4. Amitié
"J'ai du papier et un crayon," nous dit Rose.
"Bien sûr que tu en as," dit James. "Donc tu peux être la secrétaire du club, Rosie."
"On a besoin d'un nom," rappela Henry à tout le monde.
"Les Sept de Drakestone," dit promptement Lily.
"Super," dis-je.
"Ouais," approuvèrent Al et Hugo.
Je me réveillais tard, très tard, et assez confuse. Le rêve me fit essayer de garder à l'esprit des bribes éphémères de mon enfance, mais ils s'évanouirent de ma conscience comme de la brume au soleil. Quand j'ouvris les yeux, je fus étrangement déçue de découvrir que j'étais à Sheffield et pas de retour à la maison dans le Coquetdale.
Quand j'allumais mon téléphone, je découvris des dizaines de messages non lus. Mes amis, certains amis d'amis et quelques personnes que je connaissais à peine m'avaient envoyés des messages ou des mails. J'emportais mon téléphone dans la cuisine et, tout en préparant mon petit-déjeuner, je consultais les messages. Il ne me fallut pas longtemps pour remarquer quels que soient les mots utilisés, qu'ils soient diserts, brefs, inquisitifs ou polis, ils pouvaient tous être condensés en quatre simples questions.
Est-ce que toi et Simon avez vraiment rompu ?
Est-ce que tu l'as vraiment surpris en train de coucher avec quelqu'un d'autre ?
Qui était ce type avec qui tu étais hier soir ?
La quatrième question était un peu plus compliquée. Parfois c'était : est-ce que tu as besoin de quelqu'un à qui parler ? Souvent, c'était : est-ce que ça va ? Cependant, la partie cynique de mon cerveau prit le dessus et le réduisit uniquement à une exigence : dis-moi tout !
Après m'être préparé une théière de Pekoe Orange de Ceylan et avoir versé du yaourt sur mon muesli, j'allumais ma tablette et mis à jour ma page sociale. Cela ne me prit pas longtemps. Je changeais mon statut relationnel pour célibataire, supprimais ma photo de profil avec Simon et publiais un court message.
Il y a deux jours, j'ai surpris mon (désormais ex-) petit-ami pendant qu'il était affairé à sauter quelqu'un d'autre. Si vous voulez savoir qui elle était, demandez-lui ! Je ne connais pas son nom et je m'en fiche. Ce n'était pas le moment pour des présentations formelles et, en plus, j'étais trop occupée à être émotive. J'ai depuis découvert que ce n'était pas la première fois qu'il allait jouer un match à l'extérieur.
Conclusion : je ne peux pas faire confiance à Simon Faversham, et vous non-plus.
Par coïncidence, (J'écrivis d'abord quoi-qui-danse, sourit intérieurement avant de recommencer et d'orthographier correctement le mot) pendant que j'étais dans le centre-ville à essayer de m'éclaircir les idées, j'ai rencontré quelqu'un avec qui j'ai grandi. Son nom est James, nous allions dans la même école primaire et il était dans la même classe que mon frère. Il a passé la journée à m'écouter râler, ce pourquoi je lui suis reconnaissante. Donc, étais-je avec un homme inconnu hier ? Oui.
Si vous voulez savoir n'importe quoi d'autre, demandez-le-moi en face. Je pourrais ne pas vous dire d'aller vous faire foutre, mais ce sera probablement le cas.
Je consultais rapidement mon album photo et choisis finalement ma nouvelle photo de profil. C'était une vieille photo de la Drakestone au coucher du soleil. Ayant avec succès remis à neuf ma vie interactive, je revenais au monde réel et décidais qui j'avais désespérément besoin d'une douche.
~~~oooOOOooo~~~
Plus tard, alors que je me séchais et m'habillais, je pris la résolution de passer la journée à travailler sur mon mémoire. C'était quelque chose que j'avais négligé. Alors que je m'asseyais dans ma chambre et consultais mon travail, je réalisais que j'avais passé plus de temps à aider Simon pour son mémoire qu'à travailler sur le mien.
Je venais juste de déplier mon clavier et de me mettre au travail quand Vicki frappa à ma porte. Elle proposa de faire le déjeuner pour moi. Cela ne faisait qu'une heure que j'avais prit mon petit-déjeuner, mais je pouvais voir qu'elle voulait s'occuper de moi. Je cédais et la rejoins dans la cuisine pour une assiette de pita, de houmous, de fromage de chèvre de Somerset et de betteraves râpées. Après avoir mangé, je lui dis que je comptais travailler toute la journée et lui donnais la consigne stricte que je ne voulais pas être dérangée.
