Bonjour à toutes et à tous !
Après quelques jours loin de chez moi, voici un nouveau chapitre.
Petites précisions à propos du neutre : pour le moment, dans la narration, comme on est du point de vue de Tony, le neutre n'est pas utilisé ou très peu, mais il y aura un changement plus tard dans les chapitres.
De plus, si je devais réécrire cette histoire aujourd'hui, je ne choisirais probablement pas ces formes neutres-là. Vous savez comme moi que le neutre n'existe pas (encore) en français moderne, mais il y a des propositions intéressantes et probablement plus fluides que le æ w
Sur ce, bonne lecture !
Chapitre 4 : Le Génie
« Mon premier vœu est-
— Vous n'avez aucun sens du protocole, vous les humains, le coupa Loki en soupirant. As-tu bien réfléchi à ce que tu voulais ? Vraiment bien réfléchis ?
— Si tu me laissais-
— Si ce n'est pas mûrement réfléchi, tu vas regretter ton vœu et plus tard me le reprocher. J'ai déjà donné, merci. »
Loki se leva du canapé et retourna dans la cuisine sans se préoccuper plus avant de Tony qui resta seul dans le salon. Le jeune homme se secoua et suivit le génie dans la petite pièce carrelée. L'étrangeté de la situation lui sauta presque au visage. L'homme bleu, habillé tout de noir, était un intrus dans la cuisine sale. La lampe de bronze était toujours posée sur la table, et Loki s'en saisit, observant les fines gravures d'un air grave. Pour la première fois, Tony se rendit compte que la peau de son invité surprise n'était pas lisse, mais étrangement scarifiée. C'était léger, mais tout de même perceptible. Il suivit du regard les lignes qui couraient sur la peau cobalt. Elles s'entrelaçaient un peu à la manière des gravures de la lampe.
Les yeux rouges croisèrent son regard.
« As-tu fini de me scruter ainsi ? Suis-je si étrange que tu ne puisses détacher ton regard de moi, Anthony Stark ? Me trouves-tu monstrueuxe à ce point ? »
Surpris par le ton véhément et par le vocabulaire dépréciateur, Tony leva les sourcils.
« Est-ce que c'est toi qui as fait toutes ces marques ? fut tout ce qui franchit ses lèvres.
— Non.
— C'est quelqu'un d'autre alors ?
— C'est de naissance. As-tu d'autres questions intimes de ce calibre ?
— Je- euh, c'est juste que c'est la première fois que je vois quelqu'un de bleu.
— Cela te donne-t-il le droit de poser toutes les questions qui te viennent à l'esprit sans chercher à savoir si elles sont offensantes ? La réponse à cette question rhétorique est non.
— Et comment je peux savoir si c'est offensant ? se défendit Tony.
— Je ne sais pas, peut-être en demandant la permission de poser des questions. Ou en la bouclant, pour ne pas faire d'impers.
— Si je ne peux pas poser de question, alors je peux faire un vœu ?
— Non. Je n'ai pas envie d'exaucer de vœux aujourd'hui. »
Exaspéré, Tony leva les yeux au ciel.
« Je te préviens, il n'y a rien à manger au frigo, et à peu près rien à faire à part regarder la télé.
— Je n'ai pas besoin de manger, humain.
— Oh, très bien. Tu vas retourner dans la lampe ?
— Pas si je peux l'éviter. C'est un peu étroit, comme tu peux imaginer.
— Comment tu fais pour entrer dedans de toute façon ?
— C'est magique.
— Suis-je bête. Je veux dire, comment la magie arrive à te faire entrer dedans ? »
Loki le dévisagea pendant quelques secondes.
« Tu veux vraiment savoir ?
— Sinon je ne poserais pas la question, rétorqua vertement Tony.
— L'intérieur de la lampe est une poche vers une autre dimension. Tu vois ces inscriptions sur le côté de la lampe ? C'est un sort d'appel basique. Il suffit de frotter un peu pour l'activer, et le sort me précipite à l'extérieur de la poche dimensionnelle.
— Ça fait mal ? »
Une fois de plus, Loki resta silencieux, comme pesant intérieurement ses prochaines paroles.
« Ce n'est pas agréable.
