Valeur et vertu tout le monde,

Oui, vous ne rêvez pas, c'est bien moi. Je suis assidue sur mes temps de publications ces derniers temps. Espérons que ça continue !

Un grand merci à drou, Michtochondrie & Carlita pour vos reviews.

Récap des chapitres précédents :

- Remus a été sérieusement blessé pendant l'attaque surprise contre le campement de la Révolte du Yorkshire (chapitre 61).

- Ginny a conclu un pacte avec Draco (et par la suite avec Narcissa) afin d'obtenir une grâce ministérielle pour sa famille. En échange, elle s'est engagée à espionner la gouverneure Cressida Warrington (chapitres 7 et 58).

- Narcissa a trompé Ginny sur le sort de sa famille après l'incendie du Terrier. Elle lui a laissé croire qu'ils avaient tous réussi à s'échapper, alors qu'en réalité, elle ne sait pas si c'est le cas. L'enjeu derrière cette tromperie est de contrôler Ginny et d'obtenir sa loyauté totale (chap 61)

Playlist/montage à retrouver sur mon profil.

Bonne lecture !

LXII. Pied à l'étrier

Tonks froissa nerveusement la couverture en laine brodée posée sur ses genoux, le regard absent. Depuis plusieurs jours, elle était plongée dans une profonde inquiétude dont elle ne parvenait pas à se défaire. Malgré ses tentatives pour détourner son esprit de ses préoccupations, elle se trouvait toujours ramenée à une seule pensée : Remus. Il était parti en mission diplomatique pour l'Ordre, dans le but de négocier avec des factions de la Résistance qui n'étaient pas encore affiliées au FLOP. Voyant l'angoisse manifeste de Tonks, il avait tenté de l'apaiser en lui assurant que ces négociations seraient pacifiques.

« Nous voulons discuter de manière calme et productive. Nous ne cherchons pas le conflit. » lui avait-il assuré d'une voix ferme.

Tonks lui avait jeté un regard nerveux, peu convaincue par ses mots. Elle savait que l'une des étapes de la mission le conduirait à la base de la Révolte du Yorkshire, un groupe notoirement violent et peu enclin au dialogue.

Les supplications de Tonks n'avaient pas suffi pour le persuader de rester. Elle avait invoqué le prétexte de son accouchement imminent mais Remus avait insisté pour faire partie du voyage. Elle avait donc, à contrecœur, fini par capituler.

« Promets-moi que tu reviendras. » avait-elle murmuré, ses yeux embués de larmes. « Promets-le. »

« Je te le promets. » avait répondu Remus, caressant doucement son ventre arrondi dans un geste rassurant. Elle avait posé sa main au-dessus de la sienne, s'efforçant de se calmer.

Malgré le fossé qui s'était creusé entre eux et le statut incertain de leur couple, ils avaient trouvé une certaine entente, conscients qu'ils devraient être unis pour accueillir leur enfant.

Malgré ses réserves, Tonks avait accepté sa décision, ne désirant pas provoquer de conflit entre eux à la veille de son départ. Ce jour-là, elle avait remarqué sa mine fatiguée, signe précurseur d'une prochaine transformation. Lors de ces périodes, son épuisement était évident : son teint pâle était accentué par des cernes marqués, et ses joues avaient une apparence émaciée.

Elle essayait de se rassurer en se rappelant que Remus avait l'habitude de ce genre de mission. Ses talents de diplomate et son aura apaisante faisaient de lui une figure respectée parmi leurs interlocuteurs. Il était capable de gérer et de temporiser même les situations les plus tendues.

Voyant la détresse de Tonks, Marlène McKinnon avait pris l'initiative d'organiser une petite célébration en présence de quelques membres de l'Ordre. En cadeau, Tonks avait reçu une layette complète aux couleurs neutres pour le futur bébé - le sexe étant encore un mystère - ainsi que des accessoires indispensables pour la naissance.

« Comment avez-vous déniché tout ça ? » s'était exclamée Tonks, les yeux brillants, entre le rire et les larmes.

« Judith a tricoté une bonne partie des vêtements. Et lors du dernier ravitaillement, j'ai demandé à Sirius de chercher des choses qui pourraient te servir. » lui avait révélé Marlène en esquissant un sourire.

Pour le temps d'une journée, entourée par toute cette attention, Tonks avait pu penser à autre chose et momentanément mettre ses angoisses de côté. Mais une fois la soirée terminée et la solitude revenue, ses sombres pensées l'avaient rattrapée.

Poussée par le besoin de briser ce cycle de morosité, elle décida de s'aérer l'esprit par une petite promenade. Marcher avait toujours été un excellent exutoire pour elle. A sa sortie, elle remarqua un rassemblement sur la place centrale du village. Son sixième sens lui hurla que quelque chose clochait. En s'approchant, elle perçut des expressions troublées sur les visages, et certains détournèrent le regard à sa vue, amplifiant son mauvais pressentiment.

« Que se passe-t-il ? » demanda Tonks, une pointe d'inquiétude dans la voix.

Personne ne sembla vouloir répondre. Ils s'échangeaient tous des regards hésitants, comme s'ils espéraient que l'un d'eux prendrait l'initiative de parler.

« Que se passe-t-il ? » insista Tonks, plus fermement cette fois.

Une main se posa doucement sur son épaule, la faisant sursauter.

« Tonks. Puis-je te parler en privé ? » murmura une voix familière à son oreille

Tonks se retourna vivement et croisa le regard bleu de Marlène. Elle l'observait d'un air neutre, et contrairement aux autres, son visage ne trahissait aucune émotion particulière.

« Retournons à l'intérieur. Il fait trop chaud. Ce n'est pas bon pour toi de rester sous ce soleil. » continua Marlène d'une voix douce.

Elle la suivit tandis qu'elle prenait la direction du bâtiment où Tonks résidait.

« Leni, que se passe-t-il ? » demanda-t-elle avec angoisse.

Marlène garda le silence, répondant uniquement par un geste en ouvrant la porte de l'infirmerie déserte.

« Est-il arrivé quelque chose ? » insista Tonks, sans se décourager, une inquiétude perçante s'installant dans sa voix.

« Assieds-toi. » suggéra doucement Marlène.

« Pas avant que tu ne m'aies expliqué ce qui se passe ! » rugit Tonks, perdant toute patience.

Marlène acquiesça gravement, comprenant qu'il était futile d'essayer de détourner le sujet.

« Severus a envoyé son Patronus pour nous informer. Lui et les autres sont chez la Révolte du Yorkshire, mais… Les choses ont dégénéré. » révéla Marlène avec une expression attristée.

Le cœur de Tonks rata un battement.

« Un de leurs campements a été attaqué. Remus a été gravement touché. Grâce à sa forme de loup, les blessures sont moins importantes qu'elles auraient pu l'être. Il est actuellement inconscient. » continua Marlène, son visage empreint d'anxiété.

Le visage de Tonks se décomposa. Elle vacilla, les vertiges la prenant par surprise. Ses jambes se mirent à flancher dangereusement, comme accablées par le poids de la nouvelle. Puis, une douleur intense et irradiante se propagea dans son corps. Sa respiration devint hachée, et elle s'agrippa à la barre en fer du sommier le plus proche, gémissant sous l'intensité.

« Tonks ?! Que se passe-t-il ? » s'écria Marlène, alarmée.

« Le… bébé… arrive. » parvint à articuler Tonks, les yeux humides.

Elle se pencha sur la table, poussant un long gémissement de douleur. Le monde autour d'elle s'obscurcit, mais elle entendit vaguement Marlène hurler son nom. Quelques instants plus tard, Tonks retrouva sa lucidité et elle sentit qu'on la soulevait doucement. Elle fut installée sur un lit. Elle vit Marlène et deux autres figures se presser à ses côtés.

« Elle n'a pas perdu les eaux ? » demanda une voix.

« Non, il va falloir percer la membrane. » répondit Marlène d'une voix assurée.

Alors que les paroles s'estompaient à ses oreilles, Tonks fut secouée par une nouvelle contraction. Elle laissa échapper un cri déchirant.

Un goût métallique envahit sa bouche.

« Ça va aller, Tonks, ça va aller. » répétait Marlène à ses côtés, cherchant à la rassurer.

Tonks ouvrit les yeux, trouvant Marlène penchée vers elle, une fiole dans les mains. Elle venait de lui administrer une potion. Peu à peu, Tonks ressentit ses douleurs s'apaiser, devenant plus supportables.

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Tonks d'une voix faible.

« Une potion anti-douleur. » répondit Marlène.

