De mal en pis
Legolas fut finalement aperçu sur le sentier au sud de Taurothrond au cinquième jour et le roi en fut prévenu immédiatement. Ce matin-là, Thranduil s'habilla de ses habits de chasse, s'arma de son arc et de son carquois, mais laissa de côté son épée Maedranc, prenant à la place Orcrist. Il n'avait toujours pas réussi à soutirer d'autres informations au nain donc il ignorait toujours comment une telle épée avait pu arriver en sa possession. Mais il n'allait pas se priver de profiter de ce bijou d'arme. Leur maîtrise de la forge était bien la seule chose que Thranduil pouvait concéder aux Noldor. Il espérait seulement qu'aucun serment n'eût été fait de tuer quiconque eût mis la main sur cette épée.
Il sortit alors des appartements royaux pour se rendre dans le grand vestibule où se réunissait la patrouille qu'il devait rejoindre. Il croisa dans les galeries Seldir, qui se mit à le suivre de près, obligé de trotter pour rattraper les longues foulées de son roi.
« Vous m'avez fait demander, sire ?
— Je sors avec la patrouille de la capitaine Miruin. Je serai probablement rentré à la mi-journée et je tiendrai le conseil avec mes ministres à ce moment-là. Assurez-vous de les prévenir.
— Bien, mon seigneur. Dois-je les informer d'un ordre particulier ?
— Nenni. Vous pouvez disposer. »
Seldir le laissa donc pour commencer sa longue tâche de trouver chacun et chacune des ministres du roi pour les prévenir que le conseil était repoussé à l'après-midi. Thranduil savait qu'il ne le mettait pas dans une position facile et que le valet allait certainement essuyer le mécontentement de ces seigneurs et dames qui allaient devoir chambouler leurs emplois du temps respectifs pour accéder aux exigences de leur roi. Mais il ne doutait pas qu'il allait réussir à accomplir avec succès sa tâche, car Seldir était un elfe plein de ressources.
Thranduil se retrouva finalement dans le vestibule où s'était rassemblée une unité de douze guerriers et guerrières de la défense intérieure, dont la capitaine Miruin. Derrière se tenaient également Aglarorn qui assurait la sécurité du roi en l'absence de Thurindir, ainsi que Taurian, qui devait les assister l'un ou l'autre en attendant d'être réassignée à la protection de Legolas. Les elfes le saluèrent et se mirent en position.
Les portes de la caverne s'ouvrirent alors pour les laisser passer, et la troupe se mit en marche vers le sentier, au sud de Taurothrond. La forêt était calme ce matin-là et les arbres ne parlaient pas de danger. Ils semblaient au contraire contents et murmuraient des chansons joyeuses aux elfes qui passaient silencieusement. Les araignées qui avaient envahi le royaume plusieurs semaines auparavant avaient finalement été détruites, et l'inquiétude qui avait régné dans les bois s'était alors apaisée.
Mais ce n'était pas cela qui enchantait à ce point les chênes et les hêtres sur leur chemin. Ceux-ci se réjouissaient car ils avaient eu vent du retour de celui qu'ils appelaient affectueusement l'ami des arbres, et ils chantaient l'amour qu'ils lui portaient. Les elfes ne pouvaient s'empêcher de sourire en ressentant leur joie, tandis que les oiseaux répondaient à leur musique en sifflant. Le roi n'en fut pas insensible non plus, laissant le coin de ses lèvres s'étirer faiblement.
Mais peu à peu, alors que les elfes marchaient à travers les bois, la plénitude de la forêt se fit plus discrète, et le piaillement des oiseaux s'essouffla. De la confusion se fit ressentir, un mélange de contentement et d'inquiétude. Et plus la patrouille approchait du sentier, plus les arbres étaient sur leurs gardes. Mais jamais ils ne parlèrent de danger. Seulement d'une présence qui leur était inconfortable. Et Thranduil en devinait facilement la raison.
Si les araignées arrivaient fréquemment à percer dans le royaume des elfes, ce n'était cependant pas le cas des autres créatures du seigneur noir, et les bois du nord d'Eryn Galen étaient encore peu accoutumés à la présence d'orcs sous leurs branches.
Finalement, le groupe fit une halte quand il entendit un sifflement particulier devant lui. Il était arrivé au niveau d'une clairière qui semblait figée. Miruin siffla alors à son tour, et aussitôt, un elfe apparut devant elle, émergeant depuis le couvert d'un arbre. L'éclaireur les salua gaiement avant de les informer que le reste de son unité n'était pas loin derrière lui, alors le roi en profita pour lui demander si leur voyage de retour s'était bien passé et comment se portaient les elfes ayant reçu des blessures.
« Le trajet leur a été éprouvant, mais leur rétablissement est en bonne voie. Deux guérisseuses ont voyagé avec nous. »
Thranduil acquiesça et ils furent alors interrompus par des exclamations de salutations. Les troupes du sud arrivaient dans la clairière, émergeant elfes après elfes de sous les arbres. Un certain nombre portait les civières des invalides, les déposant doucement sur le sol de la forêt en arrivant, pour pouvoir profiter d'une petite pause avant les dernières heures du voyage.
