bouillir face au doré de sa peau, à la vigueur de ses épaules carrées et de son torse légèrement velu. Comme sidéré, Dean resta littéralement en pâmoison devant la force de ses bras tendus, et attacha des yeux vitreux au galbe de ses fesses charnues, qu'il trouva d'une splendeur extrême. Ce faisant, il oublia qu'il exposait lui-même sa pleine nudité frontale, mais cela n'avait pas échappé à Sam qui, yeux dardés et prostré pour les mêmes raisons que son aîné, découvrait pour la première fois la violente beauté du corps de celui-ci. Il dévora du regard son torse ferme aux pectoraux habillés du seul tatouage anti-démon, le dynamisme de ses flancs, sa peau nue et luisante d'où coulait de minces filets d'eau, et passa un temps indéfini à contempler son sexe humide qui se dévoilait enfin complètement, ce sexe magnifique qu'il n'avait fait qu'apercevoir l'autre soir. Ce fut comme si, à l'échelle de son corps, eut lieu une éruption volcanique tant il se sentit submergé par le feu qui embrasa tout son être, et devant le pénis opulent, couronné d'une toison sombre et lesté de bourses lourdes qu'exhibait Dean, lui aussi demeura paralysé, hermétique au fait qu'en laissant son postérieur à l'air libre, il provoqua chez son frère un afflux de testostérone dont le niveau se mit rapidement à crever le plafond.
Par une réaction physiologique élémentaire, Dean fut alors pris d'un début d'érection sous les yeux médusés de Sam qui, comme soumis à un électrochoc, retrouva alors juste assez de contrôle de lui-même pour remonter son pantalon à la hâte et forcer du même coup son frère à retrouver ses esprits.
- Je... Je... Désolé, balbutia le plus jeune de la fratrie en se tournant en catastrophe, je savais pas que t'étais là, je pensais que c'était libre, je...
Il avait beau s'acharner à refermer sa braguette, les boutons refusaient obstinément de passer dans leurs boutonnières, et son état de bouleversement en était au moins autant la cause que le doublement de volume de ses organes génitaux. Tandis qu'il continua de s'échiner à boucler son jean, ce qu'il ne réussit à faire qu'en se trompant d'une rangée et en ratant un bouton, il entendit son frère sortir finalement de la douche en ânonnant trois mots incompréhensibles et devina qu'il alla s'emparer d'un peignoir près d'un des deux lavabos, juste en face sur le mur opposé. L'instant était d'un inconfort inédit, source d'une gêne sans nom, et c'est quasiment dos à dos, séparé de lui de près de trois mètres, que Dean finit par marmonner, la voix comme étouffée dans du feutre :
- C'est rien, c'est... Je viens de finir, tu... Je te laisse la place.
Sans oser bouger, Sam attendit de le voir se diriger vers la porte, mais Dean prit encore de longues secondes pour nouer la ceinture de son peignoir. Lorsqu'il se mit enfin en mouvement, il se tourna vers l'entrée de la salle d'eau en pivotant du côté qui lui évita de faire tomber Sam directement dans son champ de vision, mais ce dernier persistait à rester prostré près de l'entrée et Dean marcha sans bruit d'un pas raide, cherchant visiblement à se faire le plus petit possible. Tourné vers le mur, Sam le sentit anxieusement remonter vers lui, et feignant d'être occupé à faire tenir son t-shirt sur la patère, il attendit que son frère parvienne à sa hauteur pour pivoter à son tour vers le centre de la pièce et avancer d'un pas.
À cet instant, ils se frôlèrent de l'épaule.
Ce fut comme si le doigt d'une entité supérieure, capable de piloter leurs faits et gestes, venait de pousser un bouton d'arrêt. Les deux hommes se figèrent à nouveau, tout près l'un de l'autre, étreints d'un frisson de désir pur que le contact infime entre leurs corps, qui n'avaient fait jusqu'ici que se fuir tout en se cherchant vainement, porta à des sommets jamais atteints. Le cœur cognant à tout rompre, Sam fut pris d'une envie infernale d'arracher sa ceinture à Dean et d'ouvrir son peignoir ; le souvenir de son odeur lui revint en mémoire avec une violence terrible, et il éprouva un besoin indescriptible d'accéder à son sexe, qu'il avait tout juste commencé à voir se dresser sous ses yeux et qui devint d'emblée une obsession. Jamais encore il n'avait ressenti avec une telle clarté le désir insensé qu'il nourrissait pour son frère, mais en cet instant, tout lui apparut avec une limpidité totale : il avait envie de lui, ni plus ni moins, au mépris de la morale ou des convenances, davantage qu'aucune des femmes qui avaient partagé son lit, et ce sentiment était si puissant, tellement omniprésent dans son esprit, qu'il ne chercha même plus à le questionner.