Un soupir de soulagement échappa à Tonks, son corps baignant dans une sensation de bien-être. Après la douleur intense qui l'avait assaillie, cette trêve était presque extatique.

« Merci. » chuchota-t-elle.

« Les effets ne dureront que quelques heures. Mais quand le moment de pousser sera venu, je ne pourrais pas t'en donner davantage. La potion pourrait affaiblir tes muscles et rendre le travail difficile. » l'avertit Marlène.

Hochant la tête, Tonks accueillit l'information avec gratitude, trop soulagée pour se soucier de la douleur future. Les heures suivantes se déroulèrent plus calmement. Les contractions étaient toujours présentes, mais bien plus tolérables pour Tonks. Pourtant, une fois la nuit arrivée, elles revinrent de plein fouet. Elles étaient si intenses que Tonks avait l'impression que chaque fibre de son corps était en feu. Dans la pièce sombre, seule une bougie vacillante luttait contre l'obscurité.

Tonks se redressa, sentant son ventre durci et contracté. Le hurlement qu'elle poussa se fit probablement entendre dans tout le hameau. Marlène et les deux autres, ayant brièvement quitté la pièce, furent rapidement de retour.

« Remus… » sanglota Tonks.

« Je suis désolée, Tonks mais Remus n'est pas là. Nous sommes là pour toi nous allons t'aider. » promit Marlène tout en tenant la main de Tonks. « Respire profondément. »

Faisant de son mieux malgré ses larmes, Tonks tenta de suivre les respirations profondes et rythmées que Marlène lui montrait. La douleur était de plus en plus intense.

« Je ne peux pas… » gémit-elle, sa voix remplie de désespoir.

« Si, tu peux. Tu es forte. » lui assura Marlène.

Tonks, le souffle court, la fixa, cherchant du réconfort dans ses yeux. Chaque fibre de son être voulait s'effondrer sous le poids de la douleur et de l'émotion, mais elle savait qu'elle devait trouver en elle la force de continuer. Marlène lui tenait fermement la main, ses doigts entrelacés avec ceux de Tonks, lui offrant un point d'ancrage.

« Concentre-toi sur moi. Respire. Pousse quand je te le dirai. »

Elle se déplaça pour ajuster la position de Tonks et commença à l'examiner.

« Il est temps de pousser, ma belle. » intima Marlène.

Tonks s'exécuta, poussant de toutes ses forces. Avec chaque contraction, Tonks sentait une pression croissante. Marlène comptait lentement, l'encourageant à pousser à chaque fois. Malgré la douleur écrasante, Tonks sentait une étrange détermination la traverser. Cela lui parut interminable. Ses doigts agrippaient les draps, chaque muscle, chaque tendon semblait hurler en réponse à cette torture.

« Encore ! » incita Marlène, ses yeux brillants d'anticipation.

L'épuisement gagnait Tonks. Ses membres tremblaient, menaçant de céder à tout moment. La douleur la submergeait, la faisant vaciller entre cris et larmes. La sueur trempait son front alors luttait pour continuer. Jamais elle n'avait enduré un tel supplice. Il la consumait de l'intérieur, lui faisant perdre tout repère.

« Tu y es presque, ma chérie. » l'encouragea Marlène.

Avec un dernier effort, soutenue par une énergie qu'elle n'aurait jamais cru posséder, Tonks poussa encore. « Il est arrivé. » lui annonça la voix émue de Marlène.

Un cri aigu et plein de vie perça le silence, suivi rapidement par des pleurs vigoureux. A travers ses larmes, Tonks observa le bébé, niché dans les bras de Marlène.

Son bébé.

L'émotion l'envahit. La réalité lui semblait soudain irréelle.

« Tu as un magnifique garçon. » lui apprit Marlène, son visage rempli d'émotions.

Elle s'approcha et plaça le bébé contre Tonks. Avec émerveillement, cette dernière caressa les traits délicats de son fils, peinant à comprendre qu'elle venait de donner naissance à un être aussi parfait. Tandis qu'elle posait ses yeux sur lui, elle en oublia momentanément l'agonie qu'elle venait de traverser.

Un amour profond et incommensurable l'envahit. Les lèvres tremblantes, elle embrassa doucement son front, ses sanglots se mélangeant à des sentiments de gratitude et de soulagement. Il gesticulait contre sa poitrine, les yeux clos et Tonks l'observa d'un air béat.

Pourtant, malgré toute la joie, elle ne put s'empêcher d'avoir un pincement au cœur face au poids de l'absence de Remus. Elle aurait donné n'importe quoi pour sentir la main chaude de Remus sur son épaule, pour partager ce moment inoubliable avec lui. Elle coupa le cordon ombilical sous les directives de Marlène, qui emporta le bébé pour un examen. De nouvelles se firent ressentir, et Tonks se crispa. Remarquant son anxiété, une assistante de Marlène s'approcha, la rassurant :

« C'est normal, ma chérie. Tu es en train d'expulser le placenta. »

Tonks se sentit soudainement démunie. En vérité, la perspective de l'accouchement l'avait terrifiée, au point de choisir d'ignorer la plupart des détails s'y rapportant. Lorsque sa date d'accouchement s'était approchée, elle avait sollicité des informations plus complètes de Marlène. Toutefois, alors que cette dernière avait tenté de la préparer, Tonks l'avait rapidement interrompue, submergée par l'anxiété. Elle regrettait maintenant cette décision. Elle aurait voulu savoir à quoi s'attendre.

En tant que métamorphomage, elle avait toujours été fascinée par la capacité de son corps à se transformer. Depuis l'enfance, elle avait joué avec ses dons, explorant ses possibilités, même si elles étaient principalement esthétiques. Ressentir son corps subir d'aussi profondes transformations durant sa grossesse, s'adaptant à la croissance de son bébé, avait été pour elle une expérience à la fois étrange et fascinante. Marlène revint avec le bébé, propre et emmailloté dans une couverture douce. Elle le reposa doucement dans les bras de Tonks.

« As-tu des nouvelles de Remus et des autres ? » demanda Tonks à l'attention de Marlène, quelques heures plus tard.

Elle venait de poser le bébé endormi dans son couffin, après l'avoir nourri. Elle se tourna vers Marlène, le visage soucieux. L'idée que son fils puisse grandir sans son père et n'ait pas même l'occasion de le connaître la terrifiait.

« Nous venons de recevoir des nouvelles. Son état est stable. Il s'est réveillé. » lui apprit Marlène d'un ton rassurant. « Il va s'en remettre. »

Une vague de soulagement envahit Tonks à cette annonce.

« Concentrons-nous plutôt sur ton petit chocogrenouille. Il a besoin de toute ton attention. » dit gentiment Marlène en observant le bébé endormi.

Tonks hocha la tête, esquissant un sourire timide.

« As-tu réfléchi à un prénom ? » demanda Marlène, cherchant à la distraire.

« J'ai quelques options en tête mais je n'arrive pas à me décider. » avoua Tonks.

« Prends ton temps. » assura Marlène, percevant l'hésitation dans la voix de Tonks.

Le jour suivant, Tonks put quitter l'infirmerie et regagner sa chambre avec le bébé. Elle fut agréablement surprise de constater que la pièce avait été réaménagée. Un couffin joliment orné avait pris place près du lit, au-dessus duquel flottaient des formes lumineuses représentant diverses créatures magiques, dégageant une lumière apaisante. La commode était maintenant garnie des essentiels offerts ou récoltés lors de récents ravitaillements.

Elle remarqua le fauteuil à bascule confectionné par Ionas Weekes. Spécialiste des balais magiques, il avait pourtant pris plaisir à réaliser ce fauteuil, y intégrant certaines caractéristiques propres aux balais. Le fauteuil pouvait ainsi se balancer de lui-même et léviter légèrement au-dessus du sol. Tonks était émue par les marques d'affection de différents membres de l'Ordre. Depuis son intégration à l'Ordre, elle s'était souvent sentie en marge.

En réalité, cet isolement était en grande partie de son fait. Accablée par la culpabilité d'avoir indirectement permis à Maugrey et à d'autres extrémistes infiltrés chez les Goules Insoumis de s'échapper, elle s'était infligé un isolement volontaire. Elle s'en voulait profondément.

Marlène était la seule à qui elle s'était confiée sans retenue. Leur lien s'était renforcé durant la grossesse de Tonks. Marlène lui avait assuré que la majorité des membres comprenait son erreur et ne lui en voulait pas. Après tout, il était compliqué de douter d'une personne proche depuis tant d'années. De surcroît, Maugrey avait dissimulé ses véritables intentions avec brio.

