Le jour des sept ans de Roshan, il n'a pas droit à une fête – plus tard dans le mois, ce sera Yule et Noël, il y aura suffisamment à fêter comme ça. Et puis, ce n'est pas n'importe quel anniversaire, atteindre sept ans n'est pas une occasion célébrée avec des jeux et des cadeaux et des invités qui vous apportent des bonbons.

Non, c'est une occasion qui vous vaut d'être récuré de fond en comble, encore plus méticuleusement que d'ordinaire – Grigri vérifie carrément derrière les oreilles de Roshan et le frotte vigoureusement avec la serviette au point de lui laisser la peau rose vif, le garçon en reste frissonnant avec une certaine envie de se démanger à la manière d'un chien galeux infesté de puces et de morpions. Après quoi il se fait habiller très sobrement, chemise un peu trop longue dont les manches lui couvrent presque entièrement les mains et pantalon qui nécessite un coup de ceinture en tissu pour ne pas tomber trop bas sur ses hanches et menacer de laisser entrevoir le haut de son caleçon, un peu débraillé comme tenue et Roshan trouve ça déroutant.

Et puis Grigri le traîne dans le bureau de grand-père, la pièce que Roshan s'efforce d'éviter autant que possible parce que c'est le domaine de son aïeul et il n'est généralement appelé à l'intérieur que quand il a commis une bêtise et mérite d'être puni, alors le garçon ne déborde pas franchement d'enthousiasme en franchissant le seuil et en disant bonjour au vieil homme.

Celui-ci est habillé aussi simplement que son petit-fils, mais parce que grand-père n'est pas un petit garçon encore en train de grandir, sa chemise et son pantalon lui vont très bien. Les narines du vieux monsieur se dilatent pendant qu'il passe en revue Roshan, mais il ne commence pas à le disputer, c'est toujours cela.

« Roshan Altaïr Lestrange. Tu as désormais sept ans, et cela signifie que tu peux commencer ton instruction magique. »

Intérieurement, Roshan pense à ce que Perry l'Auror lui a toujours affirmé – que c'est seulement après avoir atteint onze ans et reçu une lettre pour Poudlard que vous aviez le droit d'utiliser une baguette. Cependant, il ne dit rien, c'est beaucoup mieux de laisser parler grand-père qui n'aime pas être interrompu et apprécie encore moins d'être contredit, et en guise de cadeau d'anniversaire Roshan peut imaginer plein de choses beaucoup plus agréables qu'une paire de gifles et une heure enfermé dans un placard.

« Entre ces murs » poursuit grand-père, « tu apprendras ce qu'est la vraie magie, sans les mensonges dont le gouvernement a décidé de bourrer le crâne des enfants qui fréquenteront Poudlard avec toi. Hah ! Quand on pense qu'ils se proclament plus tolérants, qu'ils clament sur tous les toits encourager la liberté, seulement pour brûler les grimoires et déclarer que leur méthode pour pratiquer la sorcellerie est la seule qui en vaille la peine ! »

Roshan ne voit pas grande différence entre son grand-père et le gouvernement, dans ce cas – pourquoi n'arrivent-ils pas à s'entendre alors qu'ils pensent exactement pareil, c'est réellement déroutant. Mais il garde la bouche bien fermée, parce que grand-père est en train de parler et qu'il n'aime pas beaucoup le gouvernement et se fâcherait de lui être comparé.

« Tu n'utiliseras pas de baguette. Ta magie est encore trop immature pour supporter le choc de t'en servir délibérément, et l'Héritier Lestrange ne saurait se retrouver incapable de plus de quelques charmes ménagers à cause d'impatience. »

Rien à redire là-dessus. Une baguette ne s'achète qu'après l'arrivée de la lettre d'inscription, qu'après une visite chez le fabriquant, et Roshan n'est pas encore assez grand pour cela.