Vicki fit de son mieux, renvoyant quelques visiteurs curieux. Grâce à ses efforts, je parvins à travailler six heures ininterrompues. Mais, un peu avant sept heures, Brad, Corrine, Phil, George et Alex arrivèrent pour s'assurer que j'allais bien. En aucun cas Alex n'aurait pu laisser nos anciens colocataires à la porte. Elle s'excusa alors qu'ils me tiraient hors de ma chambre, mais je lui assurais que je n'étais pas fâchée. Le lien indéfectible né du partage de notre appartement en première année faisait que chacun des sept d'entre nous qui restaient à Sheffield s'attendait à avoir, et disposait en effet, d'un accès illimité aux appartements des autres.
Nous étions jeudi et quelqu'un – je crois que c'était George – suggéra que nous ayons un vrai repas de jeudi. Même si j'avais voulu objecter, j'aurais été seule contre tous donc, pour la première fois depuis que j'avais commencé à sortir avec Simon, nous partageâmes un festin de curry à emporter.
Corrine appela le Tandoori Nouveau Bengal – le seul restaurant indien dans le coin acceptable pour Vicki – et commanda un menu pour cinq. L'expérience nous avait montré qu'un repas pour cinq était plus que suffisant pour nous sept. Sept – c'est un nombre chanceux – un nombre spécial. Pendant que Corrine était au téléphone, Brad se précipita chez le vendeur d'alcool en bas de la rue et acheta une douzaine de bouteilles de Cobra de soixante centilitres.
Phil, pendant ce temps-là, fouillait la collection de films en ligne de Vicki. Nous, ou plutôt Phil et Alex – qui finissaient toujours par choisir – s'accordèrent pour un film Coréen bizarre, à la fois comédie romantique, science-fiction et horreur appelé Point Fixe. Le temps que notre curry arrive, nous étions rassemblés devant la télé et prêts pour une soirée totalement déjantée.
Il était environ neuf heures et demie quand le film se termina enfin. À cette heure-là, le dîner n'était plus guère qu'une pile de boîtes vides, d'assiettes sales et de miettes de dosas. Phil, Vicki et George se disputaient gentiment sur les mérites du film. Personnellement, je n'estimais pas qu'il en ait.
Brad avait vidé le fond de la dernière bouteille de bière, il se proposa donc de retourner acheter plus d'alcool. Il essaya d'obtenir le soutien des autres, mais je n'en voulais pas plus et même Corrine ne l'épaula pas. À la place, je proposais de faire du thé pour tout le monde, une suggestion qui fut accueillie par une acclamation de mes amis.
"Ton thé nous a manqué, Anna," me dit Alex.
Avant que je ne puisse répondre, mon téléphone sonna. La sonnerie était vaguement familière, mais je ne pouvais pas me rappeler à qui je l'avais assignée. Je dus regarder l'écran pour voir qui appelait. Je fus si surprise que je décrochais.
"Qu'est-ce que tu peux bien me vouloir ?" demandais-je sèchement. Le salon bondé passa instantanément de joyeux et animé à silencieux.
Vicki demanda silencieusement et avec inquiétude 'Simon ?'. Je secouais la tête.
"Tu n'as aucune manière, Anna," dit la voix. "Nous sommes du même sang, ensembles contre vents et marées. C'est mon rôle de veiller sur toi, tu te souviens ?"
"Tu fais vraiment un boulot merdique sur ce point, Henry," lui dis-je.
Mes amis étaient toujours assis silencieusement dans le salon, se demandant ce qui se passait et qui était au téléphone.
Pendant que Henry me parlait, Vicki fournit une explication aux autres. "Henry est le frère d'Anna," leur dit Vicki. "Au premier Noël, quand on était tous à C7, il est arrivé le soir de Noël pour l'emmener. Vous étiez tous partis. À part Anna, j'étais la seule là." Pendant que Vicki expliquait, j'écoutais mon frère.
"Maman est inquiète pour toi," dit-il. "Elle m'a demandé de surveiller tes réseaux sociaux, parce que bien que tu l'aies bloquée, tu as oublié de me bloquer moi. Elle voulait s'assurer que tu allais bien. Donc je l'ai fait. Superbe photo de la Drakestone, sœurette. Et pour ce qui est de ton statut…"
"Merde," dis-je, regrettant les mots que j'avais si récemment tapés. Mon frère soupira.
"Je travaille dans un garage, Anna. Tu sais que tu jures plus que la plupart des gars avec qui je bosse ? Et ce sont tous des mécanos du nord dépenaillés et crasseux ! Tu ne jures pas plus que Mickey, évidemment. Il a sorti un démarreur hier et il a dit 'Cette salope de saloperie est salopement salopée.' Une phrase de sept mots et quatre d'entre eux étaient le même mot. J'espère que tu en es impressionnée, parce que je l'étais. Peut-être que je devrais te le présenter. Vous pourriez comparer l'étendue de vos obscénités."
Mon frère s'interrompit pour reprendre son souffle, mais je ne l'interrompis pas, car je savais exactement ce qui allait venir.
