Comme d'habitude, à la fin du dîner Ace se carapata. Izou secoua la tête, amusé du comportement sauvage qui lui rappelait de plus en plus un chat errant.
Mais alors qu'Ace était sur le point de sortir sur le pont, courant un peu trop vite dans le couloir, il manqua de percuter Marco. Ce dernier l'esquiva sans soucis, sourcil levé.
-Encore en train de dévaliser les cuisines yoi ?
Le jeune se renfrogna immédiatement. Il ne faisait rien de mal, la nourriture était offerte. Même s'il savait théoriquement que Marco voulait le forcer à fréquenter les autres Barbes Blanches pendant les temps des repas, ce n'était pas son problème.
-Que je mange là bas ou au réfectoire ça ne changer rien.
Le plus vieux soupira, sentant que l'autre était déjà sur la défensive.
-Tu t'intègrerais plus facilement si...
-Je n'ai pas l'intention de m'intégrer, s'enflamma aussitôt Ace.
Il avait suffisamment entendu les arguments du commandant pour le supporter une fois de plus.
Marco lui jeta un regard agacé pour l'interruption brusque mais laissa passer. Il ne voulait pas de confrontation. Beaucoup de pirates dormaient déjà alors l'heure n'était pas aux combats.
-Je sais que Thatch te nourrit en cachette depuis quelques temps. Je suppose qu'il a passé le relais à Izou pendant son absence ?
Ace croisa les bras et releva le menton, ne résistant pas à être sarcastique.
-Ouaip, répondit-il en insistant sur le p. Même en étant séquestré, au moins eux deux agissent civilement, surprenant n'est-ce pas ?
Certes il exagérait un peu, les autres membres de l'équipage n'essayaient pas de l'ennuyer, mais il en avait plus qu'assez de vivre chez l'ennemi. Il ne voulait pas de ces faux rapprochement forcés. Des gens qui en le connaissaient pas et parlaient à tort et à travers de fraternité. Mais Marco ne semblait pas comprendre ses sentiments, s'appuyant nonchalamment contre le mur. Bien, il pouvait simplement l'ignorer et passer devant lui.
-Thatch dit que tu vis mal ta situation ici.
Ace se figea dans sa tentative de départ, chacun de ses poils se hérissant. Son feu rampa agressivement sous sa peau, brûlant d'envie de déchaîner toutes ses frustrations. Pas que ce soit un combat qu'il puisse gagner, il devinait sans mal que sa cible ne se laisserait pas faire.
À la place, un rire un peu trop fort pour être honnête lui échappa.
-Ah vraiment ? Toi qui est si intelligent, à ton avis, pourquoi je vis mal d'être de forcé à rester ici ?
Marco claqua sa langue, agacé.
-Tu as défié un yonko; beaucoup on perdu la vie pour moins que ça. Oyaji t'offre une chance, yoi.
Le capitaine voulait lui dire qu'il pouvait se mettre sa « chance » dans un endroit où le soleil ne brille pas. C'était un mépris total de sa liberté de pirate, il préférait encore être laissé pour mort après un combat sanglant. Marco lui coupa l'herbe sous le pied, changeant sa stratégie pour essayer de négocier :
-N'y a-t-il rien que tu veuilles apprendre ici ? Un passe temps, un centre d'intérêt ?
-Donne moi juste des conseils pour le vaincre, ça me suffira, provoqua Ace.
Il n'eut pas besoin de préciser de qui il parlait. Il défiait Marco du regard, attendant pendant quelques secondes une réaction qui n'arriva pas. Le jeune homme souffla avant de se détourner, prêt à reprendre son chemin. Pas besoin de s'attarder plus longtemps.
-Tu te reposes trop sur ta force.
Ace marqua une nouvelle fois une pause. Incertain.
-Tu te concentres sur l'offensive avec toute ta puissance. Au jeu de la force brute, tu ne pourras jamais égaler Oyaji même en toute une vie d'entraînement. Alors esquive, tu es petit et agile, là où il est grand et lourd. Et âgé. Par pitié ne lui répète pas ça yoi, ajouta Marco avec une grimace.
Cette fois, incrédule, le cadet se tourna franchement vers le blond qui avait l'air aussi flegmatique que d'habitude. Comme s'il n'était pas en train de lui donner des conseils pour vaincre son capitaine.
-Pourquoi me dis-tu ça ? demanda-t-il avec méfiance.
Qu'est ce que le commandant pourrait vouloir en retour ?
-Parce que tu me l'as demandé. Et que tu n'es pas près de le vaincre même avec une poignée de conseils supplémentaires. Avec un peu de chance ça nous évitera de devoir aller te chercher au fond de l'eau aussi souvent, termina Marco avec une logique implacable.
Ace se renfrogna à ses paroles. Mais même sans l'avouer, il réfléchissait déjà aux conseils donnés. Le commandant n'avait pas tort, ce qui le frustrait encore plus.
-Je pourrai un jour le battre avec plus d'entraînement.
Loin de se moquer de son ambition, Marco haussa une seule épaule, acceptant juste la possibilité.
-Tu as un très bon potentiel. Même le gouvernement l'a remarqué en essayant de t'enrôler en tant que Grand Corsaire.
-C'est pour ça que Barbe Blanche me veut ? Pour avoir une arme ? demanda sèchement Ace.
