D'abord, un très grand merci pour les commentaires élogieux que j'ai pu recevoir. C'est un très grand plaisir et un honneur de voir que cette histoire plaît à plusieurs d'entre vous et vraiment, merci !

A l'aube de ce onzième chapitre, juste pour dire que l'histoire n'est pas prévue de s'arrêter tout de suite et que j'ai encore un certain nombre de chapitres à écrire, que je partagerai bien sûr avec vous tant que l'envie sera là de part et d'autre.

L'occasion pour moi de partir dans une direction plus vaste, plus précise, aussi, notamment dans l'intégration chronologique de ce récit qui sera notamment le moyen de me réconcilier avec la fin de la série.

N'hésitez pas à me contacter pour toute question ou remarque !

Chapitre 11

Désarçonné, Sam ne retourna au bunker qu'après avoir passé un temps indéfini sous la pluie, qu'il n'avait remarquée qu'au moment où elle s'était mise à tomber dru. Il paraissait avoir reçu un coup de poing en plein visage et, les tripes nouées, resta longtemps à tourner sans but autour de la console centrale de la salle de contrôle, cherchant à encaisser ce qui s'était produit, ce qu'il avait craint sans vraiment croire que cela arriverait.

Lorsqu'il partit prendre une douche pour se réchauffer, il ne pensa même pas à ce qui s'y était passé deux jours plus tôt. Il ne fit que ressasser le départ de Dean, envisageant de l'appeler et puis, se ravisant : à quoi bon ? Ce qui était défait ne pouvait se refaire par un coup de fil ou un message, il avait déjà essayé. Dépité, il erra dans les couloirs en cherchant comment agir, jusqu'à revenir presque par hasard jusqu'à la table de la bibliothèque où trônaient livres et notes noircies d'informations sur les dieux de l'Amour. Il sentit alors la rage le gagner à la vue de ces piles de documents qui n'avaient fait que grossir en même temps que la distance s'était développée entre son frère et lui, et pris d'un accès de fureur il envoya soudain tout balader, balayant violemment la table de ses deux bras qui projetèrent ouvrages et papiers volants à travers toute la pièce.

Sam se ressaisit pourtant et réalisa assez vite la futilité de son geste. Alors, chagriné et résigné, toute violence évacuée, il s'attela pesamment à la remise en ordre de la salle, espérant qu'il n'avait pas irrémédiablement abîmé quelque livre ancien.
Il était sur le point de finir lorsqu'il entendit le bruit caractéristique de la lourde porte métallique du bunker pivotant sur ses gonds. Il leva lestement la tête, se figea une seconde, puis s'élança vers la salle de contrôle. Déjà plus personne, mais du bruit lui parvint de la cuisine.

- Dean ? s'écria-t-il alors, incrédule, en pénétrant dans la pièce.

C'était bien lui, occupé à mettre un pack de bière dans le réfrigérateur. Il se retourna rapidement et répondit d'un signe de tête.

- Tu es rentré ? fit Sam en avançant de deux pas, l'air éberlué.

- On dirait bien, ne put s'empêcher de lancer son frère devant l'évidence.

- Où est-ce que tu étais ? continua le cadet qui prenait conscience, avec un soulagement immense, qu'il s'était trompé.

- Je suis allé faire les courses, expliqua-t-il simplement, cherchant à faire bonne figure en dépit de sa gêne omniprésente. Bientôt on mangera les cartons d'emballage.

Deux sacs de victuailles se trouvaient sur la table, que Dean voulut ranger à leur tour. Mais Sam se jeta alors presque sur lui et le bloqua sur place en l'étreignant vivement, les deux bras autour de ses épaules, oreille contre oreille.

- S... Sammy, bredouilla Dean, raide comme un piquet, en tentant de se libérer. Hé, tout doux, qu'est-ce qui te prend ?

Le contact rapproché du corps de son cadet contre le sien ne fut pas pour lui faciliter les choses, et il sentit sa température grimper d'un degré, en même temps que sa jauge d'effroi. Il n'en fut pas différemment pour Sam qui, collé à lui, à sentir sa chaleur, son odeur et la fermeté de son corps, fut saisi d'un doux frisson qui l'incita à se détacher, bien qu'il n'en eut pas la moindre envie.

- Je... Désolé, dit-il alors en reculant d'un pas embarrassé.

Dean, d'un œil à la fois suspicieux et nerveux, le regarda faire un pas de plus le regard baissé et répondit en feignant l'indifférence :

- Non, pas grave...

Il alla lentement jusqu'à la table, sortir des sacs la nourriture qui s'y trouvait encore.

- Désolé, répéta Sam qui se sentit fortement rougir. Je t'ai vu partir à toute vitesse, et...

