Chapitre huit : Les engraisser comme de beaux petits cochons que l'on destine à l'abattoir.

Hello, hellooo ! J'espère que vous allez bien ! :) On se retrouve aujourd'hui pour le chapitre huit .. ou neuf ?, de cette fanfiction :)

Je n'en suis pas très satisfaite [il est moins diabolique qu'il devait l'être au départ], et j'ai d'ailleurs beaucoup eu de mal à le poster à cause de cela (x)) mais j'espère qu'il vous plaira !

N'hésitez pas à laisser votre avis, qu'il soit bon ou mauvais !

En vous remerciant de votre soutien, je vous souhaite une bonne lecture ! :)

Plein de bisous,

SP17 / Lou.

Janvier 1982,

Empire State Building,

Mont Olympe,

10h12.

Depuis plus de deux heures, l'effervescence la plus totale régnait sur le Mont Olympe : partout où il mettait les pieds, Hermès ne cessait de croiser des personnes aux airs surexcités, discutant avidement avec leurs diverses compagnons, une lueur enfantine dans le regard. Une joie curieuse, une excitation des plus surprenantes semblait avoir contaminé chaque habitant du six-centième étage de l'Empire State, à tel point que le dieu des Messagers se demanda si Aphrodite n'y était pas pour quelque chose ; avait-elle décidé de chasser définitivement l'humeur morose qui régnait sur le royaume des dieux ces derniers temps ? Avait-elle de nouveau utiliser l'un de ses nombreux pouvoirs pour mettre tout le monde d'excellente humeur ? Cela aurait tout bonnement été probable, voire quasiment certain, si Aphrodite n'était pas « portée disparue » depuis plusieurs jours …

« Et puis, regarde-les, Hermès, souffla Martha, qui s'entortillait nerveusement autour du caducée que le dieu tenait fermement dans sa main droite. Ils n'ont pas simplement l'air d'être heureux et excités d'être en vie. Ils sont nerveux. Impatients. Impatients comme le seraient des chiens un jour de chasse. Comme le seraient … »

« Des serviteurs d'Arès un jour de guerre. »

Cette soudaine réflexion donna la chaire de poule à Hermès ; désormais frissonnant, le dieu resserra d'avantage sa veste contre lui, et observa les alentours d'un air subitement inquiet. Si Arès était derrière toute cette agitation … mieux valait assurer ses arrières ! Surtout après ce qu'il avait osé lui faire !

OoOoOoOoO

« Ah, Hermy ! Te voilà enfin ! »

La voix d'Apollon résonna dans la salle des Trônes encore déserte, faisant sursauter le dieu des voyageurs. Celui-ci, encore troublé par la soudaine agitation régnant au sein du royaume, mit plusieurs secondes à se tourner vers son meilleur ami, comme s'il avait peur de l'expression qu'il pourrait lire sur son visage. Mais, à son plus grand soulagement, le dieu du soleil affichait simplement son éternel sourire ultra bright, son regard bleu clair dissimulé derrière ses habituelles Ray-ban noires.

« Bah dis donc, t'en fais une tête !, s'exclama Apollon, d'un ton à la fois amusé et inquiet, lorsque Hermès se fut enfin tourné vers lui. Tout va bien ? »

« C'est juste que … quelqu'un sait ce qu'Arès prépare ? »

Blanc comme un linge, Hermès avait prononcé ces mots d'une voix légèrement tremblante, ce qui l'agaça intérieurement. Il essaya de donner le change en se raclant la gorge – peut-être Apollon allait-il croire que ce petit accès de faiblesse était simplement dû à un malheureux chat dans la gorge – et en se redressant imperceptiblement. Regarder son ami dans les yeux était cependant encore trop dangereux (le regard n'est-il pas le miroir de l'âme ?), aussi le dieu préféra-t-il regarder au loin.

« Arès ? … »

Le ton d'Apollon trahissait une profonde incompréhension.

« Mais enfin, Hermès. De quoi tu parles ? »

D'avantage inquiet pour son demi-frère, Apollon retira ses lunettes de soleil, qu'il glissa dans la poche arrière de son jean. Puis, il fit quelques pas vers Hermès et scruta le visage de ce dernier, les sourcils froncés.

