Chapitre 22

Les Winchester se tenaient l'un près de l'autre, étendus sur le dos, nus comme au jour de leur naissance. Sam ne cessait pas de sourire, les paupières closes, et son bras droit sur le front il exhibait son aisselle noire, ruisselante. Son torse trempé de sueur commençait tout juste à gonfler et dégonfler à un rythme plus normal, à présent qu'il reprenait lentement son souffle, et depuis qu'il avait joui - ô combien - il n'avait rien dit, préférant laisser son frère redescendre d'abord sur Terre. Dean, à sa gauche, n'avait pas non plus prononcé un mot, et les yeux grands ouverts, une main sur la poitrine, il fixait le plafond d'un air hagard. Leurs épaules se frôlaient, et il y avait bientôt cinq minutes qu'ils se tenaient ainsi, immobiles, peut-être prisonniers d'un instant de grâce ou bien au désespoir, au contraire, de trouver un moyen de ne pas le laisser s'enfuir.

- Tu as remarqué la fissure au plafond, là-bas au fond ?

La voix de Dean fit intérieurement sursauter Sam mais fut aussi comme une musique à ses oreilles. Il ne répondit pas immédiatement, cherchant plutôt à jauger l'état d'esprit de son frère en analysant chacune de ses intonations, et crut y déceler de la sérénité mélangée à une sorte de sidération. Il porta le regard sur l'endroit du plafond où se situait la lézarde, et annonça d'un timbre doux, atténué par la fatigue et la béatitude :

- Elle était déjà là avant qu'on s'installe dans le bunker. Elle n'a pas bougé pendant ces années.

Le silence, à nouveau. Sam laissa passer quelques instants puis tourna lentement la tête vers Dean jusqu'à frôler son épaule du bout du menton. Les yeux fermés, il respira en silence son odeur. Dean, les yeux toujours grands ouverts fixés sur la fissure au-dessus d'eux, déplaça doucement son bras droit, posé sur sa poitrine, pour le coucher tendrement sur le torse de son frère. Sam, alors, vint lui prendre la main en faisant s'entremêler leurs doigts et le temps parut de nouveau suspendre son vol.

- Tu as la chair de poule, nota Dean d'une voix calme. Tu as froid ?

- Non. Ça va.

Quelques instants s'écoulèrent encore, puis les yeux de Dean s'animèrent. Glissant vers Sam qui semblait somnoler, si proche de son cou que Dean pouvait sentir la caresse de son souffle sur sa peau.

- Tu vas rester là ? Comme ça ?

Sam décela comme un étonnement dans sa voix, de ces intonations prudentes et mesurées qu'on utilise pour poser une question afin d'obtenir la réponse à une autre. Une pointe d'inquiétude, aussi, quasiment imperceptible. Sauf pour Sam.

- J'irai me doucher plus tard, déclara-t-il en pensant avoir parfaitement cerné la pensée de son aîné. Rien ne presse.

Dean haussa les sourcils sans y penser, exprimant ainsi vaguement un sentiment mal défini fait d'un peu de soulagement, d'une dose d'allégresse et d'un brin d'émotion. Lors de leur première véritable nuit à cette même place, quelques jours plus tôt, Sam avait déjà fait montre d'une absence totale d'empressement à effacer les stigmates de leurs ébats, mais cela semblait avoir encore moins d'importance ce soir. Dean voulut y voir une preuve de plus du plaisir authentique et désiré qu'il lui avait procuré, ce qui lui évita de songer à la nécessité ou non de s'en blâmer.

- À quoi tu penses ? demanda son frère en lui effleurant la cuisse du revers de sa main libre. T'es en train de te dire qu'on a encore disjoncté ?

Dean esquissa une ébauche de sourire, concédant que la question s'entendait, le concernant.

- Tu veux savoir ? fit-il avec un rien d'espièglerie. J'étais plutôt en train de me demander si t'étais vraiment sûr d'avoir jamais fait ça avant avec un mec ? Parce que, Sam… Bordel, t'encaisses bien.

Il attendit qu'en ouvrant les yeux, Sam croisât son regard, et le cadet de la fratrie resta un moment à l'observer en silence, un léger sourire aux lèvres. Sans rien en dire, il remarqua que la position de Dean semblait cette fois assez nettement éloignée de la gravité consommée qui avait jusqu'ici succédé à leurs écarts, et heureux de ce constat il se prêta sans rechigner au jeu de la vérité.

- Explorer mon côté gay a jamais fait partie de mes préoccupations, avant toi. C'est pas des blagues.

Dean, qui parut froissé, raidit son cou et recula un peu la tête, s'éloignant d'autant du visage de son cadet. Il se délia même de lui en lâchant sa main et en repliant le bras sur son abdomen.

- Pfff, qui est gay, ici ? Je te parle pas de ça, ça a rien à voir.

- Ah bon ? se plut Sam à le confronter pacifiquement à ses contradictions. Tu viens de me demander si j'avais déjà baisé avec un mec, t'appelles ça comment ?

Dean fit la moue, semblant admettre à contrecœur la réalité des faits. Mais là encore, sa réaction fut moins épidermique qu'à l'ordinaire, même s'il considérait exclusivement la question à l'aune de sa propre expérience.

- Prends-moi pour un débile mais je me sens pas gay en baisant avec toi, protesta-t-il d'un ton affirmé. Y'a pas un mec dehors qui pourrait me donner un début d'envie de le culbuter, t'es bien le seul.