Et vers la fin du cortège, deux elfes apparurent, tirant chacune le bout d'une corde à laquelle était attaché par les mains leur otage. L'orc. C'était une créature de petite taille, claudicante et bossue, dont la peau avait une teinte gris verdâtre. Elle avait des crocs jaunes et portait une côte de maille mi-longue par-dessus ses braies tachées et déchirées par endroits. Ses yeux avaient été bandés et de sa bouche bâillonnée s'élevaient des grognements énervés. Mais le plus déplaisant pour les elfes qui l'entouraient était l'odeur forte de crasse, de transpiration et également de sang qui émanaient de l'orc.
Et derrière celui-ci, les deux derniers elfes débouchèrent dans la clairière, l'un aux cheveux noirs tirés en une multitude de tresses, tandis que l'autre semblait briller car il était le seul de sa compagnie à avoir les cheveux clairs de la couleur du miel, et sur ses lèvres un grand sourire s'était dessiné en apercevant la patrouille qui les accueillait. Et comme ses camarades, il salua son roi en faisant glisser ses doigts de son front à son menton, déclarant :
« La soleil brille sur cette heureuse rencontre, mon seigneur !
— Votre approche apporte pourtant ombre sur la forêt, capitaine », rétorqua Thranduil en indiquant d'un signe de tête l'otage qui se tenait à présent assis dans un coin de la clairière. Il s'approcha alors de son fils tandis que tout autour d'eux, les elfes profitaient de ce moment pour discuter et se rafraîchir, et il posa sur lui un regard inquisiteur. Il avait l'air de n'être affligé d'aucune blessure apparente et seule la poussière du voyage tachait son visage ambré. Ses yeux verts brillaient de leur lueur habituelle et son sourire ne semblait pas contraint.
« Je vais bien, père, murmura alors l'elfe d'un ton qui se voulait rassurant.
— C'est ce que tu disais également la fois où tu es rentré avec la moitié du crâne scalpé, Legolas, fit remarquer Thranduil en secouant la tête.
— Ah oui ? Eh bien cela a dû altérer ma mémoire car je n'ai pas souvenir de cet incident », répondit le capitaine d'un air faussement innocent.
Cela dit, il disait vrai, il n'était pas blessé et la seule affliction que le roi détectait sur le visage de son fils était une grande fatigue, ce qui n'avait rien d'étrange pour un elfe qui revenait d'une mission de presque deux lunes. Il reporta alors son attention sur l'orc et demanda à Legolas :
« Il était leur chef ?
— Oui. Nous avons eu beaucoup de mal à le capturer sans le tuer. Il a reçu trois flèches dans la cuisse.
— A-t-il parlé ?
— Il a seulement dit qu'ils venaient de Dol Guldur et qu'ils cherchaient à rejoindre les Ered Mithrin. Mais il n'a pas répondu quand on lui a demandé la raison. »
Thranduil fronça les sourcils. Cet orc avait donc quelque chose à cacher ? Cela était soudainement plus intéressant. Il eût pu répondre qu'ils cherchaient simplement à fuir la forêt, mais non, il avait refusé de parler.
« Bien, je vais l'interroger.
— Ici ?
— Oui, répondit-il avant d'appeler la capitaine Miruin qui se dépêcha de le rejoindre.
— Sire ?
— Escortez les troupes jusqu'à Taurothrond. Et envoyez une personne en éclairage pour prévenir l'unité de soin de l'arrivée de dix elfes.
— Bien, mon seigneur. Que fait-on de l'orc ?
— Je vais m'en occuper. Laissez-moi plusieurs elfes. Nous vous rattraperons. »
Miruin fronça les sourcils mais acquiesça néanmoins avant d'aller distribuer ses ordres. Les discussions cessèrent et les elfes se remirent en position, portant les civières puis quittant la clairière en file. Bientôt, le roi se retrouva seul avec Legolas, ainsi que leurs gardes et les quelques elfes à qui Miruin avait ordonné de rester. Il remarqua le regard interrogateur de son fils sur Taurian, mais l'ignora. Il s'approcha alors de l'orc et le fixa impassiblement.
« Enlevez ses liens », ordonna-t-il tandis qu'Aglarorn se rapprochait de lui, la main posée sur le pommeau de son épée, et que Taurian l'imita. Felanor s'occupa alors de délier les mains de l'orc puis de lui ôter son bâillon et son bandeau, le laissant libre. Il ne bougea pas cependant, restant assis et observant avec dédain les elfes qui l'entouraient avant de poser ses yeux jaunes sur le roi. Il se mit alors à ricaner, car il avait compris qui se tenait en face de lui, mais il ne dit rien cependant.
