Bonjour !

Eh non je n'étais pas partie en vacances, c'est tout l'inverse, et j'ai eu pas mal de soucis si bien que ce chapitre a stagné alors qu'il était presque déjà écrit. J'ai eu enfin le temps de le finaliser, et je pense qu'il risque d'être un peu frustrant, mais je le trouve logique comme ça, symétrique comme j'aime bien, et bref, fallait que je pose quelques éléments :)

J'espère qu'il vous plaira !

Enjoy :)


CHAPITRE SIX

« Il suffit de rêver. Rêver sans cesse. Entrer dans le monde des songes, et ne plus en ressortir. Vivre éternellement dedans.

Car dans les rêves, il n'est pas nécessaire d'établir des distinctions entre les choses. Pas du tout nécessaire. Les frontières n'existent pas. Et du coup, dans les rêves, les collisions se produisent rarement. Même quand il y en a, elles ne sont pas douloureuses. La réalité, c'est différent. La réalité, ça mord. Réalité, réalité. »

Haruki Murakmi, Les Amants du Spoutnik

I

Le soleil sur mes paupières… des ombres qui jouent. À travers elles je vois des mondes se dessiner. Des galaxies qui s'étirent, des soleils qui éclatent, des nébuleuses qui bourgeonnent dans le vide intersidéral. Je suis léger, maintenant. Je n'ai plus froid. Et il ne fait plus noir. Je crois que je commence à me détacher de moi-même comme d'un vieux manteau… Mais ce n'est pas grave. Disparaître, c'est peut-être pas si terrible, après tout ? Je me sens de plus en plus léger, comme drainé de ma substance, comme si je m'évaporais dans le cosmos qui se dessine sous mes paupières. Le ballet des astres m'attire toujours plus loin…

Je ne sens presque plus rien, maintenant.

Non, disparaître…

C'est pas si terrible après tout.

Kise se réveilla brusquement, et il eut l'impression de tomber alors que la gravité se rappelait soudain à lui. Il ouvrit grand les yeux dans un sursaut, sa conscience choquée reprenant conscience de son environnement. Le sol était dur et irrégulier, poussiéreux. Des cailloux provoquaient des élancements douloureux dans sa colonne vertébrale, et une plante piquante lui mordait l'omoplate. La chaleur écrasante affolait son cœur, et il réalisa à quel point il avait soif. Il planta un coude en terre et se redressa péniblement. Bon sang, ce qu'il était faible… Il releva la tête vers le ciel. Il n'y vit pas le ballet astral hypnotique de son rêve à demi éveillé, mais un bleu profond, infini, vide. Le soleil lui-même y semblait perdu comme une tâche de lumière dans un vaste océan.

Il savait qu'il aurait dû avoir faim – il n'était pas vraiment sûr d'à quand remontait son dernier repas – mais à la place, il fut saisi d'une nausée violente. Tout son corps semblait se rétracter sur lui-même, comme si la chair se repliait sur les os. Il connaissait bien cette sensation. Le manque. C'était comme un animal conscient, une autre vie parasite enroulée à la sienne. S'insinuant dans ses veines, autour de ses poumons, dans ses tripes. Ça faisait mal, et ça lui embrouillait les pensées comme si un énorme marteau frappait dans sa tête. Un sanglot s'étrangla dans sa gorge, mais il avait les yeux aussi secs que les cailloux sur lesquels il s'était évanoui. Les spasmes nauséeux se succédèrent pendant de longues minutes, sans que rien ne remonte de son estomac verrouillé.

Dans une brume enfiévrée, il se rappela les visions de son rêve. Et il sut clairement que s'il s'était réveillé, c'était par pur réflexe de survie. Parce qu'il avait été tout proche de disparaître pour de bon.

Il ne savait pas ce que cette idée lui faisait, il n'y avait que la souffrance physique qui prenait toute la place dans son cerveau, et tout ce qui lui restait, c'était l'instinct. Et son instinct avait décidé qu'il n'en avait pas encore fini avec la vie.

