- Je vais quitter Scott.
Dans d'autres circonstances, Liam aurait été plus que satisfait d'entendre pareille nouvelle. Il aurait souri, car il se serait dit qu'alors, il avait sa chance. Et il aurait attendu, jusqu'à voir si, plus tard, Stiles pouvait s'intéresser à lui. Mais dans cette situation, il était incapable de se réjouir pour cette raison. Parce que ce n'était pas important. Par contre, Liam était heureux de la décision de l'hyperactif car elle ne pouvait que lui être bénéfique. Ces derniers temps, Scott ne le faisait plus sourire. Au contraire, il avait créé et renforçait le mal-être de Stiles chaque jour qui passait. Liam ne savait pas ce qu'il avait fait la veille, mais il l'avait mis dans un état tel… Un état déplorable dont le louveteau se souviendrait longtemps. Merde, Stiles s'était littéralement effondré contre lui ! Il avait pleuré dans ses bras…
… Et ça, ça n'arrivait jamais.
- Je ne peux pas rester avec lui.
Cette voix… Stiles l'avait qui tremblait. Un peu. Il s'était redressé, avait les mains ramenées en poings sur ses genoux et la tête baissée. En fait, il n'arrivait pas à regarder Liam – il n'en était pas capable. Mais les mots étaient là, implacables, forts d'une conviction certaine. Rage et souffrance s'entrechoquaient. Il devait continuer. Il fallait qu'il continue de parler. Mais les mots avaient du mal à venir. Stiles voulait tout dire à Liam et en même temps… Ce n'était pas quelque chose de simple. D'un autre côté, l'hyperactif avait l'impression qu'il s'agissait là de sa seule occasion. Impossible pour lui de savoir pour quelle raison il était persuadé de ce fait, mais… C'était là. C'était là, et ça ne voulait pas partir. Alors, il jeta un regard de biais au louveteau. Furtif et douloureux.
- Je sais que c'est ton alpha et que je ne suis pas censé te dire ça… Mais ne lui fais plus confiance. Ne lui confie pas ta vie.
Car Stiles était lucide : si Scott avait été capable de lever la main sur lui puis d'abuser de lui… Qui sait ce qu'il pourrait faire à d'autres ? Il ne fallait plus être naïf comme lui l'avait été. Parce qu'il l'avait aimé, cet idiot d'alpha. Son instinct de survie l'obligeait à museler ses sentiments pour mieux les détruire. Stiles avait assez de jugeotte pour savoir qu'on ne pouvait pas tout pardonner sous prétexte d'amour. Il avait découvert cette facette-là de Scott et il savait qu'elle ne disparaîtrait pas. Alors s'il pouvait protéger Liam… Parce qu'il était mignon, le blondinet. Mignon et puis… Attachant. D'autant plus qu'il s'agissait du premier bêta de Scott. Liam était le premier à avoir été mordu par lui, et non pas par Derek. Alors oui, pour Stiles, le risque était grand. Et il était hors de question que Liam continue de lui obéir comme il le faisait. Il ne l'idéalisait pas, mais… Scott restait un modèle pour lui, un ami aussi. Et puis il y avait ce lien si spécial entre eux. Ils étaient le mordeur et le mordu.
C'était dangereux.
- Stiles… Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
Liam avait l'air horrifié et ne se préoccupait que de ce qu'il voyait, et sentait. La voix de Stiles continuait de trembler – il détestait ça ! –, son odeur de s'alourdir, ses poings de se crisper, ses yeux de rougir. Le louveteau était inquiet. Diablement inquiet. Il n'avait qu'une envie : le reprendre dans ses bras. Lui montrer encore et encore qu'il n'était pas seul. Que de son côté, il ferait attention à Scott – lui dire qu'il s'en méfiait déjà. Lui avouer la discussion qu'il avait surpris dans les vestiaires.
Stiles prit une inspiration tremblante :
- Suffisamment de mal pour que j'arrête de me voiler la face.
Il avait toujours l'impression que sa joue le brûlait. En fait, la gifle lui semblait dater d'il y a quelques secondes tant Stiles sentait encore sa main levée s'abattant sur sa peau. Il frissonna. Scott s'était excusé, mais l'hyperactif ne pouvait pas se permettre de le croire. Pas cette fois. Si son père lui avait bien appris une chose concernant les relations amoureuses, c'était bien qu'aucune violence de ce type n'était tolérable. Il lui avait dit que tout commençait souvent par une gifle. Qu'importe le sexe, qu'importe son genre, on ne pouvait tolérer ce premier geste.
Stiles en était atrocement conscient.
Et ce qui avait suivi cette gifle ne faisait que le conforter dans sa décision. Bordel, ce que Stiles avait envie de prendre une douche… Puis une deuxième. Se frotter, fort. Faire disparaître la souillure de ce corps qui était le sien. Stiles ferma les yeux, tentant comme il le pouvait d'endiguer la nausée qui montait doucement en lui. Il fallait qu'il rentre chez lui. Et avant ça, qu'il parle. Pourquoi les mots avaient tant de mal à sortir ? L'envie de s'isoler le prit soudainement. Partir. Se cacher et pleurer misérablement dans son coin. Pourtant, Stiles avait tant pleuré la veille qu'il avait l'impression de ne plus avoir une larme en stock. A côté de cela, il se sentait extrêmement faible, comme si toute forme d'énergie l'avait quitté.
- Je suis désolé d'être venu.
Parce qu'il fallait bien qu'il finisse par le dire. Qu'il s'excuse pour cette présence qu'il imposait au louveteau. Qui avait tout fait pour le réconforter la veille. Qui l'avait étreint jusqu'à ce que le sommeil l'emporte. Qui avait préféré rester avec lui plutôt que de partir en cours.