Thranduil l'observa sans bouger également pendant quelques instants. Enfin, il dégaina Orcrist, haussant alors un sourcil en constatant que la lame de l'épée avait pris une teinte bleutée. Ainsi il s'agissait d'une de ces lames créées dans l'unique but de réduire à néant les créatures de Morgoth. Passée la surprise, Thranduil reposa son regard sur l'orc qui s'était mis à pousser des grognements en voyant l'épée puis il parla en langue commune, articulant chaque syllabe pour bien se faire comprendre :
« Alors, orc. On m'a dit que tu n'avais pas répondu à toutes les questions qui t'avaient été posées.
— J'dois rien aux elfes ! rétorqua alors l'orc d'une voix gutturale et vibrante.
— Tu leur dois pourtant ta vie, répondit Thranduil sur un ton factuel.
— C'est les elfes qu'ont attaqué ! Pas nous !
— Certes, mes elfes vous ont attaqués quand vous avez essayé d'entrer dans mon royaume. Et à cause de cette insolence, tes compagnons ont été anéantis. Veux-tu connaître le même sort ? » demanda le roi, faisant alors virevolter Orcrist dans les airs d'une main habile. Pour toute réponse, l'orc poussa un hurlement énervé.
« Pourquoi alliez-vous dans les montagnes, orc ? » reprit Thranduil, son regard devenu menaçant. Mais il se retrouva face au silence de la créature et s'approchant encore plus près d'elle, il leva son épée et pointa sa lame sous son menton. Elle se mit alors à crier, non pas de colère cette fois, mais de douleur. Car si le roi n'avait pas enfoncé la pointe dans la chair de l'orc, le contact de celle-ci le brûla, comme le faisaient toutes choses fabriquées par les elfes sur des êtres touchés par l'ombre de l'Ennemi. Alors Thranduil baissa l'épée et vint s'accroupir devant la bête pour se retrouver à sa hauteur.
« Qu'y a-t-il dans ces montagnes ? »
L'orc sembla hésiter, mais ses yeux tombaient sur Orcrist avec une ombre d'effroi. Alors le roi profita de cette indécision. Il l'attrapa sous le menton pour le forcer à poser ses iris jaunes sur lui, et murmura :
« Parle et tu seras libre. »
Il attendit alors quelques instants que la créature eût pu évaluer ses perspectives, mais il ne lâcha jamais son regard et ne cligna pas. Elle se mit alors à grogner avant de parler :
« Les orcs des montagnes vont à Gundabad(L).
— Pourquoi ? Qu'y a-t-il à Gundabad ?
— Bolg. Le fils d'Azog. Il appelle à la guerre.
— La guerre ? Contre qui ?
— Contre ceux qui s'opposeront à la domination des orcs dans le nord », répondit le gobelin en se mettant alors à ricaner.
Alors, les yeux de Thranduil flashèrent de dédain et il se redressa d'un bond, son épée fendant l'air d'un mouvement à peine perceptible. La tête de l'orc roula sur le sol, séparée des épaules qui la retenait, et son corps maintenant inerte s'écroula lourdement.
Le silence se fit dans la clairière tandis que le roi essuyait avec un haillon Orcrist, qui reprenait peu à peu sa teinte argentée, et alors que les gardes regardaient sans bouger la carcasse de la créature, tentant de comprendre ce qu'il venait de se passer. Ce fut Legolas qui finit par briser le silence.
« Vous aviez dit que vous le libéreriez.
— Oh ? s'étonna faussement Thranduil avant de hausser innocemment les épaules. Eh bien, j'ai libéré son corps de son esprit perfide. »
Il glissa Orcrist dans son fourreau alors que les gardes de la défense intérieure se mirent à dévêtir la créature de sa cotte de maille. Felanor s'occupa quant à lui de verser sur elle de l'huile contenue dans une outre tandis que Taurian cherchait dans son sac son briquet d'acier et un silex. Bientôt, la dépouille de l'orc prenait feu et les elfes l'observèrent s'embraser.
Sentant son cœur se constricter, Thranduil recula de quelques pas et détourna son regard de cette scène pour le poser sur un jeune chêne qui semblait pencher vers la clairière, comme pris de curiosité. Il inspira profondément, concentrant son attention sur ce que le gobelin avait dit. Il n'était pas étonné d'apprendre que les orcs se réunissaient dans les montagnes, mais cela ne pouvait tomber plus mal. La situation n'était pas encore stabilisée dans le sud et le silence des nains ne laissait toujours rien présager de bon concernant leurs intentions. Thranduil était de plus en plus certain qu'ils avaient jeté leur dévolu sur Erebor. Il espérait que Mithrandir refairait surface au plus tôt pour débloquer cette situation, mais celui-ci n'avait toujours été aperçu par aucune des gardes-frontières.
