Lundi comme pluie.

La sonnerie résonne dans l'établissement scolaire tandis que je parcours le parking d'un pas vif, une main qui tient mon sac à dos et l'autre dans la poche de mon jean. Le tissu bleu frôle presque le sol que mes converses d'un violet foncé parcourent. Lorsque je sens quelques goutes de pluie qui perlent et le son de l'orage qui gronde, je m'empresse de déposer mon sac à dos au dessus de ma tête pour me couvrir un tant soit peu.

- Manquait plus que ça … Je marmonne en accélérant, le regard fixé sur le sol. Je manque ainsi de glisser à plusieurs reprises, gauche comme je suis.

J'aurais du être prévoyante. Cette journée est de plus en plus compliquée. Pourtant, je devrais être contente. Et une immense part de moi l'est, si ce n'est la totalité. C'est juste … Qu'il me faut être prudente. Et si Jared se moquait de moi ? Peut être que Paul est dans le coup. Cette matinée avait été éprouvante, comme tout ce qui a suivi. Marcher côte à côte dans les couloirs. Déjeuner ensemble, si on oublie l'arrivée fracassante de Paul. Ils sont revenus de leur absence de deux semaines, plus différents que jamais, du moins physiquement. Et avec ce changement, quelque chose d'autre a pris une forme nouvelle ... Quelque chose qui n'était pas là auparavant ... Qu'est ce qui a changé ? Il faudra que j'emprunte les notes de quelqu'un, car j'étais indubitablement incapable de me concentrer cette après midi. Mes yeux se perdaient en direction de la fenêtre, perdus entre le ciel grisâtre qui semblait si lourd et le souvenir de chaque mot que Jared a pu prononcer. Surtout ses mots sur le fait de m'offrir le soleil … « Si je pouvais, je le ferais ». C'est cliché et stupide, cette envie de hurler dans mon oreiller et de sauter sur mon lit, mais avant ça il va falloir rentrer. La plupart des élèves démarrent en trombe leur voiture, pour ceux qui en ont, et les autres accourent pour rentrer chez eux ou partir en quête d'un abris. C'est définitivement la fin de l'été à Forks. Je presse le pas sur le parking, quand soudain, une main m'arrête fermement, sans violence. Mes iris croisent ceux de Jared et mes lèvres s'entrouvrent sous l'effet de la surprise.

- Jared ?

- Fais attention, tu pourrais te faire renverser. L'adolescent réplique, la voix pleine d'inquiétude sans pour autant me faire la morale. Je me retiens de m'excuser, sachant que c'est inutile.

La pluie tambourine sur nos silhouettes qui demeurent encore aux alentours du lycée. Ses prunelles sombres observent ma légère veste avec mécontentement, comme s'il se trouvait impuissant. Face à la gêne, l'expression inquiète du brun se mue en une expression plus douce à mon égard. Lui ne prend même pas la peine de se protéger de l'averse, avec son t-shirt clair qui éclaircit déjà à vue d'œil sous l'effet de l'humidité. Ne regarde pas, Kim. C'est irrespectueux.

- Je peux te raccompagner ? Je veux pas être sur ton dos et je comprendrais que tu ne veuilles pas. Mais il y a l'orage, et la nuit tombe de plus en plus tôt donc …

- Ça marche, allons y. Je l'interromps en marchant à ses côtés.

Le reste du trajet s'est effectué rapidement, en silence, avec pour décors une réserve prise d'assaut par une averse des plus insistante. La seule parole que j'ai prononcé était un pathétique « merci », avant de m'engouffrer à l'intérieur du domicile. Une fois rentrée, mes cheveux sont trempés, j'éternue déjà, et je crains que mes baskets aient pris la flotte. Dans le miroir de la salle de bain, j'ai une tête d'imbécile heureuse. Malgré tout, c'était une journée follement grandiose. Aujourd'hui, j'ai parlé à Jared Cameron plus que dans toute ma vie.

*

Mardi comme parapluie.

