Les rayons de soleil s'insinuent par la fenêtre et viennent caresser ma joue. J'ouvre les paupières pour me rendre compte que la pièce semble être un véritable bain de soleil. Selon l'horaire qu'indique mon réveil, la matinée est déjà bien avancée. Les bras de Jared m'encerclent, mais ce n'est pas désagréable. Sa chaleur est rassurante et me fait sourire. J'ai l'impression d'être lovée dans une pelote de laine, près du feu. Son cœur semble battre en résonance avec le mien, drôle d'idée. C'est à ce moment précis que je réalise qu'il est torse nu, simplement vêtu d'un short couleur kaki. Son corps est sculpté à la manière d'une statue. Quant à moi, je porte encore mes vêtements de la veille et mes cheveux sont en bataille. Je sens mes joues se réchauffer.

- Hey ... Debout ... Je murmure en me tournant pour être face à lui, afin de le réveiller. Sa seule réaction est de resserrer sa prise sur moi et de nicher son nez dans mes cheveux, l'air ronchon.

- Laisses moi dormir, je viens de rentrer d'une patrouille ... Le jeune loup marmonne, la voix fatiguée.

Il est vrai que j'ai entendue du bruit dans la nuit. La porte qui s'ouvrait et qui se refermait. Après une bonne nuit de sommeil, la réalité me semble toujours paradoxalement irréelle. Le garçon qui me plaît est un loup, mes nouveaux amis aussi, et ils luttent contre les vampires qui pourraient s'en prendre à la population. Ce sont des héros sous leurs airs de garçons peu fréquentables. Sans oublier cette histoire d'imprégnée. Le visage de Jared est si détendu, comme s'il était en paix. Son corps est tout contre le mien. Il y a quelque chose d'infiniment intime dans le fait de se réveiller auprès de quelqu'un, de dormir en écho, de voir un autre individu en premier dès qu'on ouvre les yeux ... Et nous ne nous sommes pas encore embrassés. C'est délicieux, de prendre son temps. L'adolescent finit par émerger quelques minutes plus tard et embrasse ma joue.

- Bien dormi ? Il me demande en s'étirant, de ses grands membres.

- Super ! Mon regard glisse sur sa silhouette et je ne tarde pas à quitter ma propre chambre comme si je fuyais, pour aller me doucher. Prévoyante, j'ai pris le soin de prendre des vêtements avec moi afin de ne pas sortir en serviette.

Lorsque je descends les escaliers, la chevelure humide, habillée d'un haut lilas à manches longues et d'un jean taille basse, une bonne odeur de crêpes a envahit le rez-de-chaussée. Je trouve Jared qui cuisine. La cuisine est ouverte sur la salle à manger et le salon, comme une seule pièce. Ce n'est pas si grand, même assez exiguë.

- Attention, je pourrais m'y habituer. Je plaisante en m'asseyant sur une des chaises, avec un sourire d'amoureuse transie.

- J'espère bien. Je pourrais me réveiller comme ça tous les jours de ma vie. Répond Jared en me rendant mon sourire.

- Ça te dirait de manger chez moi ce midi ? C'est samedi, mes parents seront là et mes frères et sœurs aussi. Pas de pression, t'as le droit de refuser. Il me propose après m'avoir servi une crêpe accompagnée de confiture de framboise.

Il n'hésite pas à se servir dans les placards. Il prend ses marques. Contrairement à moi, il sait prendre sa place. Prendre ce qu'il veut. Prendre soin des autres en plus de savoir se gérer lui même. Je l'envie pour ça. Ça mérite réflexion. Les parents de Jared ... Je ne sais pas pourquoi, mais je sais déjà que lui présenter la mienne sera bien plus compliqué.

- Tu veux dire que ... Enfin ... Tu veux me les présenter ? Comme ta ... Ta ... Je commence, hésitante, penchant la tête sur le côté comme je le fais toujours lorsque je suis gênée.

- Ma ? Il m'incite à continuer, son sourire qui s'intensifie.

- Ta petite amie ? Je lance comme un mot au hasard, qui me coupe le souffle.

- À condition que tu me présentes aussi comme ton petit ami. Il réplique comme une évidence, et rit pour détendre l'atmosphère face à ma maladresse.

- Ça me va ... Je murmure du bout des lèvres, folle de joie.

Jared Cameron est mon petit ami. On m'a dit un jour que, lorsque les rêves deviennent réalité, ils sont souvent décevants, mais là ça dépasse toutes mes espérances.