L'aîné des Winchester parut ne pas comprendre de quoi il était question, puis plaida, plus ou moins sérieux, en retournant au réfrigérateur :

- Faut bien décrasser le moteur... J'aurais dû te prévenir, excuse-moi.

Le pseudo drame qu'avait provoqué cette banale sortie imprévue était aussi ridicule que symptomatique du contexte dans lequel ils évoluaient, et ils en avaient conscience.

- Je me suis dit que... tu avais peut-être eu besoin de partir, comme avant-hier, tenta de justifier Sam, un peu contrit. Après ce que je t'ai dit, je...

- Je suis juste allé faire les courses, coupa Dean.

Il refusait tout net d'évoquer de près ou de loin ce qui s'était passé, conformément à ses résolutions, et son frère l'accepta. Il ajouta néanmoins, tant parce qu'il ne s'en était pas expliqué jusqu'ici que pour nuancer, sans en être dupe, la raison pour laquelle il avait fui le bunker après l'incident de la salle de bains :

- Et au fait, si j'ai découché y'a deux nuits, y'avait une raison. Je te l'ai pas dit mais, j'étais à la foire aux vampires.

Tout le temps qu'il mit à ranger un paquet de biscuits dans un placard, il sentit l'œil indigné de son frère, muet, braqué sur lui.

- Tu es allé chasser ? s'éleva alors Sam sur un ton hautement désapprobateur. Seul ?

- Vick m'a appelé, je suis allé le rejoindre, précisa-t-il pour lever le doute sur tout soupçon de patente irresponsabilité. On était tous les deux, toute façon c'était un nid de rien du tout.

Il termina de vider l'un des sacs sous le regard contrarié de Sam qui ne put que prendre bonne note de la confession, regrettant d'avoir cru son frère seulement en train de s'enivrer lorsqu'il s'entêtait à ignorer tous ses messages. Il se fit la promesse de tout faire pour assurer ses arrières la prochaine fois.

- J'espère au moins que vous les avez tous eus...

- C'est nettoyé, confirma Dean en continuant de s'activer, rendant ainsi moins flagrant le fait qu'il ne posait pas les yeux sur Sam.

Puis, d'ajouter après une seconde d'hésitation :

- D'ailleurs, il a d'autres pistes en vue. J'ai dit non sur le coup, mais... qu'est-ce que tu dirais de retourner sur le terrain ?

Sam le regarda comme s'il n'avait pas entendu, ou plutôt pas compris la question. Il le fixa d'un air éminemment perplexe, sans un mot, et quand les yeux de Dean l'interrogèrent d'un air tendu mais posé, il comprit que la proposition était sérieuse.

- Tu parles de repartir en chasse ? s'étonna-t-il en haussant les sourcils. Maintenant ?

- Pourquoi pas ? répliqua Dean les lèvres un peu serrées, les yeux cherchant déjà un autre point de chute. Ça ferait pas de mal de sortir un peu d'ici et de se remettre en selle...

En dépit de son air dubitatif, Sam ne fut pas contre l'idée d'admettre que se confronter à nouveau à leur réalité, avec tout ce qu'elle avait de concret et de brutal mais aussi de fédérateur, n'était pas aussi absurde que cela. Ce pouvait être un bon moyen de s'évader d'ici, de laisser un peu derrière eux ces obsessions qui leur martelaient le crâne avant d'y revenir avec peut-être une autre vue, et puis, si Dean était décidé à retourner se battre, son frère n'envisageait pas d'autre option que de l'y accompagner.

- Après tout, adhéra-t-il peu après, si on peut être utile... C'est sûrement mieux que rester ici à tourner en rond, t'as pas tort...

- Ok, bah... Je passerai un coup de fil à Vick tout à l'heure, voir sur quoi il peut nous rencarder, fit Dean d'une voix un peu mécanique. Je dois aussi avoir une bonne douzaine de messages en retard, je regarde et si je trouve un truc, je te dis ça ?

- Ok, je vais regarder aussi de mon côté, acquiesça Sam en s'efforçant de prendre un ton détendu.
Dean hocha la tête et ramassa un beignet qu'il avait laissé dans son sachet sur un coin de table. Il adressa un rapide regard à son frère et quitta la pièce, un peu trop rapidement pour faire oublier le malaise qu'il ressentait toujours et sa crainte manifeste d'aborder de nouveau le sujet qui ne cessait d'occuper toutes ses pensées.

Ce fut à moins de trois heures de là, au beau milieu des plaines du Nebraska, que les frères Winchester arrêtèrent leur prochain point de chute. Vick, content de ravoir si vite des nouvelles de Dean, leur avait ainsi vendu l'affaire : une propriété agricole, non loin de Columbus, d'où lui parvenaient depuis plusieurs jours, de la part de contacts sur place, des infos de plus en plus concordantes quant à des événements pour le moins suspects s'y déroulant. En envisageant de reprendre du service, les Winchester n'avaient pas forcément prévu de s'exécuter dans la journée, mais ils étaient finalement tombés assez facilement d'accord pour aller voir dès aujourd'hui de quoi il retournait. Ils prirent un moment pour se préparer et, peu avant midi, ils fermaient le coffre de l'Impala, prêts à prendre la route.