Que prévoyait Bolg ? Avait-il décidé de monter cette armée par lui-même ou avait-il été missionné par quelqu'un ? Gorthaur avait fui vers le Mordor, mais les Neufs(L) n'avaient pas été repérés depuis bien longtemps. Etait-il possible que l'un d'eux se cachât à Gundabad ? Cela n'était pas impensable, et Thranduil espérait ne pas revoir de Nazguls de sitôt. Mais ce n'était pas ce qui l'inquiétait le plus. Beaucoup de choses restaient incertaines. Combien d'orcs Bolg réussirait-il à réunir, quand lancerait-il ses attaques et qui attaquerait-il ?
« Tout va bien, mon seigneur ? »
Le roi tourna son regard perçant sur Taurian qui le fixait de ses yeux noisette avec un air inquiet. Il ne remarqua qu'à cet instant que son visage s'était crispé sans qu'il s'en fût rendu compte et qu'il était pris d'une forte nausée. Il lui était soudainement plus difficile de respirer. Cela était peu étonnant au vue de l'odeur nauséabonde de chair brûlée qui emplissait ses narines. Il l'exécrait. Il prit une profonde inspiration, posant une nouvelle fois son regard sur le chêne face à lui.
« Mettons-nous en route », déclara-t-il en ignorant la question de la jeune garde.
Sans même un regard vers les flammes qui s'élevaient derrière lui, il se détourna pour prendre le sentier qu'avait emprunté Miruin vers la forteresse, et fut rapidement suivi par Legolas et leurs gardes, tandis que les autres elfes restèrent sur place pour s'occuper de la carcasse de la créature. Thranduil put respirer plus librement quand il se fut éloigné de la clairière et que les parfums de la forêt se mirent de nouveau à assaillir son nez.
Le trajet pour rattraper la troupe de Miruin ne leur prit pas plus d'une demi-heure, car celle-ci avançait lentement du fait des civières qui devaient être portées. Personne ne fut surpris de constater la disparition de l'orc. Le chemin se fit dans un silence relatif et, cette fois-ci, les bois n'exprimaient plus d'inquiétude. Les arbres chantaient, les oiseaux leur répondaient et les elfes écoutaient.
Thranduil et Legolas marchaient à la fin de la patrouille, car c'était la position privilégiée par le capitaine, au grand dam de son père. L'arrière-garde avait en effet pour mission de contenir les ennemis en cas de repli ou en cas d'attaque par derrière, ce qui en faisait une position à risque. Mais il fallait des elfes rapides, mobiles et avec un mental fort pour assurer cette tâche et Thranduil ne pouvait nier que son fils formait donc l'arrière-garde parfaite.
Au bout d'un moment, Legolas ralentit son allure et le roi remarqua que celui-ci essayait de mettre un peu de distance entre le reste de la patrouille et eux. Ils étaient tout de même suivis de près par Felanor, Aglarorn et Taurian, mais la garde royale regroupait la crème des guerriers et guerrièresde l'armée, et une des qualités requises à ce poste était la discrétion concernant les affaires du roi.
« Les arbres sont heureux de te retrouver, fit alors Thranduil sur un ton conversationnel.
— Les arbres uniquement ?
— Les oiseaux également, continua-t-il avec un sourire. Et je pense connaître une reine qui sera également ravie de te revoir.
— Je n'en doute pas. Je suis content également de rentrer. Au sud, l'air est pesant et empli de crainte. Les arbres… Les arbres sont las. »
Thranduil fronça les yeux en entendant la note triste dans la voix de son fils. Ainsi, l'ombre du sud avait commencé à s'immiscer en lui. Cela n'était pas étonnant, après avoir passé de longues semaines hors des frontières du royaume, mais cela l'irritait que Legolas y fût sujet.
« Père ? Pensez-vous que Bolg prévoit d'attaquer Eryn Galen ? demanda alors l'elfe.
— C'est une possibilité. Les orcs se sont multipliés à grande échelle dans les montagnes ces derniers cycles, et l'ombre du Nécromancien les a confortés. Même si celui-ci a été chassé de Dol Guldur, il n'est pas mort, et il reviendra. Et comme la dernière fois, il sera encore plus puissant. Il est fort probable que Bolg souhaite préparer le terrain pour son maître et ainsi essayer de soumettre le Rhovanion.
— Leur armée serait si puissante pour attaquer à la fois les hommes, les elfes et les nains ?
— Cela, je l'ignore, mais ils ne sont pas totalement stupides. Ils savent que le temps des alliances est terminé et que les relations que nous entretenons avec nos voisins sont au mieux cordiales. Ils attaqueront des points stratégiques. Et ils commenceront par le peuple qu'ils pensent le plus isolé. Reste à savoir lequel ?
— Nous devons nous préparer alors.
— Oui. Nous allons continuer à renforcer les gardes-frontières. J'ai déjà évoqué avec les ministres la nécessité de réapprovisionner l'armurerie. Nous tiendrons d'ailleurs conseil cet après-midi. Je sais que tu es fatigué, mais je souhaiterais que tu y assistes, pour m'aider à les convaincre que ce n'est pas par plaisir que nous vidons les coffres du royaume.
— Si tel est votre souhait, je serai là. Je ne suis pas si fatigué.
