Chapitre 13
- Dean ! Attends ! Attends, je te dis ! Dean !
La voix tonitruante de Sam, qui n'avait pas mis trente secondes pour se lancer à ses trousses, força Dean à émerger, alors qu'il s'entêtait à marcher vers la bibliothèque comme s'il n'entendait rien. À chaque pas, il sentait que son frère se rapprochait, fulminant de rage, et parce qu'il n'avait ni l'envie ni la force de s'opposer à lui, il essaya de l'ignorer jusqu'à la dernière minute, jusqu'à ce que, à peine passé la porte de la bibliothèque, la main de Sam le saisît rudement par l'épaule, l'obligeant à s'arrêter net et à se retourner.
À moitié hagard, il n'eut alors pas d'autre choix que celui de regarder son frère dans les yeux, et ce ne fut pas de la rage, qu'il y vit. Ce fut de la crainte.
- Hey ! tonna le plus jeune des Winchester, les traits affreusement crispés et les globes oculaires flamboyants d'humidité. Je te parle !
Visiblement terrifié par sa riposte potentielle mais résolu à n'importe quel prix à aller au bout de sa démarche, Sam attendit la réponse de son frère pendant une poignée de secondes qui lui parurent durer des heures. De fait, Dean n'avait rien à dire, excepté qu'il aurait voulu, là, tout de suite, balayer les livres de la table, y faire coucher Sam et baisser son pantalon pour le saillir sans ménagement. Cette pensée aussi tangible que terrible, il devait la garder secrète, et tout en s'efforçant de dominer ses tourments il se contenta de déclarer, d'un ton éteint où Sam, à tort, vit la preuve d'une répulsion à son égard :
- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? C'est bon, Sam. J'ai rien vu et rien entendu, t'inquiète pas.
Il tourna le dos à son cadet qui, saisi d'effroi, le regarda s'éloigner de quelques pas en sentant le poids étouffant et intolérable de son mépris. Une peur panique l'envahit, et prêt à tout pour se racheter il bégaya, mortifié :
- Dean, écoute, je... Je... Je voulais pas dire que... Je voulais pas que tu voies ce que... Je suis désolé, pardon, ne... Je suis désolé, ok ?
L'aîné de la fratrie continua de faire quelques pas, sans un mot, et partit se servir un verre.
- Je t'en remplis un ? demanda-t-il.
Sam, interloqué, resta sans voix un instant avant de bredouiller :
- Q...Quoi ?
- Je t'ai demandé si tu voulais un verre, répéta-t-il alors qu'il venait déjà de vider le sien.
Sam resta incapable de répondre. Tendu comme il ne l'avait peut-être jamais été, il chercha en vain à déterminer l'état d'esprit dans lequel se trouvait son frère, qui se lassa de son silence coi.
- Bon, si tu as soif tu iras te servir, lâcha-t-il sur un ton désabusé.
Il remplit son verre à nouveau et revint sur ses pas, marchant jusqu'à un fauteuil où il se laissa tomber lourdement en soupirant. Sam, qui ne l'avait pas quitté du regard, continua de le dévisager sans un mot ni un seul geste, le cœur cognant à tout rompre dans sa poitrine, et se décida bientôt a répéter dans un souffle, accablé par le silence insupportable :
- Je te demande pardon, je... Je voulais pas... Tu n'aurais pas dû voir... Oh, bon sang...
Effondré, il s'écroula sur la chaise la plus proche, devant la table, où il posa les coudes pour se prendre les tempes à pleines mains. Dean eut la sensation d'avoir déjà vécu la scène, sauf qu'il se trouvait alors à la place de Sam, mais qu'à la différence de ce dernier, il avait alors réellement quelque chose - l'impensable - à se faire pardonner.
- Je t'ai dit que c'est bon, fit Dean d'un ton morne après avoir avalé une gorgée. T'as pas à te faire de mouron, t'es libre de faire ce qui te chante, ça me regarde pas... Si t'as besoin de ça pour décompresser, c'est pas mes oignons.
La condescendance hypocrite qui avait imprégné ses propos passa difficilement. Pour lui, parce qu'il se savait être le dernier à pouvoir juger des expédients qu'employait son frère pour supporter la tension et qu'il s'en voulut d'avoir l'air d'y être étranger ou carrément de nier ses actes des derniers jours, et pour Sam, qui se sentit mis à nu.
- Tu crois que c'est de gaieté de cœur ? se défendit-il douloureusement, obligé d'admettre que son pragmatisme avait ses limites. Tu crois que ça me plait, de ressentir ces... ces pulsions qui me font me conduire comme jamais je me suis conduit de toute ma vie ?
Dean resta muet, le verre aux lèvres et le regard dans le vide, mais il savait précisément ce que son frère éprouvait.
- J'ai jamais eu aussi honte de toute ma vie, se lamenta Sam, la tête enfouie dans ses bras.
- Hé, finit par dire Dean d'une voix mesurée en vidant son deuxième verre. Pas besoin de broyer du noir comme ça, tu sais bien qu'en ce moment, on n'est pas dans notre état normal... Et puis...
Il marqua une pause, hésitant à se montrer si terre-à-terre, voulut boire une gorgée supplémentaire avant de s'apercevoir que c'était impossible, et il ajouta :
- T'es pas le seul à avoir fait des trucs... un peu bizarres dans ta vie, tu sais ? En plus... c'est pas comme si j'avais pas déjà vu une bite dans ton cul, pas vrai ?