-On ne recrute pas juste pour un peu de puissance, Oyaji a vu quelque chose en toi. Et maintenant, il te veux comme l'un de ses fils.
Comme s'il venait de recevoir une décharge électrique, le plus jeune tressaillit au mot "fils".
Se rappelant brutalement qu'aux yeux du monde, si son secret était répandu, il ne serait plus que "le fils de". L'enfant démon. Le sang maudit. Un héritier, sans jamais avoir eu de père à appeler en tant que tel. Ce n'était qu'un mot plein de déception pour lui.
Un mot qui le mettait constamment en danger.
Le feu en lui s'agita, et Ace serra les poings, les yeux soudainement vifs. En une vieille habitude, sa peur se condensa en un mur de colère, bien plus facile à gérer.
Rester sur le Moby Dick trop longtemps pouvait signer son arrêt de mort si tout était divulgué. Il ne laissera personne s'approcher de la vérité.
Un peu trop rapidement, il tourna les talons, laissant derrière lui un Marco surpris.
Cette nuit là, Ace ne redescendit du nid de pie qu'une fois tout le monde couché pour une expédition dans le navire. Il était bien décidé à se fournir un lit plus confortable que le parquet.
Éviter les sentinelles et leurs rondes devenait de plus en plus facile, une fois qu'il connaissait leur schéma de garde. Et il avait eu BEAUCOUP de temps pour les observer.
Il revint en traînant derrière lui un matelas et une couverture trouvés (volés) dans une pièce quelconque lors de sa fouille du navire. Mais la vraie difficulté commençait maintenant. Il devait escalader l'échelle de cordes jusqu'en haut du mât, en portant son butin.
Après moult efforts, il réussit tant bien que mal à hisser ses trouvailles jusqu'en haut de sa cachette sans se faire repérer.
Un soupir de soulagement quitta ses lèvres en arrivant enfin au sommet et il s'épongea le front. Il pouvait s'accorder une petite pause, les yeux rivés sur les étoiles. Paresseusement, il essaya de tracer quelques constellations familières d'East bleu. Le ciel changeant rendait la tâche difficile. Il n'avait jamais été particulièrement assidu en astronomie, inventant la plupart des regroupements d'astres avec ses frères. Finalement, il réussit à repérer la Nébuleuse de la Viande et sourit dans le vide, sentant presque le fantôme de Luffy à ses côtés.
Cette fois, quand l'oiseau bleu plana bas dans le ciel, il ne l'appela pas. Ne l'observa pas. Ou juste un peu. Mais il se força à arracher son regard.
Il avait pris la résolution de ne rien admirer dans ce bateau.
Et surtout pas un animal qui abordait fièrement sur le torse une tâche en forme de Jolly Roger.
Nouveau matin, pour une journée répétitive. Il s'était levé tard, manquant son entraînement du matin. Peu importe, il le fera le soir suivant.
Peu d'humeur, il n'échangea presque aucun mot avec Izou le midi. Le commandant n'insista pas en remarquant son renfermement.
Peu après, Ace attaqua de nouveau Barbe Blanche. Il essaya d'être encore plus rapide et réactif, comme lui avait conseillé Marco. Il réussit à esquiver la hallebarde du Capitaine au moins deux fois de plus que d'habitude avant de se prendre un coup du plat de la lame enduite de haki et voler sur dix mètres avant qu'une cloison ne le stoppe.
Ace essuya le sang qui coulait de sa lèvre ouverte avec un rictus.
C'était stupide et légèrement autodestructeur, mais il était satisfait d'être blessé. La douleur alimentait sa colère, et lui maintenait l'esprit clair : il n'avait pas sa place ici, il ne devait pas s'attacher.
Sa rancune était tenace contre Barbe Blanche qui le blessait et l'enfermait avant de prétendre le vouloir comme fils. Quand Ace ne voyait que le côté ennemi du capitaine, c'était si simple de conserver cette haine et se rappeler son objectif.
C'est juste dommage pour sa tentative de Meurtre ratée. Au moins il n'avait pas bu la tasse aujourd'hui.
Comme toujours Marco fit un pas en avant, l'air inquiet du sang à ses lèvres. Ace se détourna rapidement, avant qu'il n'ose encore proposer de soigner ses blessures.
Son escapade sur le pont lui permit cependant de subtiliser un journal à un pirate distrait. Il aurait probablement pu demander pour l'obtenir, mais où serait l'amusement ? Il n'était pas au dessus de Petites vengeances mesquines.
Fils trophée coincé entre sa ceinture et sa peau, il remonta jusqu'au nid de pie où il lut les dernières nouvelles. Rien de très intéressant, juste quelques manœuvres Politiques et des coups d'éclat d'équipages rivaux. Les révolutionnaires s'agitaient sur South blue, libérant un pays en dictature ce qui fut décrit par le World Economic News Paper comme « un acte de terrorisme barbare envers une petite nation indépendante ».
La propagande de l'état l'amusait. Il appréciait être au courant des actualités. Un capitaine se devait de rester informé, après racoleur.
Comme tout les jours, Deuce lui rendit visite, l'informant avec enthousiasme de ses cas intéressants à l'infirmerie où il avait été affecté.
Ce qui comportait beaucoup de coupures et de contusions obtenues pendant les entraînements.
Et surtout une quantité anormalement élevée d'objets aléatoires retrouvés coincés à des endroits inappropriés.