*

Sur le chemin, j'ai assailli Jared de questions. Je n'ai pas enfilé de veste vu les rares rayons de soleil qui nous font le plaisir de leur compagnie et l'autre adolescent se contente d'un t-shirt en plein mois d'octobre. Je l'ai interrogé sur ma tenue, qui est soit disant très bien, sur s'il avait déjà présenté une fille à ses parents, et apparement non.

- La chaleur, c'est un truc de loup ?

- Oui, notre température est bien plus élevée que la moyenne.

- Et comment tu fais pour cacher ce secret à t'es parents ? Ils ne t'entendent pas sortir la nuit ? Et hier soir, ils savaient où tu étais ? Ils vont me détester par ce que t'étais chez moi ? Ils vont peut être penser que je suis une mauvaise influence.

À la fin de ma phrase, Jared est hilare. Je le pousse légèrement, sans le faire bouger d'un millimètre alors qu'il glisse son bras sur une de mes épaules.

- J'ai prévenu mes parents que je rentrais pas hier soir. Et comme si tu pouvais être une mauvaise influence. Attends que ta mère rentre, tu verras ce qu'elle dira ... Il souffle entre deux éclats de rire et je fronce les sourcils.

- Comment ça ? Je fais mine d'être vexée alors qu'au fond, je sais bien ce qu'il veut dire, ma mère est loin d'être facile.

- Rien. Mais mes parents me laissent tranquille. Ils me laissent vivre du moment que je ramène un bulletin décent et que je reste dans le coin. Ils pensent juste que je traîne tard avec Sam, que j'ai un appétit d'ogre et que je suis dans une période où je me cherche et où je fais beaucoup de sport, ce qui expliquerait ma coupe de cheveux et le fait que j'ai pris du muscle ... J'ai un grand écart d'âge avec mes petits frères et sœurs donc ils se concentrent plutôt sur eux. Ça m'arrange. Je me gère.

Lorsque Jared a terminé de m'expliquer sa situation, nous nous trouvons devant la porte de sa maison. Sans vouloir être flippante, je savais déjà où il habitait. Une ravissante petite maison rouge avec une pelouse parfaitement tendue. De l'extérieur, on entend la vie qui s'y déroule. Presque comme si la maison elle même était en vie. Sa mère, chaleureuse, nous accueille avec un large sourire. Elle a quelques ridules qui témoignent d'une existence de rires et de légèreté.

- Bonjour ! Elle s'exclame en nous faisant entrer.

- Bonjour madame. Je la salue en passant timidement le pas de la porte.

- Voyons, appelles moi Joyce.

La décoration est simple et il y a eu peu de bazar, mais l'intuition que j'avais selon laquelle cette maison respirait la joie de vivre était correcte. Joyce est grande, a des boucles noires, des yeux en amande, et les manches de son chemisier vert sont remontées sur ses manches. Quant à son mari, Tyler, il ressemble trait pour trait à Jared. Son teint très mate, sa mâchoire carré et son expression dure. C'est presque comme avoir une vision de lui depuis le futur. Il est cependant plus petit et plus fin que son fils. En contraste avec son épouse, il est réservé, mais me semble très gentil, vu la manière qu'il a de m'appeler « ma mignonne ». Ça me rappelle le fait que je n'ai pas vu mon propre père depuis des mois. Je range vite cette pensée dans l'armoire de mes souvenirs que j'ai avec lui, poussiéreux, au fond de ma mémoire.

- Coucou ! Moi c'est Jeremy. S'exclame un petit garçon depuis le fauteuil du salon, une peluche à la main. Il a une moue à laquelle personne ne peut résister et doit avoir dans les six ans. Jared le rejoint pour faire mine de jouer à la guerre, et le petit entre directement dans son jeu. Ils ont l'air proches.

Soudain, je sens qu'on tire doucement sur mon pantalon. Deux minuscules mains s'accrochent à ma jambe. Ce sont celles d'une petite fille qui ne doit même pas avoir trois ans. Elle ne prononce pas un mot mais son regard semble vouloir dire mille choses. L'enfant tend les bras en hauteur et baragouine quelques sons. Elle doit vouloir que je la porte et je m'exécute, maladroitement. Ça me fait tout drôle, étant rarement en contact avec les enfants, mais ça réchauffe mon cœur. L'attention avec laquelle elle m'observe est immense et elle joue avec mes cheveux tout comme avec mes ongles longs. Lorsqu'on a eu une enfance gâchée par de mauvais souvenirs, c'est toujours émouvant d'être près d'un enfant, d'avoir la charge d'embellir un moment de sa vie. C'est en tout cas l'impression que j'ai.

- Bonjour, toi ... Je murmure en penchant doucement la tête vers elle.