Il s'étonna lui-même d'avoir dit les choses si crûment, et plus encore d'avoir pu aborder si frontalement le sujet sans manquer s'étrangler, même si ses mots lui laissèrent un goût amer. Sam en fut le premier déconcerté, et en dépit de son épouvantable embarras d'avoir été surpris dans une posture aussi humiliante, il haussa les sourcils en lâchant, un brin choqué :
- Wouah... Carrément.
Dean sentit le rouge lui monter aux joues et son entrejambe frétiller. Il douta que les effets de l'alcool fussent déjà en cause, et chercha comment se rattraper après la manière plus que franche dont il venait de s'exprimer.
- Ça a le mérite d'être clair, au moins, reprit Sam, blême.
De façon inattendue, le cadet des Winchester puisa du réconfort dans ce qu'il venait d'entendre. À sa grande surprise, son frère semblait enfin consentir à regarder les choses en face et il en fut à la fois content et soulagé, même si cela ne rendait pas plus simple leur acceptation des bouleversements auxquels ils étaient confrontés, et dont ils ne voyaient pas le point de sortie. Sam se crut en droit d'espérer, au moins, que leurs échanges sur la question seraient peut-être plus apaisés, plus sincères, plus enclins à les aider à surmonter la crise qu'ils devaient traverser, et c'est à cette idée qu'il voulut se raccrocher.
-Laisse tomber, pria Dean d'un air morose. J'ai rien vu, et t'as rien entendu, ok ?
Sam le visa d'un regard affectueux et reconnaissant, sans mot dire, tandis que Dean pesta contre son verre vide.
- Putain mais, qui a eu l'idée de faire des verres aussi petits ?
Il se leva d'un bond grognon et marcha en droite ligne jusqu'à la bouteille pour se resservir généreusement, évitant de regarder son frère pour ne pas ajouter à sa gêne. Pourtant, moins d'une minute plus tard, et alors qu'il restait à ruminer devant la desserte où trônait le whisky qu'il s'obstinait à ingérer, il posa des yeux à la fois nerveux et pudiques sur Sam, avant de lui dire d'un ton ferme, irrité et résolu :
- Écoute, il faut vraiment se dire que c'est une épreuve comme une autre qui nous est tombée sur la gueule, ok ? C'est pas le premier coup de poisse qui nous arrive, alors... On va gérer ça comme on peut le temps que ça va durer, et quand ce sera passé ce sera qu'un mauvais souvenir.
À nouveau, il avala une gorgée d'alcool, comme pour mieux se convaincre des propos qu'il venait de tenir. Sam voulut adhérer de bonne foi à ses positions, et demanda sans volonté de provocation, avec humilité :
- Tu as une solution à proposer ?
Dean, à cran, eut l'impression que son frère joua d'ironie en faisant allusion à ce qui s'était passé dans l'Impala hier. Il comprit mal le sens de la question, et ses actes amoraux l'obsédant en permanence, il répliqua du tac au tac d'un regard sévère :
- Hey, je sais que j'ai déconné, ok ? Encore. C'est pas facile pour toi mais c'est peut-être pire pour moi, c'est pas toi qui m'as sauté dessus comme une bête en rut, et deux fois. Bordel, et j'étais même pas bourré !
Il visa son verre d'un air furieux et le lâcha violemment au-dessus du plateau avant de s'éloigner de quelques pas, les mains serrées sur les hanches.
- C'est pas ce que je voulais dire, assura Sam d'un ton apaisé. Je te reproche rien, je te l'ai déjà dit, ni pour hier, ni pour avant. C'est juste que... Je sens que ça ne s'arrange pas, au contraire, et je sais pas jusqu'où...
Il n'acheva pas sa phrase, dont Dean devina la chute sans problème.
- À nous de nous démerder pour limiter la casse, plaida-t-il avec détermination.
Puis, d'ajouter à mi-voix, dos tourné, en sentant soudain plus fort le poids qui l'accabla à la pensée des fautes qu'ils avaient commises :
- Même si je sais pas si ça a encore du sens, après ce qu'on a déjà fait...
Sam ne fut pas certain d'avoir clairement entendu mais n'osa pas lui demander de répéter. Sombre, il tenta de définir par quels moyens il allait personnellement pouvoir gérer ses flambées de désir, beaucoup moins sûr, désormais, de parvenir à les canaliser, et par désespoir il finit par lancer, dents serrées :
- Je sais que j'ai dit le contraire, qu'on allait y arriver, ensemble, mais franchement ça devient dur à supporter. Ce que tu m'as vu faire, tout à l'heure... Je me reconnais pas, je peux à peine croire que je sois allé acheter ce... Ce truc, putain... J'ai refusé d'en entendre parler mais c'est peut-être toi qui as raison, en fin de compte. Si pour gérer tout ça, il faut l'effacer de nos têtes, alors... faisons-le.
Dean demeura stoïque, le dos toujours tourné. Si la proposition était survenue deux jours plus tôt, il aurait déjà pris le chemin de la réserve pour rapporter tous les ingrédients mystiques et autres matériels nécessaires à l'élaboration d'un sort, quel qu'il fût. Mais en accueillant cette suggestion avec retenue, pour le moins, il comprit qu'il avait définitivement évolué et qu'il avait eu tort dès le début de vouloir recourir à un tel expédient.
- Non, Sammy, c'est toi qui avais raison. Même si on se force à oublier ce qui s'est passé depuis qu'on a croisé la route des Érotes, tu penses qu'on sera débarrassé de ce qu'on ressent ? Ça m'étonnerait.
- Alors c'est ces idées qu'on n'a qu'à faire disparaître, avança Sam, miné par la honte et la vexation.