Liam lui lança un regard effaré.
- T'as pas à l'être.
Stiles ne trouva rien à répondre. Il ne savait pas quoi dire après ça. Parce que si, il était désolé. Il devait l'être. Parce qu'il s'était imposé, dans un état lamentable qui plus est, tout ça pour lui dire que… L'hyperactif manqua de sursauter suite à l'illumination qui le prit.
- L'entraînement, dit-il. Je ne voulais pas l'annuler. Je… C'est Scott qui m'a pris mon téléphone. Il t'a bloqué.
Stiles continuait de garder les yeux baissés. A côté de lui, Liam blanchissait à vue d'œil. Mais l'hyperactif ne le savait pas, tout comme il ne se rendait pas compte d'à quel point sa voix tremblait. Elle était cassée, aussi. Comme s'il avait trop crié.
Alors que la veille, entre les bras de Scott… Stiles n'avait pas réussi à le faire. Les cris, ils avaient retenti dans sa tête. Dans son esprit. Seul endroit où il avait réellement pu s'exprimer.
- C'est pas un problème, souffla Liam, complètement désarçonné.
- Quand je suis parti, je t'ai débloqué, je… Je sais pas ce qu'il a contre toi. Mais je veux que tu fasses attention, que…
- Ne t'inquiète pas pour moi.
Stiles poussa un profond soupir et se laissa instinctivement aller contre Liam, qui avait passé un bras autour de lui. Peut-être était-ce un peu trop familier. Peut-être le louveteau ne devrait pas lui montrer son soutien de cette manière. Mais le fait est que Stiles semblait s'en accommoder. Pire que ça, il semblait avoir besoin de gestes d'affection de ce genre. Si le châtain ne trouva rien à dire pour contrer les paroles de Liam, il garda le silence. Ferma les yeux. Apprécia sa présence réconfortante. Avec Liam, il se sentait à l'aise. Était-ce suffisant pour qu'il lui parle ?
- Stiles ? Entendit-il
L'hyperactif rouvrit les yeux et se redressa légèrement avant de l'interroger du regard. Liam n'avait pas l'air à son aise et… A vrai dire, Stiles n'arrivait pas à savoir ce qu'il était censé lire dans ses orbes claires. Il y avait tant de choses que le châtain s'y perdait déjà.
- Dis-moi ce qu'il t'a fait, s'il te plaît.
Le ton était à la fois ferme et suppliant, un mélange étrange mais qui appelait à la confession. Si les mots résonnèrent en Stiles, il ne sut quoi dire. Il avait la gorge sèche, le souvenir frais. La boule au ventre, le regard détourné. Honte. Douleur. Stiles avait mal de ne rien dire. C'était presque physique. Il serra davantage les poings. Désira se pelotonner contre le louveteau, comme la veille. Sentir ses bras entourer son corps, se perdre à cause de sa chaleur surnaturelle. En fait, Stiles se sentait fébrile. Avait-il réellement le droit de se plaindre dans la mesure où… Il avait mal habitué Scott ? Il était lucide, oui. Pour autant, il ne pouvait empêcher la culpabilité de poindre. Elle l'enserrait, comme un étau.
- Stiles, tu peux pas garder ça pour toi.
La gorge de l'hyperactif se serra atrocement. Il voulait en parler, il en avait besoin… Mais existait-il une manière de le faire sans le dire directement ? Le bras de Liam le ramena davantage contre ce dernier. Pas beaucoup, mais suffisamment pour que Stiles laisse son regard traîner dans le vague. L'envie de mourir était toujours là. Peut-être que brûler son corps sous l'eau bouillante d'une douche était une bonne idée. Si sa peau brûlait, Stiles aurait-il encore l'impression de sentir les mains de Scott sur lui ?
Silence. Une longue, très longue hésitation. Puis, un soupir quelque peu tremblant.
- Est-ce qu'il a… Est-ce qu'il a abusé de toi ?
Cette fois-ci, la fermeté s'en était allée. Ne restait que le côté suppliant et… Une forme de peur. De terreur. La voix de Liam était fébrile – très.
De prime abord, la question pouvait paraître un peu stupide dans le sens où la réponse ne pouvait être que positive, si Liam se référait à ce qu'il savait déjà. Mais il l'avait tout de même posée, parce qu'il espérait là aider à libérer la parole de Stiles. C'était peut-être un peu cru, un peu trop direct, mais il s'agissait de la seule idée qui lui était venue à l'esprit. Une idée plus que crédible et qui corroborerait parfaitement l'odeur de Scott sur l'hyperactif. Une odeur omniprésente, disparaissant toutefois graduellement.
La réaction de Stiles fut instantanée.
Ses poings se desserrèrent et il se figea, complètement. Les yeux écarquillés, il fixa le vide avec autant d'absence que de puissance. Et les larmes montèrent à une vitesse prodigieuse, alors même qu'il pensait ne plus en avoir en stock. Son souffle se coupa un instant. Son cœur s'emballa sans prévenir. Le monde se mit à tourner. Les images toujours trop fraîches l'inondèrent. La question de Liam retrouvait un écho en lui. Un écho douloureux, mais nécessaire. Parce qu'il voulait le dire, même s'il avait honte de ce qu'il s'était passé. Il le voulait, oui, parce qu'il était détruit. Parce qu'il… Il avait peur. Peur de quelque chose qui lui explosait à la figure : peur que Scott s'en prenne ainsi à quelqu'un d'autre. Qu'il lui fasse subir ses envies, sa violence, son autorité. Sa manipulation. Les souvenirs continuaient d'affluer. Gifle. Sexe. Pardon. Était-ce dans cet ordre que cela s'était déroulé ?
C'est sans un mot qu'il répondit.