« Tout le monde aurait pu faire cette erreur. » avait affirmé Marlène.

« Essaie de dire ça à Remus. » avait rétorqué Tonks, amère.

Remus était le plus sévère à son égard. C'était même lui qui avait suggéré sa punition – un séjour en isolement temporaire. Il avait été plus dur avec elle que n'importe qui d'autre, probablement pour prouver son impartialité malgré leur relation.

Le cœur de Tonks se réchauffa en parcourant les notes laissées par d'autres membres. Elle était émue par l'accueil et la bienveillance de ceux qu'elle connaissait à peine. Elle se promit d'être plus ouverte à l'avenir.

Elle s'installa confortablement dans le fauteuil, berçant son fils endormi. Absorbée par la quiétude du moment et le paysage extérieur, elle sursauta lorsqu'on frappa à la porte. Marlène venait souvent, tant pour vérifier si elle avait besoin de quelque chose que pour voir le bébé.

Même si Marlène avait souvent exprimé son désir de ne pas être mère, elle adorait les enfants. La façon dont elle interagissait avec les enfants de la faction ou qu'elle s'extasiait devant le fils de Tonks en était la preuve vivante.

Les yeux de Tonks s'agrandirent de surprise lorsqu'elle reconnut le visiteur.

« R… Remus ? » balbutia-t-elle avec incrédulité.

Elle n'avait pas anticipé le revoir si tôt, surtout après les informations inquiétantes que Severus leur avait transmises. Elle resta figée, son regard désemparé, fixé sur lui comme si elle doutait qu'il soit vraiment devant elle. Le revoir debout et bien vivant, bien que manifestement épuisé, était un choc émotionnel. Les récits de ses blessures l'avaient profondément bouleversée. Dans les yeux cuivrés de Remus, elle perçut une détresse certaine. Elle savait que ce n'était pas elle qu'il regardait, mais le bébé.

Leur fils.

Malgré ses douleurs, elle se leva avec précaution. Prone à la maladresse, elle prit soin de chacun de ses gestes. Son corps avait subi des changements intenses, tandis qu'elle se remettait du traumatisme physique qu'avait été son accouchement.

« Approche. » l'encouragea-t-elle, percevant sa réserve.

D'un pas lent et prudent, Remus s'approcha. Quand ses yeux se posèrent sur le visage de leur fils, Tonks y discerna un mélange d'étonnement et de béatitude.

« Prends-le. » proposa Tonks d'une voix douce.

Avec une délicatesse infinie, Remus le prit dans ses bras. Elle le sentait mal à l'aise, ce qui la fit sourire en repensant à ses propres premiers jours en tant que mère. Le visage de Remus s'éclaira d'une manière qu'elle n'avait pas vue depuis longtemps.

« Il est si… » commença-t-il.

Il s'interrompit, cherchant le terme approprié.

« Normal… » conclut-il.

Tonks laissa échapper un rire léger. Pour quiconque, ce choix de mots aurait pu paraître étrange, mais elle connaissait parfaitement ses craintes et ses insécurités. Les nouvelles de sa grossesse avaient été une source d'angoisse pour Remus, effrayé par l'idée de ce qu'il pourrait transmettre à leur enfant. Voir leur fils si innocent et si ordinaire devait être un soulagement pour lui.

« Il est parfait. » déclara-t-il finalement, l'émotion palpable dans sa voix.

Il leva les yeux vers Tonks, et un éclat particulier y brillait.

« Merci, » souffla-t-il avec reconnaissance.

Elle esquissa un sourire même si elle ne saisissait pas totalement la raison de sa gratitude.

« Je suis désolé, Tonks. » s'excusa Remus, une expression chagrinée sur ses traits. « De ne pas avoir été là. »

Dans sa voix, elle décelait toute son affliction et sa culpabilité.

« Tu es là désormais, sain et sauf. C'est tout ce qui compte.» affirma-t-elle.

Accoucher sans sa présence avait été une épreuve difficile. Elle aurait tant désiré qu'il soit là avec elle, mais sa gratitude était immense maintenant qu'il se tenait à ses côtés. Elle avait pris conscience que la situation aurait pu tourner en tragédie, et cette réalisation lui avait permis d'appréhender les choses sous un jour différent.

« Pendant la bataille... Vous étiez tout ce à quoi je pensais, » avoua Remus d'une voix empreinte de tourments. « Je pense que c'est ce qui m'a permis de tenir le coup. »

Tonks posa une main sur le bras de Remus, comme pour s'assurer qu'il était bien présent. Elle avait vraiment cru, l'espace de quelques secondes, qu'elle l'avait perdu. Une angoisse insoutenable l'avait submergée à cette pensée. Elle ne voulait plus jamais ressentir ce sentiment.

« Tu ne peux plus te mettre en danger de cette façon, Remus, » lui dit-elle d'une voix teintée de désespoir. « Pas maintenant qu'il est là. »

Il hocha la tête, semblant prendre conscience de ses mots, et Tonks ressentit un profond soulagement. Il avait été si difficile de le dissuader de faire ce voyage diplomatique et elle avait craint d'essuyer un nouvel échec. Remus ne semblait toutefois pas vouloir contester. Il était évident que les événements vécus l'avaient bouleversé. En une seconde, il aurait pu périr, laissant un vide incommensurable derrière lui. Tonks connaissait bien le sens aigu des responsabilités de Remus. Avec l'arrivée de leur fils, elle était persuadée qu'il serait encore plus déterminé à le protéger.

Elle esquissa un sourire, cette fois plus franc, signe qu'elle était prête à tourner la page sur cet horrible épisode.

« Maintenant que tu es ici, il y a une décision importante que nous devons prendre. » annonça-t-elle avec un sourire.

Intrigué, Remus haussa un sourcil.

« Quel nom allons-nous lui donner ? » demanda-t-elle.

L'expression de Remus s'illumina, effaçant momentanément les marques de fatigue de son visage. Il prit un air concentré devant la question de Tonks, comme s'il était investi d'une mission des plus importantes.

« J'avais pensé à Teddy. Comme… »

« Mon père. » souffla Tonks, surprise et touchée.

Remus acquiesça.

« Si tu approuves, évidemment. » ajouta-t-il.

Tonks hocha la tête avec enthousiasme. Remus passa un doigt sur les boucles clairsemées de leur fils, ses yeux brillants d'affection et de fierté. Tonks éprouva un élan d'amour et de protection en le voyant à son tour s'attacher à leur fils. Les angoisses des jours précédents s'envolèrent, tandis qu'elle observait les deux personnes qui comptaient le plus pour elle.

Sa famille.

Remus effleura délicatement les doigts frêles de son fils et lui adressa un sourire éclatant.

« Je suis ton papa, Teddy, » lui dit-il doucement. « Et je te promets d'être à tes côtés et de veiller sur toi. Pour toujours. »

/

Ginny apposa les sceaux requis sur le parchemin qu'elle venait de finaliser, puis le roula avec précaution avant de le ranger aux côtés d'une pile de documents identiques. Depuis que la Commission du département avait donné son aval pour la reprise du projet de loi proposé par la gouverneure Warrington, le volume de travail avait augmenté considérablement. Depuis des semaines, le cabinet s'affairait sans relâche pour satisfaire toutes les exigences de la commission avant les échéances imposées.

Il arrivait souvent à Ginny d'être abasourdie par l'ampleur du travail associé à un tel projet de loi. Bien que son objectif principal soit de permettre l'accès à une multitude de métiers prohibés aux Sang-Impurs, il impliquait également de nombreux ajustements dans divers secteurs qui seraient directement affectés. Le cabinet avait la responsabilité d'élaborer des solutions pour chacun de ces enjeux.

Ginny se consacrait à l'analyse des risques et des interdépendances liées à l'initiative. Elle travaillait aussi sur les mesures à adopter pour minimiser ces risques. Pour cela, elle devait régulièrement consulter des experts au sein du ministère possédant les connaissances indispensables pour l'aider à établir des suggestions réalistes et applicables.

« Je n'aurais jamais imaginé que cela prendrait autant de temps. » soupira Ginny en secouant la tête.

Depuis que la gouverneure Warrington l'avait embauchée à plein temps, Ginny était noyée dans le travail. Malgré ses efforts, elle avait souvent la sensation frustrante de stagner, forcée de s'éterniser sur des détails qui lui semblaient futiles mais exigés par la commission.