- Elle s'appelle Jenna et le seul mot qu'elle prononce ces derniers temps c'est « non » et des grossièretés par ce qu'elle sait que ça provoque des réactions. M'explique la mère de Jared en reprenant sa fille, je remarque ainsi à quel point elles se ressemblent. Nous nous dirigeons ensemble vers la cuisine taillée dans un beau bois sombre.

- Vous avez tous des prénoms en J ? Je demande à mon « petit ami ».

- Exact. Et tu sais pourquoi ? Par ce qu'une certaine personne ici est très égocentrique. S'exclame Jared, qui a l'air rieur, en fixant Joyce qui lui balance une pomme dessus.

- Tu aurais préféré que je t'appelle Robert, comme ton grand père ? À partir de maintenant je t'appellerais Robert, petit ingrat. Joyce lance avec ironie, et je comprends de qui Jared a hérité ses sarcasmes.

- Eh ! Bah quoi, je me plains pas ! Jared, ça déchire ! Il s'écrie en riant de plus belle avec son père.

En attrapant la pomme, Jared n'a même pas eu besoin d'y jeter un coup d'œil. Il a de sacrés réflexes. Est-ce que les indices du fait qu'il soit un loup étaient sous mon nez depuis le début ? Nous bavardons quelques minutes, avant de passer à table. Cette dernière est bien garnie, entre salade de tomates, gratin de pâtes, saumon, muffins et tarte aux cerises ... Jared prend le temps de me tirer ma chaise et il s'assoit à mes côtés. Jeremy se vante d'avoir aidé à préparer les muffins et sert les verres d'eau comme il peut. Il en renverse un petit peu, sans se faire réprimander. La petite Jenna va chercher son bavoir et se hisse sur sa chaise, l'air débrayé mais enjoué, habillée d'une robe tachée de peinture. C'est intéressant, en tant que personne qui a toujours été assistée par sa mère. Les Cameron semblent éduquer leurs enfants de manière libre et indépendante. Ça explique la désinvolture de Jared et sa confiance en lui.

- Alors Kim, parles nous de toi. Jared nous a seulement dit que tu étais la plus belle fille du monde, et il n'a pas menti pour une fois. Tu as de très beaux cheveux. Me complimente la mère de famille alors que j'échange un regard complice avec son fils.

- Hum ... Je suis dans la même classe que Jared depuis la maternelle. Ma mère travaille à l'hôpital mais en ce moment elle rend visite à ma grand mère. Elle devrait rentrer d'ici une semaine. Mes parents sont divorcés. Du coup, mon père habite à Seattle avec sa nouvelle copine. J'explique les grandes lignes en commençant à manger. C'est délicieux.

- Désolé pour toi. Joyce prononce et dans sa voix j'entends aussi qu'elle fait référence à l'histoire de ma famille, à la disparition de ma sœur qui a chamboulé notre réserve tranquille. Je me contente d'hausser les épaules.

- C'est rien. Je la rassure avant que la conversation ne dévie sur un autre sujet lorsque Jenna se met à crier après que son frère ait critiqué sa tenue.

- Arrêtez, bande de débiles ! Jared les réprimande sans être pris au sérieux, ce qui me fait rire.

*

Plus tard dans l'après-midi, le crépuscule se produit. Le soleil fond petit à petit à l'horizon pendant que moi et Jared nous baladons sur la plage. Après le déjeuner familial, nous sommes allés piquer des glaces dans le congélateur de Sam et Emily. Je sais que c'est mal élevé, mais on entre chez eux comme dans un moulin. C'est comme vivre un bel été en automne. Jared me donne l'impression de revivre mon enfance, version vitesse accélérée, et commence à me faire expérimenter tout ce que j'aurais souhaité vivre. Évidement, cela a son lot de négativité, comme cette histoire de vampires ... Notre ballade est dynamique, tant il est joueur. Il me tourne autour et glisse ses mains autour de mes hanches quand il en a l'occasion. Je ne le repousse pas, ça me plaît. Après avoir terminé ma glace, j'entoure sa nuque de mes bras. J'essuie de mon pouce une trace de chocolat à son menton.

- C'est quoi, être imprégné ? Je l'interroge sur ce mot qui semble sorti de nul part mais qui me trottait dans la tête.

- C'est ... Disons que je me suis imprégné et que tu es l'imprégnée. C'est un truc de loup. Jared répond en prenant le temps de choisir ses mots, comme s'il marchait sur des œufs.

- Un truc de loup ?

- C'est un phénomène qui se produit quand on rencontre la personne qui nous est destinée. À partir de ce moment, on vit pour cette personne. Notre cœur se cale sur le sien. On ne pense plus qu'à elle. Les liens qu'on pensait avoir avec le reste du monde deviennent dérisoires. Elle renforce notre devoir de loup. Ça s'impose à nous, comme la gravité. Il prononce en glissant ses yeux au fond des miens, avec intensité.