- Tiens, héla Dean en lançant les clés à son frère. Tu conduis ?

Face à l'air surpris de Sam, il justifia :

- Je vais en profiter pour faire un petit somme. J'ai du sommeil en retard.

Il n'en dit pas plus et Sam ne chercha pas à en savoir davantage. C'était inutile.

Ils furent rendus sur place dans le délai prévu, sans avoir échangé plus que quelques mots sur la direction et le temps de trajet. Dean avait-il vraiment passé son temps à dormir ? Ou à feindre le sommeil ? Sam s'était souvent posé la question. Ils n'avaient plus abordé le sujet depuis qu'il avait avoué à son ainé n'éprouver aucun regret pour ce qu'ils avaient fait ensemble, il ignorait donc ce que Dean pouvait bien en penser.

Il essaya toutefois de chasser ces pensées de son esprit : la voiture longeait la clôture défoncée en remontant un sentier boueux, et la ferme des Peterson était visible à environ cent mètres, au milieu d'un champ nu. Sam arrêta l'Impala à l'ombre d'un arbre rabougri, et Dean, braquant les yeux sur la bâtisse à la peinture écaillée et aux volets clos :

- C'est là-dedans que ça se passe, hein ?

Sa question, rhétorique, n'appelait aucune réponse. Ils étaient là pour le découvrir.

- Ça m'a l'air rudement bien calfeutré, jugea-t-il en plissant les yeux et en abaissant la vitre.

La bruine lui picota le visage et il jeta un coup d'œil blasé aux couches de nuages gris qui s'empilaient au-dessus de leurs têtes.

- D'ici ça a l'air aussi calme que dans un cimetière, poursuivit Dean.

- Oui, on jurerait qu'il n'y a personne, approuva Sam jumelles au poing. Pas de fumée qui sort de la cheminée, apparemment aucun mouvement ni de lumière... Ça a commencé depuis quand, exactement ?

- Vick pense que ça dure depuis à peu près un mois... Sa cousine bosse au bureau de poste et a remarqué que des colis étaient adressés ici tous les deux jours.

- Quand est-ce qu'elle a vu que c'était pas des envois normaux ?

- J'ai pas demandé, mais ils sont tous envoyés du même hosto, apparemment, et elle est sûre qu'ils sont remplis de poches de sang.

- C'est louche, fit Sam d'une mine dubitative. Pourquoi est-ce qu'un hôpital enverrait du sang par colis dans une ferme paumée ?

- Va savoir. Si c'est bien des vampires, y'en a ptet un qui a décroché un job dans le service de nuit, quand sa ptite famille s'est lassée du sang de porc...

- Des vampires pacifiques, alors ?

- Aucune idée. Mais On va jeter un œil, ça coûte rien de vérifier.

Ils sortirent de la voiture et allèrent jusqu'au coffre récupérer les machettes, les yeux toujours tournés vers la baraque, déjà en quête d'un moyen discret d'en approcher.

- C'est bon ? s'enquit Dean pour vérifier qu'ils étaient prêts. Passe par la droite, je prends à gauche. Et fais gaffe de pas te faire repérer.

La mise en garde était superflue mais Sam l'accepta sans s'en plaindre. L'espace d'un moment, il crut avec bonheur retrouver le frère qu'il connaissait, et faillit presque oublier l'attirance physique, mordante comme le froid de l'hiver, qu'il ressentait pour lui.

Les deux hommes se déployèrent donc de part et d'autre de la maison passablement délabrée qui avait dû essuyer au moins une tempête dans un passé proche. Passant la clôture à demi écroulée qui jouxtait la route, Dean se faufila le long d'une haie clairsemée pendant que Sam, à l'opposé, profita d'un entassement de caisses en bois et d'un tracteur rouge de rouille pour sortir autant que possible du champ de vision d'un éventuel guetteur. Néanmoins, il faisait jour, et les vampires, s'il y en avait bien ici, étaient probablement en train de dormir. Les deux frères ne restèrent pas moins sur leurs gardes et approchèrent du bâtiment avec prudence, prêts à tout moment à faire face à un ennemi qui surgirait de nulle part.
Chacun abordant son côté de la maison, ils disparurent alors à la vue de l'autre.