- Et ça changerait quoi ? interrogea Dean en se retournant pour le consulter d'un air fatigué. Le mal est fait, ça n'effacera pas ce qui est arrivé.
- Alors effaçons tout ! s'écria Sam en se dressant sur ses deux pieds avec fureur. Les Érotes, ce qu'on ressent, ce que ça nous a fait faire ! Tout ! On revient à la case départ, comme avant de s'occuper de cette affaire, comme si rien n'était jamais arrivé !
Dean observa son frère avec une expression de compassion désabusée. Calmement, il lui dit :
- Et on les laisserait continuer leur manège ? En sachant qu'ils sont là, dehors, à rendre dingues je ne sais encore combien de gens ?
- Ils font ce qu'ils font depuis la nuit des temps, Dean, rappela-t-il sur un ton implacable, les yeux flamboyants. Oublions qu'on a appris leur existence et que d'autres que nous se débrouillent, pour une fois.
C'est d'un air incrédule que Dean toisa son frère, incapable de croire qu'il pensait vraiment ce qu'il venait de dire. Sam était las, humilié d'avoir été surpris dans une situation hautement dégradante et peut-être plus encore d'avoir été entendu exprimer à voix haute la nature de ses plus bas instincts, mais c'était loin d'être une raison suffisante pour l'aîné de la fratrie de recourir à ces extrémités.
- Si on fait ça, alors ils auront gagné, Sam, affirma Dean avec amertume. Ce serait pire que s'enfoncer la tête dans le sable, ce serait battre en retraite, la queue entre les jambes, nier qu'on doit agir, renier ce qu'on est, et tu le sais aussi bien que moi.
Mâchoires et poings serrés à s'en briser les dents et les os, Sam fusilla son frère d'un regard plein de détresse, auquel Dean répondit en le considérant avec un certain fatalisme. À nouveau, il lui parut que leurs rôles s'étaient inversés, et avec une lucidité qui lui avait sans doute manqué jusque-là, il ajouta :
- Quoi qu'ils aient fait, c'est là, maintenant, et c'est pas en faisant l'autruche que ça va nous aider. Ça va ptet t'étonner mais, j'ai fini par piger au moins ça.
Sam hocha la tête d'un air aigri, renifla en se frottant le nez puis, la main sur la hanche, il se détourna pour faire deux pas dos tourné. Il resta à fixer le plafond un moment, dans l'impossibilité de réfuter objectivement les arguments de Dean, et à contrecœur il finit par demander une seconde fois :
- Ok, alors on fait quoi ?
Dean fut surpris par le ton désemparé de sa question. Il réalisa néanmoins que le pragmatisme avec lequel son frère avait tenté de gérer la situation jusqu'ici n'avait pour partie été qu'une façade et, quelque part, il en fut rassuré.
- Tu l'as dit toi-même, rappela-t-il d'une voix affligée, mâtinée de colère sourde. On sera pas les premiers à être frustrés. Un bar à putes, ça te dit ? J'ai une adresse au top, même toi tu seras pas déçu.
Sa remarque avait rapidement viré au sarcasme et Sam fit rouler ses yeux d'un air désabusé.
- Merci, je passe, marmonna-t-il.
- Ok, acquiesça Dean en se rapprochant lentement jusqu'à se poster sur son flanc droit, une moue faussement désinvolte sur les lèvres. Bon bah il reste plus qu'à continuer à s'astiquer le manche, alors.
- Tu veux dire : chacun dans notre coin ? jeta Sam d'une pique acerbe. Ou bien tu suggères qu'on le fasse ensemble ?
Il adressa du coin de l'œil un regard aigu à son frère, qui cette fois comprit sans erreur l'allusion. Dean se figea un court instant en fixant Sam d'yeux arrondis, puis en avalant sa salive, il se contenta de répondre avec une pointe de dérision :
- Tu vois bien que t'as pas besoin de te sentir gêné de ce que t'as fait, moi aussi j'ai pas mal déconné...
Il afficha même un rictus censé démontrer son détachement du sujet, tapota l'épaule de Sam avant de le dépasser, mais il avait ri jaune, et le plus jeune des deux hommes, en le voyant s'éloigner de sa démarche de cow-boy et prendre la direction de la cuisine par le hall principal, essaya de le retenir, regrettant le ton qu'il avait employé malgré lui.
- Attends, Dean, je...
- Allons bouffer ! commanda-t-il en disparaissant déjà. Tu m'as attendu, au moins ?
- Quand je suis rentré, tu dormais, alors... oui.
- Alors à table ! Ça nous évitera de nous dire des conneries ! T'as trouvé les beignets ?
Sam picora quelques morceaux de tomates et deux ou trois feuilles de salade, sans grand appétit. Cent fois il voulut revenir sur ce que Dean l'avait vu faire, et cent fois il n'en trouva pas le courage, rouge de honte de s'être ainsi exposé, même si son frère avait eu le tort de ne pas frapper. Surtout, Sam était effrayé à l'idée que ce dernier ait pu clairement entendre son nom dans les prières lascives qu'il avait prononcées, et cette crainte à elle seule verrouilla toute tentation de remettre le sujet sur le tapis, alors que Dean fit honneur à son repas, avalant cheeseburger et oignons frits en paraissant être déjà passé à autre chose.