Accidents ou actes prémédités, le mystère restait entier. La solitude des océans faisait des ravages parmi les pirates.
Apparemment, l'infirmière en chef Teto prévoyait même de faire un rappel de prévention collectif, énervée de l'imprudence de ses camarades.
Et déjà, sans avoir vu la journée passer, la nuit tomba. Thatch n'était toujours pas revenu alors Izou l'accueillit dans les cuisine avec son sourire mystérieux habituel.
Au menu du jour se trouvait un monstre marin qui avait essayé d'attaquer le navire. D'habitude les poissons géants évitaient de s'en prendre au Moby Dick, mais celui ci fut plus imprudent que ses prédécesseurs.
Le pauvre poisson apprit au prix de sa vie qu'il visait bien trop haut. Pas de chance de s'être retrouvé face à face avec tout un équipage ravi d'avoir un combat (à sens unique) comme distraction. Ace avait assisté à la scène de loin, les regardant se déchaîner. Les commandants ne s'en mêlaient même pas.
Assis par terre, le jeune homme se cura les dents avec une arrête, avant de finalement céder à la curiosité sur une question qui le taraudait depuis quelques temps.
-Hé Izou ? Pourquoi tu as choisi le style Geisha ? Je veux dire, ça ne doit pas être pratique en combat.
C'était sans tact et probablement impoli, mais l'autre homme l'avait questionné sur son précieux chapeau la veille. Rien ne l'obligeait à répondre s'il ne voulait pas. Izou le jaugea du regard avant de contrer :
-Et toi, d'où vient ton collier ?
Par réflexe, Ace attrapa les perles rouges qui pendaient à son cou. Il jugea rapidement que donner une partie de l'information n'était pas risqué.
-Ça vient de la chef des bandits chez qui je vivais, répondit-il facilement.
Il garda un ton insouciant, ne voulant pas montrer que Dadan était tellement plus que ça. Malgré son manque total de fibre parentale, c'était l'une des personnes les plus importantes de sa vie. Et même si elle prétendait être ennuyée par sa présence, et plus tard par l'arrivée de deux autres « maudits marmots qui se multiplient plus vite que les rats », elle s'inquiétait pour eux. De très loin et sans jamais l'admettre, mais tous les trois l'avaient su parfaitement.
Ace empila ses assiettes vides, prêt à laisser tomber le sujet si Izou ne souhaitait pas en parler, mais ce dernier finit par dire :
-Ma petite sœur et moi avons grandi dans un pays de samouraïs, dans une école de dance. Quand notre père s'est fait arrêter, avec la famine, on a dû se mettre à voler et le reste du temps on se déguisait en Geisha pour préserver notre anonymat et gagner notre vie. Je suppose que l'habitude est restée et... ma sœur adorait ces vêtements. M'habiller comme ça est une façon d'honorer sa mémoire.
La dernière phrase frappa Ace en plein cœur par son sentiment de perte, les reliant comme par un fil invisible. Il comprenait.
Tout les deux avaient perdu un membre de leur fratrie il y a des années et gardaient sur eux le souvenir de cette vie disparue. Izou par son apparence et ses vêtements, Ace gravé à même la peau dans son tatouage.
Un morceau de leur vie leur avait été arraché et ne reviendra jamais. Malgré leurs larmes, malgré les prières, ils avaient perdu une sœur, un frère et souhaitaient perdurer la mémoire de cet être cher. Ils n'eurent besoin que d'un échange de regards et quelques choses proche de la compréhension passa entre eux. Ils partageaient la même peine.
Le plus jeune ramena ses genoux contre son torse, ne voulant pas une fois de plus ressasser les souvenirs amers d'une enfance où ils étaient un trio invincible. Douce et naïve enfance.
Ils restèrent quelques minutes comme ça, perdus dans leurs pensées. Pour une fois Ace ne se hâtait pas de fuir les lieux, gagné par l'ambiance silencieuse.
Mais il devait partir, le dîner allait bientôt se terminer et des hordes de cuisiniers prendraient d'assaut la cuisine pour faire la vaisselle et parfois quelques préparatifs pour le lendemain.
Alors il se leva, inclinant brièvement sa tête en direction d'Izou en un salut muet avant de s'éclipser.
Ace su qu'il n'allait pas trouver le sommeil avant longtemps ce soir là. Alors il décida d'aller faire un énième tour de nuit dans le navire. L'oiseau faisait des cercles dans les airs, et le jeune homme pouvait presque imaginer un air désapprobateur sur son bec. Mais qu'importe, de toute façon ses activités du lendemain étaient compromises. Le temps serai bientôt à l'orage, il le sentait instinctivement et un coup d'œil sur les mouvements des légers nuages à l'horizon suffit à le confirmer.
Alors, il se promena à l'intérieur du bateau, mémorisant quelques pièces de plus. Appuyant de temps en temps sur les poignées de quelques endroits systématiquement fermés de nuit (car apparemment l'équipage rechignait à laisser les cuisines ou l'armurerie sans surveillance quand un prisonnier rôdait les nuits. Étonnant.) et... Bingo ! La porte de la salle de navigation céda sous ses doigts. Son sourire s'élargit.
Il rêvait de la visiter depuis son arrivée.