Sam demeura stoïque un instant puis hocha sobrement la tête, en retenant un sourire. Dean, qui eut la désagréable impression d'avoir dit quelque chose de ridicule, se sentit soudain mal à l'aise.

- Je vais prendre ça pour un compliment, dit son frère en le pensant sincèrement.

Comme il le vit serrer les lèvres, le regard fuyant, Sam passa le revers du doigt sur la joue de Dean et, quand celui-ci le regarda de nouveau, il lui confia avec tendresse :

- Hé, c'est exactement la même chose pour moi. Il n'y a qu'avec toi que je peux envisager ça, et si je t'ai semblé à la hauteur, c'est parce que ce que je ressens pour toi, je le ressens pour personne d'autre.

Dean fut content de l'entendre, et tout en cherchant à empêcher ses joues de trop rosir il se sentit moins bête, le cœur regonflé.

- Ouais, fit-il à mi-voix d'un sourire cabotin, j'ai bien entendu ce que tu m'as dit pendant qu'on…

Il ne termina pas sa phrase, laissant son frère en deviner la chute. Sam, qui avait sans doute espéré une autre réponse, fronça les sourcils de perplexité tandis que Dean persista à le regarder d'un air narquois, et pour avoir confirmation à son intuition le puîné demanda sans détour :

- Quoi, tu veux parler du fait que je t'aie dit que je t'aime ?

Dean, l'œil brillant, hocha la tête en se mordant brièvement la lèvre inférieure. Mais son frère resta impassible et sa malice s'émoussa lorsqu'il comprit qu'il ne serait pas suivi dans la légèreté avec laquelle il évoquait l'événement.

- C'est surtout la manière dont tu l'as dit, poursuivit-il malgré tout, tentant de masquer son embarras naissant.

Sam se rembrunit. Le changement dans son regard, dans l'accentuation du pli entre ses yeux, dans le creux plus prononcé de la commissure de ses lèvres, fut très subtil mais, s'il était capable de prendre la mesure de la moindre modification d'humeur chez Dean, la réciproque était vraie et l'aîné de la fratrie la mesura tout de suite.

- Je l'ai dit comme je le ressentais sur le moment, justifia Sam d'une voix plus froide en déplaçant son regard là où celui de Dean ne pouvait s'y accrocher. Désolé si ça t'a paru bizarre.

Le plus vieux des deux hommes, désarçonné, ne put que constater qu'une distance flagrante s'était soudain installée entre eux, alors même que quelques minutes plus tôt ils étaient encore liés aussi étroitement que possible et qu'il y avait quelques secondes à peine ils exprimaient leur affection par des regards et des postures bien différentes. Dean sentit même l'épaule de Sam s'éloigner de la sienne de quelques centimètres, ce qui le plongea en plein désarroi.

- Hey, hey, Sam, se hâta-t-il de lancer en lui prenant l'avant-bras et en décollant la tête de l'oreiller. C'est pas ce que j'ai voulu dire, pourquoi tu prends la mouche ?

- Je prends pas la mouche, réfuta laconiquement l'intéressé.

Le ton de sa voix, et ses yeux qui firent attention à ne pas se tourner vers ceux de son aîné, affirmèrent tout le contraire. Ce dernier, dépité, se redressa plus franchement en se plaçant sur le coude et, penché sur Sam, il insista :

- Hey, pas à moi, steuplait, je vois bien que je t'ai froissé. J'ai juste trouvé que ta déclaration était un poil passionnée, c'est tout, et ça m'a surpris vu que… tout ça, c'est que pour le fun… Mais bloque pas sur ce que j'ai dit ; je t'aime aussi, Sam.

Affligé, le cadet des Winchester chercha à se remémorer la dernière fois où son frère avait fait preuve d'autant de maladresse et d'indélicatesse à son endroit. Il ne lui en tint pas rigueur, malgré une boule au ventre, car il savait bien que Dean ne pensait pas à mal, mais le lien était à présent tout à fait rompu.

- Je sais bien, dit Sam d'un ton lourd. Fais pas gaffe à ce que je dis, toi non plus, c'est rien, ça va passer. Mets ça sur le coup du blues post-coïtal.

Dean, qui n'était pas certain d'avoir compris, n'osa pas le faire répéter. Et alors qu'il cherchait encore à traduire le terme que son frère avait employé, il le vit se redresser pour s'asseoir au bord du lit puis se lever.

Pendant un instant, l'aîné des deux hommes prit en pleine face le dos et les fesses sculptés de son cadet, relevant leur extrême beauté et la trace humide qui en mouillait le sillon.

- Je vais aller me doucher, informa Sam en ramassant son pantalon de survêtement, tout près, qu'il passa dans la foulée.

Il contourna le lit et prit le chemin de la sortie d'un air morne, les yeux baissés. Dean espéra un regard, un signe d'intérêt, n'importe quoi, mais son frère continua d'avancer vers la porte et il ne put qu'essayer de le retenir en priant :

- Sam. Sam, attends, reste encore un peu...

Mais Sam franchit le seuil sans se retourner, et Dean, un goût amer au bord des lèvres, se laissa retomber les bras en croix en soupirant lourdement, ses yeux se fixant à nouveau sur la fissure au plafond.

Le bunker avait bien des désagréments, mais y disposer à volonté d'une eau chaude et gratuite n'en faisait pas partie. Les robinets ouverts à fond, Sam la laissait tomber sur lui en une pluie drue depuis plus de dix minutes, et les deux miroirs suspendus au-dessus des lavabos, face aux douches, étaient totalement opaques de buée.