Ce n'était qu'une posture, et alors que son cadet se proposa de débarrasser, il en profita pour aller subrepticement restituer l'objet volé toujours enfoui dans sa poche et enfin en terminer avec cela. Il fit un crochet par la salle de bains, puis partit se reposer et réfléchir dans sa chambre, barbouillé suite à la quantité de nourriture trop riche qu'il avait envoyée tremper dans le bouillon d'alcool dont il s'était imprudemment lesté l'estomac juste avant. Il se sentait nauséeux, mais cet inconfort n'était rien face au désir qui lui rongeait les tripes comme si elles étaient brûlées à l'acide ; il revoyait sans cesse son frère, couché sur son lit, occupé à se procurer sans retenue le plaisir dont il avait besoin, et malgré tout ce que cet instinct impérieux lui semblait avoir de vil et de répréhensible, Dean ne pensait qu'à la jouissance absolue qu'il aurait lui-même éprouvée s'il avait pu rejoindre Sam et lui offrir ce qu'il avait si ardemment réclamé.
Bien sûr, qu'il avait entendu son cadet l'appeler dans un gémissement, rêvant à ce que le membre de silicone soit fait de chair et de sang, sa chair et son sang. Mais Dean en avait été profondément ébranlé, autant que Sam l'avait été d'avoir été surpris en flagrant délit, et il lui avait été impossible d'en parler franchement après ça. Nonobstant, il ressentait tant le manque irrationnel du corps de son frère qu'il en avait mal ; il vibrait intérieurement, soumis à la morsure incessante qui lui mettait les tripes à vif et, la main plongée dans le creux du pantalon, il s'imaginait, entre révolte et désespoir, renouer avec les sensations qu'il avait si délicieusement éprouvées en commettant l'irréparable folie de saillir son propre frère ces sensations extrêmes, mélange d'extase et d'effroi, qu'il continuait de qualifier de criminelles sans que, pourtant, elles lui inspirent de réel dégoût. Il comptait bien continuer d'essayer de résister de toutes ses forces, même s'il doutait fortement pouvoir tenir indéfiniment, au regard de ses deux précédents faux-pas ; pour cela, il était prêt à tout, à se noyer dans l'alcool s'il se fallait, ou dans les yeux de quelque fille ramassée dans un bar, mais malgré son appétence pour l'une et l'autre de ces distractions, son attirance envers Sam était devenue si puissante et absolue qu'aucune des deux n'était plus de taille à l'en détourner.
Il lui sembla alors comprendre vraiment la portée du pouvoir effrayant des Érotes, mais il ne sut dire si leur capacité à fait resurgir les sentiments les plus terribles était plus effroyable que de découvrir qu'il les avait peut-être toujours abrités au fond de son cœur.
Rétrospectivement, il aurait payé cher pour savoir ce qui se serait passé si, au lieu de détaler, il était resté pour montrer à Sam l'ampleur de son excitation. Peut-être que son frère, empourpré de honte, l'aurait chassé tout aussi vertement, ou peut-être qu'il aurait consenti à le laisser le rejoindre et qu'ils auraient de nouveau pleinement assouvi leurs plus bas instincts... Il ne le saurait jamais, mais Dean, aussi confus qu'accablé, était incapable de déterminer si l'âpre regret de cette occasion manquée était préférable à une troisième transgression de leurs liens les plus solides, et le simple fait de se poser encore cette question le plongeait dans un désarroi de plus en plus profond.
Dean, nerveusement épuisé, finit par s'endormir. Le réveil fut synonyme de difficulté à ouvrir les paupières, et en prenant une très profonde inspiration il se frotta les yeux, juste avant d'avoir un sursaut de frayeur et de se dresser sur les coudes, lorsqu'il vit Sam assis sans bouger au pied du lit.
- Sammy...? s'étonna-t-il d'une voix encrassée. Qu'est-ce que tu fous là ?
Le plus jeune des deux frères offrait la vue de son flanc gauche et semblait ailleurs. Les épaules basses, le dos rond et les manches de sa chemise à carreaux relevées jusqu'aux coudes, il prit un instant pour poser les yeux sur son aîné, qui lui trouva un air sombre, grave et attristé.
- Hein ? insista-t-il. Qu'est-ce qui se passe ? Il est arrivé quelque chose ?
Sam laissa son regard se perdre à nouveau, retroussa les lèvres et secoua brièvement la tête.
- Non, répondit-il. Rien, y'a rien.
Il se tut et son frère, qui l'observa d'un air circonspect, se redressa pour se mettre en position assise, jambes tendues, et coller son dos à l'étagère encombrée d'armes en tous genres qui barrait le mur au-dessus de sa tête de lit.
- Y'a longtemps que t'es là ?
- Pas trop, non, déclara Sam en se tortillant les doigts, la tête basse.
Il n'en dit pas davantage, et Dean sentit qu'ils risquaient d'y passer longtemps.
- Sam, il va falloir que tu sois un peu plus bavard, si tu as quelque chose à dire, j'ai pas trop envie de te tirer les vers du nez, là.
Pour quelle autre raison se serait-il posté là, de cette façon, si ce n'était pour livrer ce qu'il avait sur le cœur ? Le jeune homme aux cheveux mi-longs, qui brillaient plus qu'à l'ordinaire sous la frêle lumière de la lampe de chevet et de celle qui provenait du couloir à travers la porte ouverte, ne nia rien, et reprit la parole peu après en confiant avec raideur :
- J'ai juste... repensé à ce qu'on s'est dit, tout à l'heure. À la façon dont on peut gérer ça.
- Oh, t'as réfléchi, finalement, t'es ok pour les putes ? se moqua-t-il sans penser une seule seconde que son frère ait pu opter pour cette idée à laquelle il ne croyait pas lui-même.
- S'il te plait, pria-t-il sans le moindre sourire. Sois sérieux.