Le jour qui suit, une part de moi, prudente et sage. s'attend à ce que tout revienne à la normale tandis que l'autre, plus hardie et bien plus enfouie, espère tout le contraire … Cette fois ci, la seconde part de moi l'a emporté. Nous n'avions pas cours d'histoire aujourd'hui, mais Jared est venu me dire bonjour le matin, m'a accompagné à chacun de mes cours et nous avons de nouveau déjeuné ensemble. Je sais. Je sais que je dois lui demander pourquoi il fait tout cela. Je dois tenter de comprendre, mais d'un être côté, j'ai peur de tout gâcher et que ces délicates attentions ne prennent fin. Ensemble, nous discutions de tout et de rien. Surtout de rien, de banales paroles échangées mais qui me font un bien fou. Ce midi, le plus beau garçon du monde m'a dit « On habite tout près l'un de l'autre, si tu veux on peut faire le chemin ensemble en rentrant des cours ». Évidement, j'ai répondu oui ! Avec plaisir. Seulement, je me demande pourquoi nous ne faisons pas ce même chemin ensemble le matin, mais je n'ai pas osé demander. Encore une fois. Avant de sortir du lycée, je commence déjà à me faire des films. Cette sale habitude, c'est un des trucs que je déteste le plus chez moi. Et si j'attendais Jared dans le vide, s'il ne venait pas ? Je mordille l'intérieur de mes joues avant de le voir, adossé contre un mur, qui m'attend déjà. Je devine que mon visage s'illumine sans aucune subtilité.

- Salut ! Je m'exclame, souriante.

- Salut. Répond l'autre quileute alors que nous dévalons les marches pour traverser le parking et commencer le chemin pour rentrer chez nous.

Notre conversation est légère, ponctuée d'anecdotes et de réflexions sur nos professeurs. Et lorsque nous étions sur le point d'arriver devant chez moi, Jared sort de son sac à dos un parapluie d'un violet si clair qu'il en est presque lavande. Je lève un sourcil avant qu'il ne m'en dise plus.

- T'avais pas de parapluie l'autre jour. Je me suis dis que t'en aurais besoin.

C'est vrai. Je suis assez négligente et distraite. C'est plutôt ma mère qui se charge de me rappeler ce genre de choses.

- Euh, merci, hum … Je prononce, vaguement, hésitante.

- Il te plaît pas ? Je peux t'en prendre un autre. T'aimes le violet non ? Enfin, t'es chaussures, t'es vêtements ça donnait l'impression que t'aimais cette couleur alors j'ai pas trop réfléchis …

- Non ! Enfin si, si, il me plaît ! Très jolie couleur. Merci. Vraiment. T'es adorable. Je le rassure, avec empressement tout en glissant le parapluie dans mon sac. Il glisse sa main dans ses cheveux, toujours pas convaincu.

- C'est juste que … Je ne comprends pas. J'ajoute.

- Quoi ?

- Pourquoi tu fais tout ça.

- Tout ça quoi ?

- Me parler. Déjeuner avec moi. Me raccompagner. M'offrir un parapluie. Attention, ça me fait plaisir, c'est génial ! Mais je sais pas, on se connaît quasiment pas, tu ne me parlais jamais et tout à coup tu sembles vouloir qu'on passe tout notre temps ensemble … Je dis pas ça pour que ça s'arrête, au contraire. J'ai juste pas l'habitude. C'est toujours à toi de commencer la conversation et j'ai l'impression de rien avoir à dire d'intéressant donc je vois pas l'interêt de ton côté. Oh la la je n'arrête pas de parler …

Je finis par glisser mon visage dans mes mains, de longues secondes. Qu'est-ce qui me prend, de me donner en spectacle ? De me sentir si à l'aise ? Je peux sentir les mains de Jared, si brûlantes, qui viennent dégager mes joues de mes propres mains. Légèrement penché dans ma direction, à me regarder droit dans les yeux, l'adolescent dont j'avais décidé d'oublier le fantasme impossible se contente de me sourire.

- Par ce que j'en ai envie. J'ai envie de te faire plaisir. Le jeune Cameron répond avec une rapidité qui ne peut être que sincère, tant la réponse lui est venue naturellement.

Ne rougis pas Kim. Ne rougis pas. Ne rougis pas.

*

Mercredi comme paradis.

Ça allait donc être ça, mon année scolaire ? Passer mon temps entre les cours avec le garçon que j'aime depuis l'enfance ? Qui plus est, il allait me raccompagner chaque fin de journée ? Si oui, elle allait être palpitante. J'ai l'impression de revenir à la vie. Ou de naître. En ce troisième jour, nous faisons notre chemin habituel tout en échangeant sur nos goûts musicaux. Jared écoute principalement du rock indépendant et du rap, quant à moi, j'ai une culture musicale assez limitée.

- Faut absolument que t'écoutes leur dernier album ! Je te le prêterais. En fait non, je vais te faire une playlist. Ce sera mieux. Laisses moi juste quelques jours, je trouve à peine le temps de dormir.

- Tu fais de mauvais rêves ? Je me permets de l'interroger, curieuse, en pensant aux miens, avant qu'il ne réponde avec un regard en coin pour ma personne.

- Non. Je rêve du paradis.

Me voyant rougir, il rigole et corrige ses paroles. Il me trouve coincée, je le sais.

- Ces derniers temps, je passais mes soirées à réparer ma voiture. Elle est prête maintenant.