La navigation était l'une des compétences apprises pendant son adolescence, qui était peu à peu devenu une passion. Combien d'heures avait-il passé à observer les signes de changement de temps dans le ciel et les plantes, dans le comportement des mouettes et le vent ? Combien de fois avait-il cartographié son île natale à l'aide de l'unique livre que ses frères et lui avaient réussi à voler en ville ? Ses doigts étaient devenus noirs d'encre à force de tracer les divers territoires des tigres et des ours géants, notant soigneusement les itinéraires de groupes pirates et les zones intéressantes.
Il entra rapidement et referma derrière lui, ne voulant pas que son intrusion soit remarquée. Il alluma alors une légère flamme pour y voir dans le noir.
C'était comme rentrer dans la salle du trésor.
Elle était remplie de cartes d'un côté et d'instruments de météorologie de l'autre. Il céda à la tentation et commença par fouiner du côté météo, analysant les appareils de mesure de pointe. Il n'était pas certain de savoir faire fonctionner la plupart, mais tout avait l'air en très bon état.
Un carnet météorologique qui traînait à côté attira son attention, et il décida tout naturellement de le feuilleter.
Et le regretta immédiatement.
Ses dents grincèrent en lisant dans les prévisions pour le lendemain "Pression atmosphérique de 1 018.50 hPa - conditions anticycloniques, risques de pluie inexistants".
Cela n'était dans l'absolu pas faux, mais totalement en contradiction avec les signes annonciateurs de pluie.
Les instruments de mesure n'étaient que des outils aidant à prévoir. Mais ce n'était pas une excuse pour ne pas prendre en compte tout les indices dans le ciel, ignorer les formes des nuages et leur évolution, ne pas prendre le temps de mesurer la vitesse et la direction du vent. Le temps pouvait changer très vite et une haute pression n'était en rien un indice 100% fiable.
Il prit une plume qui trainait et ratura sans pitié, marmonnant des menaces de jeter tous ces météorologues sur une île déserte pendant un mois sans leurs précieux instruments.
Peut-être que cela leur enseignerait un minimum de bon sens. Vouer une confiance aveugle à quelques mesures plutôt que les coupler à leurs observations directes de signes aussi évidents était une aberration pour Ace.
Il écrivit rapidement quelques mots sur les formes de nuages et la direction du vent, concluant sur un important risque de pluie dès 8 heures du matin.
Un carnet météorologique était un document assez important qui servait à planifier selon les risques d'intempéries. Cela avait également un impact sur la gestion de l'eau potable du navire pour la pluie (bien que le Moby possédait des filtres à eau de mer), sur les déplacements par temps de brouillard, le vent pour les trajectoires ou encore sur les signes annonciateur de cyclones ou d'icebergs.
À un endroit comme Grand Line ou le climat changeait autant, de mauvais conseils pouvait vite devenir désastreux dans une situation critique. Il espérait que les navigateurs du côté des cartes étaient meilleurs que les météorologues. Il allait voir ça tout de suite.
Certes, les cartes étaient plutôt la spécialité de Sabo, mais il pouvait très bien voir que les légendes n'étaient pas standardisée. Une preuve que plusieurs personnes travaillaient en même temps et avaient chacune leur propres codes pour désigner les divers éléments des îles. Rien de foncièrement grave, mais cela faisait perdre quelques minutes pour vérifier à quoi correspondait certaines couleurs ou formes.
Et à vue d'œil, l'échelle de certaines îles semblait très suspecte.
Peut-être devrait-il mettre le feu aux cartes. Ça leur rendrai sûrement plus service que de laisser en liberté ce tas de feuilles gaspillé aux proportions erronées.
Par contre, il fut agréablement surpris par les cartes des courants marins, dans le coin de la salle près de la fenêtre.
Mais tout le bureau était organisé de façon tellement abominable, jonché de feuilles non triées, qu'Ace dû y fouiller une dizaine de minutes pour trouver une carte récente.
Sur l'une des tables, son regard tomba sur le Journal de Bord et il se figea, l'excitation bouillant dans ses veines.
C'était là où étaient consignées absolument toutes les informations.
Sa mains le démangea et il céda sans remords, attrapant l'objet. Une telle invitation à le feuilleter, ça ne se refusait pas.
Il le parcourut rapidement, vérifiant le cap, les coordonnées géographiques et toutes autres informations nécessaires. Il trouva même des détails sur l'île où Thatch était en mission de ravitaillement. À regret, il finit par le refermer et soigneusement les repositionner à sa place. Personne n'avait besoin de savoir qu'il fouinait dans le document le plus important du navire.
Il ne vit pas le temps passer, regardant avec intérêt les cartes des îles et leurs itinéraires. Il ne se redressa que lorsqu'il entendit une porte se fermer au loin. C'était sûrement rien, mais il préféra partir au cas où un des gardes de nuit décide de faire une ronde imprévue.
Il prit un chemin détourné et inutilement long, à moitié volontairement mais surtout parce qu'il s'était trompé à une intersection.
Bien lui en prit, car au détour d'un couloir il tomba encore une fois nez à nez avec Marco. Il réussit à contrôler le cri qui faillit lui échapper à l'apparition soudaine.
-Encore en train de me surveiller ? demanda Ace avec sarcasme.
-N'ai-je pas le droit de me promener sur mon propre bateau ? rétorqua Marco en levant un sourcil. Que fais-tu ici à cette heure, il est tard tu devrais être en train de dormir gamin.