Dean voulut l'être. Il sentit ne pas pouvoir faire autrement que se montrer aussi honnête que possible, mis au pied du mur par le regard de son frère, tout à la fois plein d'espoir, d'appréhension et de doute. Un voile de gravité lui vieillit soudain les traits, et ne parvenant plus à dissimuler son désarroi, il chercha longtemps le ton juste avant d'avouer, la voix déjà vacillante :
- Je... J'essaie. Mais qu'est-ce que je peux encore dire qu'on ne s'est pas déjà dit ? Ok, je peux pas nier que la moitié du temps, j'ai ce... feu qui me bouffe les tripes, et l'autre moitié je me demande comment je peux ressentir tout ça et encore te regarder dans les yeux.
C'était ce qu'il était en train de faire, plongeant un regard humide dans les pupilles tourmentées de Sam, dont le front était barré de rides d'inquiétude.
- T'as bien vu comment je me suis comporté, reprit Dean deux tons plus bas, abattu. J'ai... J'ai même pas été capable de me contrôler, je t'ai carrément sauté dessus, je...
- T'as toujours été le plus sanguin de nous deux, coupa Sam d'un léger sourire pour l'empêcher de se morfondre à nouveau. Je t'ai répété dix fois que ça n'a pas d'importance.
- Ça en a pour moi. Et ça devrait en avoir aussi pour toi. Quand je me suis tiré, j'étais complètement déboussolé, et même plus tard, après qu'on en a reparlé, j'ai... J'ai vraiment failli faire une grosse connerie, Sammy. Il s'en est fallu d'un rien, parce que ce que j'ai fait, pour moi c'est... impossible à expliquer. Déjà, ressentir ça pour un mec... C'est comme si j'étais plus moi, et t'infliger ça à toi, c'est comme si t'étais plus rien... Qu'est-ce que j'aurais bien pu te faire de pire ? Encore maintenant y'a des moments où je me dis que j'ai fait un cauchemar, que c'est pas vraiment arrivé.
Acquiesçant gravement, Sam demanda peu après, la voix nouée :
- C'est toujours comme ça que tu ressens les choses ? Comme si c'était un cauchemar ?
L'air égaré, Dean secoua la tête, le regard vide.
- Je sais pas ce que je ressens. Je sais plus. Je sais bien que c'est arrivé, je le sens encore dans mes tripes, c'est là, comme si ça s'était passé y'a cinq minutes. Mais la manière dont je me suis conduit, pour moi c'est impossible à pardonner, c'est trop grave. Et pourtant, depuis que tu m'as dit que tu m'en voulais pas, et je te crois, même si je comprends pas comment c'est possible... Depuis ça, j'ai l'impression... de me sentir moins mal. Et ça me rend encore plus dingue.
Sam baissa religieusement la tête, et un silence de mort tomba sur la pièce comme une chape de plomb. Il avait senti combien il avait coûté à son frère d'être aussi sincère et transparent, et bien que Dean n'ait sans doute pas voulu au préalable se montrer aussi expansif, ce dernier en éprouva soudain un soulagement aussi profond qu'inattendu, une véritable délivrance qui lui donna le sentiment d'enfin respirer à nouveau.
- Ça te va ? vérifia-t-il avec un ersatz de sourire, finalement heureux de s'être confié. C'était assez sérieux à ton goût ?
Sam le visa du coin de l'œil et, d'un rire sec et bref qui se traduisit surtout par un vif soupir nasal, il dit d'un timbre chaud :
- Je suis content. Ça compte, pour moi, que tu me dises ce que tu ressens vraiment.
Dean le sentit ému, et sa gorge se serra également. Il se frotta le nez d'un pincement hâtif, puis en se raclant la gorge il reprit :
- Je te dois bien ça... Crois pas, parce que je t'ai dit tout ça, que... je me sente à l'aise avec ce qui s'est passé... Mais pour le moment, si toi ça va à peu près... Je survivrai. Je crois.
Sam hocha la tête, et face à cette invitation pudique à se confier à son tour, il assura :
- Ça va, t'en fais pas. Si t'es là, ça va.
Leurs regards se croisèrent un court instant, avant qu'ils ne détournent les yeux.
- Enfin, je suis comme toi, nuança aussitôt après le cadet de la fratrie. Je sais pas trop où j'en suis, je me découvre des envies et... des pulsions que j'aurais jamais pensé pouvoir avoir, enfin t'as bien vu...
L'image de son frère s'enfonçant le gode dans l'anus revint sans mal en mémoire à Dean. De fait, elle ne l'avait jamais vraiment quitté.
- Les deux fois où on a... craqué, reprit Sam, j'ai complètement perdu pied, tout ce que je voulais à ce moment-là c'était qu'on continue, je me foutais de tout le reste. Quand la tension est retombée, je me suis dit que j'avais perdu la tête, mais en même temps j'ai pas pu ignorer le fait que... Enfin... que ça m'a plu. Beaucoup.
Il avait terminé sa confession dans un souffle, et si Dean se sentit quelque peu mal à l'aise à la suite de cela, il se fit un devoir de répondre.
- Je te comprends... Enfin, oui et non, c'est carrément bizarre et, dérangeant, et... tout ce que tu veux. De toutes les crasses qui nous sont arrivées, jamais on n'a vécu un truc pareil, mais... Ouais, moi aussi j'ai aimé ça, c'est ça le plus terrible. J'aurais envie de le nier, mais comment je pourrais, putain...
Il eut l'air consterné mais c'était la réalité. Son corps l'avait démontré mieux qu'aucune autre manière, et si Sam n'en avait jamais douté, il fut soulagé et, d'une certaine façon, heureux d'entendre son frère enfin admettre cette évidence, pas moins perturbante.
