PDV KIM
Port Angeles est ce qui se rapproche le plus pour nous, les habitants de la Push, d'une ville. Évidement, ce lieu en bord de mer se trouve à plus d'une heure de route. Sinon ce serait trop facile. Donner le titre de ville à Forks, même s'il s'agit officiellement d'une ville, me semble exagéré. Je préfère parler d'une bourgade, comme un petit bout de paisible ou d'ennuie, vu le nombre d'habitants, l'absence d'occupations et la superficie.
- Allez monte, il fait froid ! S'exclame Jared en me faisant signe de monter dans son pick up fraîchement réparé. Le véhicule dans lequel je m'engouffre est peint d'un vert pâle assez usé.
- Salut, merci encore. Je prononce en mettant ma ceinture tandis que le véhicule traverse la Push.
- C'est rien ça me fait plaisir. T'as bien dormis ? Me demande le beau garçon, et alors qu'il conduit, il me jette de nombreux coups d'œil. Je rigole à sa question avant de lui répondre.
- Oui, très bien. Et toi ?
- Bien dormis.
C'est faux, les cauchemars ne m'ont pas quitté. Sur le chemin, nous continuons à échanger des banalités. Je baille longuement, avachie dans le siège à l'avant, à ses côtés. Jared a l'air tout à fait confiant en ses gestes, en son véhicule, et moi, je me laisse guider. Mes mains jouent avec le tissu de mon blouson, je n'ose pas trop le regarder. Les trajets vers le cabinet de ma psychologue, du moins avec ma mère, se déroule toujours dans un certain silence. Je me mure dans ce silence comme dans des murs à gravir autour de moi. Je pense déjà à ce que je vais lui dire. À ce qu'elle va me répondre. Au retour, ma mère m'interroge toujours sur ce que j'ai pu raconter là dedans. Et si en sortant, Jared est déjà parti ? Qu'est-ce que je fais ? Je n'ai jamais pris les transports seule. Jamais. Je n'ai pas le permis. Et même si c'est une position confortable, la dépendance n'est jamais un statut enviable.
- Eh, Kim ? Lance la voix de Jared alors que je cligne des yeux, à plusieurs reprises. Il arbore une moue inquiète.
- Oui pardon ? J'étais ailleurs.
- Je te demandais si t'allais souvent à Port Angeles. Ils ont de supers restaurants, plein de magasins ... Ça change d'ici.
- Ah euh ... J'y vais toutes les deux semaines pour voir ma psychologie. C'est ma mère qui m'emmène, on s'attarde pas trop. Toi t'y vas souvent ?
- J'y suis déjà allé avec des potes ou plus jeune avec mes parents. Je te montrerais des trucs si tu veux. Ça t'intéresse pas de conduire ? Il m'interroge avec une curiosité à peine voilée. Un rire gêné m'échappe.
- Moi ? Jamais de la vie. Ma mère dit que je confonds ma droite et ma gauche.
Jared fronce les sourcils et rit légèrement. Port Angeles se rapproche doucement tandis que nous devons ralentir devant un feu rouge. Le brun tourne la tête vers moi pour y plonger la noirceur de ses yeux.
- Je suis sûr que tu peux y arriver. Tu peux tout faire. Je t'apprendrais si tu veux.
Qu'est-ce qu'il est gentil. C'est étrange de voir quelqu'un avoir plus confiance en nous que nous-mêmes.
- C'est gentil ... Je souffle avec timidité, avant de lui indiquer les routes à prendre pour arriver précisément sur le parking du bâtiment dans lequel se trouve le cabinet de ma psychologue. Mes indications sont maladroites, comme si j'avais toujours peur de me tromper.
- On est arrivés ! Tu veux que je t'accompagne ? Je peux t'attendre dans un genre de salle d'attente ? C'est comme dans un hôpital ? Je suis désolé j'y connais rien, ou je t'attends ici ma belle.
Un sourire gêné envahit mon visage. Ma belle. Il a dit ma belle.
- Tu peux m'attendre ici, à toute à l'heure.
*
Lovée dans le fauteuil d'un rouge si vif, mes mains caressent le chien qui ne tarde pas à retourner se reposer dans le coin de la pièce. L'animal est apaisant. J'en avais un, quand j'étais petite. Une adorable petit chiot. C'est Lynn qui avait insisté pour que mon père ramène un animal, nous avions promis de nous en occuper ensemble. Puis les choses sont partis à la dérive. La séance d'aujourd'hui est agréable. Je suis assise en tailleur, comme si j'avais l'esprit ailleurs, loin, très loin. Je suis amoureuse. Le sujet principal de la conversation est l'absence de ma mère et le fait que je doive me bredouiller seule. J'ai expliqué à la professionnelle de santé mentale que je faisais bien mes repas, que j'étais prudente tout en m'autorisant quelques libertés comme choisir mes repas ou veiller devant la télé ... Et je crois que j'ai perçu un brin de fierté dans son sourire amusé. Elle a ajouté que je pouvais être fière de moi. C'est euphorisant. J'ai besoin qu'on me dise que je fais les choses bien.