'Donc, James Potter est à Sheffield et tu as passé la journée avec lui. Est-ce que les parents sont au courant ?"
"Non, ils ne sont fou… Non, ils ne le sont pas ! Et tu ne vas rien leur dire," dis-je.
"C'est d'accord," dit-il d'un ton neutre. "Je ne dirais rien. Alors, comment vas-tu ? On dirait que tu as eu une mauvaise passe. Est-ce que tu veux que je descende pour en coller une à Simon ?"
"Je vais bien. Mieux que je n'aurais pensé l'être. Et non, je ne veux pas que tu en colles une à Simon."
"Ne me dis rien !" annonça avec espoir Henry. "James en a déjà collé une à Simon."
"Non, contrairement à toi, James ne ressent pas le besoin d'être violent envers les gens."
"Alors ce n'est pas le James dont je me souviens," dit Henry. "Tu devrais savoir que je ne fais que causer, Anna. Je n'ai en vérité jamais frappé personne, à part sur le terrain de rugby. Mais si jamais je devais frapper quelqu'un, Simon serait le premier sur ma liste. À l'anniversaire de Maman, il a fait une sale blague sur l'accent de Maman, et il savait que je l'entendrais. J'aurais dû l'assommer sur le champ, sauf que je savais qu'il me narguait et, en plus, tout le monde me serait tombé dessus. Et cet enfoiré arrogant le savait."
"La violence n'est jamais la solution," lui dis-je.
"Voilà qui est parler comme une avocate des droits de l'homme," dit-il en riant. "Je suis fière de toi, Anna."
"Est-ce que tu es bourré ?" demandais-je avec suspicion.
"Non, je pensais juste que tu pourrais avoir besoin d'amour et de soutien fraternel. Apparemment pas, mais tu es une petite saleté têtue et indépendante depuis le départ. Personne ne t'a jamais dit que tu es censée admirer ton grand frère, pas t'opposer à lui."
"Carrément vrai," dis-je en riant.
"Alors, comment va James ?" demanda-t-il.
"Toujours aussi déjanté," lui dis-je. "Il m'a remonté le moral, il m'a fait rire. Il m'a demandé comment tu allais, donc je lui ai dit."
"Seulement les bonnes choses, j'espère," dit Henry. "Retour dans le passé, hein ? Est-ce que vous avez parlé de la vieille bande ?"
"Ouais," dis-je. "Il était ici pour rendre visite à l'une d'elles quelqu'un qui fait un doctorat en maths."
"Ça ne peut être que Rosie," me dit promptement Henry. "Ça ne peut être personne d'autre. Est-ce que tu l'as rencontrée elle aussi ? Et pour Al, et Lily, et Hugo ?"
Je regardais autour de la pièce silencieuse. Phil enfilait son manteau, Alex et George débarrassaient les assiettes sales et Vicki, Brad et Corrine ramassaient les cartons et les bouteilles. Malgré tout, ils écoutaient tous.
"Non, je n'ai pas rencontré Rosie. Pas encore, en tout cas. J'ai plein de monde à la maison, Hen. Mes amis de première année sont tous ici, donc je n'ai pas vraiment le temps de papoter,' lui dis-je.
"Des amis, super," approuva Henry. "Désolé de vous avoir interrompu. Je suis étonné que tu aies répondu. Comment va la seule que j'aie rencontrée, la petite geek des maths à lunettes, la Vicki qui n'est clairement pas une Victoire snobinarde ? Est-ce qu'elle s'occupe de toi ?"
"Oui," dis-je.
"Bien. Je sais comment tu es : tu n'aimes pas être malheureuse, donc tu dépasses le stade triste et passes au niveau en colère à la place. Ne sois pas trop dure avec elle,' ordonna-t-il. "Je te laisse aller parler avec tes amis, petite Annie. Ne t'inquiètes pas, ton secret est entre de bonnes mains avec moi. Si tu revois Jamie, dis-lui que j'ai demandé de ses nouvelles. Et n'oublie pas de parler à Maman."
"Je n'oublierai pas," promis-je.
'T'peux n'z'app'ler et tout, t'sais," ajouta-t-il, basculant brusquement vers le patois. "Tu as arrêté de me parler, ce n'était pas dans l'autre sens. Si jamais tu as besoin d'un grand frère, appelle-moi, d'accord ? À tantôt, p'tiote."
Sur ce, Henry raccrocha.
"C'était mon soudainement très protecteur grand frère," dis-je à mes amis en glissant mon téléphone dans ma poche.
"Henry," dit Vicki, hochant la tête d'un air savant. "Est-ce qu'il va venir te voir ?"
"C'est le seul frère que j'aie," confirmais-je. "Non, il ne va pas venir me voir. Il prenait juste de mes nouvelles. Pour voir si j'allais bien et pour menacer d'assommer Simon."