- C'est dur à encaisser, tout ça, hein ? partagea Sam entre abattement et résignation.
Dean eut un haussement de sourcils significatif.
- Tu le crois vraiment ? demanda-t-il alors, comme une ultime vérification. Que ça vient de nous ? Tu étais sérieux quand tu as dit que... t'as déjà pensé à nous de cette façon-là ? Où c'était juste pour me faire réagir ?
Sam prit le temps de la réponse pour peser ses mots. Il voulut être le plus clair, le plus concis et le plus sincère possible, et déclara :
- Jamais clairement, jusqu'ici. Mon imagination m'a déjà fait penser à des trucs étranges, à l'occasion, mais j'y ai jamais prêté attention, pour moi c'était rien. C'était peut-être vraiment rien, mais quand je vois ce qui se passe depuis Gloucester... Je me dis que y'a pas de fumée sans feu, Dean, les Érotes c'était juste le déclencheur. Ils ont vu que c'était là.
Celui-ci avala sa salive, en voyant mal comment réfuter cette affirmation dans laquelle il perçut un écho net à ses propres sentiments, mais ne dit rien.
- J'ai jamais ressenti avant ce que je ressens en ce moment, continua Sam qui, les yeux baissés, souhaita tout dire pour se libérer. Tu crois que j'arrive à gérer, mais c'est faux, en fait j'en mène pas large. Je passe mon temps à essayer de calmer mes ardeurs, je pensais pouvoir trouver le moyen de faire avec, mais ça ne marche pas. C'est toi qui avais raison, hier dans la bagnole, on peut pas y arriver comme ça, je... J'essaie d'ignorer cette envie permanente de recommencer ce qu'on a fait, parce que je sais que c'est de la folie, mais elle est de plus en plus forte et je sais plus comment faire pour la dominer.
Sa gorge était tellement serrée qu'il eut l'impression de déglutir des lames de rasoir, au moment où il eut la sensation de n'avoir jamais avoué aussi clairement combien était net et vivace le désir qui lui dévorait le ventre et cœur. Il craignit d'effrayer Dean par sa trop grande franchise, mais il alla au bout de son propos malgré cela et, la voix glacée, s'amenda :
- Je voulais pas que tu saches à quel point ça m'obsède, parce que... j'ai peur que ça nous éloigne, mais à quoi bon faire semblant, après ce que t'as vu tout à l'heure ? Si t'as pu croire que je gérais la situation mieux que toi, voilà, c'est pas le cas. Ne pas se révolter contre ce qui arrive, essayer de l'accepter ou admettre ce qu'on ressent... J'ai voulu croire que c'était suffisant, mais ça l'est pas.
Sam eut froid et se mit à trembler doucement tandis qu'il se mura dans le silence, les yeux humides tournés vers le sol, attendant, espérant et redoutant tout à la fois la réaction de son frère, muet et immobile. Il parut se recroqueviller sur lui-même, comme les quelques fois où, enfant, il avait craint que la main de leur père s'abatte sur lui, et une bonne minute passa avant qu'il osât lever les yeux pour les poser lentement sur Dean. Ce dernier fixait un point sur le mur d'en face. Les traits figés, mais empreints ni de colère, ni de dégoût, ni de haine. Il avait dépassé tout ça, il en eut alors pleinement conscience.
- Retour à la case départ ? dit-il d'une voix neutre, le timbre plus grave. C'est ça ? Si on peut pas continuer comme ça, on fait quoi ?
Son regard interrogateur et désarmé glissa vers Sam qui ne le soutint pas plus d'une seconde. Le plus jeune des deux frères était arrivé à ses propres conclusions, et il savait ce qu'il voulait.
- T'en n'as vraiment aucune idée ? tenta-t-il de bousculer en relevant les yeux, encouragé par le ton mesuré de Dean. Pourquoi est-ce qu'on s'inflige ça, dis-moi ? Vois ce qu'on a déjà fait, toi et moi ; écoute-nous, tu ne nous entends pas parler ?
Les traits du plus vieux des Winchester s'affaissèrent soudain. Son visage eut l'air de tomber, tel un masque de cire fondue, et le dos raide il se mit alors en mouvement, quittant le lit par le côté opposé à celui où se tenait Sam. Il s'éloigna de plusieurs pas pour aller jusqu'au bureau dans le coin de la pièce, et un brusque sentiment d'angoisse lui oppressant le cœur, car il pensait avoir compris ce que son frère voulait suggérer sans avoir imaginé qu'il en aurait jamais le courage, il requit avec nervosité, dos tourné :
- Je crois qu'il vaut mieux qu'on arrête là la discussion.
De l'autre côté de la chambre, Sam sentit ses poings et ses dents se serrer tout seuls, animés par une onde de froide fureur.
- Sérieusement ? invectiva-t-il. On va encore pousser la poussière sous le tapis ?
Après un instant, il se leva d'un bond violent et se tourna vers son frère, mutique, dont il ne vit que le dos.
- On ne fait que ça, Dean ! condamna Sam d'un regard incendiaire. Refuser d'aller au bout de la question ! À quoi ça nous mène !
- Je sais ce que tu vas dire ! protesta-t-il sans véritable force, ne jetant qu'un coup d'œil par-dessus son épaule. Tu veux... accepter ça, tu veux... Tu veux...
Il fut incapable d'en dire plus. Sam le vit hocher péniblement la tête.
- Dis-le, défia-t-il d'une expression belliqueuse. Pourquoi tu t'arrêtes ? Dis-le, allez !