Dean, qui faisait pleinement confiance à son frère, se concentra sur sa tâche, chassant de son esprit le frisson libérateur qu'il ressentit à se retrouver ici, aux abords boueux d'une baraque peut-être centenaire, dont il inspecta rapidement du regard toutes les fenêtres closes, au rez-de-chaussée comme à l'étage. Ce détail l'incita à redoubler de prudence, et tandis qu'il se glissa le long de la façade vermoulue en repérant déjà la porte de service, il remarqua soudain, plantée à une trentaine de mètres de la bâtisse principale, une espèce de petite grange branlante dont l'une des portes battait et grinçait doucement au gré des faibles rafales de vent qui passaient parfois dans le jour de ses planches. Après un regard derrière lui, Dean décida d'aller s'assurer qu'aucun danger susceptible de leur tomber dessus ne rôdait là-bas et, dos baissé, il alla d'un pas leste jusqu'à l'abri, une machette dans la main, son revolver dans l'autre.

Sam, de son côté, dos collé au mur sud de la maison, pencha lentement la tête vers l'entrebâillement d'une porte-fenêtre dont l'un des volets avait été mal scellé. Le noir presque total semblait régner à l'intérieur, l'empêchant de distinguer ce qui s'y trouvait, mais derrière le rideau poussiéreux il vit soudain passer une ombre qui le fit immédiatement s'écarter. Il craignit un instant d'avoir été repéré mais ne perçut aucun bruit indiquant qu'il avait alerté qui que ce soit et l'adrénaline diminua un peu ; il chercha son frère du regard, gêné par les murs qui lui bouchaient la vue, et prit quelques secondes pour l'avertir par message qu'ils n'étaient pas seuls.

Dean en accusa réception et s'introduisit avec une extrême prudence dans la cahute sombre où il découvrit un véritable capharnaüm, entassement de mille objets destinés à la décharge et jamais jetés. Entre chiffons, vieux linge, résidus de matériaux, outils brisés, restes de produits agricoles et caisses empilées, le chasseur vit surtout la lourde bâche qui, au centre, dissimulait manifestement une voiture. Il conclut rapidement que l'endroit, exigu, était vide, et voulut vérifier ce qui se cachait sous la bâche. Il rangea son revolver pour se libérer une main et souleva la couverture de plastique, qui lui exposa d'emblée un logo, celui de la poste locale. Dean resta interdit une seconde : un employé du bureau postal était-il impliqué dans cette livraison régulière de sang frais ? Il jeta un dernier coup d'œil aux lieux, sans rien relever d'intéressant, puis rebroussa chemin pour aller prêter main forte à Sam.

Dean remonta jusqu'à la porte de service en balayant les environs du regard et se demanda si son frère était déjà à l'intérieur. Rien ne prouvait qu'il se passait ici quelque chose de surnaturel mais il avait un pressentiment et, en général, ses intuitions n'étaient pas démenties. Très doucement, il vérifia en tournant la poignée de porte rouillée, si le panneau était fermé. Il ne l'était pas : l'aîné des Winchester l'ouvrit lentement pour jeter d'abord un œil et éviter tout bruit qui trahirait sa présence, et fut aussitôt assailli par des relents moites et rances, comme si les lieux n'avaient pas été ouverts depuis des lustres et qu'on y avait laissé pourrir tout son contenu.

La machette rudement serrée dans sa main droite, il s'engagea dans un couloir rectiligne au papier peint à demi moisi. Il faisait sombre, mais il distinguait à peu près son environnement. Il n'y avait pas un bruit, pas un mouvement. Une pièce à la porte close s'ouvrait sur la gauche, trois mètres devant, et une autre sur la droite, toutes deux fermées. Le couloir débouchait sur une troisième pièce, en face, dont la porte vitrée était cette fois entrouverte. Dean avança d'un pas lent, laissant ses yeux s'habituer à la maigre lumière, et attentif au moindre son il chercha à évaluer, si danger II y avait, de quel côté il se trouvait.

Puis il crut entendre comme un gémissement, en provenance de la pièce de droite. Il n'eut besoin que de deux pas pour pouvoir coller son oreille contre la porte, et le doute devint certitude. Un homme se plaignait, sans force, et décidant de découvrir ce qui se passait, Dean ouvrit la porte d'un geste fluide pour tomber nez à nez sur un vampire qui, de dos, était en train de saigner sa proie suspendue.

Son propre sang ne fit qu'un tour et, sans réfléchir, galvanisé par le flux d'adrénaline, il se précipita sur la créature qui, malgré la léthargie imposée par l'heure diurne, se retourna lestement, la bouche ensanglantée, sitôt qu'elle l'entendit bouger. C'était une femelle d'âge moyen, aux cheveux blonds mal peignés, assez menue, mais le grognement qu'elle poussa et l'énergie avec laquelle elle bondit sur Dean furent dignes d'un prédateur aguerri. Le chasseur esquiva en faisant un pas de côté, et laissant le monstre lui passer dans le dos il pivota pour lui faire face, brandissant aussitôt sa machette. Le vampire était diminué, affaibli par le jour, et presque en un geste humain, il leva le bras pour se protéger de la lame acérée qui s'abattit sans pitié. Il poussa un cri de douleur quand son bras fut tailladé, puis reçut un violent coup de pied dans l'estomac qui le projeta contre le mur, où un second coup de machette le décapita tout net.