Dean, lui, n'était pas mieux loti. Du coin de l'œil, il pouvait distinguer chaque détail de l'épaule nue de son frère, le grain de sa peau, la splendeur de sa carnation délicatement hâlée, la vigueur de sa musculature, et à ses narines montaient, enivrantes, les infimes tonalités poivrées de son odeur. Le nœud de sa ceinture étrangement placée s'efforçait de le cacher, mais le sexe de l'aîné de la fratrie était en proie à un affolement phénoménal. Toutefois, l'épaule de Sam n'était rien à côté du reste de son corps, son torse, ses bras, sa nuque, qui bombardaient Dean de signaux aussi aveuglants qu'assourdissants, et l'image des fesses de son frère à peine entrevues, magnifiques, l'accablait d'une soif de sexe plus grande encore que le besoin de sang qui l'avait atteint lorsqu'il s'était changé en vampire. Il ne s'entendit plus penser tant le sang battait dans ses artères, faillit bien perdre la tête et entrer dans un état second dominé par ses pulsions les plus féroces, mais il trouva il ne sut où la force de ne pas succomber à ses plus bas instincts, et resta maître de ses actes.
Et s'éloignant de Sam qui, prostré comme une proie sous la menace d'un prédateur, attendit jusqu'au bout de voir de quelle façon ils échapperaient l'un à l'autre, il sortit d'un pas résolu de la salle de bains.
La porte se referma complètement et le cadet des Winchester s'entendit respirer à nouveau, d'un souffle rauque et tremblant. Le contrecoup de l'intense moment d'égarement qui venait d'avoir lieu se fit rudement sentir, comme une fatigue physique après un effort violent et, les idées chamboulées, Sam chercha à reprendre pied, alors que le départ de Dean lui causait comme un vide. En repoussant ses cheveux en arrière, il mouilla sa main de toute la sueur qui lui recouvrait le cuir chevelu, et il regarda un instant autour de lui, l'air perdu, sans savoir quoi faire à présent que son frère, vers lequel il s'était senti attiré comme un aimant, n'était plus là. D'une certaine façon, Sam louait cette absence, tant il avait perçu à quel point la vision du corps nu de Dean lui avait tourné la tête, mais il en éprouvait également un regret vivace, une déception à l'amertume aussi concentrée qu'un acide, car il réalisait désormais, non sans une frayeur palpable, qu'il aurait été prêt à franchir la ligne et laisser les choses aller là où leur désir mutuel devait les conduire.
S'imaginer se compromettre en s'adonnant à un acte contre-nature tel que celui de commettre le péché de chair avec son propre frère, lui emplit l'esprit d'un curieux mélange de répulsion et d'excitation. Répulsion car il ne se serait jamais cru capable d'envisager de briser pareil tabou, excitation parce que chaque fibre de son corps en avait furieusement envie. Son sexe plus que jamais en érection, il termina de se dénuder puis alla directement sous la douche occupée par Dean juste avant. Il tira le rideau, et tourna les robinets au maximum pour se laisser recouvrir par la cascade d'eau chaude qui s'abattit sur le sommet de son crâne avant de dévaler son corps tout entier, chaque centimètre de peau bientôt mouillé. Avait-il eu tort de balayer du revers de la main l'éventualité que la folie soit à l'origine de ces désirs invraisemblables ? En dépit de ce qu'il avait appris des Érotes, il ne pouvait croire souhaiter réellement et en pleine conscience forniquer avec son propre sang. Et pourtant... En cet instant plus que jamais, c'était cela qu'il voulait.
Il fut exaucé. Derrière lui, le rideau se rouvrit brusquement, et Sam n'eut même pas le temps de finir de tourner la tête qu'il sentit la main de son frère presser rudement sur ses trapèzes, juste sous sa nuque, l'obligeant à coller sa joue au carrelage froid de la douche.
- Oh oui, gémit aussitôt Sam qui, euphorique, comprit immédiatement et de façon inespérée ce qui allait se passer. Oui, vas-y, Dean... Vas-y !