- C'est du délire, Sam, défendit Dean en se retournant pour le viser d'un regard fatigué. Tu voudrais... qu'on arrête de lutter, qu'on arrête de résister et qu'on cède. Tu te rends pas compte de ce que ça veut dire.
- Non, rejeta Sam d'emblée avec véhémence. Non, Dean, c'est toi qui ne te rends pas compte. Tu crois qu'on sauve les meubles en essayant de se retenir, mais t'as bien vu qu'on est incapable de le faire ! Tu refuses de lâcher mais ça n'a plus aucun sens, on n'effacera pas le fait qu'on a baisé, toi et moi, on a déjà franchi la limite, c'est mort ! C'est arrivé et ça arrivera encore, d'une façon ou d'une autre. Comme hier.
Sam eut subitement la sensation d'une fatigue intense. Celle d'avoir jeté toutes ses forces dans une bataille perdue d'avance, mais nécessaire à ses yeux. Il se prépara à la riposte, mais elle ne vint pas : Dean le regarda d'un air déconnecté pendant encore un instant, puis se retourna à nouveau.
Le plus jeune des deux hommes comprit qu'ils en avaient fini.
- Je... Je te laisse, prévint-il d'une voix mal assurée, tout à coup effrayé d'avoir effarouché son ainé et de le voir chercher à fuir de nouveau. Tu sais tout, maintenant.
Il tourna lentement les talons, et s'éloigna sans bruit.
- Sam, appela Dean d'une voix rocailleuse en se mordant les lèvres.
Il n'y eut pas de réaction et il se retourna pour apercevoir son frère qui s'apprêtait à sortir de la pièce.
- Sam !
D'un pas résolu, il se précipita à sa suite et vint se poster dans l'encadrement de la porte pour l'empêcher de la franchir. Leurs yeux, brillant d'une intense gravité, s'affrontèrent par-delà le tourment qui burinait leurs traits et, entre crainte et indignation, Dean attaqua.
- Où est-ce que tu vas ? cracha-t-il en montrant les dents. Qui est-ce qui fuit, là ? Hein ?
Il jeta les mains en avant avec la détente d'un serpent et heurta le torse de Sam, qui fut obligé de reculer de deux pas pour ne pas tomber.
- Qu'est-ce qui te prend ! s'écria le cadet des Winchester, pris de court par le brutal emportement de Dean, en plantant les yeux dans les siens. T'es malade ?
- Tu te barreras pas après m'avoir balancé ça ! avertit Dean.
Et il le poussa encore, l'obligeant à reculer de deux pas supplémentaires.
- C'est bon, calme-toi ! ordonna Sam. C'est toi qui voulais qu'on en reste là ! Pas moi !
- Alors si tu veux pas, c'est quoi la suite, hein ? mordit-il épaules ouvertes et torse bombé.
Comme il continua d'avancer sur Sam, avec une détermination quasi guerrière, celui-ci recula d'autant, sans le quitter des yeux. Il s'aperçut trop tard qu'il avait atteint le lit et, en y butant, lourdement il y tomba assis, les mains en arrière pour freiner sa chute. Dean stoppa.
- T'es bien sûr de toi ? sonda-t-il d'un regard infiniment dur et pénétrant.
Sam, fébrile, ne fut pas immédiatement certain du sens que revêtait la question. Le souffle court, la sueur remontant un peu partout sur son corps à travers les pores de sa peau, il resta suspendu aux yeux et aux lèvres de son frère un moment, avant de hocher la tête en disant doucement :
- Oui...
Dean maintint les yeux sur lui encore quelques secondes, comme pour jauger la force de sa conviction, puis il inspira lentement, et rendant sa sentence, il proclama enfin :
- Ok, Sam. Tu l'auras voulu.
Alors, sous les yeux écarquillés de son frère et sans le lâcher un instant du regard, Dean défit précipitamment sa ceinture, dégrafa le bouton de son jean et ouvrit sa braguette. Aussitôt après il avança d'un pas et en se laissant tomber sur les genoux, juste devant Sam, il posa sans hésiter les deux mains sur l'entrejambe de celui-ci, dégrafant sans délai la boucle de sa ceinture. Sam fut submergé par une vague d'excitation et d'anxiété qui lui coupa la respiration et, paralysé, il regarda Dean faire ensuite sauter un à un les boutons de son jean, chacun d'eau libérant un peu plus sa virilité en accentuant sa panique. La bosse proéminente entre ses jambes ainsi mise à nu, il se mit à espérer tant qu'à craindre la suite des événements en se demandant même si les choses pouvaient aller plus loin, et tout à coup un formidable frisson le traversa en voyant son frère, autant qu'il le sentit, plonger la main dans son boxer pour en extirper son sexe, dur et droit comme un pieu de chêne. Le pénis de Sam palpitait entre les doigts de Dean, qui passa plusieurs secondes à le fixer d'yeux agrandis pour en détailler chaque aspect, et pris d'un violent accès de fièvre, l'aîné de la fratrie tira sèchement sur le pantalon de son cadet afin de dégager complètement le phallus raide et brûlant. Il observa alors le membre de Sam dans sa pleine splendeur, de la racine jusqu'au bout du gland nu et humide, et fit descendre ses yeux sur ses bourses glabres, sous lesquelles il glissa sa main libre pour délicatement les soupeser.
Sam poussa un soupir guttural qui parut sans fin.
- T'as les couilles rudement lisses, fit remarquer Dean d'un ronronnement. Les heures que tu passes dans la salle de bains, c'est pas que pour te laver les cheveux, on dirait...