Le chasseur ressassait encore les mots de son frère, sans parvenir tout à fait à évacuer l'affliction que celui-ci avait involontairement provoquée. Sans doute Sam aurait-il aimé que Dean prît avec moins de désinvolture les mots tendres qu'il lui avait adressés au cours de leurs ébats, ou qu'au moins, il ne relevât pas ce cri du cœur poussé à la faveur d'un moment d'abandon. Mais c'était tout Dean, songea-t-il : plus charnel, moins sentimental, fidèle à ce statut de mâle alpha qu'il cultivait, ce qui ne rendait pourtant pas moins forts ce qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, il le savait bien.

Il n'aurait pas fait grand cas de ce manque de tact si les paroles qui avaient suivi n'avaient pas elles aussi été de nature à heurter sa sensibilité. Mais, s'être fermé parce que Dean avait qualifié exclusivement leurs rapports intimes de divertissement lui semblait à présent excessif, car il avait parfaitement conscience que la nature de leurs liens du sang, s'ils pouvaient selon toute évidence s'en trouver renforcés, n'était pas amenée à changer. Néanmoins, lui restait un peu en travers de la gorge les quatre derniers mots de son frère ; car à la façon dont Dean l'avait assuré de son amour, Sam avait eu la sensation d'une confession mécanique, sans valeur, sans sincérité, comme une case cochée parmi une liste de pré-requis.

Et parce qu'il savait combien son frère l'aimait en réalité, son indolence, juste après le moment d'extrême intensité qu'ils avaient partagé, lui avait fait d'autant plus mal.

Était-ce le fait d'être perdu dans ses pensées, qui l'avait empêché de remarquer qu'il n'était plus seul ? Ou bien le vif chuintement de l'eau qui s'écrasait sur le sommet de sa tête pour tremper son corps tout entier, avait-il simplement couvert le bruit des pas de son ainé ? En sentant soudain sa présence derrière lui, Sam eut un tressaillement que sa main, posée à plat sur le dallage du mur en face, rendit imperceptible. Il tourna la tête d'à peine quelques degrés, juste assez pour prévenir son frère qu'il s'était aperçu de son arrivée, et sentit soudain ses doigts lui effleurer l'épaule, pendant un temps anormalement long. Le cœur de Sam forcit l'allure, étreint d'anxiété, et face à l'étrange indécision de Dean il faillit prendre l'initiative, quand il l'entendit prononcer soudain d'une voix hésitante :

- Sam, je suis désolé pour ce que j'ai dit. Pardon, la dernière chose que je voulais c'était te faire de la peine.

Sam resta un peu sonné d'entendre son frère faire ainsi amende honorable. D'abord parce qu'il estimait n'avoir pas de vraie raison de lui en vouloir, et ensuite parce qu'il le sentait réellement accablé. Il ferma un peu le robinet, réduisant le débit de l'eau de moitié, puis répondit d'une voix lourde, sans se retourner :

- Pas besoin d'excuses. T'as dit ce que tu pensais, j'ai rien à redire à ça.

Un court moment plus tard, il sentit la main de Dean se poser enfin nettement sur son épaule. Il en fut heureux.

- Non, c'est pas ce que je pense, répliqua-t-il avec regret. Pas complètement, loin de là. Tu me connais, je... Je trouve pas toujours les mots et j'ai des fois du mal à me livrer, mais... ce qui se passe entre nous, ça compte pas pour rien... C'est juste que quoi qu'on fasse, que ça dure un mois, ou un an, on sera toujours frères. Au final, c'est ça qui nous définit, et c'est ça qui restera.

Il avait eu peur. Sam réalisa tout à coup, frappé par l'évidence, que le fait de clamer avec passion l'amour qu'il lui portait avait effrayé Dean. Il en fut profondément troublé puis, très vite, attendri, il éprouva l'urgent besoin de le tranquilliser en déclarant paisiblement :

- Dean… J'ai jamais pensé que parce qu'on baisait ensemble, on allait devenir un couple, ou quoi que ce soit de ce genre... J'ai pas l'intention de rouler jusqu'à Vegas pour demander le mariage. Une fois m'a suffi.

Il entendit Dean, dans son dos, pousser un bref soupir, entre rire et répit. Et alors que Sam sentit l'autre main de son frère venir à son tour se poser sur son épaule libre, il accueillit en même temps, dans un frisson, le front de ce dernier contre sa nuque.

- Mais, se confia-t-il alors en se concentrant sur le contact de la peau de Dean sur la sienne, y'a quand même ce petit truc en plus, dans ce que je ressens pour toi, et... y a des moments où j'ai besoin de l'exprimer, je crois. Mais quoi qu'il se passe, tu restes mon frère, et c'est avant tout en frère que je t'aime.

- Je comprends. Je comprends parfaitement, je te jure, lui dit Dean en caressant lentement le galbe de ses épaules. Je regrette ce que je t'ai dit, Sam, j'ai été un connard de première, c'est pas vrai que c'est que du cul, entre nous. Ce serait pas aussi fantastique si on s'aimait pas autant...