« C'est normal. » avait tenté de la rassurer Katrina Street Porter, toujours d'apparence sereine, même dans le tumulte. « En général, des projets de cette envergure s'étalent sur plusieurs années. L'administration est réputée pour sa lenteur. Crois-moi, compte tenu de la complexité de la tâche, nous progressons à un rythme impressionnant. »

Ginny, étant loin d'avoir autant d'expérience que Katrina, avait du mal à comparer. L'idée de s'atteler à un projet sur plusieurs années lui paraissait décourageante. La patience ne faisait pas partie de ses qualités. Elle était motivée par les résultats et avait besoin de régulièrement constater des preuves de son progrès.

C'était grâce à l'influence de la gouverneure Warrington que le projet de loi avait été élevé au rang de priorité, surpassant d'autres initiatives en discussion depuis bien plus longtemps. L'étude de rentabilité qu'elle avait soumise à la commission s'était révélée particulièrement persuasive. En mettant en avant le potentiel financier d'une telle réforme, elle avait su convaincre la commission d'allouer des moyens supplémentaires pour accélérer le processus. « L'argent motive plus que tout. » disait souvent Katrina. Mais cette accélération avait pour contrepartie une demande accrue de la commission, engendrant une avalanche de tâche administratives une activité chronophage et guère gratifiante.

Dépendant de multiples intervenants pour obtenir des validations, ils étaient tributaires des disponibilités, parfois contrariantes, de certains membres du ministère. Les entrevues avec des individus influents, souvent obtenues à la dernière minute, nécessitaient des préparations hâtives. Ginny avait perdu le compte des soirées prolongées passées au ministère ou des sessions nocturnes de travail à son domicile. Malgré le stress omniprésent, elle trouvait cette aventure exaltante. Elle comprenait les mots de Katrina : collaborer avec la Gouverneure était exigeant mais aussi profondément gratifiant. Parfois, elle se remémorait sa vie, un an plus tôt. Jamais elle n'aurait pu acquérir tant de compétences aux Bons Breuvages de Burke.

Immergée dans un milieu aussi stimulant, Ginny se surprenait parfois à aspirer à plus encore. Elle côtoyait des personnes brillantes quotidiennement, animées par la détermination et le dynamisme de la gouverneure. Malgré son âge avancé, cette dernière démontrait une vitalité contagieuse, et Ginny ne pouvait qu'admirer son esprit vif et vigueur.

Son implication profonde dans le projet lui permettait de tisser des liens avec Cressida et son entourage - une clé pour la mission secrète confiée par Narcissa Malfoy. Ginny devait toujours décoder les messages inscrits dans la copie de l'agenda qu'elle avait subtilisé lors d'un match des Harpies de Holyhead. Elle avait tenté, en vain, de déchiffrer ces annotations durant de nombreuses heures. Elle avait ensuite sondé Cormac McLaggen, l'assistant de Warrington. Mais, bien qu'il gère les rendez-vous professionnels de cette dernière, il semblait écarté de ses discussions plus stratégiques, menées principalement avec Katrina. Ginny était convaincue que Katrina était dans la confidence, mais cette dernière se révélait être une gardienne efficace de ses secrets. Si Katrina se montrait généralement volubile avec Ginny, la conseillant sur les subtilités des jeux interpersonnels et politiques du ministère, elle devenait évasive dès qu'il s'agissait de la Gouverneure. Une fidélité indéfectible se décelait chez elle. Ginny était consciente de la nécessité de faire preuve de prudence dans ses interactions avec Katrina et les autres. Elle ne souhaitait pas sembler trop inquisitrice et risquer d'éveiller des soupçons.

Devant son incapacité à déchiffrer les messages énigmatiques de l'agenda, Ginny avait décidé de consulter son amie Luna, indiscutablement l'un des esprits les plus affutés qu'elle connaissait, avec Hermione.

Cependant, Hermione demeurait introuvable suite à sa disparition mystérieuse. Bien que Ginny se soit souvent appuyée sur elle auparavant, cela n'était désormais plus une option. Parfois, son esprit vagabondait vers son ancienne amie, se demandant où elle pouvait bien être et si elle regrettait sa décision abrupte de quitter Théodore, pour échapper au tourment dont elle avait souffert aux mains de l'élite du régime.

Même si leurs dernières interactions lui avaient laissé un goût amer, Ginny ressentirait toujours de l'affection pour Hermione. Elles avaient cohabité pendant trois ans, et cette amitié avait joué un rôle important dans la vie de Ginny, malgré leurs caractères distincts et leurs perspectives divergentes sur le monde. Il était regrettable que leur amitié se soit brisée à cause d'un désaccord de points de vue, exacerbé par l'intransigeance d'Hermione, mais il n'était pas possible de revenir en arrière.

Plutôt que de ressasser le passé, Ginny avait choisi de se concentrer sur les amis qui étaient toujours présents dans sa vie : Neville et Luna. Après les avoir négligés pendant son immersion dans l'univers des Sang-Purs, elle s'était efforcée de renouer avec eux. Elle ne souhaitait pas compromettre ces amitiés, comme cela avait été le cas avec Hermione.

Ginny s'était bien gardée de révéler à Luna la teneur exacte des messages codés. Elle n'avait pas non plus évoqué la Gouverneure et avait esquivé la question de la provenance de l'agenda. Elle espérait néanmoins que, même avec ces informations parcellaires, Luna pourrait l'aider.

« Veux-tu déjeuner ? » proposa Katrina, interrompant les réflexions de Ginny.

Cette dernière acquiesça avec enthousiasme, souhaitant profiter d'une pause bien méritée après une matinée éprouvante. Elles se dirigèrent vers la cafétéria du ministère.

« J'ai entendu dire qu'ils avaient retrouvé le corps de Bob Ogden. » révéla Katrina alors qu'elles prenaient place à une table.

« Bob Ogden ? Qui est-ce ? » demanda Ginny, en stoppant la bouchée de soupe à la citrouille qu'elle s'apprêtait à mettre en bouche.

« Un membre du Magenmagot. » expliqua Katrina. « Peut-être que le nom de son frère, Tiberius Ogden, te dira quelque chose ? Il était l'ancien ministère du Département de l'Uniformisation de la Pureté Exemplaire, avant Dolorès Ombrage. »

Ginny secoua la tête. Bien qu'elle connaisse le nom de Dolorès Ombrage à cause de sa réputation, elle n'avait jamais entendu parler de ces deux hommes. D'ailleurs, Cressida Warrington n'avait pas une haute opinion d'Ombrage, à en juger certains commentaires glissés ici et là.

« Que lui est-il arrivé ? » interrogea Ginny.

« La cause de sa mort n'a pas été communiquée officiellement. Apparemment, la famille a demandé de garder la confidentialité. Cependant, j'ai appris par une amie du Département des Accidents Magiques qu'il avait été vu pour la dernière fois près du Quartier des Embrumes, visiblement mal en point. Les rumeurs évoquent des affaires louches. »

« Que veux-tu dire ? » demanda Ginny, intriguée.

« Disons qu'il avait des penchants assez singuliers dans la chambre à coucher, si tu vois ce que je veux dire. D'ailleurs son frère a été évincé de son poste suite à un scandale de nature... intime. Deux pervers en puissance qui utilisaient leur position pour assouvir leurs désirs malsains. La plupart d'entre eux sont de parfaits hypocrites. Ils créent toutes ces lois restrictives et prônent des valeurs traditionnelles en public, tout en se livrant à des comportements douteux dans la sphère privée. Et grâce à leurs relations, ils échappent souvent aux conséquences. » ajouta-t-elle.

« Tu penses que sa mort est liée à ces pratiques ? » interrogea Ginny, effarée.

« Aucune idée. Qui sait, peut-être une escapade qui a mal tourné ? En tout cas, le mystère autour de sa mort est suspect, si tu veux mon avis. » commenta Katrina en prenant une bouchée de salade. « Certaines d'entre eux participent régulièrement à des orgies pleines de débauches où ils sont tous sous l'effet de produits illicites. Et je sais de source sûre que ce ne sont pas des rumeurs. »

Ginny grimaça à cette révélation. Ce que Draco lui avait confié sur l'hypocrisie des personnes haut placées semblait se confirmer. Toutefois, seule l'image lisse et parfaite qu'ils affichaient en public prévalait. Une comédie à laquelle tous s'adonnaient.

Après une longue journée au ministère, la jeune femme décida de se rendre à l'Augurey Magistral. Elle n'avait pas vu Draco depuis des jours, accaparé par ses responsabilités à l'hôtel. Il se préparait à passer le flambeau à son successeur, avant d'intégrer officiellement Machinations Malforescentes. Ses tentatives de contact via son miroir à double sens pendant l'après-midi étaient restées sans réponse. N'ayant pas la patience d'attendre de confirmer s'il pourrait la recevoir, Ginny avait décidé de s'y rendre directement. Bien qu'elle sache qu'il ne l'ignorait pas de manière volontaire, cela ne signifiait pas que cela ne la dérangeait pas.