Ace se hérissa immédiatement devant l'appellation, le feu commençant à courir le long de ses bras même s'ils ne prévoyait pas d'attaquer. Son ennemi était Barbe Blanche et qu'importe combien le blond l'irritait, il ne déclancherait pas une bagarre inutile. Du moins pas physiquement.
-Justement je suis jeune et plus résistant. Et toi vieil homme, toujours pas couché ? Ta démence t'empêche de retrouver ta chambre ?
Marco retint un sourire, amusé de la verve de son cadet.
-À vrai dire j'ai cru voir une lumière par la fenêtre du côté de la deuxième division, je suis venu voir qui rôdait yoi.
Ace haussa les épaules, niant toute implication. Il montra un couloir adjacent d'un geste de la main :
-J'étais de ce côté là, j'ai vu personne.
Ce n'était, techniquement, pas un mensonge. Seulement une petite omission tout au plus.
-Tu venais des quartiers des commandants ? demanda Marco en haussant un sourcil peu dupe.
-J'essayais de les convaincre de me rejoindre dans une mutinerie contre Barbe Blanche, sourit-il avec affront.
Loin d'en être offensé, Marco secoua la tête, l'amusement relevant la commissure de ses lèvres.
-Bonne chance si tu penses pouvoir les faire trahir Oyaji, yoi.
Le jeune le regarda, une lueur de défi dans ses yeux gris avant de croiser les bras.
-Ironique venant de celui qui m'a donné des conseils pour vaincre son capitaine.
-Je te l'ai déjà dit, tu es excellent pour ton âge, mais tu vises bien trop haut. Il est tout simplement hors catégorie. Peut-être dans quelques années, avec un peu d'entraînement, tu pourrais avoir un match honorable.
-Comme si j'allais attendre aussi longtemps... marmonna Ace.
Agacé du rappel, il balança légèrement son pied, shootant dans un caillou invisible.
Marco regarda un instant l'enfant, si jeune et pourtant si ambitieux. Il l'imaginait parfaitement en tant que membre des Barbe Blanche. Pour sûr, en quelques mois il rejoindrait le rang des commandants. Mais surtout il voulait le voir confiant, sans cet énervement qu'il projetait pour repousser tout rapprochement.
-Veux-tu un combat d'entraînement yoi ? se risqua à demander Marco.
Il s'attendait à un refus net. Mais les yeux surpris et brillants qui se posèrent sur lui finirent de le convaincre que sa proposition était la bonne. Ace se balança sur ses talons, avec plus d'énergie qu'il n'en montrait d'habitude.
-Là, maintenant ? s'enthousiasma le jeune avant de se rendre compte qu'il ne devait pas afficher autant d'excitation. Je veux dire, tout le bateau dort...
-Un affrontement sans haki de l'armement ni fruit du démon devrait suffire. Tu n'as pas l'air près d'aller dormir alors autant dépenser un peu ta fougue.
Le capitaine prétendit réfléchir et haussa les épaules dans un affichage forcé de détachement.
-Pourquoi pas.. j'ai pas eu le temps de m'entraîner aujourd'hui.
-Alors allons-y maintenant.
Sur ces mots, il fit un geste pour inviter Ace à le suivre. Les pas derrière lui sonnaient joyeusement avec un doux rebond difficilement réprimé. Il secoua la tête avec indulgence. Un adolescent restait un adolescent après tout.
Dehors, un léger vent commençait à souffler, baissant la température de quelques degrés. Leurs fruits du démon s'assuraient de les garder à l'abri du froid. De toute façon, ils se réchaufferont assez vite pendant le duel.
Une fois sur le pont, il s'éloignèrent et se toisèrent, leurs corps prennant par réflexe leurs positions de combat. Il n'y eut pas d'avertissement ni de signes.
Pourtant dans un même mouvement, ils s'étaient élancés, synchronisés. Marco évita un poing, répliquant avec un coup de pied qui fut esquivé. Son adversaire bloqua sa prochaine attaque avec un contre coup.
Un instant leurs poings se sont heurtés avec des étincelles bleutées et rouges même en étant réfrénées. Leurs pouvoirs exaltés exigeaient de sortir pour se joindre au combat, se révoltant à chaque impact. L'affrontement s'accéléra, entre feintes et bloquages, esquives et touches réussies. Pourtant tout les deux restaient conscients qu'ils n'utilisaient même pas la moitié de leurs capacités.
Ace sourit, sauvage et magnifique dans le feu de la bataille. Des crépitement jaillissaient à chaque fois que leurs peaux entraient en contact, étincelant sous la lune. Pourtant il n'y avait que très peu de bruits, gardant leurs pas légers et souples lorsqu'ils virevoltaient l'un autour de l'autre. Alors ils accélérèrent encore la cadence. Le duo ne cherchait pas réellement à mettre fin au combat. Il n'y avait aucun doute que Marco était bien plus expérimenté, et qu'un vrai affrontement ne durerait pas aussi longtemps.
Ace avait encore un long chemin à parcourir. Cependant Marco admit qu'il l'avais un peu sous-estimé lorsqu'une feinte réussit à passer à travers ses défenses pour lui frapper l'épaule. Le plus jeune le nargua, victorieux, comme s'il n'avait pas déjà encaissé une douzaine de coups de son aîné.
Leur souffle était court, peu habitués à un combat de vitesse et d'endurance tout en essayant de restreindre leurs capacités.