- Mais comment tu es venue ? Forks, c'est loin. Tu as pris le bus ?
- Non, Jared m'a accompagné ! Je m'exclame, toute sourire.
- Jared ? Le garçon de ton cours d'histoire ?
- Oui ! Il a été absent un moment, je ne sais pas trop pourquoi, mais depuis qu'il est revenu il est ... Différent. J'étais très anxieuse l'autre jour et il m'a aidé à me calmer. Depuis on déjeune ensemble, on discute de tout et de rien, on rentre du lycée tous les deux et ... Il m'a proposé de me conduire jusqu'ici aujourd'hui. Il m'attend sur le parking d'ailleurs.
- C'est génial, Jared a l'air d'être un gentil garçon. Sois prudente mais amuses toi.
Je hoche la tête à ses conseils. Je dois avoir l'air un peu folle ou imprudente, je le conçois bien, mais lorsque le garçon dont vous rêvez vous adresse enfin la parole, ce n'est pas une occasion à laisser passer. Dans mon euphorie, je ne remarque pas que la séance s'éternise. Le soleil se couche par la fenêtre et l'horloge indique qu'il est déjà dix-sept heure trente. Embarrassée, je me confonds en excuse dans la crainte de lui avoir fait perdre son temps et m'empresse de payer la psychologue. Par la suite, je quitte le cabinet avec un « À dans deux semaines ». À l'extérieur, je passe une main dans mes cheveux à la vue de Jared qui fait les cent pas sur le parking presque vide. Le pauvre, il doit se dire que je l'ai fait attendre, que je l'ai laissé poireauter ... Et s'il ne voulait plus me parler ? Il doit m'en vouloir. Je peux dire adieu à toutes ses gentilles attentions.
- Je suis désolé, pardon ! On a traîné. Je suis désolé. J'insiste à nouveau et m'enfonce dans mes excuses, comme si j'étais terrifiée à l'idée qu'on me fasse le moindre reproche. C'est une forme de lâcheté. Le regard de Jared s'illumine à me voyant et il me gratifie d'un sourire.
- T'inquiètes pas, j'étais juste inquiet. J'avais peur qu'on se soit mal compris ou de t'avoir loupé. Je meurs de faim, pas toi ? L'adolescent me propose alors qu'on embarque à nouveau dans sa voiture.
*
PDV JARED
Le restaurant que j'ai choisi s'appelle « La Bella Italia ». C'est intimiste, il y a de belles lumières qui surplombent les tables et on y mange bien. Les files aiment ce genre de trucs. J'espère que ça plaira à Kim. Elle s'assoit sur la banquette en cuir, au fond du restaurant, juste à côté de moi. Ses grandes prunelles de biche observent le lieu avec attention, avant qu'elle ne les plonge dans les miennes. C'est de loin la plus belle fille qui m'ait été donné de voir. C'est comme si, de sa personne, se dégageait une aura de lumière qui éclipse le reste du monde. Elle porte un sweat sombre avec le motif d'un papillon bleu clair sur la poitrine, un épais blouson, et un jean, sans oublier ses fidèles converses d'un violet foncé. Ses jambes sont fines, très longues, parfaitement proportionnés. Je pourrais la regarder pendant des heures.
- Je te laisse choisir. Elle me lance avec son habituel douceur, après avoir jeté un coup d'œil au menu.
- T'es sûr ?
- Oui, je prendrais la même chose que toi. Elle insiste avant que la serveuse n'arrive, aux cheveux courts noir de jais, en contraste avec la fleur d'un rose vif tatouée dans son cou.
- Deux assiettes de pâtes au pesto s'il vous plaît. Et une pizza margherita. Je commande donc, avant de me recentrer sur la magnifique créature qui me fait face.
Comment j'ai pu ne pas la voir avant ? Ses grands yeux en amande, la finesse de son cou, son visage de poupée, sa longue chevelure lisse. À mes yeux, elle est un ange qui a toujours été là mais que l'imprégnation m'a révélé. Elle m'a l'air si fragile et délicate. Sérieusement, quand j'ai entendu le mot « psychologue » sortir de sa bouche j'en ai pas dormis de la nuit. Kim, qu'est-ce qui t'ai arrivé ? Qu'est-ce que je peux faire ? De ce que je sais et de ce que tu as pu me dire, tes parents sont divorcés, ta mère a l'air envahissante, tu es réservé et restes toujours dans ton coin, et … Tu as perdu ta sœur quand tu étais enfant. Je m'en souviens encore alors que j'étais aussi tout petit. Sa disparition a laissé une marque indélébile dans notre communauté, les parents ne voulaient plus laisser sortir leurs enfants et son visage sur les avis de recherches était placardé partout. C'est égoïste, si la pensée qui me traverse me dit que j'ai de la chance que ce ne soit pas toi qui ait disparu ?