— Tu es exténué, je le sens dans ton fae, rétorqua Thranduil en lui lançant un regard sévère. Mais je te remercie. Il ne sera pas facile de les convaincre, cependant ton soutien les confortera.
— Vous savez bien que vous n'avez pas besoin de moi pour les avoir de votre côté. Le conseil vous suivra, quoi qu'il en pense.
— Certes, mais j'ai besoin qu'il me suive de son plein gré, Legolas. Je ne peux pas imposer ma vision des choses tout le temps. Pas quand la vie de notre peuple en est le sujet.
— Je comprends. Je ne suis pas un diplomate, mais je ferai de mon mieux.
— Pas un diplomate ? s'étonna Thranduil en poussant un rire léger. Mais Legolas, tu es l'elfe le plus conciliant que je connaisse ! Vraiment, mon fils, tu serais le seul capable de négocier avec des orcs. J'ai d'ailleurs bien vu ton regard quand j'ai tué ce gobelin et je sais que tu n'as pas approuvé.
— Cela est vrai, mais ce n'est pas ma place de vous contredire.
— Mais comprends-tu pourquoi j'ai fait cela ? demanda Thranduil en posant un regard inquisiteur sur son fils.
— Laisser un orc libre dans la forêt serait bien trop dangereux.
— En effet. Que pouvais-je faire sinon l'emprisonner ? Mais à quoi bon enfermer un orc dans nos celliers ? Devrions-nous passer les cinquante prochaines années à le faire surveiller par la garde du palais qui serait mieux employée à un endroit plus stratégique ? Devrions-nous continuer à le nourrir alors que nos ressources vont se faire rares à cause de la guerre que ses maîtres apportent à notre porte ?
— Et puis, il paraît que nos cachots sont déjà occupés, ajouta Legolas avec un sourire espiègle.
— Certes, les nains. C'est également un problème. Mais je crains que tout soit lié.
— Lié ? Avec les orcs ?
— Mithrandir ne fait pas les choses au hasard. S'il a conduit les nains à notre porte, ce n'est pas par bonté d'âme. Ce qu'ils prévoient de faire a un rapport, de près ou de loin avec sa mission.
— Alors pourquoi les garder emprisonnés ? Pourquoi ne pas les relâcher ?
— Parce que Mithrandir n'est le souverain d'aucun royaume. Pour lui, le risque de perdre quelques elfes des bois et hommes du lac n'est rien comparé au bien que cela ferait à la Terre du Milieu. Mais je n'ai pas cette liberté de pensée. En tant que roi, je ne peux pas permettre à quelques nains de mettre en péril la vie de mon peuple par leurs actions.
— Vous connaissez leurs intentions ?
— Il n'est pas difficile d'imaginer ce que Thorin Écu-de-Chêne fait dans le coin.
— Écu-de-Chêne ? Le petit-fils du roi Thror ? Vient-il reprendre Erebor ?
— Ils n'ont rien voulu dire mais c'est une possibilité, oui.
— Et réveiller le dragon... »
Thranduil acquiesça d'un air morose et Legolas soupira. Il comprenait ce que cela signifiait et il saisissait donc toutes les inquiétudes que le roi pouvait avoir. Il était plus que nécessaire que le royaume fût prêt s'il devait être attaqué au nord par les orcs et à l'est par un dragon. Cela était vital.
« Est-ce la raison pour laquelle vous avez augmenté votre garde ?
— Nenni, nous avons jugé avec Thurindir qu'il était temps que Taurian prenne de l'expérience sur le terrain. Elle sera d'ailleurs assignée à ta protection sous la direction de Felanor. »
Il ne manqua pas le regard perplexe de Legolas, mais celui-ci se contenta d'acquiescer, n'osant peut-être pas exprimer sa pensée en sachant les deux gardes derrière eux.
« Je ne serai peut-être pas une charge aisée, mais je sais que Felanor saura être un bon guide », dit-il tout de même en se retournant pour adresser un sourire rassurant à la jeune garde.
Le peu de chemin qui leur restait à parcourir le fut dans le silence. Legolas marchait près des arbres et passait ses longues mains sur leur écorce, comme pour les saluer. Maintenant qu'ils étaient proches de la forteresse, il reconnaissait chacun d'eux. Il les avait vus naître, grandir, fleurir, perdre leurs feuilles. Il connaissait leurs joies et leurs douleurs. Il connaissait les petits animaux qui se baladaient dans leurs branches. Thranduil admirait cette relation qui l'unissait aux arbres et à toutes choses vertes. Lui-même se sentait connecté à Eryn Galen, mais ce n'était pas pareil. En tant que roi, il était le protecteur de la forêt. Legolas, cependant, en était l'âme. Nombreux étaient les jeunes arbres qui s'étaient réveillés à son touché, et nombreuses étaient les fleurs qui avaient éclos à son chant.