J'aurais voulu lui demander pourquoi il ne rentre pas avec, mais j'ai peur qu'il ne le fasse et que nous cessions de passer ce moment privilégié ensemble.

*

Jeudi comme jolie.

En contraste avec le début de semaine si pluvieux que nous avions eu, le ciel est dégagé aujourd'hui. J'ai attaché ma chevelure brune en une couette haute qui dévoile ma nuque, une peau mate soulignée par un haut couleur prune qui dévoilait quant à lui le haut de mes épaules. Ma grand mère me l'a offert l'an dernier pour Noël, sous l'air réprobateur de ma mère, qui trouvait que cela faisait trop « jeune femme » du haut de mes quinze ans. Au cours de la journée, Jared n'a pas dit un mot sur mon apparence, non pas que je m'attendais à ce qu'il le fasse mais son regard s'est montré plus insistant qu'à l'accoutumée.

- T'es très jolie aujourd'hui. A soufflé Jared lorsque nous rentrions ensemble, son bras qui effleurait le mien. Je n'ai pas pu me retenir de rire bêtement.

Si ça lui fait plaisir de me faire plaisir, ça me plaisait de lui plaire. Je me sentais valorisée, avec une infime forme de puissance … C'était peut être de l'immaturité. Quoi qu'il en soit, ces quelques minutes chaque jour, seuls en-dehors de l'établissement, je les chéris. Encore plus que cette fameuse boîte. Beaucoup plus.

*

Vendredi comme merci.

Nos chaussures frappent le sol, presque d'un pas commun. Comme si une seule personne était en train de marcher plutôt que deux. Déjà … Nous sommes déjà devant ma maison. Il est temps de se séparer. Je remarque que Jared jette un regard curieux sur notre pelouse en piteux état.

- Je pourrais m'en charger si tu veux. Il propose gentiment alors que je penche la tête sur le côté, jouant avec la lanière de mon sac à dos.

- T'es pas obligé, mais c'est gentil …

- Je veux juste te rendre service. T'es sympa, drôle, et … Je suis curieux. Je veux te connaître, Kim.

Quand il prononce mon prénom, c'est comme des popcorns qui explosent dans mon estomac. Une autre forme d'anxiété, peut être ? Hésitante, je finis par lui poser la question qui me taraudait.

- Si tu veux me rendre service ce serait possible de …Je commence, gênée.

- Tour ce que tu veux. Jared répond directement sans sourciller, me faisant rire.

- J'ai même pas fini ! Ce serait possible de m'accompagner à Port Angeles demain ? J'ai un rendez vous médical et t'as dis que ta voiture était réparée donc …

- T'es malade ? Il interroge soudainement, l'inquiétude qui reprend possession de ses traits.

- Non ! C'est ma psy. Je prononce avant de regretter.

Ne me trouves pas folle. Je t'en prie. Ne me trouves pas folle. Je vais bien. Je guette sa réaction, mais malheureusement, il ne laisse rien transparaître. Mon Dieu, pourquoi n'est-il pas aussi lisible que je le suis ?

- Je peux passer te prendre à quelle heure ? Je t'emmène avec plaisir. On pourra aller manger un truc après si tu veux.

L'angoisse qu'il me trouve dérangée retombe, et s'exprime par un large sourire à mon visage. Merci Jared.

*

On est aujourd'hui sur un chapitre assez chill, qui couvre plusieurs jours de la semaine. Il regroupait ainsi toutes les fois où Jared a raccompagné Kim c'est à dire tous les jours, ils ont déjà leur petit rituel. Pas très fan, mais il est parfois nécessaire d'avancer sans être satisfait du travail produit. Le personnage de Jared est clairement très envahissant ( même si ses intentions sont louables et sincères ), et cela peut sembler étrange que Kim le laisse tant faire, mais je pense qu'elle attendait désespérément que quelqu'un la sorte de sa coquille. Et oui, le « t'aimes le violet ? » est une référence à la maladresse de Charlie qui demande à Bella si elle aime sa couverture violette dans le premier film. J'aime me dire que Jared a dû échanger plein de rondes avec Paul et Sam pour pouvoir être si disponible pour Kim. D'ailleurs, je sais que Kim peut avoir l'air de s'emballer très vite. C'est le cas. Mais elle n'est tellement pas prête pour ce qu'il va lui arriver ! ( et je ne parle pas du secret des loups ). Quelles sont vos attentes pour le prochain chapitre à Port Angeles ?

Alexise-me : Oui j'ai adoré écrire ce moment ! Cela m'a semblait tout à fait naturel qu'il agisse ainsi, pour son bien. J'aime aussi le personnage de Paul, il est amusant à écrire.