« Eh bien … »

La gorge serrée par l'angoisse, Hermès se racla la gorge, se tut quelques instants sous le regard préoccupé d'Apollon et finit par balbutier :

« … toute cette agitation. Ces gens surexcités et impatients … Il doit bien être derrière tout cela, non ? »

« Mais … »

Soudain, alors qu'il était encore empli de confusion et d'inquiétude quelques secondes auparavant, le regard d'Apollon sembla s'illuminer et le dieu du soleil éclata brusquement de rire, devant un Hermès complètement penaud et perdu.

« Hahaha … hahahaha … hahahahahaaaaa … ! Ne me dis pas que … ahahahahahaaaa … ah, Hermy, tu me feras toujours rire ! »

Plié en deux, le dieu du soleil se tut quelques instants, histoire de reprendre sa respiration. Puis, essuyant d'une main les larmes qui coulaient sur ses joues, il tapota gentiment l'épaule d'Hermès, qui le fixait, à la fois perplexe et légèrement vexé.

« T'en fais pas, va., s'exclama Apollon, dont la bouche tressaillit sous l'importante envie de rire qui le secouait encore. Arès ne part pas en guerre contre toi. OK, il t'en veux un max d'avoir remplacé son shampoing par de la crème à épiler, et il te le fera payer dès qu'il en aura l'occasion. Mais, tu penses sérieusement que Zeus lui aurait donné la permission de partir en guerre contre toi ? Sér … sérieusement ? »

« Arès est un enfant gâté, en ce moment. Et il a toujours été le préféré de notre père. », eut envie de répondre Hermès. Mais Apollon était victime d'un nouvel accès de fou-rire, et le dieu s'en sentit profondément blessé : combien de journées avait-il passé à consoler Apollon lorsque celui-ci se lamenter sur des choses qui lui avait paru anodines ? Combien de journées avait-il passé à essayer de le rassurer à chaque fois qu'une guêpe ou une souris s'approchait d'un peu trop près ? Beaucoup. Énormément. Peut-être trop.

Ne vous y trompez pas. Hermès savait très bien que son comportement avait quelque chose d'un peu enfantin – et, d'ailleurs, après discussion, il en a toujours conscience à ce jour –, mais pourtant, la peur était bien présente, bien réelle : Arès ne plaisantait jamais. Si vous tentiez de vous moquer de lui, il entrait dans une colère noire et vous en goûtiez les terribles conséquences. Des milliers d'êtres, que ce soit des mortels, des dieux ou de simples créatures mythologiques, avaient ainsi péri dans d'affreuses souffrances, torturés pendant des heures par un dieu de la guerre riant aux éclats. Même une pauvre naïade, qui avait eu le malheur de lui sourire d'une drôle de façon – était-ce là de la moquerie ? - avait été écartelée en place publique. Alors, depuis qu'il s'était trompé de bouteille de shampoing, Hermès avait la frousse. Il devenait parano, s'attendait à voir son maudit demi-frère à tous les coins de rues. Il angoissait tout le temps, sursautait à n'importe quel bruit et en faisait des cauchemars, s'imaginant victime des pires tortures. Et, quand on savait qu'un homme s'était retrouvé brûlé au second degré par les propres flammes de son barbecue après avoir déclaré que Mars n'était qu'une fillette, on pouvait s'attendre à ce qu'Arès déclare la guerre à Hermès pour une simple histoire de bouteille de shampoing. Parce qu'il était comme ça, Arès. Totalement imprévisible et excessif.

« Mais alors, pourquoi toutes les personnes que j'ai croisé ont l'air aussi excitées, si Arès n'y est pour rien ? » , finit par demander Hermès, l'air légèrement bougon mais plutôt soulagé.

Car, maintenant que le dieu des messages avait définitivement écarté la croisade d'Arès de la liste des vengeances les plus probables, il était désormais clair, selon lui, qu'Arès n'avait rien à voir avec la tension et l'excitation qui régnaient sur le Mont Olympe : si le dieu de la guerre avait souhaité anéantir telle ou telle population, il aurait eu l'obligation d'en faire part à ses collègues olympiens trois semaines avant son passage à l'acte. Or, il ne l'avait pas fait. Ce n'était donc pas lui qui enthousiasmait les foules. Hermès en ressentait un double soulagement. Pour lui, et pour tous les êtres humains qui ne seraient pas massacrés aujourd'hui.