« Ce que tu apprendras, ce sont les origines de notre famille, ce sont les combats qu'ils ont menés et les victoires qu'ils ont remporté afin de permettre à la lignée de perdurer et de conserver ses pouvoirs au lieu de les diluer et de s'éteindre dans l'obscurité comme bien d'autres plus fières et plus redoutables. Tu t'en montreras digne, et pour cela tu n'oublieras aucun de ces noms, aucun de ces faits que tu entendras entre ces murs. »

Bon, c'est une leçon d'histoire, on dirait. Une qui sonne presque comme un récit de pirates, mais qui concerne les ancêtres de Roshan plutôt que des boucaniers et corsaires, et il ne peut pas s'empêcher de penser qu'il va nettement moins apprécier que les histoires d'aventures en haute-mer, parce que tout ce qu'il a appris sur sa famille jusque là les peint dans une lueur déplaisante et le garçon ne voit pas pourquoi ce serait différent avec ses ancêtres, les gens héritent leurs habitudes de leurs parents, n'est-ce pas ?

« Ce que tu apprendras, ce sont des recettes et des sortilèges que la clique de bonnes âmes effarouchées qui se sont emparées du pouvoir voudraient voir disparaître à jamais pour que plus personne ne s'en serve, que plus personne n'imagine que ça puisse exister. Si tu essaies d'en parler à qui que ce soit, ma colère sera le cadet de tes soucis, car ne va pas t'imaginer que la marionnette de la Lumière qui siège au tribunal aura la moindre indulgence pour toi. »

Roshan avale sa salive. Il tient beaucoup à Perry l'Auror, peut-être autant qu'à tante Narcissa et définitivement plus qu'à son grand-père, mais il sait que son visiteur régulier envoie en prison des gens ayant fait des choses qui n'ont pas plu au gouvernement, et puisque les parents de Roshan sont déjà en prison, si jamais Perry décidait que Roshan leur ressemble trop et devrait les rejoindre dans leur cellule ?

Roshan a rêvé de revoir ses parents, quand il était plus petit. C'est un rêve qui s'obstine à refaire surface la nuit, quand le garçon ne peut pas se rendormir et que le silence lui serre la gorge au point qu'il n'arrive plus à respirer, il a trop froid, il est trop seul. C'est un rêve que Roshan n'est plus tellement sûr de vouloir réaliser.

Surtout pas si ça l'oblige à finir en prison lui aussi.

« Me suis-je bien fait comprendre ? »

Une seule réponse à cela.

« Oui grand-père » répond Roshan, ses yeux orangés fixés sur ceux glacés de son grand-père, et le vieil homme pince les lèvres.

« Et bien, Roshan Altaïr Lestrange, tu viens d'effectuer tes premiers pas sur le sentier qui te verra hériter le nom Lestrange, et mériter ce nom. »

Le garçon pense à ses leçons d'escrime, et songe que ça ressemble au travail et aux efforts nécessaires pour être reconnu en tant que maître par vos pairs, c'est constant et ça n'en finit pas et un jour vous ne serez plus capable de tenir le rythme et vous n'aurez plus qu'à espérer que la personne que vous avez préparé à vous succéder sera aussi bonne que vous l'étiez.

Au contraire de l'escrime, ça paraît plus fatiguant pour moins de résultats, et en plus ça vous met en danger plutôt que de vous donner un moyen de défense. Roshan regrette décidément de ne pas pouvoir s'enfuir pour devenir pirate et obliger quelqu'un d'autre à mériter le nom Lestrange, en ce qui le concerne il serait content de recevoir un titre aussi impressionnant que Barbe Noire ou Calico Jack, c'est nettement plus chouette.

Mais bien sûr, il est trop petit et ça signifie que ce qu'il veut n'a aucune valeur, et si ça se trouve ça ne changera pas peu importe combien de diplômes il gagne, et ce n'est pas une perspective qui lui donne envie.

Il peut juste attendre, et faire ce que lui dit grand-père.