"Pour essayer de te protéger," dit Vicki. À ma surprise, elle semblait presque approuver.
"En menaçant quelqu'un de violence," dis-je d'un ton désapprobateur. Brad et Phil rirent et firent leur habituelle grimace 'Anna monte encore sur ses grands chevaux'. Phil termina d'enfiler son manteau.
"Je dois y aller, désolé Anna," dit Phil. "Je commence le travail dans une demi-heure. Garde de nuit aux urgences. Ça va être amusant."
"Qui veut être étudiant en médecine ?" demandais-je en me levant pour lui dire au-revoir.
"Moi," dit-il il joyeusement. Il me serra fermement contre lui. "Heureux de te retrouver, Anna," me dit-il. "Salut, tout le monde." Il se précipita dans les escaliers vers la porte d'entrée sous le son des salutations joyeuses de tout le monde.
Après avoir rangé le salon et fait la vaisselle, je préparais du thé pour tout le monde et nous bavardâmes jusqu'à onze heures passées. Mes amis me posèrent beaucoup de questions, la plupart sur James. Je leur dit la vérité : c'était l'ami de mon frère, quelqu'un que j'avais connu quand j'étais petite fille et nous nous étions rencontré par hasard.
"Belle histoire," me dit Corrine. "Il est amusant, éminemment baisable et je crois que tu lui plais vraiment. Et je pense qu'il te plaît aussi, Anna. Il y a certainement une affinité entre vous."
Je protestais si vigoureusement que Corrine commença à me taquiner. Brad, Alex et George se joignirent à elle et, rapidement, nous échangions des insultes bonnes-enfants.
Il n'était pas tard, mais je commençais à m'assoupir. Avec une fermeté inhabituelle, Vicki chassa tout le monde. Quand mes amis partirent, je reçus des étreintes de tous.
Entraînée par toute l'attention, j'étreignis même Vicki. "On devrait refaire ça régulièrement," dis-je. Elle me regarda comme si j'étais dingue.
"On le fait," me rappela-t-elle. "Tous les mois. Le copain de Phil ne s'est jamais plaint qu'il fraternise avec ses vieux amis, et celui d'Alex non plus."
"Saleté de Simon," dis-je. "Comment est-ce que j'ai pu laisser ça arriver ?"
Vicki m'offrit un triste haussement d'épaules et secoua à regret la tête. Je l'étreignis à nouveau.
"Je voulais te dire pour… pour l'autre fille, mais j'avais promis. Et puis, à ce moment-là, toi et Simon étiez si… Enfin, je n'étais pas certaine que tu m'aurais cru," dit-elle. "Désolée."
Je n'étais pas certaine que tu m'aurais cru.
Ses paroles franches et appréhensives furent le réveil qui me tira enfin du cauchemar qu'était Simon. Je craignis que ce fut vrai. Même si j'avais cru Vicki, il serait probablement parvenu à me faire lui pardonner. Si je ne l'avais pas vu de mes yeux, je pourrais toujours être avec lui.
"Je suis désolée, Vicki. Je le suis vraiment ! Mais je suis épuisée, et je vais me coucher. Merci de t'occuper de moi. Je sais maintenant qui sont mes amis. Je ne l'oublierai plus."
Je pataugeais dans le Burn de Drakeshaugh quand il y eut un soudain claquement bruyant. L'oncle George de James était apparu de nulle part, à quelques mètres de moi seulement. Je criais. Il avait toujours été doué pour la magie ses tours de carte étaient incroyables mais, pour une raison inconnue, peu importe combien il m'assura que ce que j'avais vu n'était qu'un autre tour de passe-passe, je ne l'avais pas cru. Je savais on ne sait comment que c'était de la vraie magie.
Subitement, j'étais à côté de la Drakestone elle-même.
"On a tous juré solennellement," dit James.
"Avec du sang," ajouta Henry.
James plia soigneusement le papier et le plaça dans le tupperware. Nous poussâmes alors la boîte dans un creux entre les rochers. Al et moi poussèrent de la terre par-dessus pour l'enterrer.
Quand je me réveillais le matin suivant, je travaillais presque sans interruption sur mon mémoire. En concentrant l'énergie que j'avais gâchée pour mon définitivement ex-petit-ami sur mon travail universitaire, je parvins à faire d'énormes progrès. Ce soir-là, Brad, Corrine et George passèrent voir si nous voulions sortir au pub. Je refusais, mais les aidais à persuader Vicki de les accompagner.
Ma soirée aurait dû être ininterrompue, cependant à neuf heures Maman m'envoya un message. S KE CA VA ?
Elle est la seule personne que je connaisse qui utilise encore le langage SMS.
