Bonjour à toutes et à tous !

Cette fois-ci, c'est bon ! Le titre du chapitre est suffisamment clair : enfin, Tony va faire son premier vœu !

Bonne lecture :D


Chapitre 6 : Le Premier vœu

Les mains de Loki étaient froides, et les scarifications sur sa peau la rendaient rugueuse. La sensation du transport par téléportation fut à la fois grisante et décevante. C'était comme des montagnes russes d'une seule descente, très rapide, mais très courte. En magique. Donc dix fois mieux. Cent fois mieux. Mais trop court, bon sang. Vraiment trop court.

À peine apparu, Loki se recula, et Tony perdit le contact avec la peau rugueuse et froide. Il n'avait pas réalisé avoir fermé les yeux, alors il les ouvrit.

Ils étaient dans une petite ruelle peu fréquentée de New York, loin de Manhattan, dans Brooklyn. Cela ne sentait pas très bon, un mélange d'hydrocarbure, d'urine et de poubelles. Mais ils étaient loin de Miami, c'était tout ce qui comptait.

« Sais-tu où aller, maintenant que nous sommes à New York ? questionna Loki.

— Dans un hôtel, en attendant de pouvoir sortir mon application. »

Ils en trouvèrent un non loin de leur point de chute. Loki devint à nouveau invisible et Tony demanda une chambre. Il avait cinq mille dollars, de quoi tenir quelque temps, il lui faudrait trouver une solution alternative rapidement, avant que ses finances ne fondent de trop. La chambre était humide et sentait le moisi, mais c'était tout ce qu'il pouvait s'offrir pour le moment. Loki fronça le nez, mais ne fit aucun commentaire. Le génie fit le tour de la pièce, jeta un regard dégoûté à la petite salle de bain attenante de la taille d'un placard, puis poussa un profond soupir.

« Je ne peux pas m'offrir la gamme au-dessus, répondit Tony sur la défensive. »

Il avait bien compris que Loki aimait le confort et le luxe. Mais il n'avait accès ni à l'un ni à l'autre. Sans répondre, le génie agita la main et, en quelques secondes, l'air redevint pur, les meubles gagnèrent une seconde vie, la literie s'assainit, le sol, les murs et le plafond redevinrent propres, et la salle de bain fut débarrassée de sa crasse.

« Je crois que je m'habituerai jamais, souffla Tony les yeux écarquillés. Comment ça marche ? Je veux dire, comment la magie fonctionne ? Ce sont des particules d'énergie que tu contrôles ? Ou c'est autre chose ?

— Il s'agit bien d'énergie. Mais j'ignore son fonctionnement exact. Je l'utilise c'est tout.

— Est-ce que ça s'apprend ? demanda avidement Tony.

— Il faut de grandes prédispositions, répondit Loki avec ce sourire indulgent qu'on a pour les enfants qui veulent apprendre trop vite.

— Oh, fit le jeune homme déçu. Dommage.

— J'ai étudié la magie, il y a plus de mille ans. C'est pourquoi j'en comprends un peu le fonctionnement, mais j'ai été maudit avant d'aller au bout de mon étude.

— Tu voudrais ? Recommencer à étudier la magie, je veux dire. »

Tony avait remarqué qu'à chaque fois qu'il s'intéressait un peu à ce que voulait Loki, à ce qu'il désirait, celui-ci était troublé. Le jeune homme ne savait pas si c'était parce que personne n'avait montré de curiosité à ce sujet ou si c'était parce que Loki lui-même s'interdisait de rêver à un futur meilleur. Mille ans dans une boîte de conserve en cuivre, même avec de jolies gravures, ce n'était pas épanouissant.

« Il n'y a aucune documentation sur ce monde qui traite de la magie. De la vraie magie.

— Les études, c'est pas que dans les livres. La science, c'est avant tout de l'expérimentation ! »

Là, on touchait à son domaine.

« La magie échappe à votre science.

— Nan, c'est pas ce que je voulais dire. Je disais qu'on peut certainement l'étudier scientifiquement. De manière méthodique et expérimentale. C'est ça la science. Les sciences, ce sont des domaines d'étude. Mais La Science ! C'est une méthode ! D'abord, tu pars d'un constat, tu te poses des questions. Tu cherches si des gens avant toi se sont posés la même question. Des fois oui, et il y a plein de documentation, des fois non, et tu deviens pionnier de ton domaine. Après ça, tu formules une hypothèse. C'est une ou plusieurs affirmations que tu vas devoir tester, et là tu fais, ce que je préfère, une expérience ! Ça se fait pas n'importe comment, je t'apprendrai, si ça t'intéresse. Pareil pour la formulation d'hypothèse, c'est très codifié. Enfin, tu fais ton expérience, et tu arrives à des résultats. Avec l'analyse des résultats, tu es en mesure de valider ou non ton hypothèse, sachant qu'à tout moment, si tu obtiens de nouvelles données, cette hypothèse peut être invalidée !