Dean eut besoin d'une seconde pour se recentrer et, un bruit sourd lui montant aux tympans, il se tint prêt à subir un second assaut. Préférant se battre dans l'espace de la pièce quasiment vide que risquer d'être coincé dans le couloir, il bloqua la porte pour se laisser le temps de porter secours à l'homme attaché, et remarqua en s'approchant que sa veste portait le même logo que la camionnette des services postaux. Sans doute le facteur avait-il dû payer de sa personne une livraison trop maigre... Dean trancha la corde en soutenant sa chute, et s'évertua à le réveiller.

- Hé, appela-t-il de façon répétée en lui claquant les joues, qu'il avait généreuses. Hé, vous m'entendez ? Allez, debout. On se réveille, allez.

L'homme, au sol, reprit lentement ses esprits et eut aussitôt un geste de recul, terrifié.
- Tout doux, somma Dean en montrant le cadavre du vampire. Je suis là pour vous aider.

L'employé postal se calma bientôt, groggy, en sang, mais vivant. Dean l'invita à presser contre son cou pour en freiner l'hémorragie et questionna d'emblée :

- Y'en à d'autres, à part elle ?

L'homme hocha la tête. Il eut peine à parler, mais déplia deux doigts. Alors la porte parut exploser dans un bruit tonitruant, et en se retournant d'un jet, Dean la vit ne plus tenir que par les gonds inférieurs, fracassée par le vampire de deux mètres de haut qui, tous crocs dehors, le visait d'un air meurtrier.

S'ils étaient encore deux, Dean ne fut pas mécontent de n'avoir à traiter pour l'heure qu'avec un seul monstre, car celui-ci était bien plus impressionnant que sa congénère, dont la vue du corps décapité le fit entrer dans une rage plus grande encore. Sans les crocs, Dean aurait juré avoir affaire à un bûcheron, au regard de sa masse, et il ne vit passer qu'une ombre quand, se jetant sur lui de toutes ses forces, la créature le balaya comme un fétu de paille, l'envoyant valser au sol jusqu'à percuter un coin de mur. Sonné, il tâcha se de relever immédiatement, cherchant sa machette qui lui avait sauté des mains, mais s'il se remit effectivement debout c'est au vampire qu'il le dut, celui-ci lui agrippant la gorge pour le soulever à sa hauteur, dos écrasé au mur et pieds battant dans le vide. L'haleine de la chose était fétide, et ses crocs, qu'il exhibait comme autant d'objets d'intimidation, d'un jaune maladif ; si elle parvenait à déployer une telle force en pleine jour, Dean préféra ne pas songer à ce qu'elle pouvait faire la nuit tombée, et bien que parvenant à peine à respirer, il garda les idées suffisamment claires pour s'emparer d'une seringue de sang de mort, qu'il gardait dans une poche intérieure. Le vampire le vit venir, et de sa main libre il lui tordit violemment le bras, l'obligeant à lâcher l'aiguille, qui tomba sur le sol.

Puis ce fut la tête de la créature qui sauta, tranchée d'un coup sec, et tandis qu'elle partit s'écraser par terre dans un bruit sourd, celle de Sam apparut à sa place, derrière le corps désormais sans vie du vampire qui s'effondra.

Quelques minutes plus tard, une fois la maison nettoyée et la victime hors de danger, Sam avait expliqué à son frère comment, en entendant les bruits de lutte, il avait fait irruption et surpris le troisième vampire à qui il avait réglé son compte avant d'arriver en renfort. Dean, désinvolte et cabot, ne s'était pas gêné pour noter combien l'affaire avait été simple et rondement menée. Ils avaient contacté les secours pour que le postier soit pris en charge et, avant de repartir, s'étaient chargés de dissimuler les corps.

Averti et en route, Vick ferait le reste.

Satisfaits du travail accompli, Sam et Dean reprirent le chemin de Lebanon. Cette incursion dans leur quotidien, ces derniers jours malmené, avait fonctionné comme une piqure de rappel sur le sens réel de leur existence, et éprouver de nouveau leur synergie pour constater qu'elle savait toujours fonctionner à merveille en dépit des aléas, avait été une incontestable source de réconfort. La nuit tombant à quelques encablures de bunker, Dean proposa à son frère un arrêt au bar, histoire de fêter le succès de leur chasse, aussi modeste avait-elle été. Sam accepta, et ils restèrent une bonne heure à savourer une bière fraîche, agrémentée d'un hamburger auquel Dean ne résista pas, son cadet l'accompagnant avec une collation plus légère, dans tous les sens du terme. Ils se surprirent à pouvoir rire et plaisanter sans malaise apparent, comme si ce retour à leur vie sombre et déprimante leur avait paradoxalement permis de la voir moins en noir.