Me sentant vraiment coupable, je l'appelais sur ma tablette. Je m'excusais de ne pas l'avoir rappelé plus tôt et confessais que Henry m'avait appelé la veille au soir et que je lui avais promis de les appeler. Après leur avoir, à elle et Papa, assuré que j'allais bien, je leur dis que mes amis étaient tous venus me voir, et que Vicki s'occupait de moi.
Pendant un moment, j'hésitais à dire à mes parents que j'avais rencontré James, mais je renonçais. Il devait rester secret, car je connaissais la réaction que son nom apporterait, en particulier de Papa. Je n'ai pas menti à Maman, me dis-je en raccrochant. Mais, tout au fond de moi, je savais que j'avais menti par omission.
Vicki ne rentra pas du pub avant minuit. Elle était plus qu'un peu éméchée et insista sur le fait que je devais sortir plus. Elle dit que, à l'avenir, je serais forcée de venir au pub avec eux. Je lui fis un café avant d'aller dormir.
J'étais dans le terrain boisé qui entourait la maison des Potter. Je n'aurais pas dû être là, je me faufilais donc furtivement à travers les arbres lorsque je vis les parents de James. Ils volaient, assis à califourchon sur des balais comme les sorcières dans les livres de contes. Pour une raison inconnue, ils se faisaient des passes avec une balle rouge tout en volant. Je les observais ébahie pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce que la mère de James me repère et plonge à travers les arbres pour me parler. Elle me demanda ce que j'avais vu, je lui dis donc. Elle semblait très triste.
Je me réveillais en sueur. Alors que je restais allongée, regardant le plafond de ma chambre, cela me paraissait plus être un souvenir oublié depuis longtemps qu'un rêve. Il me fallut longtemps pour me rendormir.
Nous regardions dans le trou dans lequel nous venions de cacher le tupperware. James plaça sa main sur la pierre au-dessus et, avec une solennité de cérémonial, nous fîmes tous de même. Sept mains, sept index piqués à l'aiguille et sept empreintes de pouce ensanglantées sur le document. Nous étions sept. Je n'avais aucune idée si nous étions mercenaires, samouraïs, merveilles ou simplement secrets je supposais le dernier, mais pour une raison inconnue je ne pouvais m'en souvenir.
Le samedi matin, je me réveillais tôt, convaincue que j'avais une coupure sur l'index. Une fois que je me fus assurée que ce n'était pas le cas, je somnolais, et me demandais si James allait vraiment venir. J'étais allongée sur le côté et regardais en direction de mon bureau, qui était couvert de mon travail scolaire, quand je me souvins d'un cas légal obscur de mes notes de première année. J'étais tellement certaine de ce fait que je me levais immédiatement pour vérifier.
Il me fallut du temps pour retrouver l'information mais, comme je l'espérais, l'affaire – que j'avais étudiée durant ma première année – pourrait certainement aider mon argumentaire. Mon mémoire traitait des faiblesses des protections dans le protocole six de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Mon argumentaire était que le protocole, qui restreint les droits des états au regard de la peine de mort, n'était pas assez restrictive. Ce cas légal était une preuve supplémentaire que certaines nations signataires étaient heureuses de bafouer l'esprit, si ce n'était la lettre, de la législation. La cour elle-même avait été utilisée pour tenter de légitimer les failles. Dans ma tête, j'entendis la voix traînante de Simon : 'Tous les gouvernements enfreignent les traités et bafouent les législations internationales, tu dois simplement accepter ce fait," et, bien que ce soit vrai, j'étais déterminée à montrer combien cela était immoral.
J'étais affairée à taper ma conclusion quand la sonnerie de la porte d'entrée retentit. Je l'ignorais, car je savais que si je n'atteignais pas la fin du paragraphe, j'allais perdre le fil de ma pensée. À la seconde où je pressais le bouton 'enregistrer', je vérifiais la pendule. À mon grand étonnement, il était 12:04 ! Étrangement, samedi matin avait disparu et l'après-midi était arrivé. Je me précipitais vers la porte de ma chambre. À ce moment-là, cependant, Vicki avait déjà répondu à la cinquième ou sixième sonnerie.
"Anna est toujours dans sa chambre. Je pense qu'elle doit être occupée. Est-ce que tu es sûr qu'elle t'attendait ?" entendis-je ma colocataire demander lorsque j'ouvris ma porte.
La voix de Vicki était aiguë et fluette, un signe certain de sa nervosité. Malheureusement, la nervosité de Vicki était contagieuse. Pour la première fois depuis que j'avais dit au-revoir à James, je me demandais si j'avais fait la bonne chose en acceptant de le revoir. Est-ce que je voulais vraiment commencer une nouvelle relation ? Le voulait-il ? Que se passait-il entre nous ? Au lieu de lancer un salut, je me faufilais sans bruit jusqu'au palier, me tint hors de vue de la porte d'entrée et écoutais.