— Es-tu un scientifique ?

— J'aurai aimé. J'ai fait des études d'ingénieur, pas de recherche, mais même ça, j'ai pas pu aller au bout.

— Que s'est-il passé ?

— Mes parents sont morts, ne me laissant que des dettes. J'ai dû arrêter mes études pour trouver de l'argent.

— Plus le temps passe, plus j'ai l'impression que l'argent occupe une place de plus en plus centrale dans votre monde, remarqua Loki.

— L'argent gouverne le monde, en tout cas, c'est ce qu'on dit. Tu viens d'où, toi ? Tu n'es pas de la Terre, hein ? Déjà, parce que si des hommes bleus se baladaient dans les rues, ça se saurait, et je ne parle pas du Blue Man Group, évidemment.

— Pas de la Terre, répondit simplement Loki.

— T'es un extra-terrestre ! s'extasia Tony. Mais tu viens d'où ?

— Pas de la terre, répéta Loki un peu plus froidement.

— D'accord. Ok. Tu veux pas en parler. Totalement ton droit le plus total. Et je ne poserai pas non plus la question de pourquoi tu ne veux jamais parler de toi. Pourquoi tu ne veux jamais parler de toi ? »

Loki leva les yeux et se détourna pour aller s'asseoir dans le seul fauteuil de la pièce, rendu moins poussiéreux et défoncé par la magie.

« Que comptes-tu faire maintenant ? demanda-t-il pour changer de sujet.

— Finir mon appli. La mettre en ligne à bas prix, croiser les doigts pour qu'elle fonctionne et qu'elle rapporte un peu d'argent.

— Les probabilités ne sont pas hautes, n'est-ce pas ?

— Quasiment inexistantes. Mais j'ai d'autres projets, plus ambitieux. Il faut juste un peu de financement.

— Fais un vœu.

— Je te demande pardon ?

— Fais un vœu. Demande quelque chose. Je t'aime bien Anthony Stark. Tu es différent des autres humains. Tu ne prends pas les vœux comme dus ou allant de soi. Tu poses des questions, trop intimes ou gênantes, mais au moins, tu en poses. Tu veux même comprendre la magie. Donc oui, je t'aime bien, Anthony Stark. Je ne vois pas d'inconvénient à exaucer tes vœux.

— Déjà merci. Ensuite, appelle-moi Tony. Mes amis m'appellent Tony. Enfin, t'es sûr ? Je veux dire, et si je faisais semblant ? Tu as l'air de me faire confiance ou quelque chose comme ça, alors qu'on se connaît depuis à peine un jour.

— Je n'ai confiance en personne. Mais je sais quand quelqu'un me ment.

— Oh. Pratique. Ça n'empêche que je suis pas très à l'aise avec le fait d'exploiter ton pouvoir à mon profit. »

Loki leva les yeux au ciel.

« Puisque je te le propose. Je sais que tu as réfléchi au moins à un vœu. C'est le moment. Mets toutes les chances de ton côté, pour toi, mais aussi pour ce Rhodey qui doit veiller sur sa famille. Ou ton autre ami. C'est pour eux que tu veux réussir. Fais-le. Réussi. »

Tony ouvrit la bouche, puis la referma dans un grand clac. C'était sensé. Mais c'était aussi une pente morale glissante. Loki n'était pas son ami, et il ne lui rendait pas service, pas comme quand il les avait téléportés à New York. De plus, il commençait un peu à cerner le personnage, et il comprenait que Loki aimait le donnant-donnant. Il voulait retirer quelque chose de ses actions. Il souhaitait que Tony réussisse ses projets. Ses raisons étaient plus floues : par amour du confort et du luxe, ou pour autre chose, que Tony ne pouvait saisir tant que le génie ne s'était pas un peu ouvert.

Mais soit. S'ils avaient tous les deux le même objectif, celui de vivre mieux, alors pourquoi ne pas formuler un vœu ? Par principe ?

C'est important les principes. Ce sont des garde-fous, des limites morales. Les dépasser, c'est se renier un peu. Tony ne voulait pas se renier. Mais le garde-fou peut aussi bouger, selon les évolutions morales de chacun, ou selon les nécessités.

« Alors ? Quel est ton vœu ? »

Tony resta silencieux encore quelques instants, à la fois pour finir de peser le pour et le contre, et pour formuler correctement ce qu'il voulait.

« Je souhaite que mes projets d'affaires soient toujours des succès triomphants. »

Loki eut un sourire à la fois ravi et effrayant.

« Tu formules bien. Tu as bien compris les spécificités des vœux, et tu as bien réfléchi à ton souhait, Anthony Stark, bravo. Considère que ton vœu est exaucé.