Sam fut incapable de dire un seul mot. En proie à une excitation phénoménale, il luttait pour ne pas défaillir, ou déjà éjaculer, alors que Dean se mit à lui caresser tout doucement les testicules. Ce dernier fut étonné par leur chaleur, leur poids et leur volume, et ce fut avec une sorte d'étrange fascination qu'il resta à admirer le sexe de son cadet, conscient de l'aberration qui caractérisait sa conduite, mais également pleinement réceptif au bien-être indéniable qu'il en tirait. Sans cesser de masser délicatement les bourses de Sam, dont il goûta l'extrême douceur, Dean commença simultanément à le masturber, faisant lentement monter et descendre sa main le long du membre imposant en retrouvant ainsi la sensation délicieuse qu'il avait découverte la veille. Mais, face aux gémissements plaintifs que Sam se mit à pousser, face à la contraction de ses muscles qui préludait à sa jouissance, et lorsque Dean vit perler à l'extrémité du gland lisse et luisant une goutte translucide qui lui fit malgré lui monter l'eau à la bouche, il s'obligea à ralentir, de crainte de mener trop tôt son frère à l'orgasme. Il avait envie, au contraire, de lui donner un plaisir prolongé, sans trop savoir encore de quelle façon s'y prendre, et même s'il n'en doutait pas, il vérifia en levant la tête :
- C'est ok pour toi ?
Troublé comme jamais il ne l'avait été, Sam plongea les yeux dans les prunelles vertes de son frère que bordaient ses longs cils noirs. Le cœur battant à tout rompre, électrisé par la surexcitation et la peur, il voyait son sexe en érection qui se dressait juste devant le visage de Dean, lequel le tenait avec détermination entre ses mains chaudes, et le regard voilé il ne réussit à lui répondre que par un hochement de tête étourdi, incapable de prononcer le « oui » qu'il avait pourtant envie de hurler. Dean comprit, parfaitement, et en esquissant un sourire fugace il reposa les yeux sur le splendide pénis de son frère, qu'il fit glisser dans sa paume en le contemplant avec une extrême attention.
- T'es vraiment devenu un très, très grand garçon, Sammy, ronronna-t-il en fixant un regard plein de convoitise sur la hampe charnue dont il parcourut toute sa longueur.
L'expression lascive dans les yeux de son frère faillit faire suffoquer Sam, dont le sexe se contracta par réflexe entre les doigts de Dean, qui sourit de plus belle. Il leva un instant les yeux vers son cadet et, en constatant combien il était aux abois, il se remit à lui caresser les testicules, épousant leur ample rondeur du creux de sa paume tout en approchant le visage de son phallus, dont le parfum légèrement poivré vint lui titiller les narines.
- J'ai jamais fait ça avant, confia l'aîné de la fratrie en semblant de plus en plus subjugué par l'anatomie de son frère, alors... Si je m'y prends mal ou que c'est désagréable...
Sam, comme en transe, claquait littéralement des dents tant il brûlait du désir de le voir aller plus loin. Il secoua sèchement la tête et parvint à cracher, la voix étranglée :
- T'en fais pas. Je veux... que tu continues.
Dean leva des yeux empreints d'une satisfaction à la fois confuse et silencieuse puis, les joues rouges, revissa son regard sur le pénis de Sam qu'il caressait toujours. Plus passaient les secondes, plus il se sentait irrésistiblement et inexplicablement attiré par le barreau de chair chaud et frémissant ; mais le pénis de son frère lui semblait de plus en plus beau, de plus en plus plaisant à toucher, et bientôt il se surprit à le frôler du nez, sans même s'être vu approcher si près. L'odeur du sexe se révéla pleinement à lui, et il sourit encore en reconnaissant celle qu'il avait longuement humée à travers le tissu volé. Sam, qui sentit le souffle de Dean lui caresser la peau, soupira avec concupiscence, et ivre du plaisir de le voir et de le sentir si proche, de sentir ses mains partout sur son sexe, il chercha d'instinct à l'exhiber plus encore. Effort ô combien inutile : Dean était sous le charme, de façon aussi incompréhensible qu'indubitable, et au prix d'une hésitation marquée qui rendit compte de ses derniers doutes sur la question, il finit par entrouvrir les lèvres, puis à faire poindre le bout de sa langue, jusqu'à ce que, d'un geste timide, il léchât quelques centimètres du pénis de Sam en partant de la racine, au creux de ses bourses.
Frappés l'un et l'autre par les sensations uniques, voire inédites, qui se révélèrent alors à eux, les deux hommes se figèrent ; les papilles de l'aîné crépitèrent sous la douce amertume qui se développa vaguement dans sa bouche, et tout en se demandant pourquoi il venait de commettre un tel geste, il sentit le sexe de son frère tressaillir brutalement quand ce dernier émit un râle étouffé, signe du plaisir violent qui déferla.
- Dean..., souffla-t-il comme assommé. Dean... Oh, merde, Dean !
Sa voix, languissante et extatique, venait subitement de changer. Il avait prononcé le nom de son frère avec force panique, comme s'il avait tout à coup remarqué un incendie, et avec une précipitation catastrophée il remonta son jean, laissant son aîné ébaubi, à genoux à ses pieds. Celui-ci comprit néanmoins très vite qu'un événement inattendu s'était produit, et en voyant Sam fixer d'un air effaré l'entrée de la pièce, dans son dos, il sentit ses os se glacer avant d'oser se retourner. L'imperméable beige qu'il vit alors le renseigna sans aucun doute possible sur l'identité de l'intrus bien avant qu'il croisât son regard, et quand il leva les yeux sur le visage décomposé de l'importun, c'est d'une voix stupéfiée qu'il entendit Castiel prononcer :
- Sam ? Dean ?