"J'espère," lui dit James. "Il est maintenant presque midi cinq. Et cela fait que nous sommes samedi après-midi. J'ai dit à Annie que je serai là après midi, et me voilà. Je suis James Potter, au fait. Tu peux m'appeler James, si tu veux. En fait, tu peux m'appeler tout ce que tu veux, la plupart des gens semblent s'accorder sur 'espèce d'idiot", pour une raison inconnue. Comment dois-je t'appeler ?"
"Vikisha Banerjee – Vicki," lui dit-elle prudemment.
"Ravi de te rencontrer, Vicki," lui dit-il poliment. "Est-ce que tu vas m'inviter à entrer ? Pas que j'aie besoin d'y être invité."
Je l'entendis pousser un couinement effrayé.
"Désolé, Vicki," s'excusa James. "Ce n'était pas pensé comme une menace. Tout ce que je voulais dire, c'est que je ne suis pas un vampire. Je n'entrerais jamais sans y être invité, mais c'est simplement parce que je suis poli. Les vampires ne peuvent pas entrer sans invitation. Je pourrais, mais je ne le ferais pas. Peut-être que c'est pour ça que certaines filles aiment les vampires. Peut-être qu'elles confondent la faiblesse la plus aisément exploitée des suceurs de sang pour de la politesse. Je parle pour ne rien dire, n'est-ce pas ?"
Rassurée, et souriant toujours de son monologue écervelé, je jetais un œil au-dessus de la balustrade pour voir ce qui se passait. Vicki, du haut de son mètre cinquante-sept, montait bravement la garde à la porte d'entrée. James portait un blouson de moto de cuir noir et tenait deux casques. Il était large d'épaules et le blouson le faisait paraître encore plus large. Il ne me paraissait pas menaçant, mais il était évident que Vicki n'allait pas inviter un motard vêtu de cuir solidement bâti dans l'appartement. Je me penchais en avant pour qu'il puisse me voir.
"Entre, espèce d'idiot," lançais-je.
James leva les yeux vers moi et écarquilla les yeux de surprise. "Tu vois," dit-il à Vicki en riant nerveusement. "Annie sait clairement qui je suis."
Vicki se décala à contrecœur et James monta l'escalier quatre à quatre. Vicki le suivit lentement et assez précautionneusement.
"Bon après-midi, Annie," dit James. Il me regarda de haut en bas, leva un sourcil et m'offrit un regard gênant. Il essayait de garder les yeux sur mon visage, mais il n'y parvenait pas. "Ce n'est pas étonnant que Vicki se soit demandé si tu m'attendais. Est-ce que je t'ai réveillé ?"
Ce ne fut qu'à cet instant que je déchiffrais son expression et me souvins que j'étais toujours en tenue de nuit. Mon boxer vert citron était couvert de pois roses, et il était remonté entre mes fesses pendant que j'avais été assise à taper. Le débardeur rose était assez minimaliste et l'une des bretelles était tombée de mon épaule. Je la relevais, tirais mon boxer vers le bas pour essayer de masquer un peu plus de fesses, et me demandais combien je lui avais offert à voir en me penchant au-dessus de la balustrade.
Vicki et moi traînions souvent dans l'appartement en sous-vêtements ou en tenue de nuit, mais pas quand il y avait des visiteurs chez nous. Nos amis de première année ne comptaient pas, évidemment, parce que nous ne les considérions pas comme des visiteurs. J'avais l'habitude de voir Corrine, Vicki, Brad, Phil et George très peu vêtus. Il semblait que mon inconscient avait, pour une raison inconnue, déjà fait passer James dans la catégorie des 'vieux amis'.
"Bon après-midi, James. Je suis réveillée depuis des heures. J'étais debout tôt, mais j'ai travaillé sur mon mémoire," lui dis-je.
Quand Vicki atteint le palier, elle resta là à nous regarder. James portait un jean et des bottes de moto. Sa veste de cuir était ouverte et le t-shirt blanc qu'il portait dessous était moulant sur son torse. Il était évident que ma colocataire était assez appréhensive de lui. Alors qu'elle semblait assez scandalisée par mon apparence, je décidais de me moquer un peu d'elle.
"Tu m'as vu porter moins que ça," dis-je à James, essayant de masquer ma gêne. Je pensais à nos séances de natation d'enfance.
"C'est vrai, je t'ai même vue torse nu," dit-il.
"Quoi ? Quand ?" demandais-je, surprise.
"Dans le jardin de Drakeshaugh," dit-il. "Ça devait être l'été 2013, je pense."
"J'avais six ans !" dis-je, levant les yeux au ciel. "Ça ne compte pas. Mais comment diable tu peux te souvenir de ça ?"