- Comment ça peut être moi ? Tu veux dire que … T'es un peu obligé ? C'est seulement de la magie ? Je m'inquiète à l'idée de perdre ce que je suis en train de vivre, à l'idée d'être trop égoïste pour le repousser.

- Kim, tu es la raison de ma venue au monde. Je ne pouvais exister que dans un monde où tu existes aussi. Ça a toujours été toi, même avant que je devienne un loup. L'imprégnation ne fait que révéler ce qui est déjà là. Il insiste avec certitude, ce qui me détend.

- Et … Ça se produit pour chaque loup ?

- Non, c'est sensé être rare. C'est ce qui s'est passé, pour Sam et Emily, mais il était étonné quand je lui ai dis que c'était arrivé dès mon retour en classe.

- C'est pour ça qu'il a quitté Leah précipitamment ? Je demande en me souvenant du visage attristé de la fille Clearwater, comme si depuis elle portait chaque jour le poids de sa rancune et de sa tristesse.

- Exact. Il l'aimait sincèrement mais ce n'était rien comparé à ce qu'il ressent pour Emily.

- Comment tu le sais ? T'es pas dans sa tête …

- Justement, si. C'est un autre truc de loup. On lit dans les pensées les uns des autres quand on mute. Jared révèle et s'amuse de ma surprise.

C'est dingue. Mes mains sur sa nuque, mes doigts caressent doucement sa peau. Naturellement, nos lèvres se rencontrent pour un doux baiser. Je voudrais que ça ne s'arrête jamais, mon corps se tend et les battements de mon cœur s'accélèrent. Je le sens sourire contre ma bouche. Dans le silence, nous reprenons notre ballade qui nous a permis de grimper une partie de la montagne. Ainsi, nous nous trouvons non loin d'une falaise assez basse, comparée à celles desquelles il a l'habitude de sauter avec Sam et Paul. Mon petit ami remarque l'insistance avec laquelle j'observe la falaise et attrape soudainement ma taille pour me porter.

- Eh ! Qu'est-ce que tu fais ? Je m'exclame en m'accrochant à ses épaules.

- Tu veux sauter ? Jared répond à ma question par une autre question absurde.

- Hein ? C'est dangereux … Je souffle, incrédule.

- Est-ce que tu veux sauter ? Il répète calmement face à mon absence de réponse.

- Tu te feras pas mal, je sauterais avec toi, c'est pas compliqué. Il tente de me rassurer, avant que je n'hoche vivement la tête. C'est comme si mon corps avait parlé à ma place.

La couleur des vagues, mêlée de bleu et de gris, provoque un contraste avec la teinte orangée du ciel. Les vagues viennent lécher le bas de la falaise avec vivacité, comme une bête sauvage qui tente d'envahir notre plage. Jared me tient fermement et, d'un coup, nous sautons. Mon hurlement disparaît lorsque nous rencontrons les vagues avec grands fracas. Tout habillés, nous sommes évidements trempés. Les secondes lors desquelles je demeure plusieurs mètres sous l'eau me transcendent avant que le jeune homme ne nous fasse remonter à la surface. Mes vêtements me collent à la peau. Sachant que je ne viens jamais nager, il me porte en me tenant par le haut des cuisses d'une main, et de son autre main il dégage mes cheveux de mon visage.

- Tu vas bien ? L'inquiétude se perçoit dans sa vie. J'éclate de rire et l'embrasse à nouveau, les mains qui encadrent son visage.

- Tu me fais sentir en vie.

- Quoi ? Il prononce en m'ayant très bien entendu.

- Tu me fais sentir en vie ! Je crie comme une libération.

La liberté a le goût de la glace, la chaleur du soleil et la sensation d'un baiser. Je pourrais vivre ainsi pour l'éternité. Je pourrais mener une vie rythmée par la lumière, ici, à la Push, entre ma maison, celle de Jared et celle de Sam et Emily, à embrasser mon amour de jeunesse, à profiter de l'océan et de la forêt en guise de paysage. Ce tableau me paraît idéal.


Bon, cet univers m'inspire trop j'ai déjà les idées de chapitres de 4 tomes, c'est très excitant. En quelques semaines, on peut dire que le personnage de Kim a énormément pris en maturité et a pris goût à la liberté ! Ce chapitre a vraiment un good mood je trouve. Dans le prochain chapitre je vais intégrer un personnage que j'avais hâte de vous présenter.

Alexise-me : C'est sûr, Paul ne connaît pas la délicatesse ! J'ai hâte que tu aies la réponse à ta théorie. Merci de ta review, bisous