— Mais pourquoi-, comment-, qui-
— Ce n'est pas important, le coupa Loki froidement.
— Donc, tu ne vas pas retourner dans la lampe. Mais tu ne peux pas prendre une apparence plus humaine ? Tu passes pas tout à fait inaperçu.
— Non. Je ne peux pas.
— La magie ne fait pas tout.
— La magie pourrait tout à fait y remédier. Mais je ne peux pas. C'est tout. Fin de la discussion.
— Ok, ok, te mets pas en colère. Je posais juste la question. Parce que si tu veux sortir d'ici, il faudra que tu sois un peu plus discret. Et les humains ne sont pas bleus.
— Je sais cela, Anthony Stark. Il existe d'autres moyens pour ne pas être vu. Je ne peux prendre l'apparence d'un humain. Mais je peux me rendre invisible. Ne t'en fais pas pour moi.
— Invisible ? Classe !
— Merci. J'imagine. Maintenant, tu peux aller réfléchir à ton vœu, ou vaquer à tes occupations d'humain. Je ne te retiens pas.
— Je te rappelle quand même que, ici, c'est chez moi. Je fais ce que je veux. »
Loki eut un petit rire amer.
« Ce que tu veux. Profites-en. »
Un peu déstabilisé par ces dernières paroles, Tony battit en retraite et retourna dans le salon. À nouveau, il réfléchit à divers moyens de commencer une nouvelle vie sans que l'ancienne le poursuive. Lister ses possibilités lui semblait être une bonne idée, tout comme évaluer leurs probabilités de réussite. S'il avait bien décodé les explications de Loki, plus son vœu serait précis, plus le génie serait à même de le réaliser. Devenir riche était trop vague. C'était pourtant un bon début, au moins un objectif à atteindre à moyen terme. Il devait maintenant évaluer quelles étapes seraient potentiellement réalisables en soi, et lesquelles le seraient par magie.
Tony était très confiant en ses capacités. Il se savait supérieurement intelligent, brillant, et capable. Cependant, le peu d'opportunités dans sa vie, son milieu social et ses récentes activités peu légales lui avaient fermé un nombre considérable de portes. Mais il savait se créer des opportunités. La preuve en était dans l'application sur laquelle il travaillait depuis quelques mois. Cela consistait en une sorte d'optimiseur d'applications. Il n'aimait pas ce qui était proposé par les téléphones et les tablettes pour gérer l'espace et avait donc créé une application pour arranger cela. En réalité, il avait également conçu un système d'exploitation entier, qu'il utilisait sur son propre téléphone, mais il manquait de finition, d'ergonomie et d'attrait pour être commercialisé. Mais c'était une idée à ne pas rejeter.
Il avait donc en stock cette petite application légère et utile, un système d'exploitation pour téléphone et des dizaines de projets pas aboutis faute de temps, de motivation ou de perspective d'avenir.
Tony aimait coder, cela, il ne pouvait le nier. Mais il aimait aussi bricoler, et il avait toujours deux, trois, quatre projets en même temps ou plus. Il lui fallait quelque chose pour l'aider à aller plus vite. C'était pourquoi son plus gros projet, celui qui lui prenait le plus de temps, et qui avançait lentement, était le codage d'une intelligence artificielle destinée à l'aider à coder. L'IA devait être suffisamment autonome pour prendre des initiatives et corriger elle-même ses bugs. C'était beaucoup demander, mais Tony ne désespérait pas. Cependant, son petit ordinateur portable n'était pas assez puissant pour contenir un si gros programme, son projet en était donc toujours au stade d'abstraction.
Maintenant qu'il savait à quoi se consacrer, il lui fallait trouver une façon de formuler son vœu afin qu'il n'ait pas de limite de temps.
« Être chanceux en affaire, marmonna Tony pour lui-même. Non. Trop vague, trop incertain. Faire de chacune de mes opérations commerciales une réussite lucrative. Mieux.
— Est-ce là ton vœu ? »
Tony sursauta violemment. Loki se tenait à quelques centimètres à côté de son oreille, derrière le canapé, sans qu'il ne l'ait entendu approcher.
« Putain ! Comment tu fais ça ? Réponds pas. C'est magique, gniagnia. Je cherche à formuler mon vœu puisque tu veux qu'il soit mûrement réfléchi.