Une autre demi heure de lutte plus tard, le pied de Marco se connecta solidement au ventre d'Ace qui fut projeté en arrière. Il tomba sur le sol avec un bruit sourd, la tête heurtant le plancher.
-Merde, chuchota Marco avant de rejoindre son cadet.
Il n'avait pas prévu d'y mettre autant de force, emporté par l'énergie du combat. Il restait le médecin du navire; il n'était pas censé blesser ses camarades accidentellement. Cependant son adversaire était déjà en train de se redresser pour s'assoir, se frottant l'arrière de la tête plaintivement.
-Pas mal pour un vieil homme...
-C'est pas de sitôt que tu pourras gagner contre moi morveux, se moqua Marco. J'espère que tu n'es pas blessé, yoi ?
Ace roula des yeux à l'inquiétude qu'il jugeait excessive. Il aura juste un bleu ou deux, ce qui ne changeait rien après toutes les blessures récoltées pendant les combats à sens unique contre Barbe Blanche. Pouvoir enfin se défouler correctement le laissait avec une agréable sensation de fatigue physique. Il resta assis au sol, un peu moins tendu.
-À six ans, je combattais des ours qui frappaient plus fort que ça, le provoqua Ace.
En croisant son regard, Marco fut persuadé que le jeune ne plaisantait pas. Ce n'était pas non plus une simple fanfaronnade. Sous ses mèches noires en bataille, son expression s'adoucissait en un air nostalgique, comme s'il se remémorait de bons moments où il risquait sa vie contre des animaux de plusieurs fois sa taille.
Marco décida de lui donner quelques conseils de plus.
-En combat, reste toujours en mouvement. La mobilité est très importante. Tu as pris l'habitude de te reposer sur ton fruit du démon pour faire passer les attaques au travers ton corps, ça se ressent sur tes habitudes.
Et pour une fois Ace, attentif, il prit note de la recommandation avec un hochement de tête. Mais aucun conseil ne ferait des miracles sans une pratique régulière à l'entraînement, jusqu'à ce que ces enseignements deviennent un réflex. Cela se développait avec des partenaires d'entraînement variés; affronter toujours le même adversaire pouvait donner de mauvaises habitudes.
Difficile de s'améliorer quand les mouvements de l'autre devenaient prévisibles.
Ace finit par retenir à grande peine un bâillement, épuisé par l'affrontement. Il se releva finalement du sol, époussetant son short.
-Il se fait tard, constata Marco en regardant sa montre.
Le temps s'était écoulé plus vite que prévu.
-Déjà fatigué ? ricana le jeune comme s'il n'était pas celui prêt à tomber de fatigue.
-Parle pour toi gamin. On peut continuer encore quelques heures si tu insistes, proposa Marco avec un air mortellement sérieux.
Ace fit un pas en arrière, mains levées en fausse capitulation.
-J'ai trop de respect pour retenir un aîné d'aller dormir.
Et il s'enfuit en courant.
Cette nuit là dans le ciel, aucun oiseau bleu n'apparut, mais aucun des deux ne s'en soucia.
Le lendemain, Ace ne prit pas la peine de se lever tôt. Lorsqu'il se réveilla brièvement à l'aube, le ciel couvert et humide suffit à le convaincre qu'il avait eu raison la veille. Il pleuvra, c'était une certitude. Alors, il se blottit un peu plus confortablement dans la fine couverture volée. Elle ne servait pas à grand chose quand son mera mera no mi apportait déjà toute la chaleur nécessaire, mais il appréciait la sensation de l'avoir autour de lui.
Puis il se rendormi aussi sec, bien à l'abri dans son nid de pie.
Il se réveilla de nouveau plus tard, peu avant midi. La pluie tombait depuis quelques heures déjà et il la contempla d'un air maussade. Même s'il appréciait le son des gouttes sur le toit, l'idée de bientôt devoir affronter les éléments pour rejoindre les cuisines suffisait à le déprimer. Il n'aimait pas l'eau, froide et humide, qui crépitait sur ses flammes et perturbait ses sens. Il était plus difficile de voir ou entendre venir un ennemi dans ces conditions.
Il n'y avait absolument personne dehors. Pas surprenant, ils devaient tous être regroupés à l'intérieur, loin des caprices du temps. Au moins, du haut du nid de pie, il pouvait contempler les vagues déchaînées par le vent s'écraser contre la figure de proue avec un fracas de gouttelettes. La nature pouvait être sublime et terrifiante.
Un pauvre News Coco plus gros que la moyenne essayait de s'approcher du navire pour délivrer une vingtaine de journaux, colis et lettres à l'équipage. Soupirant, Ace sortit à moitié de la cabine et fit un signe au goéland qui piqua immédiatement vers lui, soulagé d'enfin trouver quelqu'un. Il prit les affaires et laissa l'oiseau se reposer un moment.
Mais Ace n'avait rien pour le payer alors il laissa l'animal se percher sur son épaule pendant qu'il se résolvait à descendre de son refuge. La pluie tambourina immédiatement sur son dos nu, et pour une fois il regretta de ne pas porter de chemise.
Les cordages détrempés glissaient légèrement sous ses doigts mais il gardait une prise ferme, déterminé à éviter tout accident.