Suite à une requête de Narcissa demandant plus de discrétion, ils avaient décidé de ne plus se voir à l'Augurey Magistral. C'était l'une de ses conditions pour les laisser continuer à se fréquenter. Ginny savait toutefois que cette dernière était extrêmement occupée par son rôle de gouverneure et n'aurait sans doute pas le loisir de surveiller leurs moindres faits et gestes.

Avec le temps, Ginny avait développé un sens aigu pour éviter les indiscrétions lors de ses visites à l'Augurey. À cette heure, la réceptionniste de Draco, qu'elle soupçonnait d'être à la solde de Narcissa, avait fini son service.

Le garde du couloir, qui autrefois l'avait rudoyée, l'accueillit cette fois avec une politesse marquée, fuyant son regard. Lors de l'une de ses précédentes visites, il l'avait accosté de manière virulente. Contrarié, Draco avait ordonné à sa garde rapprochée de le réprimander sévèrement. Depuis, lors des rares fois où ils s'étaient croisés, l'homme s'était montré étrangement poli et docile avec Ginny.

Arrivée devant le bureau de Draco, elle frappa doucement et entra lorsqu'il l'invita. Elle le trouva installé sur le sofa du bureau, et une multitude de parchemins jonchaient la table basse face à lui. En voyant Ginny, la tension sur son visage se dissipa. Elle était toujours étonnée de le voir paraître si alerte, même lorsqu'elle savait qu'il était épuisé. Elle le rejoignit sur le sofa, jetant un coup d'œil désabusé à la masse de documents.

« Je suppose que mon souhait de passer la soirée ensemble relève de la douce illusion. » commenta-t-elle avec un soupir.

« J'étais en réunion toute la journée. Je n'ai pas eu le temps de t'avertir. » expliqua-t-il.

Même si le visage de Ginny resta inexpressif, ses yeux trahissaient probablement une certaine déception. Elle comprenait ses obligations, mais se sentait négligée. Draco, percevant son malaise, passa un bras autour de ses épaules pour la tirer vers lui. Elle ne réagit pas.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? » demanda-t-il, son regard sondant le sien.

« Rien. »

« Dis-moi ce qui te préoccupe, Ginevra. » insista-t-il d'une voix qui sonnait presque comme un ordre.

« C'est frustrant » admit-elle finalement. « J'ai l'impression que nous ne passons plus beaucoup de temps ensemble. Je sais que nous sommes tous les deux occupés, et que la situation nous force à être discrets, mais ça ne rend pas la situation moins pesante. »

Elle s'efforça de garder une voix neutre, ne voulant pas paraître dans la plainte. Elle était généralement compréhensive face à leur situation spéciale, mais par moments, une circonstance inattendue lui rappelait ce qui leur manquait. Comme ce jour où, à la sortie du ministère, elle avait aperçu le mari de Katrina l'attendre pour un dîner surprise au restaurant à l'occasion de leur anniversaire de mariage. Il lui arrivait parfois de repenser aux paroles tranchantes de Bill lorsqu'il avait découvert sa relation secrète avec Draco.

« Comment appelles-tu une femme qu'un homme vient voir dans la nuit noire ? Une femme qu'il ne peut probablement pas assumer publiquement ? Comment appelles-tu ça, Ginny ? Parce que j'ai un terme en tête, mais je ne crois pas que tu sois prête à l'entendre. »

Même si ces mots étaient cruels et déformés, ils contenaient une part de vérité. Vue de l'extérieur, leur relation semblait clandestine, presque honteuse. Elle savait très bien qu'elle représentait bien plus que ça pour Draco. Mais le problème résidait dans le fait qu'ils étaient les seuls à en avoir conscience. Elle aspirait à ce que ce sentiment soit tangible, visible. Cette discrétion forcée générait une insécurité, pesante à la longue.

Draco avait de nombreuses qualités. Il tenait ses promesses et lui démontrait son affection de manière très pragmatique. Mais il lui manquait parfois un brin de romantisme. Elle n'attendait pas des montagnes, mais simplement de ressentir, de temps en temps, qu'elle était sa priorité.

« J'ai bien saisi les allusions. Je vais faire des efforts. » céda-t-il.

Son acquiescement sans détours la désarçonna et elle esquissa un sourire étincelant. Il était rafraîchissant de ne pas devoir lutter pour se faire entendre comme au début de leur relation, où tout avait été sujet à confrontation.

Pansy prétendait régulièrement qu'un homme épris était prêt à négocier ses habitudes pour la femme qu'il aimait. Si Draco aurait probablement ignoré ses plaintes quelques mois auparavant, désormais, il semblait plus apte à faire des compromis pour lui faire plaisir.

Un pouvoir parfois utile, même si Ginny savait qu'elle ne devait pas en abuser.

« Merci. » dit-elle avec reconnaissance, le sourire aux lèvres.

Se rapprochant de lui, elle se fondit davantage dans son étreinte. Elle effleura doucement ses lèvres du bout des siennes avant de déposer une traînée de baisers sur ses joues, sa mâchoire et sa nuque.

« Je sais que tu as une longue soirée de travail qui t'attend. Laisse-moi te donner un peu de motivation. » murmura-t-elle d'une voix suave à son oreille.

Elle se redressa et attacha ses cheveux en une queue de cheval haute, les dégageant de son visage. Elle se laissa glisser le long du bord du sofa, s'agenouillant. Ses mains se dirigèrent avec détermination vers la boucle de sa ceinture, qu'elle commença à défaire très lentement, sans le lâcher du regard.

« Est-ce que je t'ai déjà dit que tu avais de très bonnes idées ? » dit-il, l'air appréciateur.

Un sourire espiègle naquit sur les lèvres de Ginny, son regard s'intensifiant alors qu'elle poursuivait sa manœuvre.

Cependant, le son intrusif de son miroir à double sens la stoppa net. Elle fronça les sourcils, intriguée. Qui pouvait bien l'appeler à cette heure-ci ? Elle était presque certaine que Pansy serait trop occupée avec son propre Auror pour penser à la déranger.

Malgré les protestations de Draco, Ginny se releva et attrapa le miroir de la poche intérieure de sa cape drapée sur l'accoudoir du canapé.

« Ne réponds pas. » insista Draco, visiblement mécontent de l'interruption.

Ginny lui adressa un sourire amusé qui s'effaça brusquement lorsqu'elle identifia le visage dans le miroir

« C'est ta mère. » le prévint-elle d'une voix blanche.

Il arqua un sourcil, aussi surpris qu'elle.

« Pourquoi t'appelle-t-elle à cette heure ? »

« Aucune idée. » répondit Ginny, préoccupée.

L'ombre d'une pensée la traversa. Narcissa aurait-elle découvert sa visite impromptue et non autorisée à l'Augurey Magistral ? Elle savait que la matriarche Malfoy avait ses propres informateurs, prêts à la tenir au courant des moindres faits et gestes. Ginny ressentit un pincement d'anxiété. Elle avait besoin de rester dans les bonnes grâces de Narcissa, surtout après les révélations sur le sort de sa famille durant le funeste incendie.

Ginny s'empressa de reprendre une position assise sur le sofa, positionnant le miroir de sorte que Draco reste hors de vue.

« Valeur et vigueur, Miss Weasley. » la salua Narcissa d'une voix impérieuse.

« Valeur et vertu, Mrs Malfoy. » répondit poliment Ginny, essayant d'infuser sa voix d'une innocence feinte.

Du coin de l'œil, Ginny aperçut Draco ricaner. Elle dut se mordre la lèvre pour ne pas rejoindre son hilarité.

« J'ai besoin de m'entretenir avec vous sans tarder. Pouvez-vous me rejoindre dans notre salle privée habituelle à l'Augurey Magistral ? » réclama Narcissa.

« Oh… » dit Ginny, prise au dépourvu. « Est-il possible de remettre cela à demain ? Il se fait tard, vous comprenez... »

« Malheureusement, non. C'est urgent. Et, croyez-moi, vous allez vouloir entendre ce que j'ai à vous dire au plus vite. Je vous attends. » déclara Narcissa.

Sans plus attendre, Narcissa coupa la communication avant que Ginny n'ait eu le temps d'ajouter quoi que ce soit. Draco lui jeta un regard interrogatoire.

« C'était rapide. Que voulait-elle ? » demanda-t-il.