Sam fut parcouru d'un frisson qui lui donna l'envie furieuse de se retourner et de le serrer dans ses bras aussi fort qu'il le pouvait, mais il préféra se mordre les lèvres pour s'en prémunir. Alors ce fut Dean qui, laissant ses bras passer lentement sous ceux de Sam, comme s'il voulait lui donner le temps de lui refuser cette étreinte, lui entoura le poitrail et, lorsqu'il eut barré les puissants pectoraux de son cadet de ses avant-bras, il posa une joue sur les trapèzes développés de celui-ci, à la base de sa nuque, avant d'avouer avec toute l'incertitude qui le tenaillait :

- Mais j'ai les jetons, Sam. Je crois que si j'ai été plus réticent que toi pour tout ça, c'est bien sûr parce que t'es mon petit frère, mais pas seulement. C'est aussi parce que j'ai les jetons que ce qu'on fait ensemble t'empêche d'agir dans ton intérêt, par ma faute. S'il te plaît, pense à toi.

Sam ne comprit pas pourquoi soudain il eut froid dans les bras de son frère, malgré l'eau chaude qui coulait sur leurs corps, malgré le torse de Dean qui vint se coller à son dos, son sexe pressant sur ses fesses. Sam lui agrippa d'une main les deux bras avant de les parcourir fébrilement, et un léger tremblement dans la voix, une onde d'intense chaleur refluant tout à coup comme nourrie par le corps de Dean, il lui demanda :

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Là, il sentit les bras de son ainé le serrer davantage et sa bouche s'attarder au sommet de son dos pour y déposer un long baiser empreint d'affection. Dean faisait preuve d'une tendresse inhabituelle, presque inédite, que Sam ne comprit pas. Et ce fut à son tour d'avoir peur.

- Tu es… à un moment important de ta vie, lui souffla le premier-né en reposant la joue sur son dos. On en a fini avec Chuck, et tu as trouvé une nana géniale, avec qui tu peux envisager de construire quelque chose… Je sais que t'as pas envie que je t'en parle, mais ne fais pas l'erreur de la laisser filer, et surtout pas à cause de… De moi. De nous. Laisse pas passer ça.

Sam esquissa un sourire brisé d'émotion, et cette fois, n'y tenant plus, il se retourna pour aussitôt enlacer furieusement son frère. Joue contre joue, il le tint ainsi contre lui un long moment, et alors que Dean lui posa une main sur la nuque pour caresser ses cheveux mouillés, il lui répondit sans la moindre colère, avec tout l'attachement qu'il avait pour lui :

- La vache… Le lit est encore chaud et c'est à ça que tu penses ?

Dean eut un sourire sonore, et en frictionnant la nuque de Sam il recula de la tête, juste assez pour pouvoir regarder son frère dans les yeux mais sans délier leurs torses pressés l'un contre l'autre. En échangeant avec son lui un regard profond, plein d'amour et de complicité, l'aîné posa les deux mains sur les joues de son cadet et lui répondit sans fard :

- C'est pas le meilleur moment, ok… Ou au contraire, y'a pas mieux, j'en sais rien. Mais au moins, tu sais ce que j'ai sur le cœur. Je me ferai toujours du souci pour toi. C'est mon boulot.

Le regard humide, Sam posa une main sur la joue de Dean et, de l'autre, alla couvrir celle de ce dernier qui lui réchauffait le visage.

- Dean… Eileen n'a rien à voir avec nous… Si tu me vois pas l'appeler, si j'en parle pas… c'est parce qu'elle est tellement indépendante qu'elle aurait tôt fait de m'envoyer bouler si je me mêlais de ses affaires, tu sais bien qu'elle a horreur de ça… Peu importe comment évoluera notre relation, ça n'aura rien à voir avec ce qui est en train de se passer entre toi et moi. Tu m'entends ? Je sais que tout est brouillé, en ce moment, mais fais-moi confiance, ne nous compliquons pas les choses inutilement et pensons à nous, pour une fois.

- Penser à nous, tu veux dire...

- Je veux dire : nous faire plaisir, clarifia Sam d'un regard plus chaud en caressant du pouce la joue de son frère. Ça ne durera sûrement pas toujours, alors, profitons-en.

À son tour, Dean couvrit de la main celle de Sam sur son visage, et inclina le menton pour déposer dans sa paume une longue bise tendre. Partiellement convaincu, il consentit malgré tout à suivre son cadet, à qui il dit d'un regard un peu mélancolique :

- Ok... Au point où on en est, qu'est-ce qu'on a d'autre à faire, toute façon ? Mais c'est toi qui demanderas une chambre avec vue à Rowena, quand on réservera notre place en enfer.

Sam eut un rire sec et bref avant d'opiner du chef.

- Ok, si tu veux. Et... si la prochaine fois, dans un moment intime, j'ai envie d'exprimer ce que je ressens pour toi, je tâcherais de te dire à quel point je peux plus te voir en peinture. Peut-être que ça te perturbera moins.

Ce fut au tour de Dean d'exprimer son dédain par un bruit de bouche, et de lancer juste après d'un air faussement supérieur :

- C'est ça, ouais... Allez, je te laisse finir de te doucher, je crois que l'eau commence à t'imbiber le cerveau.

Il recula lentement, laissant se prolonger autant que possible le regard extrêmement profond qu'il échangea avec Sam, lequel se sentit léger comme l'air.

- Je suis dans ma chambre, informa Dean tout en passant un peignoir pour se sécher. Si t'as envie de me rejoindre plus tard... t'es le bienvenu.

Sam, tourné de trois-quarts face, hocha la tête d'un air entendu en repoussant des deux mains ses cheveux en arrière pour en chasser l'eau, mobilisant les muscles de ses bras et de son torse. Dean, déjà pantois devant son corps ciselé et l'affolante cambrure de ses reins, ne fut pas certain que son frère ait seulement eu conscience du feu qu'il réveilla en lui par ce simple geste.