Il entra dans l'espace abrité du navire et s'ébroua comme un chien. Le goéland s'envola de son épaule avec un « QWAK » indigné. Le court trajet à l'extérieur suffit à rentre son short inconfortablement mouillé. En une seconde, le jeune transforma tout son corps en feu et les gouttes se vaporisèrent instantanément en une douce buée.
-Je vais à la cuisine, va trouver les autres membres de l'équipage, conseilla Ace à l'oiseau en essayant de lui rendre les colis qu'il avait emporté avec lui.
Mais ce dernier se posa de nouveau sur son épaule, bien décidé à l'accompagner, probablement alléché par la perspective de la nourriture. Ace n'insista pas. Après tout, ce n'était pas son problème si l'équipage ne recevait pas son courrier.
Izou attendait déjà, assis sur le comptoir et buvant une tasse de thé. Il regarda d'un œil interrogateur le paquet de lettres qu'Ace jeta à ses côtés.
-Courrier, expliqua-t-il sans entrain.
Son visage s'illumina néanmoins en reconnaissant l'odeur caractéristique de la viande de sanglier rôti dans l'assiette. Ses parties de chasse dans les montagnes et rivières de Fushia lui manquaient. Il se jeta dessus, heureux des bons souvenirs que ça faisait remonter.
Le goéland essaya de piocher dans l'assiette mais un seul regard suffit à lui faire comprendre qu'il y risquerait sa vie et bien plus encore.
Pendant ce temps là, Izou récupérait l'un des journaux qu'il feuilletta à la recherche de nouvelles intéressantes. Rien ne dû lui taper suffisamment dans l'œil car il le posa après quelques minutes pour se pencher sur les noms qui ornaient les lettres.
Le goéland regardait d'un air dépité Ace terminer assiettes après assiettes sans pouvoir en voler le moindre morceau. Izou eut un sourire narquois en le remarquant.
-Allez Coco va porter ton courrier à l'équipage, ils sont au réfectoire. Peut-être qu'ils seront plus généreux qu'Ace.
Il n'y eut pas besoin d'argumenter plus, l'oiseau décolla vite, attrapant toutes les affaires entre ses pattes maladroites avant de sortir. Le commandant secoua la tête, amusé. Ace continuait d'éliminer toute trace de nourriture des assiettes à un rythme qui n'aurait pas dû être humainement possible.
Puis le jeune s'effondra comme un pantin aux fils coupés.
Izou ne s'y attendait pas et sursauta hors de sa peau lorsque le jeune tomba tête la première dans son assiette avec un fracas énorme. Paniqué, il regarda l'inconscient sans savoir quoi faire, sans comprendre ce qu'il venait de se passer. Crise cardiaque ? Étouffement ? Rupture d'anévrisme ? Empoisonnement ? Il était sur le point d'intervenir sans savoir quelle technique de premier secours utiliser, quand toutes ces théories s'effondrèrent grâce au ronflement sonore qui s'éleva de la forme immobile. Ace s'est tout simplement endormi.
-Comment diable est-ce possible ? marmonna le pauvre Geisha perturbé.
Toujours bouleversé, il décida de secouer Ace en appelant son prénom. Au bout de quelques secondes l'endormi se réveilla dans un bond, causant une autre frayeur à Izou qui le frappa derrière la tête par réflexe.
-Aïe...
Le jeune avec des restes de sauce sur le visage remarqua alors l'endroit où il s'était assoupi, puis Izou qui le fixait, une main sur le cœur.
-Ça va pas de s'endormir et se réveiller comme ça ?!
Ace ne put s'empêcher d'éclater rire à l'air paniqué du pirate habituellement si stoïque et maîtrisé.
-Désolé pour ça, ricana-t-il. J'avais oublié que personne ici n'avait vu mes crises de narcolepsie.
Cela sembla calmer un peu le commandant qui reprit ses esprits.
-Tu devrais peut-être aller consulter à l'infirmerie.
Quelqu'un devrait vraiment l'examiner.
Ce genre de crise en plein combat pouvait lui coûter la vie. Étonnant que personne de l'équipage ne l'ait encore vu s'évanouir ainsi. Le jeune agita sa main avec désinvolture.
-Ça n'arrive jamais dans quand je suis trop sur mes gardes.
Et il retourna manger, sans se rendre compte qu'il avouait à demi-mot commencer à se détendre sur le navire des Barbes Blanches. Izou mit quelques secondes à traiter l'information et décida de changer de sujet avant que le jeune homme ne se braque.
-D'ailleurs, en parlant de garde, ceux qui étaient de garde hier soir ont vu quelque chose de curieux, commença Izou en se remémorant certaines rumeurs.
Ace se figea brièvement, se demandant si sa petite excursion dans la salle des cartes avait été repérée. Mais il ne laissa rien paraître de plus, décidant de jouer la carte de la désinvolture.
-Ah ouais ?
Izou eut un sourire pouvant être qualifié de prédateur. Cherchant la moindre trace de trouble sur le visage de son cadet, il se pencha légèrement pour dire sur le ton de la confidence.
-Ils ont tous dit t'avoir vu avec Marco. Et que ça avait l'air chaud entre vous...
-Ah ! s'exclama Ace en tapant son poing sur sa main. On a fait un combat d'entraînement, je suppose que les gardes ont vu les étincelles.
Le Geisha eut une moue déçue que l'innocent jeune soit totalement passé à côté du sous-entendu. Il avait taquiné Marco toute la matinée avec l'aide de quelques autres commandants, lui tirant des réactions très amusantes.