— Tu es plus malin que je ne le pensais, admit Loki en s'asseyant lui aussi sur le confortable meuble. Peu sont ceux qui font l'effort de comprendre cette règle de la précision du vœu, la plupart pensent que je vais trouver seul un moyen d'atteindre la finalité qu'ils désirent. Hammer était particulièrement imbuvable à ce propos. Il pensait que ce n'était pas à lui de me mâcher mon travail. Mais toi, tu penses immédiatement par étapes, et tu réfléchis à un vœu suffisamment précis pour ne pas être refusé, mais également suffisamment large pour être efficace continuellement. C'est plutôt habile de ta part.
— Euh, merci. Donc, c'est bien comme vœux ?
— Non. Vouloir devenir riche en forçant le sort, ce n'est ni bien ni mal.
— Je voulais dire-
— Je sais ce que tu voulais dire humain. »
Tony poussa un soupir fatigué.
« Si c'est moi qui fais les vœux, pourquoi c'est toi qui décides quand ? Je ne te connais pas, mais j'ai comme l'impression que tu n'auras jamais envie de réaliser mes vœux, malgré l'obligation. »
Loki eut un sourire mauvais, mais également un regard noir, presque furieux.
« Tu comprendras que je ne suis pas exactement ravi de mettre mes pouvoirs à la disposition de n'importe qui.
— Touché. Voilà la situation : je suis dans la merde, et tu tombes à pic. Mais, je n'ai pas beaucoup de temps.
— Rien qui ne me concerne, répliqua Loki. Si tu meurs, alors je n'aurais pas à t'offrir mes services.
— Mais, tu seras à nouveau enfermé dans la lampe, sans pouvoir en sortir. J'ai pas raison ? »
Loki perdit son sourire, mais conserva son regard furieux.
« Qui te dit que j'ai peut-être envie d'un propriétaire plus sympathique ? »
Ce fut au tour de Tony de perdre son sourire.
« Propriétaire ?
— Je suis lucide sur ma situation, humain, répliqua Loki violemment.
— Je ne veux pas être propriétaire de toi ! s'exclama Tony horrifié.
— Grand bien t'en fasse. Tu l'es néanmoins. »
Tony en resta de longues secondes silencieusement scandalisé. Il était très fondamentalement opposé à toute forme d'esclavage, et ne tenait pas du tout à être un esclavagiste. Être propriétaire d'un être pensant, conscient et communicant, à défaut d'être humain, le répugnait. Son esprit tout entier se révulsait à cette idée.
« Comment tu pourrais faire pour regagner ta liberté ? »
À nouveau, Loki le jaugea du regard, froid et impassible.
« Rien, répondit-il. Mais je vais presque finir par t'apprécier, Anthony Stark. Vous n'êtes pas si nombreux à avoir posé la question.
— Tu n'es tombé que sur des trous du cul, ou quoi ? s'insurgea le jeune homme.
— J'aime l'expression, sourit Loki. Cela me donne presque envie d'écouter ton vœu.
— J'ai comme l'impression qu'avec toi, tous les mots comptent, répondit Tony. Écouter ne veut pas dire exaucer. Puis, je ne pense pas faire appel à tes services. »
Loki cilla plusieurs fois.
« Serais-tu pris d'un élan charitable pour ma petite personne ?
— Non. Je refuse d'être ton propriétaire, donc je refuse de profiter de tes pouvoirs. Je trouverai un autre moyen.
— Tu refuserais une telle opportunité ? s'étonna cette fois beaucoup plus sincèrement Loki. »
Scandalisé, le cœur battant à tout rompre, Tony attrapa la lampe posée sur la table basse et la fourra dans les mains de Loki, qui le regarda sans mot dire, choqué.
« Je refuse de participer à l'asservissement d'une personne, continua Tony trop occupé à être outré par la responsabilité qu'on lui imposait. Tu es une personne. Alors peut-être que tu ne peux rien faire pour être libre, mais je ne participerai pas à ça.
— Je ne comprends pas, admit Loki. Pourquoi une telle posture véhémente ?