- Hey, Dean, retint Sam d'un sourire en coin alors que l'intéressé tournait les talons.

- Hum ? fit-il en reposant les yeux sur son cadet en essayant tant bien que mal de ne pas afficher sa fascination pour ce corps qui lui faisait tourner la tête.

- Je peux vraiment plus du tout te saquer, tu sais ?

- Tsss, cracha-t-il d'un hochement de tête. Et moi donc… T'as même pas idée.

Des pensées vaguement joyeuses à l'esprit, Dean regagna ainsi sa chambre, dont il laissa sciemment la porte entrouverte, avec l'espoir que Sam viendrait vite le rejoindre. Pour ne pas trop donner l'impression de l'attendre, il se mit au lit en caleçon et t-shirt noirs, sous les couvertures, et se tourna sur le côté en fermant les yeux, cherchant à capter le bruit d'une porte qui claque, celui d'une toux ou bien d'un déplacement le long des couloirs. Sam avait raison, ils avaient tout le temps de s'inquiéter ; et d'ici là, Dean prit le parti de profiter de l'instant, faisant confiance à son frère pour ne pas se laisser dominer par la folie qui présidait à leurs actes insensés.

Il rouvrit les yeux un temps plus tard, surpris par un léger frottement sur ses flancs, et une douce pression dans son dos. Il ne fut pas sûr tout de suite de ce qui se passait, ni s'il n'était pas en train de rêver, mais il reconnut l'odeur de Sam quand ses cheveux lui tombèrent sur le visage et que ses bras puissants eurent terminé de lui envelopper le torse.

- Hé, dit-il d'une voix ensommeillée tandis qu'il sentit les lèvres de Sam dans son cou et les jambes de ce dernier glisser lentement sur les siennes. Quelle heure il est ? Je crois que je me suis assoupi.

- Pas loin de minuit, murmura Sam en l'embrassant tout doucement à maintes reprises dans le cou, sur la joue et l'oreille.

La pièce était dans la pénombre, éclairée seulement par une lampe de chevet et la lumière qui provenait du couloir, la porte étant restée à moitié ouverte. Dean se laissa faire, grisé d'être ainsi cajolé, et d'une main aventureuse il découvrit en parcourant sa peau lisse que Sam, serré contre son dos sous les draps, était nu.

- Pourquoi tu t'es rhabillé ? demanda le puiné. Tu pensais que je n'allais pas te rejoindre ?

Sam passa un bras sous le t-shirt de son frère pour caresser langoureusement son torse, et plongea l'autre main dans son caleçon pour aussitôt réveiller son sexe qui se déploya entre ses doigts. Dean soupira d'exultation, et posa une main sur le visage de son cadet en signe d'approbation aux baisers tendres dont il continua d'être couvert, de l'épaule jusqu'à l'œil.

- Juste comme ça, dit-il en faisant courir ses doigts le long du flanc vertigineux de Sam. Je savais pas si... Oh, bon dieu, Sam...! Tu vas buter quelqu'un avec ton gourdin... Putain, tu bandes comme un malade...!

Le phallus de Sam s'était mis à presser fortement contre les fesses de Dean, qui sentit par ailleurs l'excitation de son frère s'emballer tant ses baisers se firent de plus en plus pressants. L'ainé glissa la main derrière lui pour se saisir du membre viril qui ne fit que confirmer sa dureté phénoménale, et Sam, en se décalant un peu, tira sans ménagement sur le maillot de Dean pour qu'il se plaçât sur le dos. Il souleva alors le tissu en toute hâte et, se jetant sur son torse glabre, commença à lui labourer les pectoraux de ses lèvres et de sa langue, comme pris d'une faim inextinguible.

Dean, bouche entrouverte et tête renversée, fut aux anges. - Bordel, Sam, jamais tu t'arrêtes ?

Haletant déjà sous l'effet du plaisir que lui procuraient les baisers de son frère partout sur son poitrail, Dean le regarda œuvrer d'yeux éberlués tout en lui caressant les cheveux, la tête de Sam le parcourant dans tous les sens. Il sentait sa langue laisser de longues traînées humides sur sa peau, ses lèvres qui le pinçaient autant qu'elles l'embrassaient, et Dean poussa subitement un cri sec suivi d'un rire étonné, lorsque la bouche ardente de son cadet s'empara sans pitié d'un téton.

- C'est trop bon, grogna Sam entre deux souffles. Tu me rends complètement dingue…

Dean ne fut pas loin de perdre une nouvelle fois la tête, lui aussi, et saisi du besoin irrépressible d'en avoir plus, il se débarrassa à toute vitesse de son t-shirt pour faciliter le plus possible la tâche à Sam. Ce dernier le fit gémir en allant lui mordre les épaules et le menton, puis il redescendit lui affoler les tétons du bout de la langue, l'un après l'autre, et ne le délivra que lorsqu'il eut déclenché chez lui un gémissement suffisamment puissant. Galvanisé, le cadet descendit plus bas encore, baisant le ventre de son frère, léchant ses abdominaux, fouillant au creux de son nombril pour le faire gémir encore, et en repoussant violemment les draps il abaissa finalement son caleçon d'un coup sec pour libérer son pénis qui se dressa comme le bras d'une catapulte et qu'il goba tout rond, suçant le membre durci avec exaltation.