C'est après vingt heures qu'ils remontèrent dans l'Impala, garée sur le parking, le capot sous le feuillage d'un arbre. Une averse était tombée, car la carrosserie et les vitres étaient constellées de gouttes de pluie. Ils prirent place côte à côte, Dean au volant, et tandis qu'il mit le contact, Sam déclara :

- Drôle de journée, hein ? Mais on a eu raison de sortir, on a fait quelque chose de bien.

- Ouais, on a eu raison, approuva Dean d'un sourire amène.

Sam hocha la tête et vérifia machinalement à sa droite qu'aucun obstacle ne gênait le déplacement de la voiture, puisqu'elle allait prendre le chemin de la sortie. Mais elle ne bougea pas. Le moteur continua de tourner, cinq, dix, puis quinze secondes sans que Dean ne fasse le moindre geste, et quand son frère le regarda, il coupa lentement le contact, tout sourire éteint, le regard vague.

- Quoi ? s'enquit Sam en prenant sciemment un air détaché. Un problème ?

Il le pressentit mais refusa d'en faire état. Jusqu'au bout il espéra que Dean redémarre, mais ce dernier secoua doucement la tête en entrouvrant les lèvres et, après un instant, s'inquiéta d'une petite voix :

- Tu croyais vraiment que je m'étais tiré ?

Sam sentit son ventre se serrer, en même temps que ses poings et ses mâchoires. Il se rembrunit, et sans avoir besoin de demander de quoi son frère voulait parler, catapulté plusieurs heures en arrière, il répondit au bout d'un moment, brièvement :

- Je me le suis demandé, oui.

Les yeux sur les compteurs, Dean accusa le coup.

- Tu sais, ce matin... quand tu m'as serré dans tes bras, reprit-il, ça... Ça m'a fait du bien. Et pas seulement parce que j'ai compris que... tu me détestais pas.

Ce fut au tour de Sam d'opiner du chef en regardant ailleurs. Il savait exactement ce que Dean voulait dire, et répliqua :

- Je te détesterai jamais, crétin. J'espère que tu le savais déjà.

- Je crois... que je vais pas y arriver, Sam... Continuer comme si de rien n'était, faire comme si j'avais oublié... Je vais pas pouvoir.

Le plus jeune des deux frères resta stoïque. Le regard lointain, il tentait de discerner, à travers les gouttes d'eau et la buée sur la vitre, ce qui se passait à l'extérieur. Il vit arriver deux motos qui stationnèrent devant les néons du bar, et un couple regagner sa voiture.

- Mais bien sûr que si, tu vas y arriver, promit-il sur un ton volontairement détaché. N'en parle plus, et trouve-toi un palliatif. Ça passera.

Il n'en croyait pas un mot, et Dean pas plus que lui.

- Tu me conseilles quoi ? interrogea celui-ci. Que j'aille tirer un coup chaque fois que ça me démangera trop ?

- Par exemple, répondit Sam en fixant toujours les allées et venues sur le parking. On ne sera ni les premiers ni les derniers à devoir vivre avec des frustrations.

Dean ne se sentit pas mieux. Ni ses résolutions ni la chasse ne lui avaient permis de prendre le pas sur ce qu'il éprouvait, et las de se sentir coincé entre le marteau et l'enclume, il jeta comme un bras d'honneur qu'il aurait adressé au monde entier :

- J'ai ptet pas envie de passer ma vie à rester frustré, et surtout si c'est de ne pas pouvoir me taper mon frère, tu vois ?

Sam fit rouler les yeux vers lui et vit la froide colère qui l'animait.

- Alors qu'est-ce que tu veux faire ? demanda-t-il avec une calme résignation. On part sur le sort d'oubli ? Ok, démarre, je suis sûr qu'on a tout ce qu'il faut au bunker.

Dean soupira en secouant la tête, affligé. Il ne voulait s'amputer de rien, ni voir Sam le faire non plus. Il voulait juste trouver le moyen de vivre sereinement avec ces sentiments infiniment perturbants, dont il doutait de plus en plus qu'ils soient artificiels.

- Peut-être... que tu as raison, exprima-t-il alors. Peut-être que ça vient de nous...

Sam fut étonné d'entendre son frère adhérer à cette thèse qu'il avait jusqu'à présent farouchement combattue. Peut-être lui avait-il fallu du temps pour faire son introspection, mais le problème restait cependant le même.

- Et alors, qu'est-ce que ça change, de toute façon ?