"Je me suis souvenu de beaucoup de choses depuis que je t'ai rencontré," dit James pensivement. "Mais ce n'était pas l'une d'elles. Il n'y avait pas que toi qui courais partout en ne portant rien de plus qu'un short. C'était une journée magnifique et on était tous pareil moi, Henry, Al, Hugo, Lily, Rosie et toi. Maman a les photos pour le prouver. Je les ai retrouvées il y a quelques années et je les ai utilisées pour embarrasser Rosie devant Sc… le garçon qu'elle voyait à ce moment-là."
"Et ?" demandais-je.
"Ça a fonctionné !" dit James. "Mais elle m'a pardonné, parce que sa réaction a prouvé qu'il n'était qu'un imbécile vaniteux." Il hésita. "Juste comme moi," conclut-il tristement. Je présumais qu'il parlait de nouveau de mon onzième anniversaire.
"Est-ce que tu as déjà essayé quelque chose comme ça avec Lily ?" demandais-je.
Il parut horrifié. "Je ne suis pas aussi stupide, Annie ! Je n'oserais pas essayer d'embarrasser Lily. Elle me torturerait à mort, découperait mon cadavre en petits morceaux et les enterrerait là où même Papa ne pourrait jamais les retrouver," admit-il. "En plus, je n'ai jamais été capable d'embarrasser Lily, pas faute d'avoir essayé."
"Lily est sa sœur," rappelais-je à une Vicki horrifiée.
"Sœur, mère de substitution, geôlière, avocate et bien plus encore," dit James, soupirant pensivement. "Alors, tu es prête à y aller ?" Il m'offrit le casque supplémentaire qu'il portait.
"Ne sois pas stupide, je ne peux pas sortir comme ça," dis-je. En regardant son visage, j'eus soudainement une pensée diabolique. "Je vais aller m'habiller maintenant, et pendant que je ferai ça, tu pourras me faire une tasse de thé."
Le hoquet d'étonnement de Vicki trahit passablement mon plan.
"Ah ha ! C'est un test, c'est ça ?" demanda James. "Je ne suis pas très doué pour les tests, mais je ferais de mon plus mieux, Mademoiselle."
Je ris. "À dans dix minutes," lui dis-je en retournant vers ma chambre et fermant la porte.
"Je ferais de mon plus mieux, Mademoiselle." C'était encore un autre Jamesisme de mon enfance, et je fus à nouveau ramenée à l'école primaire.
Mon choix de quoi porter fut facilité par l'arrivée de James en moto. Chaud, fonctionnel et protecteur, c'était la seule option raisonnable. J'avais peu de vieux pantalon, car Simon avait toujours préféré me voir porter des jupes ou des robes. Sur mes trois jeans, un seul rentrerait dans mes chaussures de marche. Après avoir enfilé le jean, qui était très étroit et rouge vif, j'enfilais la chemise à carreaux noire et blanche que Simon avait toujours détesté et passait rapidement une brosse dans mes cheveux ébouriffés. Je pris mon sweat et tirait mon vieux blouson ciré vert olive de l'armoire. Ce n'était pas un blouson de moto, mais c'était ce que j'avais qui s'en approchait le plus.
En me brossant les dents, je m'examinais dans le miroir. Ce fut alors que je remarquais que, hormis le jean rouge vif, j'avais choisi de porter ce que Simon avait une fois appelé dédaigneusement mes vêtements 'de femme de fermier'. Ils étaient, cependant, résistants et fonctionnels deux choses qui étaient essentielles sur une moto. Après avoir mis un peu de rouge à lèvres, je décidais que ça suffisait.
Quand j'entrais dans la cuisine, James dansait tout autour en chantant 'thé pour deux' et Vicki essayait de ne pas glousser devant ses pitreries.
"Elle n'a pas voulu m'aider," dit James avec une sorte d'irritation auto-dérisoire. "Même pas un indice. Et il n'y a pas d'étiquette sur tes boîtes à thé. J'ai dû identifier les thés à l'odeur. L'Earl Grey et le Lapsang étaient faciles, évidemment. Pour les autres, je suis presque sûr que celui-ci est du Pekoe Orange de Ceylan, mais j'ai choisi l'Assam. Du moins j'espère que c'est de l'Assam ça sent certainement comme de l'Assam."
"C'en est," lui dis-je.
"Je n'ai pas mis de lait dans les tasses et je n'ai pas non-plus servi, parce que je ne sais pas si tu mets du lait dans ton Assam. Et, en plus," admit-il," je présume que tu es le genre de fille pour qui 'lait avant ou après ?' est une question très importante."
"Tu as raison, et c'est lait après," lui dis-je. "Et juste une goutte. Je ne noie pas mon thé de lait et ne le pollue pas avec du sucre, contrairement à certaines personnes." Je lançais un regard vers Vicki, et James plaça immédiatement le bol de sucre qu'il avait trouvé devant elle. Je le regardais verser le thé à travers la passette et le laissait verser le lait.