« Elle veut me parler de toute urgence. Apparemment, ça ne peut pas attendre. » expliqua Ginny, décontenancée.

Elle saisit sa cape et esquissa un geste pour la revêtir. Draco posa sa main sur son bras, comme pour l'arrêter.

« Attends une seconde. N'étais-tu pas en plein milieu de quelque chose ? » s'indigna-t-il.

« Je n'ai rien commencé, alors il n'y a rien à terminer. » répliqua-t-elle d'un ton plein de malice.

Il semblait sur le point de contester, mais un doigt posé sur ses lèvres le fit taire.

« Toi et moi savons très bien que je ne peux pas faire attendre ta mère, mon cher. » rappella-t-elle mi-sérieuse, mi-amusée.

« Tu reviendras après, dans ce cas ? » demanda-t-il avec une pointe d'espoir dans la voix.

Elle secoua la tête. Elle n'allait pas prendre le risque de revenir alors que Narcissa était dans les parages. Si elle les surprenait tous les deux alors qu'ils n'étaient pas supposés se voir dans un lieu public - même s'il s'agissait de son bureau - ils attireraient sans aucun doute ses foudres.

« Non. » refusa Ginny. « Ce sera pour un autre jour. Bonne nuit, Draco. »

« Comment suis-je supposé réussir à dormir après cela ? » se plaignit-il.

« Reste éveillé, dans ce cas. Tu finiras plus vite ton travail. » suggéra-t-elle d'un ton ironique.

Il leva les yeux au ciel face à sa réponse et elle laissa échapper un rire. Ginny se laissa faire lorsqu'il l'attira de nouveau à lui, l'invitant à prendre place sur ses genoux. Draco posa une traînée de baisers humides dans sa nuque, la faisant frissonner de plaisir. Il lui murmura à l'oreille toutes les choses qu'il comptait lui faire lorsqu'ils se reverraient. Le visage de la jeune femme devint écarlate, se demandant comment elle allait pouvoir garder son sérieux face à Narcissa avec de telles images en tête. Ils échangèrent un dernier baiser fougueux avant que Ginny ne quitte la pièce. Dans les couloirs, elle prit soin de prendre son temps et un itinéraire plus long pour rejoindre la suite privée dans laquelle elle rencontrait généralement Narcissa.

Une Auror à l'air peu commode se tenait devant la porte, montant la garde. Depuis que Narcissa était devenue gouverneure, sa sécurité était assurée par les Aurors et non plus par les Mangemorts, tout comme les membres du Coven sacré. L'Auror, dont l'expression ne trahissait aucune émotion, procéda à un sort de détection sur Ginny avant de la laisser entrer. Toutefois, elle la suivit à l'intérieur, se tenant près de l'entrée.

« Je ne m'attendais pas à vous voir arriver si rapidement, Miss Weasley. » commenta Narcissa en levant un sourcil parfaitement arqué.

« À vrai dire, j'étais dans les environs. » répondit Ginny.

Narcissa la fixa, ses yeux bleus la scrutant intensément.

« Par 'dans les environs', vous voulez dire dans le bureau de mon fils, j'imagine ? » demanda-t-elle d'un ton entendu.

« Qu'est-ce qui vous fait penser cela ? » demanda Ginny avec une fausse désinvolture.

« 'Le Cri de la Mandragore', que j'ai aperçue dans le reflet du miroir. À ma connaissance, cette œuvre n'existe qu'en un seul exemplaire. » commenta calmement Narcissa.

Ginny sentit une bouffée de chaleur l'envahir. Elle avait pris la précaution de ne pas inclure Draco dans le champ de vision, mais elle avait négligé les détails de la pièce, que Narcissa connaissait manifestement par cœur. Cette femme était trop observatrice et tenter de lui mentir était peine perdue.

Narcissa lui adressa un regard entendu, mais n'insista pas davantage au grand soulagement de Ginny.

« J'ai une annonce à vous faire qui, je pense, vous ravira. » déclara Narcissa.

Ginny plissa les yeux, intriguée par cette nouvelle qui ne pouvait pas attendre.

« Vous savez probablement que les déplacements à l'étranger sont actuellement prohibés jusqu'à nouvel ordre par décret du Coven sacré. Cependant, un paquebot quittera bientôt nos côtes en toute discrétion. C'est un départ secret, le dernier avant probablement très longtemps. » annonça Narcissa.

La confusion se peignit sur le visage de Ginny. Pourquoi lui disait-elle cela ? Les Sang-Impurs n'avaient déjà pas le droit de quitter le territoire. Ils étaient même rares chez les Sang-Purs, et nécessitaient des circonstances extraordinaires, comme des missions diplomatiques ou des événements sportifs. La majorité du temps, le pays accueillait plus d'immigrants qu'il n'en voyait partir. Fleur était l'exemple parfait de cette situation. Elle était venue en Angleterre pour un échange scolaire qui devait initialement durer une année. Une situation presque unique puisque la plupart des immigrants ne retournaient généralement pas chez eux. Or, Fleur était tombée sous le charme de Bill, et en l'épousant, elle avait perdu son statut et les privilèges qui y étaient associés.

« J'ai obtenu des passeports spéciaux pour toute votre famille. » poursuivit Narcissa. « Un prétexte pour permettre à votre belle-sœur de retrouver ses racines avec sa nouvelle famille. Si je ne m'abuse, elle n'a pas revu les siens depuis son mariage avec votre frère. »

La dernière fois que Fleur avait contacté sa famille remontait à la lettre qu'elle leur avait envoyée juste avant d'épouser Bill. Depuis lors, ils étaient sans nouvelles de sa nouvelle vie, et ignoraient même l'existence de leurs petites-filles.

« Bien sûr, ce voyage est présenté comme étant temporaire mais l'intention est de le rendre permanent. » révéla Narcissa, les yeux brillants d'une lueur mystérieuse.

Ginny sentit son cœur s'accélérer.

« Vous... Vous voulez dire que ma famille peut quitter le pays ? » demanda-t-elle, presque sans voix, luttant pour assimiler cette information.

« Exactement, Miss Weasley. Notre objectif initial était d'obtenir une grâce pour votre frère. Toutefois, après mes recherches, il est clair que cela restera une tâche impossible. Cette alternative offre toutefois une bien meilleure perspective. Votre famille pourra vivre en liberté en France. » détailla Narcissa.

Ginny était abasourdie. C'était un tournant inattendu, bien au-delà de ses espoirs les plus fous

« Quand… » articula-t-elle finalement.

« Dans dix jours. C'est précipité, j'en suis conscient mais commencez à préparer votre famille. Je vous transmettrai tous les détails nécessaires. Cependant, restez discrète pour ne pas éveiller les soupçons. Il y aura des yeux et des oreilles partout, et il est crucial que cette information ne s'ébruite pas avant le départ. » expliqua Narcissa.

Ginny acquiesça, signifiant qu'elle avait bien compris. Cependant, une interrogation la préoccupait encore.

« Est-ce également valable pour moi ? » demanda-t-elle d'une voix hésitante.

Les paroles de Narcissa avaient laissé planer le doute sur son propre sort.

« Si telle est votre volonté, je pourrais arranger cela. » ajouta Narcissa en la regardant intensément.

Ginny cligna des yeux, confuse, tentant de traiter l'information que Narcissa venait de lui donner.

Partir.

S'échapper du régime.

Pour toujours.

Cette idée, aussi séduisante qu'elle était terrifiante, n'avait jamais traversé son esprit auparavant

« Je reviendrai vers vous avec les détails dans les jours à venir. Je vous conseille d'en parler à votre famille dès que possible. Assurez-vous qu'ils restent discrets. Si quelqu'un découvre notre plan, nous serons tous en grave danger. » prévint gravement Narcissa. « Quant à vous, Miss Weasley, vous avez dix jours pour prendre votre décision. »

« M…Merci. » fut la seule chose qu'elle fut capable de prononcer.

« Je vais retrouver mon fils pour m'entretenir avec lui. Il semble s'être quelque peu éclipsé récemment. J'imagine qu'il doit être dans son bureau ? » demanda Narcissa d'un ton qui ne laissait aucun doute sur le fait qu'elle savait exactement où Draco se trouvait.

Ginny se contenta d'acquiescer, réalisant que nier sa rencontre récente avec Draco dans son bureau serait futile. Narcissa lui lança un dernier regard appuyé avant de sortir, suivie de près par l'Auror, laissant Ginny seule pour assimiler la nouvelle.