- Ça change tout, riposta Dean avec intensité, l'œil perçant. Si on nous a rendus cinglés c'est pas pareil que prendre conscience de... de...

- De quoi ? relaya Sam face à son brusque mutisme. Qu'on a peut-être toujours ressenti ça, de façon refoulée ? Moi c'est ce que je pense, mais à quoi ça nous sert de le savoir ? Tu verras les choses différemment, si tu es sûr que ça vient de toi ?

C'était une vraie question, que Sam ne vit pourtant pas comme telle, et à laquelle il n'attendit aucune réponse alors que Dean se la posait de plus en plus. Le silence s'installa dans l'habitacle, Sam regardant le ciel nocturne à travers la vitre, quand il sentit soudain la main de son frère se poser sur son genou.

- Allez, Sammy, je suis sérieux, jura-t-il d'un regard presque suppliant, sans s'être vraiment rendu compte de son geste. Je sais que c'est moi qui ai interdit qu'on en parle, mais c'était une connerie, peu importe comment je m'y prends ça change rien à ce... cette crampe qui me bouffe les tripes !

Sam ne bougeait plus. Il fut sidéré de constater combien le seul contact de la main de son frère sur sa jambe le mit en émoi.

- Est-ce que tu peux... retirer ta main ? demanda-t-il d'une voix éraillée.

Dean tiqua, puis réalisa en baissant les yeux qu'il tenait le genou de Sam dans le creux de sa paume. Un frisson lui hérissa les cheveux sur la nuque et il faillit s'exécuter mais, au moment de ramener son bras, il hésita. Il sentit alors une vague de révolte l'envahir tout entier progressivement, comme s'il eut besoin de défier toutes ces instances qui régissaient et pourrissaient son existence depuis des jours, et son cœur se mettant soudain à battre la chamade il s'entendit dire, comme en dehors de son propre corps :

- Qu'est-ce que tu vas faire, si je la laisse là ?

Il sentit Sam se tendre immédiatement, et bien qu'il en fut à la fois perturbé et étonné, Dean en éprouva une authentique excitation. Il se mit à avoir chaud et sentit des gouttes de sueur lui picoter le cuir chevelu ; toucher la jambe de son frère, même à travers le tissu, suffit à faire resurgir les sensations qu'il avait éprouvées lorsqu'ils s'étaient retrouvés peau contre peau, et le désir lui inondant de nouveau les veines, comme un prisonnier libéré de ses entraves et débordant son gardien, il fit lentement courir ses doigts le long de la cuisse de Sam, en direction de son entrejambe.

- C'est ça que tu aurais fait, si je t'avais pas arrêté quand on revenait de Gloucester ? s'enquit-il sur un ton semi-absent, les lèvres chaudes et sèches.

- Dean, souffla Sam d'une voix frigorifiée, pétrifié comme si une mygale ou un serpent au venin mortel lui marchait sur la jambe. Tu... Tu ne veux pas faire ça, arrête, tu sais que tu le regretteras.
La main de Dean monta encore, et Sam se redressa en étirant sa colonne vertébrale autant qu'il le put, comme dans un réflexe futile pour s'échapper. Il était sûr de devoir tout faire pour empêcher son frère d'aller plus loin, mais son corps refusait de lui obéir. En réponse au stimulus provoqué par le contact des doigts de Dean contre lui, il décida au contraire de réagir de lui-même, et Sam n'eut aucun moyen de contenir la féroce érection qui s'empara de lui. Une étincelle s'alluma dans le regard flou de Dean lorsqu'il vit enfler la bosse entre les cuisses de son cadet et, hagard, il questionna :

- Tu étais sérieux quand tu disais que tu ne regrettais rien ?

La respiration de Sam s'accéléra. Il ressentait le besoin impérieux de mettre tout de suite un terme à ce qui était en train de se passer tout en éprouvant parallèlement l'envie brûlante de laisser faire, et le souffle court il livra sans même réfléchir aux mots qui auraient été les plus opportuns :

- Tu sais très bien que je l'étais...

Était-il déjà trop troublé pour comprendre que sa réponse avait valeur de carte blanche pour Dean, ou bien était-ce que ce dernier s'octroya simplement le droit de franchir une limite ? En voyant la main de son frère se remettre à bouger, Sam retint son souffle, et ce fut totalement désarmé qu'il le laissa aller jusqu'à la poser sur son sexe, dont il moula très soigneusement la forme.