« C'est Héphaïstos. Il lance un nouveau jeu, apparemment., lui répondit Apollon, un sourire en coin toujours au bord des lèvres. C'est sur toutes les télévisions depuis ce matin. Et sur toutes les chaînes disponibles. Impossible d'y échapper. »

Il accompagna ces dernières paroles d'un geste de la main en direction de l'écran qui surplombait le trône de leur père. Et, en effet, alors que OlympusTV était censée diffuser des flash infos en continue, elle ne semblait retransmettre aujourd'hui qu'un écran d'un orange très voyant, semblable à celui des T-Shirts que distribuait la Colonie des Sang-Mêlés. Un écran orange où s'affichait le symbole d'Héphaïstos et un simple compte-à-rebours. Il restait vraisemblablement vingt-huit heures et cinquante minutes avant le début de la diffusion.

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Janvier 1982

Les cheveux au vent, Arès zigzaguait à toute allure entre les voitures et les piétons, ne prenant même pas la peine de faire attention aux nombreux klaxons et cris de surprise que cela provoquait. Que les mortels soient mécontents de la manière dont il conduisait sa moto, il n'en avait que faire ! De simples moustiques, voilà ce qu'ils étaient ! De simples microbes destinés à proliférer et à polluer l'air de leur haleine putride. De simples fourmis qu'il prenait un malin plaisir à écraser d'un bref coup de talon. De simples vers, aveugles et laids, obèses et pantouflards.

« Je me demande ce qui peut bien pousser Père à les laisser grouiller ainsi. Il devrait au moins en éliminer la moitié ! »

« Mais pousse-toi de là, toi ! », vociféra le dieu de la guerre, à l'adresse d'un jeune garçon qui se promenait tranquillement sur le trottoir, à croire qu'il n'avait rien à y faire.

Poussant un juron, le dieu donna un brusque coup de guidon vers la droite, tandis que le garçon courait rejoindre sa mère, positionnée quelques mètres plus loin, une expression de pure terreur sur le visage. Était-il simplement effrayé à l'idée qu'il avait manqué de se faire écraser ou avait-il entraperçu le visage de chair brûlée, de sang et de flammes qu'affichait actuellement Arès sous le couvert de la Brume ? Le dieu de la guerre l'ignorait. Et il n'en avait que faire.

Tout ce qui lui importait, à l'instant, c'était d'aller trouver son père. D'aller trouver son père et de gueuler comme il ne l'avait que très rarement fait. Parce qu'il en avait ras-le-bol. Ras-le-bol que Zeus autorise son épouse et son ignoble demi-frère à faire n'importe quoi.

Ce n'était pas parce qu'Héphaïstos était un estropié qu'il fallait l'autoriser à voler la vedette ! À se mettre en pleine lumière et à obtenir l'attention de tous ! Un nouveau jeu, et puis quoi encore ? Pourquoi l'avoir autorisé alors que les innombrables demandes d'Arès avaient été refusées les unes après les autres, sous prétexte que le contenu allait être trop violent pour passer sur une chaîne d'ampleur internationale ? Qu'allait faire Héphaïstos ? Un simple question-réponse où le gagnant hériterait d'une large boite de ses bonbons préférés ? Le dieu des Forges était un pro des pièges en tout genre. Il allait donc certainement pas se gêner pour mettre en avant les plus glauques et les plus dangereux d'entre eux. D'ailleurs, tout le monde s'en doutait. C'était pour cela que l'apparition du décompte avait provoqué autant d'excitation. Et si le bas peuple l'avait deviné avec autant de facilité, Zeus ne pouvait pas l'ignorer. Alors pourquoi avoir accepté ? Arès en avait ras-le-bol du favoritisme. Ou plutôt, de la facilité avec laquelle Zeus cédait à la pitié qui l'envahissait dès qu'il posait un regard sur le fils d'Héra. Une pitié des plus dégoûtantes.

Une pitié des plus dégoûtantes que le seigneur des cieux éprouvait également à l'égard de la déesse de l'Amour qu'il avait autrefois forcé à épouser Héphaïstos, pour essayer de rattraper son comportement et celui d'Héra envers ce dernier. Une pitié des plus dégoûtantes qui avait permis à Aphrodite de prendre des congés de deux semaines, avec l'assurance que sa destination resterait un secret d'état, privant ainsi Arès de la possibilité de la rejoindre. Le privant de tout amour et de toute affection pendant deux semaines. Le privant de torrides ébats quotidiens.