Son rêve le plus insensé en passe de devenir réalité, le cadet de la fratrie ferma les yeux et sourit de béatitude, collé au dallage, sans plus réfléchir ni penser à rien d'autre qu'à ses besoins primaires. Il ancra solidement ses jambes sur le bac en faïence, creusa ses reins étroits, tendit vers l'arrière son sublime postérieur dégoulinant d'eau, et sentit tout à coup quelque chose de chaud et d'infiniment dur toucher la raie profonde qui séparait ses fesses.
- Oh, soupira-t-il en souriant, aux anges, la voix hachée de surexcitation. Ouais, mets-la moi, vas-y...
La main de son frère appuyant virilement sur sa nuque lui donnait la chair de poule en dépit de la chaleur de l'eau qui continuait de l'asperger. Dean, soudain, le lâcha pour libérer sa main mais Sam resta exactement dans la même position, attendant, pantelant, d'être servi à la hauteur de ses attentes. Il vit alors son aîné s'emparer du flacon de gel douche sur le porte-savon, et l'entendit le sommer d'un ton imprécatoire qui acheva de le soumettre totalement :
- Ferme-la, Sammy.
Celui-ci sourit de plus belle, les paupières closes de volupté, puis il entendit sauter le bouchon du flacon et le liquide s'en échapper. Dans son dos, Dean respirait de plus en plus fort, de plus en plus vite, et soudain, sans pouvoir réprimer un sursaut de surprise, Sam sentit qu'une main poisseuse s'insinuait entre ses fesses pour badigeonner son anus d'un fluide frais et onctueux. Il ne se contracta qu'un instant, pour mieux se détendre ensuite et découvrir un plaisir nouveau à sentir les doigts de son frère le caresser avidement, étourdi par l'audace incroyable dont il faisait preuve. Dean ne se déroba pas, il étala la crème lavante jusqu'à la faire mousser entre les fesses de son frère, jusqu'à ce que l'orifice de ce dernier devienne si glissant qu'il puisse y faire entrer ses premières phalanges, et encouragé par les gémissements semi-étouffés de son cadet qui, tous ses désirs brutalement comblés, vivait là une expérience fabuleuse, l'aîné des Winchester, surexcité, enduisit dans la foulée son sexe turgescent de savon sur toute sa longueur. Il le saisit ensuite à sa base, lança son bassin vers l'avant, et alla buter sans délai contre l'anus de Sam où il s'écrasa sans ménagement.
Sam, alors, prit toute la mesure de ce qui cherchait à s'introduire en lui, et son sphincter avait beau avoir été lubrifié au possible, il le sentit peiner à s'élargir assez pour ouvrir le passage au gland de son frère, aussi imposant qu'opiniâtre. Dans un léger grognement déterminé, Dean appuya un peu plus fort sur sa nuque, et en lui crochant la hanche avec hargne de sa main libre, il poussa davantage pour finalement le pénétrer corps et bien, son phallus lui pourfendant l'anus comme un poignard s'enfonçant dans la chair. Sam eut la sensation vertigineuse qu'un barreau d'acier chauffé à blanc venait de lui être introduit, et incapable de l'empêcher de plonger dans ses entrailles malgré la contraction réflexe de ses muscles, il resta là, le souffle coupé, à sentir le pénis de Dean glisser de plus en plus profondément en lui. Des sensations étranges, mêlées de plaisir et de douleur, comme deux lignes entrecroisées, s'imposèrent à lui tandis que le membre de son frère prenait impitoyablement ses aises, mais ses désirs se trouvaient si éminemment comblés qu'il n'eut cependant guère besoin de plus de quelques instants pour s'habituer à cette présence jusqu'ici inconnue. Pleinement ouvert à tous les signaux que lui adressait son corps, Sam, s'abandonnant tout entier à la dépravation pour se laisser couvrir par Dean, sentit bientôt le torse de ce dernier peser de tout son poids sur son dos, puis ce fut sa main qu'il sentit passer sous son flanc pour s'abattre, grande ouverte et affamée, sur son torse aux poils mouillés. Il sentit ses ongles lui labourer les pectoraux, son souffle de plus en plus bruyant à son oreille, mais le sentit surtout se mettre à aller et venir dans son rectum, et les véritables décharges électriques que lui procura ce va-et-vient transportèrent le plus jeune de la fratrie au comble de la joie.