- Sammy ! s'écria-t-il en semblant mugir de douleur. Oh… oui…!

Sam suça le sexe de son frère, passionnément, en l'obligeant à se débarrasser de son caleçon qu'il fit descendre le long de ses jambes. Alors, il s'empara de ses bourses d'une main ferme, les palpant sans frémir tout en aspirant goulûment son phallus, et il continua, attentif aux plus subtiles réactions du corps de Dean. L'aîné des Winchester soupirait sans fin, tout son corps ondulant contre les draps comme bercé par les vagues, un plaisir intense lui affolant les sens, et puis Sam descendit une nouvelle fois, recrachant le pénis de son frère pour aller soumettre ses testicules, cette fois, à un traitement tout aussi fervent. Sans ambages, il lécha ostensiblement les deux gonades rondes et pleines, tels deux œufs durs, les prit en bouche l'une après l'autre pour les suçoter ardemment, et même les deux en même temps, jusqu'à s'en remplir les joues, sans cesser de masturber Dean mais en veillant bien à ne pas le porter à la jouissance. Le malheureux suait à grosses gouttes, geignait, se tordait comme de douleur, mais c'était bien le plaisir seul, un plaisir inouï face à l'habileté extraordinaire de Sam, qui le soumettait ainsi au supplice.

Alors, celui-ci écarta les cuisses de son aîné qui les ouvrit en grand sans se poser la moindre question, et hors d'haleine il lui commanda d'une voix gutturale :

- Lève un peu les jambes… Vas-y, plie les genoux. Comme ça.

En rapprochant les genoux de sa poitrine, Dean rehaussa mécaniquement la zone de son périnée et ce fut exactement ce que voulut Sam. Son sexe pratiquement couché sur son ventre, les cuisses écartées, il fut pris d'un doute soudain qui fut rapidement levé, quand il vit le visage de son cadet plonger à nouveau sur son entrejambe. Il sentit alors très nettement le nez et la bouche de Sam venir buter sous son scrotum, et puis sa langue qui entreprit de balayer toute cette partie que Dean n'avait jamais véritablement offerte, pas même à lui.

- Sam, fit-il un peu déstabilisé par cette caresse qui lui était inhabituelle, à défaut d'être déplaisante. Qu'est-ce que tu fabriques…

- Tu n'aimes pas ? s'enquit Sam en relevant la tête le temps de plonger dans ses yeux hésitants un regard de braise. Tu as pris ton temps pour me faire la même chose, tu te souviens ? Normal que je te rende la politesse…

Et sans attendre d'en avoir la permission, il retourna à sa besogne, faisant remonter sa langue jusqu'aux testicules de Dean qui sursauta.

- Ok, mais… c'était surtout au moment où… je t'ai léché la rondelle, rappela Dean, le souffle court. Avant… que je te la mette…

- Je sais, poussa Sam dans un râle qui rendit sa voix plus rauque, alors qu'il ponctua son propos d'un nouveau coup de langue sur toute la surface du périnée de Dean qui se raidit violemment. T'as aimé me lécher le cul, pas vrai ? Hein, Dean ? Tu crois que je pourrais pas aimer ça, moi aussi ?

Un coup de langue supplémentaire fit se tordre l'aîné de la fratrie encore davantage, tandis qu'il prit conscience que chaque assaut fragilisait un peu plus sa résistance au plaisir qu'il en tirait. Mais à l'excitation vint se mêler soudain un peu de crainte, car il venait de comprendre l'ambition de Sam. Et parce que ce dernier l'avait pratiquement formulée, il releva la tête pour plonger dans le regard de son frère et quérir d'un murmure :

- Laisse-moi te lécher… Laisse-moi te faire ce que tu m'as fait, j'ai envie de te goûter.

Dean eut du mal à le reconnaître. Son assurance, sa manière de prendre l'initiative, lui parurent faire de Sam un autre homme, plus sexy que jamais, et au désarroi qui assaillit le premier-né se mêla une espèce de surexcitation qui le fit frissonner. Il prit clairement la mesure d'une facette de son frère jusqu'ici mal perçue, un aspect de sa personnalité qui pouvait faire de lui le dominant là où jusqu'ici, il s'était délecté en se soumettant à la fougue fraternelle, et Dean, en dépit d'une appréhension assez nette, fut diablement tenté d'en explorer l'étendue.

- Ok, dit-il tout bas l'air un peu sonné, les joues rouges et les yeux dans ceux de Sam.

- N'aie pas peur, pria-t-il d'un sourire qui se voulut rassurant malgré une certaine nervosité dans la voix et la posture. C'est une première pour moi aussi…

La bouche entrouverte, Dean hocha la tête avec raideur, une seule fois, et le regard vissé sur son frère il le regarda lui sourire jusqu'à ce que son visage disparût derrière son sexe. Alors, l'aîné des Winchester posa sa tête sur l'oreiller, retint son souffle en rivant les yeux au plafond pendant que Sam lui soutint le dessous des cuisses et, soudain, il sentit un contact chaud et humide sur sa plus stricte intimité, un contact qui lui fit bondir le cœur et froisser les draps dans ses poings serrés.