Entre cela et le stupide jeu d'Héphaïstos, Arès ne savait pas ce qui le mettait le plus en rogne. Mais il s'en fichait ; ces deux problèmes étaient suffisamment importants pour qu'il puisse déverser toute sa haine sur son père, chose qu'il adorait faire.

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Janvier 1982.

D'un geste brusque, Héphaïstos ouvrit la porte du sous-sol où il avait enfermé les trois demi-dieux et entra d'un pas lourd, une vieille lanterne tendue devant lui. Recroquevillés dans un coin de la pièce, Ambre, Benjamin et Hugo n'essayèrent même pas de s'enfuir ou de se jeter sur lui : enfermés depuis plus de deux semaines, les adolescents étaient à bout de forces. Amaigris, les yeux rouges et gonflés, les vêtements et le visage crasseux, ils avaient peine à garder les yeux ouverts. Légèrement déshydratés – pour n'avoir eu le droit qu'à quelques gorgées d'eau chaque jour – et complètement affamés – les miettes d'ambroisie récupérées au fond du sac d'Hugo et les deux tranches de pain quotidiennes ne les avaient pas franchement aidés à se sustenter - , ils ressentaient des douleurs à la gorge et à l'estomac et souffraient de maux de tête. Alors, même l'envie de tenter une escapade les taraudait fortement, un simple coup d'oeil les uns aux autres au son de la clé tournant dans la serrure les en avait dissuadés : ils ne faisaient plus le poids. Ils ne seraient jamais assez rapides, ni assez forts ; Héphaïstos n'aurait aucun mal à les balayer d'un simple mouvement de la main. Enfin, s'ils arrivaient à se lever. Il fallait donc mieux attendre. Attendre que le moment parfait se présente. Et prier. Prier pour que cela arrive. Et pour que le dieu ne les tue pas sur le champ.

« Levez-vous. », leur ordonna Héphaïstos.

Le ton de sa voix était dur et froid. Sans appel. Les trois demi-dieux en eurent des frissons le long de leur colonne vertébrale et déglutirent difficilement. Mais aucun n'eut la force de s'appuyer sur ses poignets pour se redresser. Ils restèrent immobiles, étourdis et haletants, à l'affût du moindre geste menaçant de leur interlocuteur.

« J'ai dit, levez-vous. », s'exclama de nouveau le dieu des forges.

Mais là encore, et bien que sa voix se fasse un peu plus menaçante et son ton d'avantage insistant, aucun des sang-mêlés ne bougea. Héphaïstos fit alors un pas, les sourcils froncés et un marteau remplaçant soudainement la lanterne qu'il tenait toujours dans la main, bien décidé à les menacer de cette arme pour les faire réagir. Cependant, il était à peine arrivé au niveau d'Ambre, qu'une voix masculine, déterminée quoique tremblante et enrouée, s'éleva, l'empêchant de lever d'avantage son marteau.

« On y arrive pas, m'sieur. Si vous ne nous aviez pas affamés, on serez capables d'obéir à vos ordres. Faut réfléchir aussi. »

Avec la fatigue, Hugo Walters n'avait pas réussi à mettre autant d'ironie et de sarcasmes qu'il aurait voulu dans le ton de sa voix, mais ses camarades et son interlocuteur les perçurent néanmoins avec facilité. Benjamin White et Ambre Jones froncèrent les sourcils, mi-agacés mi-inquiets. Nul doute qu'ils auraient réprimandé sévèrement leur camarade si la fatigue et la peur ne leur nouait pas les cordes vocales. Héphaïstos, quant à lui, resta silencieux quelques instants, le bras encore levé au niveau de sa tête. Puis, alors qu'on aurait pu aisément croire qu'il s'était soudainement transformé en statue, il baissa son bras et poussa un grognement contrarié en regardant attentivement ses trois prisonniers à l'allure misérable. C'était vrai qu'ils avaient mauvaise mine. Peut-être aurait-il dû leur fournir quelques rations d'ambroisie avec les tranches de pain. Tant pis. Ce qui était fait était fait. Il allait devoir abandonner son idée de provoquer Aphrodite et son stupide amant en faisant défiler White et Walters dans les rues de Manhattan. Cela le contrariait légèrement – après tout, voir le désespoir sur le visage de son infidèle épouse et sentir le regard meurtrier d'Arès sur lui aurait procuré un sentiment de puissance et une joie indéniables – mais la surprise de voir leur progéniture adorée passer à la télévision n'en saurait que plus forte. Plus destructrice encore. Et cela ne pouvait être que lui être bénéfique. La punition n'en serait que plus efficace.