Finalement, la compagnie approcha de Taurothrond où, dans la clairière qui donnait sur le pont de la forteresse, des elfes attendaient leurs proches qu'ils et elles n'avaient pas vus depuis de longues semaines. Et tandis que la patrouille de Miruin emmenait les elfes en besoin de soins au hall de guérison, Legolas fit signe à son unité qu'elle pouvait disposer et ses rangs éclatèrent dans un joyeux tohu-bohu.
Legolas et Thranduil traversèrent alors le pont et furent accueillis par Imlothiel qui se tenait à la gauche des grandes portes, vêtue d'une simple robe verte par-dessus laquelle elle portait un tablier. Sa chevelure mordorée qui reflétait les rayons de la soleil de midi était enroulée en un chignon haut et elle souriait chaleureusement. Quand son fils ne fut plus qu'à quelques pieds d'elle, elle s'avança, attrapant son visage de ses mains pour venir poser son front sur le sien et leurs deux nez se rencontrèrent. C'était de cette manière que les Avarrim avaient eu l'habitude de saluer leurs pairs dans le passé et cette pratique s'était depuis répandue parmi les autres elfes d'Eryn Galen dans un cadre familial. Cependant, la façon des Denrim de glisser leur main sur leur visage fût celle qui prédominait dans la société sylvestre depuis l'avènement du troisième âge.
Ce moment ne dura qu'un instant, mais il sembla suffire à Imlothiel pour constater que son fils allait bien, bien que Thranduil fût certain qu'elle ne manqua pas non plus ses traits et son fae fatigués.
« Le repas vient d'être servi dans la grande salle, tu devrais aller en profiter, Lasgalen », l'informa-t-elle avant de se tourner vers Felanor qui se tenait encore derrière Legolas. Elle le salua de la même façon que son fils, puis lui sourit en disant :
« Et toi aussi, Felanor. Merci d'avoir veillé sur lui.
— C'est toujours un plaisir, ma dame, répondit l'elfe tandis que Legolas levait les yeux au ciel en secouant la tête.
— Allez, viens, j'aimerais avoir le temps de me baigner avant ce conseil », fit alors le capitaine en tirant son ami vers l'intérieur de la forteresse. Il s'arrêta cependant après quelques pas, puis se retourna, fixant son regard sur Taurian, qui semblait attendre qu'on la congédiât. Il lui fit signe alors de les accompagner, et Thranduil hocha la tête quand le visage interrogateur de la jeune garde se tourna vers lui. Il ne doutait pas que Legolas allait faire le nécessaire pour l'inclure dans leur équipe et qu'il ne tarderait pas non plus à faire d'elle une amie.
Thranduil n'avait pas été tout à fait honnête avec son fils. Craignant sa réaction, il avait omis volontairement de lui dire qu'à terme, Felanor serait réassigné à un autre poste. Legolas n'avait pourtant pas été tendre avec l'elfe quand celui-ci avait été assigné à sa protection. Il n'avait pas compris pourquoi le roi cherchait à lui imposer un garde et avait passé des saisons à essayer de le semer avec l'espoir que cela eût changé l'avis de son père. Mais Felanor avait tenu bon, s'étant pris au jeu du défi imposé par le jeune archer, et avait fini par anticiper ses manigances. Legolas avait alors été obligé d'admettre sa défaite et leur relation avait pris dès ce moment une nouvelle tournure.
« Bien, je vais aller jeter un œil à notre patientèle et m'assurer que le voyage n'a pas empiré leur état », dit alors Imlothiel à Thranduil, l'extirpant de ses pensées. Elle lui adressa un sourire amusé, voyant son regard perché sur la silhouette de leur fils, avant de s'engouffrer à son tour dans l'enceinte de la caverne.
Alors, le roi congédia Aglarorn, mais il fut aussitôt accosté par Seldir qui l'accueillit avec un sourire chaleureux. Il avait dû remplir sa mission brillamment.
« Tout va bien, mon seigneur ? » demanda alors le valet, fronçant les sourcils, désignant d'un signe de tête la tunique tachée de sang noir du roi.
« Hum ? Oui, tout s'est déroulé comme prévu. Je dois parler à Laegryn…
— Le seigneur Laegryn vous attend déjà dans votre cabinet, sire.
— Très bien, j'y vais, répondit Thranduil.
— Souhaitez-vous que je vous apporte un repas ?
— Oui, fort bien. Et ramenez-moi également des habits propres, je vous prie.
— Bien, sire. »
Thranduil se mit alors en chemin vers son bureau, mais en passant devant les portes ouvertes de la grande salle, il constata qu'un nouveau conflit avait éclaté entre deux elfes à propos de nourriture disparue. Il soupira. L'esprit gourmand n'avait toujours pas été attrapé, et il ne semblait pas chercher à s'échapper de la forteresse. Cette histoire était vraiment fort étrange.
Une fois arrivé dans son cabinet, il y trouva Laegryn qui l'attendait en faisant les cent pas. Celui-ci s'arrêta néanmoins en le voyant entrer et le salua en portant sa main à son front.