L'embarras de la situation ne dura qu'un instant, car le plaisir qui fondit sur lui ne mit pas une minute à lui échauffer le sang. Entre soupirs et petits cris étouffés, entre rires brefs et étonnés, il sursauta, trembla, se tendit tout entier, et son anus passa par tous les états sous l'action de la langue de Sam qui le choya impitoyablement. Se contractant avec force, s'ouvrant puis se refermant comme une huitre, frétillant d'une façon que Dean n'aurait pas crue possible, son orifice parut de lui-même tenir la dragée haute à son assaillant qui n'eut de cesse de l'exciter davantage. Dean, submergé par des sensations aussi inhabituelles qu'incroyables, découvrit, les joues en feu, un moyen nouveau d'exulter et, sa peau luisante de sueur, le souffle court et haletant, il finit par ne plus y voir clair quand le plaisir intense qui le ravageait fit révulser ses yeux, le laissant supplier son frère en boucle, d'un chuintement à peine audible, de ne pas s'arrêter.

Sam, alors, tendit le bras pour attraper lestement l'oreiller qu'il cala sous les reins de son frère, et relançant la charge de plus belle entre ses fesses ouvertes comme un melon trop mûr, il fit pousser à Dean une longue plainte gutturale. A cet instant, le chasseur se moqua de tout, plus rien ne compta sinon le vertige des sens, et face à la perversité redoublée de son cadet, dont il sentait bien combien il se délectait de ce qu'il était en train de lui faire subir, il appuya des deux mains sur sa tête pour l'empêcher de se retirer. Dean ne se retint plus : ivre de sentir la langue de Sam pousser toujours plus loin, plus fort, il clama sa jouissance, avec le sentiment déstabilisant de se retrouver dans la position de ses amantes d'un soir qu'il avait mille fois soumises à un traitement similaire, et la tête à l'envers il ordonna à Sam de revenir contre lui pour goûter dans sa bouche à sa propre saveur.

Le baiser qu'ils se donnèrent alors, lovés l'un contre l'autre, se prolongea longtemps et s'accomplit avec la lenteur d'une caresse sur un front endormi. En consentant à s'offrir à son frère de la sorte, Dean n'avait pas anticipé la puissance émotionnelle d'un tel échange et il se sentit à ce moment si proche de Sam qu'il crut ne plus faire qu'un avec lui. Quelle dose d'amour fallait-il avoir pour ne trouver que beauté et bonheur insigne dans ces actes que condamnaient solennellement nature et morale ? Dean n'en savait rien, pas plus que Sam, mais l'un et l'autre s'en fichaient éperdument. Les sentiments qui les liaient à présent transcendaient tout, les liens du sang, les liens du cœur, et en ces instants magiques qui n'appartenaient qu'à eux ils s'appartenaient l'un l'autre, exclusivement. Corps et âme.

- Qu'est-ce que je t'aime, émit Dean dans un léger souffle, la main sur la joue de Sam, leurs nez se frôlant. Je veux bien passer quarante ans de plus en enfer pour chaque nuit avec toi.

Tant parce qu'il le voulut de toutes ses forces que pour étouffer son émotion, Sam l'embrassa langoureusement, amoureusement, avant de tancer d'un sourire tendre :

- On a le droit de se le dire, maintenant ? Tu m'en voudras pas ?

- Ferme-la, crétin.

Et ils s'embrassèrent plus encore, avec non plus la sensation de se damner, mais bien cette fois celle de nourrir un feu puissant où ils puiseraient une force nouvelle. Plus ils s'embrassaient, plus ils se caressaient et plus ils remisaient au placard les doutes et les remords, les craintes et la colère, et en s'enlaçant avec une passion effrénée ils se frottèrent l'un à l'autre sans retenue, comme si leur but ultime était de couvrir chaque centimètre carré du corps de l'autre au moyen de leur propre peau. Les lèvres ne se délièrent plus, les torses se collèrent par la sueur et les poils, les bras et les jambes s'emmêlèrent inextricablement, et de leurs mains brûlantes ils se parcoururent mutuellement, totalement, caressant chaque muscle, chaque courbe, chaque recoin, chaque point saillant, chaque cicatrice, en se roulant sans fin dans les draps. Les sexes de défièrent, eux aussi, dressés et pressés l'un contre l'autre, rivalisant comme dans un combat de glaives, et en sentant à quel point l'excitation de Sam était colossale, Dean, à bout de souffle, suspendit un énième baiser pour le supplier :

- Ne jouis pas encore, Sammy... Je veux pas que ça s'arrête, pas déjà...

Dans un râle affamé, Sam pinça entre ses dents la lèvre inférieure de son frère, projetant dans sa bouche son souffle chaud. Ses deux mains empoignèrent les fesses de Dean, et il gémit :

- J'ai envie de toi… Tellement que j'en crève…

Il le harcela de baisers haletants, pesa sur lui de tout son poids, et bientôt Dean se retrouva sur l'autre flanc, le torse de Sam solidement plaqué contre son dos.

- J'ai envie de te baiser, moi aussi, lui susurra-t-il à l'oreille, brûlant de fièvre, en le caressant partout. Putain, j'ai jamais eu autant envie…

Dean sentit le pénis de son frère presser contre son sillon, cherchant à se faufiler entre ses fesses, mais il les contracta par réflexe, tempérant ainsi les ardeurs de Sam.

- T'as un cul d'acier, s'amusa ce dernier en lui léchant l'oreille avec une obscénité qui ne laissa pas Dean insensible. J'ai apporté le lubrifiant, tu veux pas qu'on essaie ?