Il s'agrippa à l'arbre décharné qui lui avait fourni un peu d'ombre et poussa sur ses genoux dans un effort désespéré pour se relever. Puis, il cligna des yeux dans la lumière accablante. Un paysage assoiffé. Il n'y vit rien de familier, et pas une trace humaine où qu'il regarde. Dans la fournaise, un frisson trouva son chemin au creux de sa poitrine et s'enroula autour de son cœur.

II

Quand Aomine émergea ce matin-là, il se rappela aussitôt les images de son cauchemar. Heureusement, à la lumière du jour, elles lui parurent plus assourdies, plus irréelles. Soulagé, il le fut encore plus en sentant l'arôme du café se répandre dans la pièce. Il se frotta le visage, épuisé par cette nuit imprégnée d'angoisse, et accepta la tasse que lui tendait Kagami. Il commença à boire lentement, en silence, la chaleur et l'amertume de la boisson cajolant son système nerveux et éclaircissant sa conscience. Aujourd'hui, ils n'auraient pas à attendre sans rien faire que que l'enquête avance : ils allaient pouvoir mener la leur. Il ne se faisait pas d'illusions, les chances de trouver un indice étaient faibles, mais au moins, ils pourraient agir à leur échelle. Avant de partir, ils avaient fait imprimer des avis de recherche. Les distribuer en ville et poser des questions dans les établissements les plus susceptibles d'avoir vu passer Kise pourrait peut-être les aider à retrouver leur ami. Aussi, ils ne perdirent guère de temps, et une demi-heure plus tard, ils déambulaient dans les rues de la ville qui bruissaient déjà d'activité. Les terrasses des cafés se remplissaient peu à peu, des randonneurs, avec leurs gros sacs à dos harnachés sur la poitrine, prenaient la route du parc naturel, des familles en vacances jetaient un œil paresseux dans les vitrines des boutiques souvenirs. Dans cette ambiance joviale et légère, difficile d'imaginer à quoi ressemblait la ville à l'époque de la ruée vers l'or. La poussière des rues avait dû éponger le sang de plus d'une victime de règlement de comptes… Cette image mentale fit frissonner Aomine, qui la repoussa. S'il n'y était pas toujours, Kise était au moins passé par ici. Quoique… Ils n'étaient même pas complètement sûrs de ça non plus. C'est pourquoi ils avaient aussi imprimé des avis de recherche avec le portrait du dealer, Adam Keller.

Chez un marchand de journaux, ils achetèrent plusieurs quotidiens locaux, nationaux et fédéraux, dans l'espoir d'y trouver des indices. Aomine savait d'expérience que les journalistes s'avèrent parfois aussi fins limiers que les flics eux-mêmes, ou bien leur perspective différente apportait de nouveaux éléments… Il arrivait aussi que les médias ne fassent que brouiller les pistes… Bref, c'était impossible de savoir à quoi s'attendre vraiment, mais ça pouvait aider. Un peu plus tard, des dizaines d'affiches déposées, ils se posèrent dans un café pour faire la lecture de leurs trouvailles. Kagami ne tarda pas à dénicher un article assez long sur le sujet, et entama la lecture les sourcils froncés dans la concentration, oubliant son café qui refroidissait sur la petite table ronde abritée par un parasol. De l'autre côté, essayant de ne pas faire tomber son verre de bière, Aomine se plongeait dans l'étude de ses propres journaux, mais ne trouvait rien de probant et s'impatientait, surveillant du coin de l'œil son compagnon absorbé qui ne remarquait rien de ses mimiques agacées. Enfin, le tigre posa le journal. Il regarda ailleurs comme s'il cherchait des réponses dans la journée ensoleillée, et le brun en profita pour lui chiper le journal.

Ryota Kise – Une star à la dérive (Laura Jenning, 16 juin 2023)

Vous avez déjà fantasmé de devenir célèbre ? Une chimère à la poursuite de laquelle de nombreux jeunes gens, les poches vides et des rêves plein la tête, emménagent à la Cité des Anges. Et pourtant, derrière le strass et les paillettes, la réalité est souvent plus sombre.