Alors, avec un sourire quelque peu sadique, et tandis que les trois demi-dieux se jetaient des regards inquiets le coeur battant la chamade, Héphaïstos rangea son marteau dans la sacoche qu'il portait autour de la taille et claqua des mains. Aussitôt, une brume épaisse envahit la pièce et s'évapora aussi rapidement qu'elle était apparue, ne laissant derrière elle qu'un sous-sol vide et sombre.

OoOoOoOoO

Année 1981,

Date précise inconnue.

Aux Enfers.

À la fois énervée et désespérée, Iris sortit en courant du palais d'Hadès, des larmes dévalant ses joues. Elle avait naïvement cru que l'éternelle rivalité entre les trois Grands lui permettrait d'obtenir l'aide dont elle avait besoin. Mais Hadès avait refusé sa requête, le ton tranchant et le visage impassible. Il lui avait refusé sa dernière chance de sortir ses enfants de l'enfer où ils étaient plongés. Il avait refusé de l'aider sous prétexte que cela lui coûterait trop cher pour ce que c'était ; qu'il n'avait pas la moindre envie d'avoir une nouvelle fois ses frères sur le dos.

« Et puis, tes enfants sont des demi-dieux, non ? Cette expérience ne peut pas être pire que ce qui les attend à l'adolescence ! Tu surprotèges trop tes enfants, Iris. Et après, tu t'étonnes qu'ils ne tiennent pas la distance ! »

« Va te faire voir, espèce de salopard ! Égoïste ! Sale type ! Caleçon troué de Cronos !»

« Madame, attendez, s'il vous plaît ! Madame ! J'ai un message pour vous ! »

« Je ne veux rien entendre de plus qui vienne de ce maudit sosie de Mick Jagger !, s'exclama la déesse, ne prenant même pas la peine de se retourner ou de s'arrêter. Qu'il me fiche la paix ! »

« Mais cela ne provient pas de lui, Madame., reprit la voix féminine, d'un ton à la fois calme et embarrassé. Mais de ma maîtresse, Perséphone. »

« De … ? »

Plus que surprise, Iris s'arrêta net dans son élan, manquant de s'écrouler face contre terre. Perséphone ? Pourquoi, par la culotte de Gaïa, Perséphone voudrait-elle entrer en contact avec elle ? L'épouse d'Hadès l'avait à peine regardé lors de l'entretien, affichant un air des plus snob où se mêlaient ennui et totale indifférence. Et puis, si elle avait quelque chose à lui dire, pourquoi ne l'avait-elle pas fait en présence de son mari, quand Iris était encore en état d'entendre quelques critiques ?

« Et que me veut donc Perséphone ? », demanda Iris après quelques instants de silence.

Elle s'était désormais tournée face à la servante de la déesse du monde souterrain, et attendait, légèrement tremblante. Si Perséphone pensait qu'elle accepterait encore de se faire injurier …

La servante, une jeune fille d'une vingtaine d'années à l'allure fantomatique, baissa les yeux, intimidée par le regard perçant et le ton tranchant de la déesse. Puis, d'un geste timide et tremblant, elle lui tendit un papier d'un gris anthracite, soigneusement plié en quatre.

« Elle m'a dit de vous donner cela. Elle a dit que ce n'était pas une plaisanterie. Ni un piège. »

Elle attendit patiemment qu'Iris se saisisse du message puis disparut aussitôt, ne laissant qu'une fine et froide brise derrière elle.