L'aîné des Winchester eut le tournis, les baisers de son frère l'étourdissant autant que son phallus dont les dimensions et la dureté extrême lui donnaient la sensation qu'une matraque chauffée à blanc lui caressait le postérieur. L'esprit totalement embrumé, il eut envie d'accepter, envie de refuser, envie de renverser les rôles et de reprendre, juste pour se sécuriser, celui qui avait été le sien jusqu'ici, mais il fut incapable de répondre. Cherchant à le convaincre sans rien lui imposer, Sam continua de le caresser avec sensualité, de l'embrasser partout où ses lèvres purent se poser sans mettre un terme à leur étreinte, et il devint évident pour Dean qu'il ne pouvait avoir davantage confiance en lui ; que son bien-être auprès de lui était absolu. Il eut alors un timide hochement de tête. Que Sam, occupé à lui dévorer le cou et les muscles de l'épaule, sembla ne pas remarquer. Dean tourna alors un peu la tête, déclenchant chez son cadet un geste similaire, et tandis que leurs yeux voilés se croisèrent dans la pénombre, que la main de Dean alla caresser le pieu de chair à son entrée, il chuchota un mot inaudible, mais dont la tonalité valut pour Sam tous les blancs-seings du monde.

Le plus jeune des deux frères attrapa ainsi le flacon de lubrifiant, et Dean ferma les yeux en le laissant s'activer dans son dos. Il devina aux seuls bruissements qui lui parvinrent aux oreilles que Sam était en train de badigeonner son pénis, puis, dans un frêle sursaut, il sentit soudain le froid du gel s'insinuer entre ses fesses, par l'entremise des doigts du puîné qui s'appliqua à l'enduire méticuleusement. Avant d'aller plus loin, Sam l'embrassa encore au coin des lèvres et, après avoir recueilli son accord tacite, il autorisa son sexe à glisser entre ses fesses. Le gland de Sam trouva son chemin entre elles, venant très vite délicatement caresser l'anus de Dean avant d'en élargir tout doucement les bords lorsqu'il appuya dessus, et le chasseur sentit que le membre tumescent commença à s'immiscer tout doucement en lui. Il y eut d'abord la sensation d'inconfort, puis le tiraillement qui s'installa en s'intensifiant, jusqu'à ce que l'impression de déchirement devînt omniprésente et qu'il serrât le poing sur le matelas autant qu'il serra les dents. Alors que Dean s'interrogea quant au fait que Sam ait pu éprouver la même chose lorsqu'il l'avait sodomisé pour la première fois sous la douche, le cadet perçut la tension soudaine qui raidit son aîné. Il vit les muscles hardis de son dos se contracter, et baisa tendrement son épaule en lui murmurant qu'il l'aimait, et qu'il n'avait qu'un mot à dire pour que tout s'arrête. Dean refusa en secouant la tête. Il voulait aller au bout de ce moment d'intimité extrême, laisser Sam venir en lui comme Sam l'avait lui-même laissé le prendre, au commencement de tout cela, une éternité plus tôt, alors son frère le pénétra pour de bon. Aussi doucement qu'il en fut capable, avec à chaque seconde, chaque millimètre introduit, la volonté de ne pas le blesser. La tâche ne fut pas aisée, en dépit de la lubrification, car Dean était crispé, presque noué, et son étroitesse n'aida pas Sam qui, mâchoires serrées, lutta longtemps pour franchir définitivement la barrière du sphincter.

Mais, lorsqu'il y parvint enfin, à force de tentatives lentes et précautionneuses, à force de caresses et de baisers incessants qui amenèrent progressivement Dean à se détendre, l'intromission dans le rectum de ce dernier eut lieu et des sensations d'une tout autre nature commencèrent à se diffuser en lui. A la fois raide et souple, enthousiaste et mesuré, le pénis de Sam pénétra dans son corps, marqua un temps d'arrêt, se retira partiellement, puis s'enlisa de plus belle dans le fourreau qui parut à son visiteur plus serré, plus doux et plus humide que n'importe quel entrecuisse féminin. Il aurait voulu tenir ; faire oublier la prime douleur à son frère en déployant dans ses reins le plaisir qu'il méritait, mais, peu dociles, les entrailles du premier-né demandaient à être domptées et les contractures de ses muscles profonds menèrent la vie dure à l'intrus. Dean, pourtant, sentit son cadet plus doux, plus prévenant qu'il pensait avoir jamais pu l'être lui-même, et il se soumit à lui sans réserve. Le coït ne dura qu'une minute, ou rien qu'un peu plus, puis victime de sa surexcitation Sam éjacula dans un cri, inondant de sperme le ventre de son frère qui eut la sensation d'être rempli de plomb liquide. L'instant fut bref mais intense, aussi mémorable qu'épuisant, et perdus tous les deux, essoufflés, sonnés par la passion qui avait préludé à l'orgasme, ils retombèrent dans les bras l'un de l'autre pour se caresser avec tendresse et doucement reprendre haleine.

Ils se chuchotèrent des mots doux sans en avoir honte, forgeant encore un peu plus les liens nouveaux qu'ils avaient enfin choisi d'accepter sans contrainte, et avant même de songer à poursuivre leurs ébats ils s'endormirent, bercés par le souffle de l'autre. Quelques heures plus tard, Sam se réveillerait en se reprochant son égoïsme d'avoir été le seul à atteindre l'orgasme au cours de cette ultime joute, mais sans raison : car Dean, s'il n'avait pas osé l'avouer, n'avait pu s'empêcher d'éjaculer en même temps que lui, ce dont seuls les draps, au moins jusqu'au lendemain, resteraient témoins.