Que venait chercher Ryota Kise dans les quartiers les plus huppés d'Hollywood ? De nouveaux contacts, un moment de détente ? En tout cas, la star n'a jamais reparu de la maison de Beverly Hills où il aurait été aperçu pour la dernière fois lors d'une soirée mondaine.

Le mannequin âgé de 35 ans s'était fait connaître du public d'abord dans son pays natal en participant à de célèbres campagnes de publicité, puis ses horizons se sont élargis lorsqu'il a décroché des contrats à l'internationale, et notamment aux USA où il a obtenu de petits rôles dans des séries et des apparitions dans des campagnes marketing pour certains des plus artistes majeurs du Top 50. Dernièrement, les Los Angeles Puppies, célèbre groupe de grunge local, l'avaient engagé pour figurer dans leur dernier clip promotionnel. Ce clip, s'il voit le jour, ne comptera probablement plus au casting l'idole japonaise.

Dès le jeune âge de 15 ans, Ryota avait l'habitude de poser pour des magazines de mode, et son ascension, autant due à son physique angélique qu'à un caractère généreux et ouvert, semblait inéluctable.

On connaît tous les success stories qui tournent au vinaigre. La starification des jeunes gens mène trop souvent à des erreurs de parcours dans le meilleur des cas, et dans les pires, à des cauchemars sous l'influence de stupéfiants. La jeune star n'y a pas échappé. La faute peut-être au succès trop rapide et à la pression inhérente au métier, le mannequin a rapidement goûté aux plaisirs fugaces des drogues, et il semble que cette vieille et mauvaise habitude de ne l'ait jamais quitté. Après une cure de désintoxication à l'âge de 32 ans, la piste semble de nouveau remonter à ses vieux démons. Selon un officiel de la police, « Ce n'était pas la première fois. Ces gens-là perdent le sens des réalités. »

Ryota a-t-il perdu le sens des réalités en cette soirée chaude de juin ? Jusqu'où ? Quelqu'un en a-t-il profité pour lui soutirer de l'argent et le laisser pour mort ? À ce stade, toutes les hypothèses sont permises.

Mais quand on se penche sur le parcours du mannequin – déjà sur la route de la retraite dans un milieu où l'âge ne pardonne pas – on peut légitimement se poser des questions. Selon certains proches, il avait commencé à « se comporter étrangement », il paraissait « déprimé » et sans confiance en l'avenir. Est-il possible que Ryota ait préféré en finir ? Au Japon, la pression sociale y pousse de nombreuses personnes de toutes catégories démographiques. Ses fans refusent d'y croire, et pourtant, la question demeure : victime du système, Ryota Kise s'est-il donné la mort ?

Aomine plaqua violemment le journal sur la table, faisant vaciller son verre de bière qui heureusement moussa avec colère avant de retrouver sa stabilité.

« C'est quoi ces conneries ?! » aboya-t-il.

Kagami le regarda en levant les mains, comme pour signifier qu'il n'était pas responsable des propos tenus dans cet article, ce qui n'apaisa pas, et de loin, sa colère. Pour ce qu'Aomine en savait, la journaliste ne racontait pas des mensonges, et pour autant, ça le hérissait comme s'il y avait diffamation. Et il n'arrivait pas à mettre au clair ces sentiments ambigus qui se disputaient la suprématie dans sa poitrine déjà malmenée d'émotions contraires. Il allait vraiment finir par se faire des cheveux blancs… ou un ulcère. Non, pas d'ulcère. Pas le temps pour rester allongé dans un lit d'hôpital à geindre sa douleur. Comme si t'allais avoir le choix, murmura la voix familière – tapie précisément dans son estomac – de son angoisse.

« Et en plus ils en parlent comme s'il était déjà mort… » grogna-t-il, toute sa rancœur tapissant sa gorge comme un sirop trop épais.

Kagami le fixa, et acquiesça finalement en poussant un soupir.

« Je sais. Mais c'est qu'un article. »

Ça le piqua, et il eut envie d'envoyer une réplique acerbe, juste avant de réaliser que ce n'était pas à Kagami qu'il en voulait. Alors il ne dit rien et ramassa son verre de bière écumant et le but comme on boit la tasse.