Un mélange d'excitation et de nervosité la submergea. Elle avait enfin la chance de sauver sa famille, de les libérer de l'oppression qu'ils subissaient depuis si longtemps. Ses nièces pourraient grandir loin de cette vie de subjugation. Elles seraient libres. Elles seraient respectées. Elles seraient heureuses.

Tout le travail acharné qu'elle avait fourni en naviguant dans les eaux troubles de la haute société des Sang-Purs portait enfin ses fruits. Pas exactement de la manière qu'elle avait anticipée, mais, comme Narcissa l'avait si bien dit, c'était une solution bien meilleure.

Des larmes de joie commencèrent à rouler sur ses joues.

Puis, une autre prise de conscience surgit soudainement, aussi impitoyable qu'un coup de poing. Une pensée qui la stoppa net, enroulant un nœud d'angoisse autour de son estomac.

Si elle partait, elle obtiendrait également sa propre liberté. Mais cela signifierait également la fin de sa relation avec Draco.

Elle laisserait aussi derrière elle ses amis et ses proches. Luna, Neville, Pansy, Hermione, Katrina, Théodore, les Diggory. Toute cette existence qu'elle avait laborieusement bâtie malgré le poids de son statut diminué.

Elle s'appuya sur la table la plus proche, saisie d'un vertige. Elle ignora combien de temps elle resta figée dans cette position, dans le désarroi le plus total.

Draco.

Il se trouvait à quelques mètres d'elle, et pourtant, elle savait qu'elle ne pourrait pas lui faire face à cet instant précis. De plus, Narcissa était sûrement avec lui. Elle lui parlerait demain, décida Ginny, le cœur lourd, consciente qu'elle cherchait probablement à retarder la conversation inévitable et déchirante qu'ils devraient avoir.

Chamboulée, elle sortit précipitamment de l'Augurey Magistral, l'esprit ailleurs, ses pas la guidant presque mécaniquement. Elle percuta plusieurs personnes sur son chemin, murmurant à peine des excuses, pressée de retourner chez elle. Son esprit était assailli par les questions et les doutes. Un tumulte d'émotions contradictoires la submergea.

Un dilemme torturant prenait forme en elle.

Si elle partait, elle renonçait à la vie qu'elle avait bâtie ici. Une existence où, malgré son statut inférieur, elle avait découvert une certaine satisfaction et avait su se créer des opportunités pourtant inhabituelles pour une personne comme elle.

Elle renonçait à ses amis.

Elle renonçait à un travail qu'elle avait fini par chérir.

Et, par-dessus tout, elle renonçait à Draco.

L'avenir avec lui était une question qui la hantait fréquemment. Malgré son amour pour lui, elle avait toujours su, au fond d'elle, que leur relation ne pourrait jamais être pleinement épanouissante en raison des barrières sociétales. Néanmoins, elle avait choisi d'y plonger à cœur perdu, espérant qu'ils pourraient un jour être ensemble sans contraintes.

L'idée même de le perdre la dévastait.

Cependant, si elle choisissait de rester, elle sacrifierait ce qui restait de sa famille. Elle avait déjà dû endurer la perte d'une partie considérable de ses proches. En continuant sa vie sous ce régime, elle perdrait les derniers membres de sa famille qui lui étaient chers.

Bill, Fleur, Victoire et Dominique.

Cette pensée était elle aussi déchirante.

Elle se priverait aussi de l'opportunité de vivre pleinement, jouissant de droits et de liberté, loin de la tyrannie et sans l'angoisse profonde d'être démasquée car elle espionnait un membre du Coven sacré. Un acte de trahison qui pourrait la mener à l'échafaud si on l'apprenait.

Ginny était rentrée chez elle par automatisme, à peine consciente de ses mouvements. Lorsqu'elle franchit le seuil de son appartement, elle se laissa tomber sur le canapé, submergée par l'obscurité ambiante. Les larmes inondaient toujours ses joues, et son cœur battait la chamade.

Ses mains, moites à cause de l'anxiété, s'élevèrent pour cacher son visage en larmes, ses pleurs devenant de plus en plus forts.

Dix jours.

Comment était-elle censée prendre une décision aussi monumentale en si peu de temps ? C'était un délai dérisoire pour déterminer l'orientation de toute sa vie. C'était comme si le monde s'effondrait autour d'elle. C'était le but qu'elle avait poursuivi avec tant d'ardeur pendant si longtemps. Pourtant, face à cette perspective inespérée, elle en vint à souhaiter que quelqu'un la lui arrache.

Pourquoi tout cela devait-il être si compliqué ?

Cela n'aurait jamais dû se passer ainsi. Elle n'aurait jamais dû croiser la route de Draco Malfoy. Elle n'aurait jamais dû conclure ce pacte avec lui. Et par-dessus tout, elle n'aurait jamais dû tomber amoureuse.

Pourtant, malgré la douleur et le désespoir, une résolution se cristallisa en elle : elle éviterait Draco jusqu'à ce que sa décision soit prise. Elle craignait que sa présence et son influence l'empêcheraient de penser clairement. Si elle choisissait de rester, elle voulait être certaine que c'était une décision qu'elle avait prise elle-même, après mûre réflexion, et non sous l'influence de ses sentiments.

Son miroir à double sens commença à vibrer.

En voyant le reflet, elle reconnut Draco. Une bouffée d'angoisse la submergea.

Avait-il été mis au courant ? Est-ce que Narcissa lui avait révélé la nouvelle lors de leur rencontre ? Ou attendait-elle que Ginny le fasse elle-même ?

Ginny ne répondit pas, laissant le miroir retentir sans fin, la boule au ventre, les yeux brouillés de larmes, la culpabilité la rongeant de toutes parts. Elle rejoignit sa chambre, laissant volontairement le miroir dans le séjour. Elle jeta également un sort de silence à sa porte d'entrée. La confrontation était la dernière chose dont elle avait besoin en ce moment, et elle savait qu'elle perdrait pied. Sa faiblesse n'était plus à prouver lorsqu'il s'agissait de lui.

Le lendemain, les tentatives se multiplièrent au fil des heures et Ginny comprit qu'il était au courant. Il n'avait jamais agi de la sorte et n'était pas du genre à insister autant. Même lorsqu'elle l'avait évité après la découverte de son lien avec Daphné Greengrass, il avait respecté son espace.

Elle savait qu'il se rendrait à son appartement si elle continuait à l'éviter ainsi. Elle décida qu'il était préférable de s'éloigner temporairement, jusqu'à ce qu'elle soit prête à aborder le sujet avec lui. Elle réclama son après-midi auprès de la Gouverneure, feignant d'être souffrante. Sa mine défaite et ses traits tirés rendirent sa feinte crédible aux yeux de ses collègues.

Ginny se présenta devant la porte de Chaumière Aux Coquillages et pressa la sonnette d'un geste tremblant. Fleur ouvrit la porte et un large sourire illumina son visage. Sans attendre, elle enlaça chaleureusement Ginny.

« Oh Ginny ! Je zuis zi heureuse de te voir ! » s'exclama-t-elle avec joie.

Depuis sa dispute avec Bill, Ginny s'était tenue à l'écart. Elle avait gardé contact avec Fleur par correspondance, en demandant régulièrement des nouvelles de ses nièces, mais avait évité les dîners hebdomadaires en famille.

Quand Fleur s'écarta, elle remarqua l'air sombre et grave sur le visage de Ginny, qui n'avait pas répondu à son étreinte chaleureuse. Elle était heureuse de voir sa belle-sœur, évidemment, mais les circonstances étaient compliquées.

« Que se passe-t-il ? » demanda Fleur, alarmée.

Ginny savait que son visage devrait refléter toute sa tourmente et Fleur était facilement angoissée. Elle respira profondément, cherchant ses mots.

« J'ai quelque chose à te dire. » murmura-t-elle avant de rentrer à l'intérieur.

L'inquiétude sur le visage de Fleur grandissait à vue d'œil.

« Que ze passe-t-il Ginny ? Tu commences à me faire peur. » dit Fleur, paniquée.

« Dans dix jours - enfin neuf - nous aurons la possibilité de quitter le pays et de partir pour la France. » lui annonça Ginny d'un ton tremblant. « Définitivement. »

L'incompréhension se mêla à la surprise dans les yeux bleus de Fleur.

« Que... Qu'est-ze que tu racontes ? » bredouilla Fleur, confuse.

Ginny lui relata les détails dont elle disposait, essayant d'être le plus claire possible. Fleur écouta en silence, abasourdie par les révélations. Cependant, une fois le choc initial dissipé, un rayonnement de joie émana de Fleur. Évidemment, de son point de vue, ce départ n'avait que des répercussions positives. Fleur la serra de nouveau dans ses bras, commençant à pleurer de bonheur et Ginny fit de même, bien que ses pleurs soient causés par des raisons différentes.