— C'est tout ? Je veux dire, se reprit-il précipitamment. Merci. Mais, il n'y a pas de formule magique, ou de lumière bizarre ou quoi ? »

Loki leva les yeux d'exaspération. Il se leva de son fauteuil, se planta à deux pas de Tony, tendit les mains vers lui, paumes en avant, et se mit à incanter en marmonnant des choses incompréhensibles. Subitement, un rai de lumière dorée jaillit de ses mains et vint frapper la poitrine de Tony qui trébucha en arrière et s'étala sur le lit. C'était chaud et un peu désagréable, comme des chatouilles.

« Y avait-il suffisamment de folklore pour toi cette fois ? demanda Loki dégoulinant de sarcasme.

— Ouais, répondit Tony dans un râle. Désolé. Le ferai plus. »

Il se redressa péniblement, la main sur la poitrine pour reprendre sa respiration. Loki avait pris ses aises en attendant, ouvrant le grand sac de toile, magiquement rempli par ses soins, duquel il extirpa la tablette de Tony. Apparemment, quelques heures avec l'écran électronique lui avaient suffi à se familiariser avec et à en comprendre le fonctionnement parfaitement. Il se rassit dans le fauteuil, croisa les jambes, fit apparaître à nouveau magiquement une tasse de ce que Tony devinait être du thé, et se mit à lire.

Tony en profita pour reprendre le codage de son application. L'aube n'était pas loin, mais il n'avait pas sommeil. Tous les événements de la soirée tournaient encore beaucoup trop dans sa tête, et l'empêcheraient de dormir à coup sûr. Il préférait donc travailler sur son projet pour être en mesure de le mettre en ligne le plus rapidement possible. En bossant d'arrache-pied pendant deux ou trois jours, il pensait pouvoir fignoler l'application, la tester pendant ensuite un jour ou deux, puis la mettre en ligne. Il espérait qu'en cinq jours maximum, Stane n'ait pas le temps de le retrouver, ou de faire du mal à ses amis. Il ne pouvait décemment leur demander de le rejoindre, alors qu'il n'avait rien à leur proposer de concret, aucun point de chute, aucune solution viable à moyen ou long terme.

Il se réveilla vers l'heure de midi, après s'être endormi sur son travail. L'ordinateur s'était docilement mis en veille, et Loki était toujours dans le fauteuil.

« Tu lis toujours ? s'étonna Tony d'une voix pâteuse.

— Bonjour à toi aussi, répondit Loki en ne lâchant pas la tablette des yeux. Oui, je lis toujours, mais j'ai profité du début de la matinée pour faire un tour dans le quartier. Ce n'est pas fameux.

— C'est Brooklyn. Et pas la meilleure partie. Je t'emmènerai à Manhattan, si tu veux être ébloui.

— Qu'est-ce ?

— Un autre quartier de New York. Qu'est-ce que j'ai fait de mon téléphone ?

— Cette chose a vibré pendant une bonne partie de ton sommeil. Comme le nom qui s'affichait n'était ni Rhodey, ni Happy, je me suis ditæ que ce n'était pas important. »

Il sortit le petit appareil de la salle de bain, et le lança à Tony. En effet, il avait reçu de nombreux appels et messages. De Stane. Quatre appels manqués entre six et huit heures. Dix-huit messages dont la moitié était des menaces explicites et l'autre moitié encore des menaces explicites. La gorge de Tony se serra quand il lut que Stane n'hésiterait pas à s'en prendre à ses amis et leurs proches.

« Merde, jura Tony dans sa barbe. Merde, merde, merde.

— Un problème ? s'enquit Loki en levant enfin la tête de sa lecture.

— Stane me menace, et menace mes amis, leurs familles, tous ceux qui ont croisé un jour ma route.

— Pas très original.

— Mais efficace. Qu'est-ce que je fais, putain ?

— Déjà, tu arrêtes de croire que c'est de ta responsabilité. Stane est une ordure, il te menaçait même lorsque tu faisais semblant de vouloir travailler pour lui. Ce chantage a toujours existé implicitement, mais tu n'en es pas responsable. Ensuite, tu peux éventuellement prévenir tes amis. Dis-leur de se tenir prêts à te rejoindre à New York à tout moment, même si c'est dans un ou deux jours. Le reste n'est pas de ton ressort.

— C'est rageant ! s'énerva Tony en serrant les poings.

— Je sais. Le mieux que tu puisses faire, c'est faire aboutir ton projet. »

C'est ce qu'il fit. Au terme d'un marathon de plus de douze heures de travail intense, sans s'arrêter, Loki ayant fourni magiquement la nourriture, tout en insistant sur l'aspect exceptionnel de la situation, l'application était prête. Tony pleurait presque d'épuisement. Il décida que la période de test était fortement facultative, donc oubliable, puis il ajouta sa création au très long catalogue d'applications en ligne sur les deux grandes plateformes proposées par Apple et Google.

Désormais, il fallait attendre que la magie opère, littéralement.


Apparemment, Tony a réussi son coup. Il a fui Miami et Stane, il a un génie magique avec lui, et il a formulé un vœu pour un futur meilleur.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, n'est-ce pas ?