Les sourcils froncés, Iris demeura immobile quelques instants, le bras toujours tendu vers son interlocutrice désormais partie et les doigts serrés autour du papier de couleur grise. Pas une plaisanterie ? Pas un piège ? … perplexe, ne sachant pas réellement ce que la servante avait voulu dire par là, la déesse des arcs-en-ciel entreprit de déplier le papier, avec une lenteur qui aurait fait hurler le plus impatients des enfants. Puis, après avoir lissé soigneusement le papier – plus par pur réflexe que par réelle nécessité –, elle baissa lentement son regard dessus, prudente, comme si elle avait peur que les mots la brûlent.

« Demain. 19H30. Brasserie « Les coqs français », Paris. Ne sois pas en retard. »

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Janvier 1982.

« Asseyez-vous. »

D'un geste brusque, Héphaïstos désigna l'immense table de la main, le regard sombre. Benjamin, Ambre et Hugo, les poumons irrités par la brume qui les avait submergés quelques secondes auparavant, ne l'entendirent pas, trop occupés à tousser et à s'essuyer les yeux. Agacé, le dieu des forges poussa un profond soupir, et attendit que le calme revienne avant de réitérer sa demande :

« Asseyez-vous. »

« C'est pas ce qu'on a fait durant deux sem … oh la vache ! Mais c'est quoi votre but ? Vous nous affamez et après, vous nous offrez un buffet ? »

Les yeux ronds comme des soucoupes, Hugo Walters regardait d'un air à la fois ébahi et méfiant les diverses aliments disposés sur la table en face de lui. Bananes, pain, tomates, courgettes, chocolat, bonbons en tout genre, poulet rôti … tous les fruits et les légumes, tout ce que l'industrie et la nature étaient capables de fournir de comestible s'étalait là, sous ses yeux, et dans des quantités infernales, inimaginables. Des montagnes de nourriture s'élevaient jusqu'au plafond, comme si la corne d'abondance avait soudainement été prise de nausées, et avait été obligée de recracher tout ce qu'elle contenait. C'était incroyable. Affolant. Extraordinaire.

« Si je souhaite qu'il y ait un peu de suspense et d'animation au sein du jeu, s'exclama Héphaïstos d'un ton à la fois bourru et légèrement amusé, sadique. Je n'ai pas tellement le choix. Si je vous laisse y aller dans cet état, vous ne tiendriez pas plus d'une minute et alors, mon nouveau show serait un véritable fiasco. »

Et, sans laisser le temps aux trois adolescents de réagir ou de comprendre ce qui était en train de leur arriver, il hocha la tête. Aussitôt, trois automates en bronze apparurent et conduisirent les demi-dieux en direction de la salle de banquet. En moins de temps qu'il en faut pour le dire, Ambre, Benjamin et Hugo se retrouvèrent tous les trois assis sur une chaise, le torse maintenu contre cette dernière par une ceinture de fer, les mains attachées derrière le dossier, des serviteurs invisibles pressant des cuillères remplies de nourriture contre leurs lèvres.

Oui. S'il voulait qu'ils tiennent le coup et souffrent ainsi le plus possible, il fallait les engraisser. Les engraisser comme de beaux petits cochons que l'on destine à l'abattoir.

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Janvier 1982.

Matthew Jones se réveilla en sursaut, de la sueur coulant le long de son front et de son dos. Encore chamboulé par le terrifiant cauchemar qu'il venait de faire, le jeune homme mit quelques instants à reprendre ses esprits, la respiration haletante.

Franchement, qu'est-ce que son inconscient avait à le faire flipper ainsi depuis trois semaines ? Un dieu des forges devenu soudainement psychopathe, un voyage passé enfermé dans un caisson en bois … et puis quoi, encore ? Il fallait vraiment qu'il arrête avec les films d'aventure !

Agacé, énervé, fatigué, le fils d'Iris grogna en se frottant les yeux avant de se mettre sur son côté droit, bien décidé à se rendormir. Mais, alors qu'il s'apprêtait à fermer tranquillement les yeux, il ne put retenir un cri. Un cri strident, où se mêlaient surprise, peur et désillusion.

Car, non, il ne se trouvait pas dans son lit au Texas, comme il le pensait. Non, il n'était pas non plus à la colonie des Sang-Mêlés.

Oui, il était bien allongé sur une plateforme en verre, enfermé dans ce qui semblait être l'une des plus anciennes et des plus profondes forges d'Héphaïstos.