« Tu as tué l'orc, constata-t-il.
— Que voulais-tu que j'en fasse ?
— Rien de plus. Qu'a-t-il dit ? »
Thranduil ne répondit pas tout de suite, prenant le temps de poser son arc, son carquois ainsi que son épée sur un meuble de son bureau. Il se dirigea ensuite vers la console sur laquelle la carafe à vin était posée et servit deux timbales, avant d'en donner une à son ami. Il s'affala alors dans son fauteuil sous son œil impatient.
« Il a dit que Bolg, le fils d'Azog le profanateur, était en train de lever une armée à Gundabad dans le but de soumettre les populations du nord. »
Laegryn ferma les yeux pendant un court moment, prenant le temps d'assimiler ce que lui disait son ami. Il se laissa tomber à son tour dans l'un des fauteuils faisant face au roi.
« Cela est mauvais, commenta-t-il.
— Oui. Il nous faut ces armes et il faut que nous puissions mobiliser une grande armée à tout moment.
— Tu as mon soutien, bien évidemment. Mais Beleg reste sceptique. Une fois les armes payées, aurons-nous ensuite de quoi tenir l'hiver ? Le conseil ne flanchera pas sur cela. Tu ne pourras pas vider les coffres du royaume sans donner des garanties solides.
— Si nous arrivons à convaincre Berethuil, Beleg n'aura le choix que de s'aligner.
— Sauf que tu as promis notre récolte de soie à Elrond, sans parler du nouveau Dorwinion. Même Galion ne te suivra pas sur cela. Il n'aime pas qu'on touche à son vin.
— Mon vin, Laegryn, corrigea Thranduil en haussant un sourcil. Et je sais gérer Galion. Par ailleurs, j'ai demandé à Legolas d'assister au conseil. Il pourra témoigner de l'importance de renouveler les équipements de nos troupes.
— Ce n'est pas franc-jeu de ta part, fit remarquer le maréchal en secouant la tête d'un air faussement désabusé, le passé nous a montré que les membres du conseil perdent leur impartialité quand Legolas entre dans les débats.
— C'est un atout. Ce n'est certainement pas de mon fait si les ministres y sont si sensibles. »
Cela fit sourire Laegryn pendant un instant, mais il reprit vite une mine sévère, sirotant son vin tout en fixant son ami.
« Vas-tu seulement expliquer au conseil la raison pour laquelle tu souhaitais ces armes en premier lieu ?
— Plaît-il ?
— Ce n'est pas uniquement quelques escarmouches au sud qui t'inquiètent. Tu es troublé depuis que les nains sont arrivés dans la forêt et ce n'est pas par crainte de voir Dain à notre porte, car il y serait déjà s'il avait eu vent de la situation de son cousin. Tu as peur que Thorin Écu-de-Chêne réveille le dragon et que celui-ci s'en prenne à nous. »
Thranduil le dévisagea pendant un moment. Il savait que son ami en était arrivé à la même conclusion que lui à propos des intentions des nains, car après tout, même Legolas avait inféré de la même façon en un instant. Cependant, il avait jusque-là évité de mentionner le dragon avec Laegryn. Non pas parce qu'il ne lui faisait pas confiance, au contraire, mais parce qu'il avait l'impression qu'en parler spécifiquement avec lui rendrait ses craintes plus tangibles.
« Parle, Thranduil, reprit Laegryn d'un ton pressant.
— Qu'y a-t-il à dire ? demanda le roi d'un ton agacé. Le conseil n'a pas besoin de connaître mes craintes les plus infondées.
— Le sont-elles vraiment ?
— Bien sûr. Rien ne dit qu'Écu-de-Chêne soit assez insensé pour penser attaquer le dragon, et rien ne garantit que celui-ci eût envie de s'en prendre à nous si c'était le cas.
— Mais ?
— Mais le risque n'est pas nul, répondit Thranduil en posant les yeux sur la timbale qu'il tenait d'une main ferme.
— Et cela te terrifie », conclut Laegryn d'un ton inhabituellement doux.
Thranduil ne répondit rien, essayant de contrôler sa respiration qu'il sentait accélérer malgré lui. Cette conversation prenait une tournure qui ne lui plaisait pas et il abhorrait les images qui s'insinuaient dans sa tête. Quand il avait parlé de Smaug avec Imlothiel, il avait réussi à les garder à une distance raisonnable, mais face à Laegryn, cela lui était beaucoup plus difficile. Son ami avait été présent à ses côtés, ce jour maudit, six millénaires auparavant. Son visage était un rappel vivide même à ce souvenir. Il leva son gobelet jusqu'à ses lèvres pour le boire d'une traite. Il se leva alors pour se servir une nouvelle fois avant de reprendre sa place sous le regard inquisiteur de Laegryn.
« Comment te sens-tu ? reprit le maréchal. Quand le dragon a attaqué Erebor, tu n'as pas sommeillé des saisons durant.