- O... Oui ! meugla-t-il en prenant tout le plaisir possible à son dépucelage. Comme ça, ouais... Vas-y, enfonce-la !
Joignant le geste à la parole, il tendit le bras en arrière pour agripper la fesse gauche de son frère et l'inciter à le pénétrer encore davantage, mais Dean avait déjà enfoncé son sexe si profondément que sa toison pubienne collait au fessier de Sam. L'aîné des deux hommes, tel un animal en rut, fut très vite galvanisé par la sensation inouïe de posséder si complètement le corps de son cadet, et enhardi par le plaisir qu'il se voyait lui donner il s'abandonna totalement au coït, ivre d'extase de sentir son sexe se mouvoir dans ce fourreau aussi doux qu'étroit qui, en dépit de l'eau de la douche, le faisait suer à grosses gouttes. Avec passion et oubli de tout, Dean sodomisa Sam comme si rien d'autre n'existait plus, lançant son corps toujours plus loin, toujours plus profondément, avec tant d'allant que ses bourses dures comme des œufs finirent par s'entrechoquer avec celles de son frère au rythme de ses ahans. L'anus et le rectum de son cadet à présent parfaitement moulés à sa forme, Dean continua de le prendre avec voracité et, terrassé de frissons de pure jouissance, il posa bientôt la joue sur sa nuque pour lui mordre l'épaule, leurs corps trempés étroitement liés. Sam, qui n'aurait pas cru exulter autant, eut juste envie que ce moment ne cesse jamais, et tout en le suppliant de continuer, il eut raison de la résistance de Dean en poussant des cris de plaisir qui lui firent rendre grâce.
- Sammy, émit-il dans un râle éperdu. Sammy...!
Et en serrant entre ses bras le torse massif de son frère comme s'il eut subitement la crainte de le voir lui échapper, Dean éjacula, à l'intérieur même du corps de Sam, avec une force inouïe qui fit vibrer sa boite crânienne. Ses mains descendant le long du ventre dur de son cadet pendant qu'il se vidait en lui, elles atteignirent son pubis ras où elles se piquèrent sur les poils courts qui y subsistaient, puis abordèrent son sexe dur comme la pierre, et quand Dean découvrit les proportions remarquables du pénis de son frère, il s'en empara de la main droite tout en lui saisissant les testicules de la gauche. Conjugués à la sensation inconnue de recevoir au fond de ses entrailles des giclées de sperme bouillant, les doigts de Dean malaxant ses parties poussèrent alors à son tour Sam à l'orgasme, et le jeune homme aux cheveux mi-longs ne résista dès lors pas deux secondes avant de lui éjaculer abondamment dans les mains, joignant ses grognements de plaisir à ceux de son aîné.
Ils avaient joui ensemble, et c'est ensemble qu'ils reprirent peu à peu leurs esprits. Alors que retomba la fièvre qui les avait si brutalement fait s'embraser, alors qu'ils firent taire progressivement leurs gémissements, leurs corps se détendirent lentement, comme si réaliser la folie qui les avait animés engourdissait simultanément leurs muscles. Les deux frères se mirent à respirer lourdement, le souffle court, et en essayant de reprendre haleine ils brisèrent l'harmonie qui les avait accompagnés au cours de l'acte insensé qu'ils venaient de commettre. Les mains de Dean, bien vite, semblèrent considérer qu'elles n'avaient plus leur place sur le corps de Sam, et elles furent les premières à rompre le contact avec sa peau, avant que ce soit le corps tout entier de l'aîné des deux hommes qui, soudain, frémisse de doute et de confusion, en écho à la respiration erratique qui se fit entendre. Déjà conscient que la grâce s'était enfuie, Sam chercha d'instinct à profiter encore de la présence de son frère contre lui, et c'est sans réagir physiquement mais mentalement accablé, qu'il perçut soudain l'effroi qui saisit Dean quand celui-ci se retira de lui à la hâte, comme une main ôtée du feu. À cet instant, seul le bruit de l'eau continua de se faire entendre, et la chaleur du torse de Dean disparaissant en même temps que son poids sur son dos, Sam le sentit sèchement s'éloigner de lui, sans qu'il ose ni rien dire ni se retourner, pas même quand il l'entendit quitter précipitamment les lieux d'un pas épouvanté.