— On est dans le sud des États-Unis, ici. Et on a un vieux passé dégueulasse avec l'esclavage. Mes propres arrière-grands-parents n'étaient peut-être pas à trimer dans les champs de coton, mais ceux de mon meilleur ami, si. Hors de question que je perpétue un truc pareil. Même si c'est pas douloureux, ou je ne sais quelle connerie. Une personne, c'est fait pour être libre. Et si tu as fait quelque chose et que c'est ta punition, c'est une punition dégueulasse ! On a inventé les prisons et ça ressemble pas à une lampe à huile minuscule ! »
Loki eut un petit rire bas et redéposa délicatement la lampe sur la table basse, au milieu du service à thé marocain.
« Tu es une vraie surprise Anthony Stark. Je crois que je t'apprécie. C'est la première fois qu'un propriétaire refuse d'utiliser ses vœux.
— Eh ben, c'était tous des connards ! Et putain de merde, je vais être en retard ! »
Avec tout ça, il avait complètement oublié son rendez-vous avec Carina. Il se précipita dans la salle de bain, pour au moins être propre en arrivant au bar. Derrière lui, il entendit Loki ricaner.
En sortant de la salle de bain, il se posait encore la question de comment il allait pouvoir s'habiller avec le contenu plus que limité de sa garde-robe. Il se planta devant son armoire branlante, une serviette nouée autour des hanches, à deux doigts de rejoindre le sol au moindre mouvement un peu brusque.
« Je peux peut-être t'aider. »
Loki sortit à nouveau de nulle part, faisant sursauter Tony. Inévitablement, la serviette tomba dans un bruit de tissu lourd d'humidité dans un petit tas blanc sur le sol. Le jeune homme glapit, cherchant quelque chose à mettre devant sa virilité exposée et attrapa un t-shirt.
« Il fut un temps où les hommes n'avaient aucune honte à s'exposer nus, commenta le génie.
— J'ai pas honte ! nia vivement Tony.
— C'est l'évidence même, ricana Loki. Je te proposais mon aide. Est-ce un rendez-vous galant ?
— Je, euh, oui, en quelque sorte.
— Est-ce un rendez-vous galant ou non ?
— Oui, j'ai rendez-vous avec une femme. Dans une demi-heure, et il me faut presque trois quarts d'heure pour y aller. Peux-tu s'il te plaît me laisser pendant que je m'habille ?
— Le costume est-il toujours de rigueur lors de ce genre de rencontre ?
— Hein ? Non, enfin, peut-être dans la haute, mais là, c'est un rendez-vous dans un bar. Un jeans pas troué et une chemise, c'est très bien.
— Je vois. C'est un rendez-vous décontracté, pour une relation peu sérieuse.
— Ouais, ouais, si on veut. Tu veux bien… »
Tony fit un mouvement de la main et à sa grande surprise, Loki refit exactement le même mouvement, mais l'instant d'après, le jeune homme était habillé d'un confortable jeans brut, d'une chemise crème de la meilleure coupe, et d'une paire de chaussures de cuir neuf.
« Wouha ! Putain ! Mais, j'ai rien demandé !
— Je suis peut-être prisonnier de l'emprise de la lampe, mais j'ai encore un libre arbitre, répliqua sèchement Loki. Maintenant, tourne-toi, que je vérifie si j'ai correctement ajusté tout ça. »
Sans voix, Tony obtempéra docilement, tourna lentement sur lui-même.
« C'est parfait. Tu peux aller à ton rendez-vous.
— Je, euh, d'accord. Merci. Franchement, j'ai l'impression que je vais me réveiller à tout moment.
— Y a-t-il de quoi me divertir dans cette demeure ?
— La télé.
— Je pensais à quelque chose plus proche du livre.
— J'ai des magazines, mais, euh, c'est probablement pas ton genre. Un livre ? Tu peux en trouver des gratuits sur internet. Attends, je vais te montrer vite fait sur ma tablette. »
Un quart d'heure plus tard, Loki était installé dans le salon, la tablette de Tony à la main, et celui-ci se dépêchait de se rendre à son rendez-vous.
Héhéhé, finalement, il n'y a pas eu de premier vœu ! Et si on en croit Tony, il n'y en aura probablement jamais :D
A moins que l'autrice en ait décidé autrement.