- Je peux faire ça, alors ? demanda Dean d'une voix mal assurée, écartelée entre doute et excitation.
Sam cessa de respirer, comme plongé dans un baquet d'eau glacée. Par réflexe, il resserra les cuisses mais, le contact des doigts de Dean lui furent si doux et si attendus qu'il se relâcha presque aussitôt, laissant son pénis continuer de durcir et de distendre le tissu de son jean sous la main de son frère. Un léger sourire passant sur ses lèvres de manière fugace, l'aîné des Winchester tressaillit d'un plaisir silencieux en sentant palpiter le sexe de son cadet, et il se souvint avec délice de ce qu'il avait éprouvé quand il l'avait senti éjaculer entre ses doigts, sous la douche. Avec une infinie délicatesse, présent mais plus tout à fait là, il se mit alors à caresser tout doucement la bosse de tissu qui semblait prête à éclater, et en faisant entendre une respiration lourde et profonde, Sam commença à remuer lentement.

- Arrête, implora-t-il en pressant la main sur celle de son frère, mais tout son corps l'invitant pourtant à continuer. Ne rends pas les choses plus compliquées qu'elles le sont déjà...

Dean resta sourd à sa requête. L'avait-il seulement entendue ? Les yeux fixés sur leurs mains liées, l'air subjugué, il écarta un peu plus les doigts pour envelopper complètement le sexe de Sam et, pris d'une fièvre irraisonnée, ce dernier, soudain, lâcha prise. Comme si ses vêtements prenaient feu, il se mit tout à coup à défaire sa ceinture en toute hâte, puis déboutonna sa braguette avant tant d'empressement qu'il obligea Dean à retirer sa main. Mais, moins d'une seconde après, l'aîné des deux hommes vit émerger de toute sa majesté le pénis de son frère, droit comme un « I », et en lui reprenant la main, Sam la lui fit poser sur sa verge raide comme le bois en soufflant :

- Prends-la, vas-y... Oh, c'est bon, oui, touche-la...

Il poussa un long soupir voluptueux en se laissant couler le long de la banquette pour mieux mettre son bassin en avant, et alors que Dean, comme étourdi par la vue et le contact de ce sexe d'homme qui confirma les dimensions remarquables qu'il lui avait devinées l'avant-veille, commença à le masturber tout doucement, Sam tendit le bras gauche pour empoigner l'entrejambe de son frère, qu'il trouva tout aussi dur et tendu que le sien. Ils n'échangèrent qu'un bref regard voilé, plein d'émoi et d'étonnement, puis Dean imita son cadet à la hâte en ouvrant sa braguette sous l'œil pétillant de désir de Sam. Ses battements de cœur tonitruants faisaient gonfler les veines de son cou en plus de rigidifier son pénis brûlant, et lorsqu'il vit émerger à son tour celui de Dean qui se dressa de toute sa stature comme le grand-mât d'un voilier, il resta un instant suffoqué avant de s'en emparer avec fébrilité, invitant son frère à se réchauffer les doigts en lui rendant la politesse.

Tous deux s'émurent en silence de cette sensation nouvelle et éminemment troublante, Sam découvrant la dureté impressionnante du phallus de Dean et ce dernier renouant avec l'émoi violent qui l'avait saisi en le rejoignant sous la douche. L'aîné de la fratrie n'avait pas tout à fait remarqué, l'avant-veille, combien le sexe de son cadet était chaud, et ce fut avec un plaisir non feint qu'il le fit coulisser entre ses doigts, montant et descendant avec délicatesse le long de la peau douce et lisse, s'étonnant par ailleurs de sa dureté et de l'harmonie des lignes de son gland, au méat humide. Chacun de ses gestes accentuait le rythme de la respiration de Sam, qui soufflait de plus en plus bruyamment, et Dean s'en délecta, tout comme il prit immédiatement goût à la réciproque. L'excitation de Sam, qui se mit à haleter et à gémir sans retenue sous l'œil fasciné de son frère, le poussa à masturber ce dernier avec de plus en plus d'ardeur, et les râles des deux hommes se superposant bientôt les uns aux autres, l'écho de leur exultation commune remplit l'habitacle de l'Impala dont les vitres s'opacifièrent de buée. Ils ne surent jamais vraiment combien de temps ils passèrent ainsi à explorer ces nouveaux plaisirs, mais ils n'oublieraient pas la façon dont ils en atteignirent le point culminant, éjaculant presque à l'unisson avec force et démonstration. Dans un cri rauque qui flatta l'oreille de Dean, Sam se libéra le premier, son sperme montant comme la traînée d'un feu de détresse, et la vision de sa jouissance déclencha celle de Dean qui fit puissamment gicler sa semence jusque sur le volant. Comme indéfectiblement liés l'un à l'autre, ivres de se sentir mutuellement palpiter et se contracter pour expulser leurs fluides, ils continuèrent de se caresser l'un l'autre jusqu'à leur pleine délivrance, puis la frénésie retomba tout doucement, en même temps qu'ils reprirent progressivement leur souffle et leurs esprits, et ce fut presque comme si de rien n'était que, les idées embrumées, ils se remirent en route après s'être rapidement rhabillés et avoir effacé les traces les plus évidentes de leur moment d'égarement.