— En quoi cela importe-t-il ? »
Laegryn soupira en croisant ses bras, gardant toujours les yeux fixés sur Thranduil, alors que celui-ci esquivait par tous moyens son regard.
« Cela m'importe en tant qu'ami. Et parce que je suis peut-être la seule personne qui puisse comprendre au moins une petite part de ce que tu ressens. L'idée que le dragon puisse être réveillé me fait peur également, mais je sais que cela t'affecte plus que tu ne le laisses voir. En as-tu seulement parlé à Imlothiel ? »
Thranduil allait lui répondre qu'il n'avait pas besoin d'en parler à son épouse, quand il entendit Seldir toquer à la porte. Il n'avait pas eu besoin de dire à Imlothiel à quel point le dragon le terrifiait car elle l'avait compris d'elle-même lorsque, trois nuits plus tôt, il s'était réveillé en pleine crise d'angoisse suite à un cauchemar. Cela n'avait pas été la première fois. Ce ne serait sûrement pas la dernière. Mais il était vrai qu'il n'avait pas réessayé de sommeiller depuis, et il commençait à en ressentir la fatigue.
« Oui ? » fit-il à l'attention du valet, ignorant la question de Laegryn, au désappointement de celui-ci.
Seldir entra dans la pièce, encombré d'un plateau ainsi que d'habits précautionneusement posés sur son bras. Thranduil leva alors les yeux vers le maréchal et celui-ci comprit que la discussion était close.
« Le conseil sera mis au courant en temps voulu », dit simplement le roi. Laegryn acquiesça alors d'un air affligé, puis se leva pour s'apprêter à sortir de la pièce, tandis que Seldir s'approchait pour déposer le plateau sur le bureau et les vêtements sur le dossier d'un fauteuil. Cependant, avant de passer la porte, le maréchal se retourna pour fixer son ami d'un air obstiné.
« C'est ton droit de ne pas souhaiter en parler, Thranduil, mais nous savons tous deux que te renfermer sur toi-même ne te conduit qu'à essayer de te détruire. Après tout, il est si facile de se réfugier dans le vin quand celui-ci coule à flot. »
Thranduil n'eut pas le temps de protester que son ami était déjà sorti de la pièce, fermant la porte derrière lui. Il ferma les yeux, se couvrant le visage d'une main crispée. Il n'arrivait pas même à ressentir de colère. Son regard était resté fixé sur Laegryn, mais il n'avait pas manqué du coin de l'œil le visage de Seldir blêmir à la dernière remarque du maréchal. Il soupira.
« Combien de temps reste-t-il avant le conseil ? demanda-t-il en gardant son visage enfoui dans sa main.
— Un peu moins d'une heure, sire.
— Et combien de fois remplissez-vous cette carafe à vin, chaque jour ? »
Il appréhendait la réponse, mais il ne pouvait pas ignorer l'insinuation qu'avait faite Laegryn, quand bien même cela dût le contrarier.
« Cette dernière semaine, trois fois par jour, mon seigneur », répondit le valet après un moment d'hésitation.
En réalité, Thranduil n'était pas sûr que cette quantité fût excessive, car après tout, il lui arrivait souvent de proposer de ce vin aux personnes qu'il recevait, mais il ne manqua pas le complément de temps utilisé par le valet.
« Et avant cela ?
— Deux fois depuis le début de iavath, mon seign…
— Avant ?
— Une fois suffisait. »
Un silence lourd s'installa dans la pièce, et après un temps, Thranduil osa enfin laisser tomber la main qui lui cachait le visage. Le valet avait les yeux baissé vers le sol de la pièce et affichait une mine attristée.
« Sire, je…
— Merci, Seldir, le coupa froidement le roi, vous pouvez disposer. »
L'elfe ne se fit pas prier deux fois et salua son roi avant de quitter le cabinet d'un pas rapide, comprenant que sa présence n'était plus souhaitée. Le roi resta assis sans bouger pendant un long moment. Il en voulait à Laegryn de l'avoir poussé dans ses retranchements, mais il ne pouvait nier que son ami n'avait pas tort.
Thranduil n'était pas du genre à s'ouvrir aux autres, même aux personnes qui lui étaient chères, il avait plutôt tendance à emmagasiner ses émotions, ses douleurs, ses craintes jusqu'à étouffer et chercher à les faire taire de quelque manière que ce fût, inconsciemment ou non. Et si quelques gobelets de vin en plus au cours d'une journée n'engrangeaient pas vraiment de conséquence pour un elfe, une quantité plus astronomique, consommée sur des durées plus courtes le pourrait, mais Thranduil ne pouvait pas se laisser en arriver là. Seulement, il ne savait pas comment l'éviter.
Lexique :
- Gundabad (canon): Sommet montagneux situé à la fonction des Monts Brumeux et des Montagnes Grises, sous lequel se trouve une importante cité orque.
- Les Neufs (canon) : les Nazgûl, serviteurs de Sauron, spectres autrefois hommes corrompus grâce à des anneaux de pouvoir.