Ils avaient possiblement insisté au point où le blond d'ordinaire très calme finit par tenter de les frapper avec une serpillère empruntée (arrachée) à un équipier, avant de menacer de les jeter par dessus bord si la moindre rumeur déplacée se répandait sur le navire. "Ça veut dire que hors du navire c'est autorisé ?" avait alors demandé Haruta, quelques secondes avant de devoir esquiver une attaque vengeresse.
Bref, une matinée typique dans leur fraternité tout à fait banale.
Izou but une gorgée supplémentaire de son thé au jasmin.
Depuis que Thatch avait commencé à plaider la cause d'Ace puis au travers de leurs courtes rencontres, le Geisha avait décidé qu'il aimait bien son cadet. Le jeune n'était pas mal, si on aimait bien le côté farouche et taché de sauce du fait de son récent plongeon dans une assiette. Il était curieux de voir ce qu'il y avait sous cette témérité et cette méfiance.
Mais il pouvait comprendre, vu sa situation; il avait une telle soif de liberté.
De nombreux paris étaient en cours au sein de l'équipage : allait-il finir par partir ou rester ? Au bout de combien de défaites contre Barbe Blanche arrêtera-t-il ses vaines tentatives ? Brûlera-t-il le Moby Dick dans un excès de rage ?
Izou était plutôt d'avis que le jeune provoquera leur faillite en mangeant toutes les réserves de nourriture du bateau. Un regard vers les huit assiettes empilées suffit à le conforter dans sa théorie
-Thatch devrait revenir demain, l'informa Izou.
L'information sembla rendre le jeune assez heureux pour qu'il s'arrête quelques secondes de manger, le temps de le regarder avec un espoir touchant.
-Avec le ravitaillement ?
Si le geisha ne craignait pas de ruiner son maquillage, il aurait appuyé ses paumes contre son visage dans un geste de dépit. Bien sûr, la première pensée d'Ace irait à la nourriture.
-Oui Ace, avec le ravitaillement. On en a manqué plus tôt que prévu avec ton arrivée.
-Me relâcher vous aurait évité tout ces soucis, répondit le jeune sans le moindre signe de repentance. Je devrais même rester pour toujours sur ce bateau, je pourrai manger tout ce que je veux sans me ruiner...
Il se frotta le menton, l'air de réfléchir sérieusement à ce plan diabolique.
-Je vais vite convaincre Oyaji de te laisser partir alors, et s'il refuse on organisera ton évasion, pour le bien de l'équipage, rit Izou.
Ace gloussa puis plaqua une main devant sa bouche comme surpris du son qui venait d'en sortir. Un bruit à la porte le fit se retourner à temps pour apercevoir Marco entrer dans la cuisine d'un pas nonchalant, souriant.
-Bravo morveux, tu as finalement réussi à corrompre un de mes précieux frères yoi.
Ace, au lieu de se renfrogner comme le craignait Izou, eut au contraire un rictus narquois.
-Plus je reste ici, plus je vais convaincre tes nakamas d'organiser mon « sauvetage ». Et même Barbe Blanche n'y pourra rien.
-Je veux bien te voir essayer, défia le blond.
Ace se redressa dans une posture presque combative, un feu sauvage au fond des yeux. L'envie de l'attiser tirailla irrésistiblement Marco. Il blâmait entièrement sa partie phénix pour ça.
Alors il ajouta :
-Et même en arrivant à rallier tout les commandants de ton côté, vous n'auriez toujours aucune chance contre moi.
Izou, également visé par l'insulte, affichait un air outré. Ses doigts effleuraient la crosse de son arme en une menace implicite. C'était à l'avis du blond parfaitement mérité pour les taquineries de la matinée.
Le feu rampa sur la peau d'Ace en un éclair, crachant des étincelles qui brillaient d'un éclat combatif. Mais beaucoup trop rapidement les flammes se sont apaisées, ralenties, dessinant alors lentement de fines spirales autour de ses bras, remontant sa colonne vertébrale jusqu'à son cou d'où elles projetaient des ombres sur son visage.
Marco retint un mouvement de recul instinctif quand Ace abandonna sa dernière assiette de nourriture enfin terminée et avança vers lui d'un pas assuré. Il s'arrêta, à peine assez proche pour que le blond puisse sentir la chaleur de ses flammes. Il sentait son instinct zoan chercher à y réagir, mais l'étouffa. Ils s'observèrent une seconde avant que le plus jeune penche la tête sur le côté, les yeux pétillants d'amusement.
-Alors j'ai juste à t'avoir de mon côté.
Puis ses flammes s'évanouirent et il continua son chemin, passant à côté de son interlocuteur et, sortit de la cuisine. Laissant derrière lui un Marco stupéfait.
Izou explosa de rire.
-Par Davy Jones, il a raison ! Ce gamin va bientôt te mener par le bout du nez !
Marco roula des yeux. Il voulait bien accorder ce point à Ace. Cet élan inattendu de confiance avait réussi à le déstabilisant.
Mais il savait que son frère n'allait pas laisser passer ça. Il se consola en sachant qu'Izou était plutôt discret et n'irait pas répandre n'importe quelle rumeur. Sauf à Thatch, probablement.
À jouer avec le feu, il risquait de se brûler.
Une chance qu'il soit un phénix.