III

Ils passèrent une partie de l'après-midi à poursuivre leur enquête médiatique. Kagami lut avec une sorte de fascination malsaine ces descriptions d'un homme qui avait été son ami et qui apparaissait désincarné sur ces quelques lignes. Les articles parlaient bien de Kise, et pourtant Kagami ne le reconnaissait pas. Il savait bien qu'on a, en quelques sortes, plusieurs identités dans sa vie. Certains parlent de masques, mais Kagami préférait le terme de facettes. Une facette pour le travail, une facette pour son père, une facette pour les inconnus… Pour lui, seul Aomine voyait l'intégralité des facettes. C'était ça la nature de leur intimité émotionnelle. Avec d'autres amis proches, il ne se cachait pas non plus, il ne choisissait pas de facette, du moins pas consciemment, car les autres font toujours ressortir certains traits et comportements plus que d'autres. Mais avec Aomine, il n'avait aucune prudence ou réserve, du moins il essayait de ne pas en avoir. Ils cherchaient à cultiver une relation fluide, qui change de couleur chaque jour sans en ternir la nature.

À présent, il se demandait quelles facettes de Kise il avait connues. Et les journaux, de laquelle parlaient-ils ? De la façade, de l'existence sociale de Kise. Cette existence s'était soudainement terminée. Et personne ne savait selon quelles modalités Kise continuait, ou non, d'exister. Aomine lui avait dit que pour enquêter sur une disparition, on commence par interroger les proches et vérifier le contexte actuel de la vie du disparu, ainsi que son passé, car de nombreuses pistes sont liées à l'histoire personnelle. Et s'il existait des pistes cachées, des pistes reposant dans des dimensions plus intimes de la vie du mannequin ? Cette question tourmentait de plus en plus le rouge à mesure qu'il épluchait les journaux. Partout, il lisait à peu près le même récit : mannequin à succès, sans problème si ce n'est son combat contre la drogue. Cela semblait être la seule tache sur son parcours impeccable : on le décrivait comme professionnel, disponible, souple, toujours souriant et de bonne humeur. Lui aussi se souvenait de lui comme ça, mais ça ne suffisait pas à le définir, pas vrai ? Ces mots étaient ceux d'un CV, des mots qui peuvent s'appliquer sans distinction à toutes sortes de personnes. Ça ne voulait rien dire.

Kagami poussa un grognement de frustration que n'entendit même pas Aomine, plongé dans ses propres lectures, les sourcils froncés par la concentration. Le rouge renversa la tête en arrière, fixant ce ciel absurdement bleu où irradiait sans fin la lumière blanche du soleil. Tout cela ne les avançait à rien. Ils perdaient du temps. Cette sensation fébrile d'urgence tapissait ses entrailles, lui rendant l'immobilité difficile. Sa jambe s'agitant avec toujours plus d'insistance finit par attirer l'attention du brun, qui reposa son journal et lui adressa un sourire pâle.

« T'en as marre ?

— Ouais… avoua Kagami. J'ai la bougeotte.

— OK. Allons faire un tour. »

Après avoir fait le tour de la ville, vérifiant régulièrement leurs téléphones pour voir si quelqu'un les avait contacté suite à leurs avis de recherches, ils retournèrent au motel et se commandèrent à dîner. Ils regardèrent la télévision sans trop la voir, des questions plein la tête.

IV

Midorima – 21h20

Je sens qu'il est toujours là. Je le sais.

Akashi grimaça à la lecture de ce message laconique. Que pouvait-il répondre à ça ? Qu'il le savait lui aussi ? Il soupira et referma son ordinateur portable, se massant les tempes. Ça ne fit rien pour dissiper le mal de tête qui grandissait dans sa boîte crânienne. Il jeta un coup d'œil critique à la bouteille de whisky qui allait en diminuant : inutile de chercher plus loin la cause de son malaise. Il ignora le bon sens et se resservit un verre. Personne ne le savait, personne ne l'avait jamais su, mais il n'était pas un exemple de maîtrise de soi. Juste un exemple pour la dissimulation. Mais quand venaient le soir, l'obscurité et les questions, il demandait à sa bouteille de whisky de l'éclairer comme une lanterne pour son bateau ivre. Ça ne servait souvent à rien d'autre qu'à l'égarer davantage, mais quand la solitude prend aux tripes et que la réalité diminue sous le poids des pensées, ça lui faisait un simulacre de ligne de vie pour le conduire à travers les heures les plus vides, jusqu'à ce que le soleil revienne, ou bien jusqu'à ce que son corps se ferme et que sa conscience disparaisse dans les rêves.