- Ton rendez vous s'est bien passé ? Je la questionne en tentant de ne pas être maladroit, même si c'est évidement que ça me met mal à l'aise.
- Oui oui, très bien. Je la vois toutes les deux semaines depuis le collège. Répond la brune en haussant les épaules, les jambes croisées.
- Pourquoi ? Je lui demande de but en blanc.
Kim détourne le regarde, et mordille sa lèvre inférieure. Désolé. C'est à moi de te présenter mes excuses. Je t'ai mise dans l'embarras et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.
- Je fais de l'anxiété. Ma mère ne savait pas quoi faire donc je me suis mise à voir un psychologue pour que ça aille mieux. La jeune fille répond calmement sans me regarder en face.
- Et ça fonctionne ?
S'il te plaît. Dis moi que tu vas bien. C'est encore égoïste, vaut mieux que tu sois sincère.
- Ça va … Enfin, j'ai eu une période où j'étais incapable de sortir de chez moi. J'avais tellement peur. Peur qu'on m'enlève, d'être en danger, de me faire mal, qu'on se moque de moi … Ça m'a aidé à sortir un peu plus. Mais … Te moques pas enfin …
- Jamais je me moquerais de toi.
- Je sors jamais seule. Ma mère m'accompagne partout. Elle a déjà perdu un enfant, tu sais. Lynn. Ça peut sembler dingue mais quand tu perds ton jumeau, tu perds comme un morceau de toi … C'est comme si j'étais incomplète. Je suis aussi incapable d'aller sur la plage. C'est là où ça s'est passé. Elle explique en triturant ses doigts, relevant son regard dans le mien.
- T'es pas incomplète, je vois pas comment tu pourrais te voir autrement que parfaite. Et t'es pas incapable, Kim, t'as juste peur. C'est normal. Je tente de la rassurer avant que la serveuse n'apporte nos plats.
Je la regarde à peine tandis que la brune la remercie avec gentillesse. Nous commençons à dîner dans le silence, avant que Kim ne le rompe.
- Hum, désolée d'avoir plombé l'ambiance … Elle marmonne avant que je dépose ma main sur la sienne. Sa peau est si agréable à toucher.
- Y a pas de mal. C'est génial que tu parles de ce que tu ressens. Tu fais quoi demain ?
- Pas grand chose, c'est dimanche, pourquoi ?
- Je t'emmène à la plage. Je lui réponds avec un large sourire face à son expression surprise.
- La plage ? T'es pas obligé, on pourrait y aller un autre jour …
- Kim, tu habites à la Push. C'est le rêve de plein de gens de vivre si près de la mer et il va faire de plus en plus froid. Si ça te plaît pas, tu me le dis et on s'en va direct. D'accord ?
Kim joue avec sa nourriture, et je devine qu'elle pèse le pour et le contre dans sa tête de petite futée. Ou peut être qu'elle n'ose pas dire non. En tout cas, elle finit par répondre un « d'accord ». Kim Evans, je vais prendre soin de toi. Je te le promets, je ne veux juste pas t'effrayer. Plus tard dans la soirée, un autre débat a lieu lorsque j'insiste pour l'inviter. Et lorsque, à la tombée de la nuit, entre les sons nocturnes et les feuilles d'automne qui jonchent le sol, mes lèvres se déposent au coin des tiennes, je te sens sourire. Un délicat sourire. Ta bouche près de la mienne. C'est presque un baiser.
J'apprécie ce chapitre ! Je ne sais pas comment vous imaginez le restaurant mais je l'imagine tel que celui où Edward et Bella vont dans le premier film. J'aime faire ce genre de lien, pour renforcer le fait que cela se passe dans le même univers. Le petit bisou à la fin olala c'était un plaisir de l'écrire, y a une vibe très coming of age, très comédie romantique ... Pour l'instant. Et oui, le Pdv de Jared sur Kim est très stéréotypé, assez misogyne même, mais ça va grandement évolué. C'est un personnage qui a lui aussi ses défauts.
C'est la première fois que je vais aussi loin dans une fanfiction pour être tout à fait honnête avec vous. Je n'ai jamais réellement eu confiance en moi, je suis plutôt inconstante, mais j'essaie de me forcer par ce que j'ai tellement envie de raconter cette histoire qui habite mon esprit. Puis, c'est qu'une fanfic sur une saga un peu incomprise, it's not that deep. Découper les chapitres en des scènes, grâce aux « * » qui causent des ellipses, ça m'aide beaucoup. Cela donne une impression assez cinématographique je trouve. Trop hâte du prochain chapitre ! Je vais peut être le poster ce soir ou alors demain. Je préviens : la révélation du secret de Jared ne va pas tarder à arriver.
Alexise-me : En effet, j'ai aussi ressenti ce côté « chapitre bonus » ! Et oui j'adore teaser haha, les retournements de situation ne vont pas tarder à s'enchaîner. Bonne théorie sur Jared, ce n'était pas si loin de la vérité.