Au fil de l'après-midi, Fleur commença à élaborer des plans, discutant de ce qu'il serait judicieux de laisser derrière eux afin de ne pas éveiller de suspicions lors de leur départ. Elle exprima à Ginny son impatience de retrouver sa famille - ses parents, sa petite sœur Gabrielle, qui avait certainement bien grandi, et tout le reste de sa famille élargie. L'idée de pouvoir les faire rencontrer à ses filles la fit fondre de nouveau en larmes.

Totalement immergée dans cet excès de bonheur, Fleur ne remarqua pas la détresse de Ginny restée silencieuse. Tout l'après-midi, cette dernière s'occupa de Dominique, l'air distrait, une boule d'angoisse au ventre. Elle avait désactivé son miroir à double sens, angoissée par les appels incessants de Draco. Elle avait besoin de temps pour savoir ce qu'elle allait devoir faire.

Ginny était cependant bien consciente que si elle choisissait de partir, elle limitait le temps précieux qui leur restait. Cette idée accentua son sentiment de culpabilité et elle se remit à pleurer. Elle s'était réfugiée dans la salle de bains et avait jeté un sort de silence pour que Fleur ne l'entende pas.

Peut-être était-ce plus simple ? tenta-t-elle de se convaincre. Elle ne supportait pas l'idée de longs et douloureux adieux. L'idée était déchirante. Les tentatives de contact de Draco l'interpellaient. Était-il persuadé qu'elle décidait de partir ? Elle savait que si elle se retrouvait devant lui sans décision prise et qu'il essayait de la persuader, elle flancherait. Elle ne voulait pas être influencée ainsi. Sa décision devait être personnelle. C'était la seule façon de ne pas regretter son choix plus tard.

Lorsque Ginny descendit les escaliers, elle perçut une agitation dans le salon. Bill était rentré du travail. En atteignant le bas de l'escalier, elle vit que Fleur s'était précipitée vers son mari. Ginny s'arrêta sur la première marche, incertaine. Elle n'avait pas vu Bill depuis leur dispute. Elle l'avait contacté une seule fois pour lui confirmer les informations reçues de Narcissa concernant la fuite de leurs parents.

Malgré sa propre douleur et sa rancœur envers lui, elle ne voulait pas le voir souffrir alors qu'elle pouvait atténuer des années de culpabilité et de chagrin. Malgré leur conflit, c'était son frère et elle l'aimait profondément.

Leur regard se croisa et Ginny lut dans les yeux bleus de Bill toute l'émotion qui le submergeait. Il semblait tout aussi perdu et surpris qu'elle et Fleur.

« Ginny ? » murmura-t-il en la voyant, visiblement surpris.

Sans rien dire, Ginny courut dans sa direction et se jeta dans ses bras. Il l'étreignit longuement, tandis qu'elle fondait en larmes.

Leur dispute et sa colère contre lui paraissait désormais si stupide maintenant qu'elle avait reçu cette nouvelle et que ce dilemme s'imposait à elle.

« Je suis tellement désolé. » dit-il, la voix ébranlée.

Elle savait qu'il faisait référence à leur dernière conversation, mais à présent, elle ne lui en tenait plus rigueur.

« C'est vrai ? Ce que Fleur vient de dire ? Nous pouvons vraiment quitter le régime ? » demanda-t-il d'une voix incertaine et mesurée, comme s'il craignait d'y croire.

Ginny hocha la tête pour confirmer.

Un éclat de joie intense illumina le visage de Bill. Une expression qu'elle avait rarement vue à travers les années. Juste à des occasions très spéciales comme son mariage avec Fleur ou à la naissance de ses filles.

« Merci, Ginny. Je sais que c'est grâce à tes efforts et à tes contacts au ministère. Je ne pourrai jamais assez te remercier. » dit Fleur en sanglotant de bonheur, accrochée au bras de Bill.

Ginny esquissa un sourire sans y mettre de conviction. Elle ne voulait pas qu'ils remarquent son hésitation. Elle souhaitait garder secrète sa réflexion en cours. S'ils découvraient la vérité, cela leur briserait le cœur et ils chercheraient à l'en dissuader. Comme elle l'avait décidé avec Draco, elle ne voulait pas que sa famille interfère. La décision finale devait lui revenir entièrement.

« Il faut commencer les préparatifs, mon chéri. Peut-être devrais-tu arrêter de travailler. Il y a tant à faire. » dit Fleur avec excitation.

« Non. » intervint Ginny d'un ton grave « Cela va éveiller les soupçons. Il faut agir normalement, comme si nous préparions un simple voyage. S'ils suspectent quoi que ce soit, ils nous empêcheront de partir. »

Narcissa avait été on ne peut plus claire à ce sujet.

« Ginny a raison, mon amour. Et pas un mot à Victoire pour le moment, il ne faut pas qu'elle répète quoi que ce soit par mégarde à ses camarades, à l'école. » dit Bill avec une expression sérieuse.

Fleur hocha la tête avec véhémence. Il était évident que rien ne pouvait la faire départir de son nuage.

« Très bien. Je vais commencer les préparatifs et Ginny pourra m'aider quand elle aura le temps de son côté. » suggéra-t-elle en se tournant vers elle.

Ginny hocha lentement la tête.

« Je peux rester ici, ce soir ? » demanda-t-elle d'une voix blanche.

« Évidemment, ma chérie. » répondit Fleur sur le ton de l'évidence avec un sourire.

Elle saisit son sac et se dirigea vers la porte.

« Je vais récupérer Victoire. » annonça-t-elle d'un ton guilleret

Victoire était chez les Diggory, où elle allait tous les après-midis une fois par semaine après l'école. Resté seul avec Ginny, Bill afficha une expression soucieuse.

« Ginny... J'aimerais discuter de ce qui s'est passé la dernière fois. » commença-t-il.

« Pouvons-nous remettre cela à plus tard, Bill ? » plaida Ginny.

Elle se sentait trop épuisée pour aborder un sujet aussi chargé en émotions. Bill hocha la tête, montrant qu'il comprenait. Ginny réprima un soupir de soulagement.

Cette nuit-là, Ginny ne trouva pas le sommeil. Elle avait l'estomac noué et elle se sentait horriblement nauséeuse. Le lendemain, elle contacta le cabinet pour les prévenir qu'elle était toujours souffrante et qu'elle ne pourrait pas se rendre au travail. On lui souhaita bon rétablissement. Elle passa la journée dans un état semi-comateux, aidant de manière distraite Fleur dans les préparatifs. Cela l'occupait, mais elle se surprenait régulièrement à être submergée par l'émotion. Elle cherchait alors un prétexte pour s'isoler et laisser ses larmes couler, avant de revenir, feignant la sérénité. Fleur, absorbée dans les préparatifs, remarqua à peine sa détresse.

Deux jours plus tard, en fin d'après-midi, Ginny décida de rentrer chez elle. Une pensée la traversa : peut-être que cet appartement ne serait plus le sien.

Elle activa son miroir à double sens. Elle ne pourrait pas éviter Draco plus longtemps.

Se dirigeant vers sa fenêtre, elle aperçut un tas de lettres déposées dans l'encoignure, passage des hiboux. Ginny les prit et les parcourut distraitement. L'une d'elles, portant le sceau du Ministère de la Magie et la mention « Important », attira son attention. Elle déchira l'enveloppe, les sourcils froncés, et en sortit le parchemin. L'en-tête indiquait le Département de l'Uniformisation de la Pureté Exemplaire. Une appréhension s'empara d'elle. Ses yeux se déplacèrent sur le reste du courrier et son cœur chuta dans sa poitrine lorsqu'elle vit le sujet de la lettre :

Notification officielle de changement de statut de sang pour Ginevra Molly Weasley.


Les choses semblent se compliquer pour Ginny. Elle me fait de la peine. Quel contraste entre ses premières aspirations et le dilemme auquel elle est confrontée aujourd'hui... Ce qui devrait être un choix évident ne l'est absolument plus. Quelle décision prendra-t-elle ?
Quant à cette mystérieuse lettre du ministère.. Révèle-t-elle l'annonce que nous espérons tant ?

Seule la suite nous le dira...

J'espère que ce chapitre vous a plu ! Même si beaucoup d'entre vous profitent de leurs vacances, sachez que votre dévouée Fearless poursuit son travail avec passion. Vos mots d'encouragement me boostent, alors n'hésitez pas à me faire part de vos ressentis !

A très vite pour la suite,

Fearless