"Dis-moi quand," dit-il.
"Quand,' dis-je.
"Je ne vois même pas pourquoi tu t'embêtes," me dit-il en regardant le thé et observant l'infime quantité de lait que je l'avais laissé verser commencer sa danse aléatoire.
James servit une seconde tasse et la tendit à Vicki, avec la bouteille de lait. Une fois que nous eûmes toutes deux nos tasses, il se servit son propre thé. Il prit le lait quand Vicki le lui tendit, mais n'en mit pas dans son thé. Je pris une gorgée de ma tasse, et il attendit avec impatience mon verdict.
"Acceptable," annonçais-je.
Il parut surpris, avant d'éclater de rire.
"J'aurais dû m'y attendre. Je suis 'Acceptable' pour presque tout. On ne considère jamais que je fais des 'Efforts Exceptionnels'." Sa voix était devenue auto-dérisoire et traînante. "Peut-être que je devrais simplement être heureux que tu n'aies pas considéré que c'était Piètre, ou Désolant ?" demanda-t-il. Je reconnus le ton de sa voix, et cela m'agaça.
"Quand j'étais petite," lui dis-je sévèrement, "il y avait des tas de fois où j'étais convaincue que vous faisiez des plaisanteries que Henry et moi ne pouvions pas comprendre. C'est une de ces fois. Tu le faisais tout le temps, James, mais surtout quand ce garçon plus grand, Teddy-je-ne-sais-quoi, était dans le coin. Tu étais toujours un tel crétin prétentieux quand tu essayais de frimer devant le grand garçon."
"Désolé," dit James, semblant assez gêné. Tu as raison, Annie tu es aussi affutée que la hache d'un gobelin, comme dirait Mamie. Il y a des tas de dictons bizarres et de private jokes dans ma famille, comme 'affuté comme la hache d'un gobelin'. Elles viennent toutes du côté maternel de la famille."
Je haussais les épaules. "Ouais ? Eh bien ils sont carrément énervants," lui dis-je. "Quand j'étais petite, je pensais souvent que tu te moquais de moi. 'Petite Annie bien innocente, elle n'imagine pas ce qui se passe !', tu vois ?"
James ne dit rien. Il sirota simplement son thé dans un silence pensif et morose. Je pouvais voir la culpabilité et l'inquiétude sur son visage. Dans le silence gêné, Vicki parvint à croiser mon regard elle m'offrit un air inquiet.
"Tu as raison, Annie." James soupira tristement et regarda le sol de la cuisine, refusant de croiser mon regard.
Je regardais moi aussi par terre, et remarquais que le sol n'était pas aussi propre que je l'aimais. "Je devrais nettoyer ce sol," dis-je.
"Au lieu d'aller faire un tour en moto ?" demanda-t-il. "Est-ce que je dois simplement repartir ? Tu étais visiblement occupée par ton travail pour l'université. Je t'ai interrompu. Je suis sûr que tu as des choses bien plus importantes à faire, comme tes cours ou laver par terre."
Je me demandais s'il avait des doutes, ou s'il était simplement nerveux. Je restais silencieuse et soupesais mes options. En buvant mon thé, je dus admettre que James n'avait pas fait un mauvais travail avec l'infusion. Il avait certainement fourni un effort exceptionnel à mes yeux.
"Écoute, James," dis-je, essayant de laisser croire que cela m'importait peu. "Tu m'as demandé si je voulais sortir avec toi aujourd'hui. J'ai dit oui. Si tu as changé d'avis et que tu veux partir, vas-y. Mais ne me fais pas prendre la décision. Tu choisis !"
"Alors tu veux sortir pour l'après-midi ?" demanda-t-il prudemment.
"Sacré bon sang !" craquais-je. "Est-ce que tu n'as pas écouté ce que je viens de te dire ? Avant que tu arrives, j'attendais ça avec envie. Maintenant, je ne suis plus certaine. Je me suis amusée l'autre jour. Mais je ne veux certainement pas passer la journée avec toi si tu tiens à broyer du noir, ou si tout ce que tu veux faire c'est te faire pardonner d'avoir été un branleur absolu quand tu avais quatorze ans."
"Je ne sais pas ce que je veux," admit-il. "C'est bien le problème, Annie. Je ne sais jamais ce que je veux. Mais je sais que, comme toi, je me suis amusé l'autre jour. J'aimerais recommencer. Allons faire un tour en moto."
"Je veux d'abord voir ta moto," lui dis-je. "Je te préviens, James, je ne grimperai pas à l'arrière d'un petit scooter ridicule, ou pire, d'une moto électrique !"
"Aucun problème ici," dit-il en reprenant vie. Il engloutit le reste de son thé. "Allons-y."
Il me tendit son casque supplémentaire et je le suivis dans les escaliers.