Il n'en parlait pas, parce que tout le monde a un avis sur la question, et qu'il n'avait pas besoin d'opinions. Seulement d'une main tendue. Et à mesure qu'on s'enfonce dans l'obscurité, les mains tendues par bonne conscience s'évanouissent, et les mains sincères se font rares. Aujourd'hui, il était seul dans sa traversée du désert, plus que jamais maintenant que l'absence de l'un dépeuplait le monde entier.

Chaque matin, il débattait avec lui-même. L'envie d'abandonner submergeant sa combativité. Le désir primal de fermer les yeux et oublier…

Et chaque matin il rouvrait les yeux. Il se mettait debout. S'habillait. Et combattait.

Des messages comme celui de Midorima, il en avait reçu beaucoup depuis que Ryota avait disparu. Et Akashi avait la terrifiante impression que les pensées et interprétations des choses de toutes les personnes qui lui écrivaient brouillait de plus en plus le souvenir qu'il avait du blond. Comme si, tout à coup, il n'était plus vraiment sûr de le connaître. Comme si, sans les fondations indispensables de sa présence, son identité s'effritait. Il avait disparu seulement deux semaines auparavant et déjà son essence se diffractait comme un rayon de soleil pénétrant l'océan de leurs consciences, divisant ses couleurs. Déjà, Ryota n'existait plus, sinon sous la forme de mots empruntés, de conceptions issues de cerveaux individuels. Il avait déjà perdu sa vie propre. Il était déjà une histoire.

À cette idée, son cœur se serra violemment tout en paraissant enfler dans sa poitrine. Il avait l'impression qu'il allait exploser, et ça allait certainement être pire s'il finissait cette bouteille de whisky. Il la regarda avec un air de défi, l'ouvrit et se versa le fond dans son verre, pour l'avaler ensuite comme si c'était le symbole d'une ultime rébellion. Contre quoi, contre qui ? Contre sa propre colère et son propre chagrin ? Qu'il ne faisait qu'alimenter… Il ferma les yeux, ses pensées étaient comme des galaxies qui entraient en collision les unes avec les autres. Il avait le vertige, perdu dans ses abysses. Il avait la nausée, ballotté par ses angoisses. Il dérivait dans son ciel intérieur et il voulait juste atterrir et reprendre le cours de sa vie. Mais il ne pouvait pas. Parce que le sol n'existait plus. Peut-être… peut-être bien que lui aussi avait disparu. Du moins, une partie de lui, qui s'était évanouie dans la nuit du 6 juin avec Ryota. Comment fait-on pour retrouver une partie de soi ? Ce n'est pas comme si elle se trouvait quelque part, comme un stylo égaré. On pouvait faire le ménage dans sa vie, se reprendre en main… On n'en restait pas moins irrémédiablement divisé… mutilé. Ce jour-là, il était entré dans une autre dimension, y avait laissé une part de lui, peut-être dans le même monde qu'habitait désormais Ryota. Puis, Akashi était revenu dans le sien, sans savoir comment, et encore moins de quelle façon retourner dans cet autre monde où Ryota et une part de lui s'étaient perdues.

Morose, il reposa son verre et se massa les paupières. Il ne pourrait plus rien faire de bon aujourd'hui, aussi, malgré l'heure encore peu avancée, il ferma les rideaux et se déshabilla avant de battre en retraite dans son lit, espérant que le sommeil submergerait rapidement ses angoisses. Dans les rêves qui surgissaient déjà de sa conscience embrumée par le whisky, il se plongea dans des nébuleuses lointaines, des astres tourbillonnant dans le vide l'entraînant toujours plus loin, et il quitta enfin sa réalité misérable et douloureuse.