Le lundi est une journée considérée comme étant ennuyeuse et difficile à affronter, après un week-end où on se terre loin de nos responsabilités. Cependant, ce jour ne m'a jamais semblé aussi excitant. Après les cours, le véhicule de Jared se gare sur un parking dont le gris est similaire à celui qui ombrage le ciel. Un panneau brun indique « Mairie de Forks ». La mairie est un bâtiment assez simple, notre ville étant relativement modeste, seulement composé de deux étages. La peinture écrue est ancienne mais l'odeur de la pelouse fraîchement coupée est agréable.
- T'es sûr ? Me demande Jared pour la énième fois, remettant en cause l'utilité de faire ces recherches. Selon lui, je ne fais plus de cauchemars et Katherine est coincée dans sa grotte, il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter. Pourtant, je sens que nous sommes loin du compte, qu'il y a quelque chose à découvrir.
- Sûr et certaine. Je réplique en prenant sa main dans la mienne.
Lorsque nous passons le pas de la porte, une secrétaire qui fixe l'horloge en attendant de pouvoir rentrer cher elle, nous accueille avec un air rébarbatif et une expression des plus morose.
- Vous avez rendez vous ? Sa voix ennuyée nous pose la question.
- Non, je viens voir mon père. Tyler Cameron, il travaille aux archives et il a oublié quelque chose à la maison. Jared répond avec assurance, avant que nous puissions prendre l'ascenseur en direction du premier étage où travaille son père.
Il ment avec une facilité déconcertante. J'espère seulement qu'il n'utilise pas cette faculté quand nous sommes tous les deux, et j'espère qu'il ne le fera jamais. Quant à moi, j'ignore si je suis une bonne menteuse. Soudain, l'autre Quileute me plaque contre une paroi de l'ascenseur qui monte, pour embrasser ma mâchoire.
- On peut toujours retourner dans ma voiture. Sa voix est intense, au creux de mon oreille.
- Je sais pas, c'est important ces recherches … Je prononce entre deux soupirs, tant ça me fait du bien.
- Ou sur ton canapé. Il ajoute, me faisant rire.
Tandis que mon petit ami couvre la peau de mon cou de baisers, je me jette un coup d'œil distrait dans le miroir. Mon reflet me fait me poser la question du mensonge plus sérieusement. Je mens bien à ma mère, certes, mais disons que c'est plutôt une facilité à se déconnecter de ses émotions pour déblatérer des choses banales plutôt qu'une réelle capacité à inventer des mensonges pour obtenir ce que je veux … Peut être que je me trouve des excuses ? Ça ne m'étonnerait pas de ma part.
*
- Salut papa ! Lance Jared en trombe, alors qu'il passe le pas de la porte du bureau ridiculement petit de son père sans toquer. Ce dernier range déjà ses affaires dans sa mallette de travail.
À trois, nous sommes à l'étroit, mais au moins il a son propre bureau. Le budget de la mairie n'a rien de grandiose. Il me salue gentiment. C'est drôle, de le voir dans son environnement de travail. Son bureau est couvert d'une pile de papiers, sa poubelle déborde de paquets de cochonneries comme des chips qui m'ont l'air de venir du distributeur dans le couloir, et plusieurs photos de sa femme et de ses enfants couvrent les murs.
- Tiens, qu'est-ce que tu fais là fils ? Réplique son père en ébouriffant les cheveux de son aîné.
- On a besoin de faire des recherches pour un devoir, et vu que tu bosses ici on se demandait si on pouvait fouiller dans les archives. Le loup explique avec désinvolture, alors que je demeure dans le silence.
- Je viens de terminer mais on ferme dans deux heures, ça ne peut pas attendre un autre jour ? Comme ça je pourrais vous aider dans vos recherches, c'est ma spécialité. Tyler nous propose, en éteignant son ordinateur.
- C'est sympa mais c'est pour demain. Jared empêche son père de trop s'intéresser à nos affaires avec cette réplique sèche.
- Un devoir pour demain ? Et tu t'y mets maintenant ? Rien de plus normal. Ironise Monsieur Cameron face à l'adolescent qui hausse les épaules, l'air insouciant.
Par la suite, le père de Jared lui confit une paire de clés qui ouvre la pièce des archives en répétant à plusieurs reprises « Ne penses même pas à rentrer à la maison si tu les perds », avec un air qui se veut menaçant mais qui nous amuse. Il nous rappelle qu'il s'agit d'une faveur et nous fait promettre d'être discrets. Après avoir quitté le bureau, je souffle à Jared « Pourquoi tu n'as pas laissé ton père nous aider ? Il en sait plus que n'importe qui ».
- Comment on lui aurait dit qu'on fait des recherches sur une certaine Katherine qui te ressemble comme ton propre reflet ? Il est même pas au courant de la réalité des légendes, ça lui ferait faire une crise cardiaque.
Pas faux.
*
La pièce réservée aux archives est immense. Elle doit bien représenter la moitié d'un étage. Le lieu contient d'innombrables documents sans intérêt et les plus précieux sont sous vitrines. Il n'y a pas grand chose à savoir sur la ville de Forks : située dans l'état de Washington, entre plage et montagne, un peu plus de 3000 habitants, dont 1500 ménages, une importante industrie du bois et de la pêche, un lycée, quelques magasins, un musée, une réserve qui représente son propre microcosme … La zone appartenait aux Quileutes, avant qu'ils ne cèdent la majorité du territoire sous la pression coloniale à des européens au XIXème siècle. Ce qui reste de notre héritage est représenté par la réserve. Rien de bien intéressant. Les légendes le sont bien plus, et pas seulement par ce qu'elles sont extraordinaires, mais par ce qu'en plus elles sont réelles.
- Kim, on trouve rien … C'est comme chercher une aiguille …
- Dans une botte de foin, je sais. Je termine sa phrase alors que nous sommes ici depuis plus d'une heure.
La mairie ne va pas tarder à fermer. Je pensais que ce serait plus facile de trouver quelque chose qui attesterait de l'existence de la fameuse Katherine Pierce dans l'histoire de la ville de Forks, mais même s'il n'y a rien, ça ne signifie pas que c'est faux pour autant … Jared et moi sommes avachis sur le tapis de la salle des archives entre de multiples cartons et étagères. Les documents sous vitrines sont par exemple le traité qui atteste du fait que Forks a été annexé aux États Unis, un accord entre la population blanche et le peuple quileute, et des statistiques sur la population locale.
- On a officiellement la ville la plus ennuyeuse du coin. Je marmonne en rangeant les extraits de journaux des années quatre vingt dix que j'ai entre les mains, sous le regard désolé de Jared.
- Désolé de pas avoir trouvé quelque chose. Il souffle face à ma déception apparente. Je lui souris pour lui signifier que ce n'est pas de sa faute, même s'il est vrai que je suis indubitablement déçue.
- Je sais pas à quoi je m'attendais … Peut être à un article sur une attaque sanglante qui parle d'une brune, à une photo dans un journal, ou à son nom écrit dans la liste des habitants. J'explique en passant une main dans mes cheveux, impuissante.
- Tu veux croire en elle, c'est normal. Jared se montre compatissant.
Ainsi, nous quittons discrètement la salle des archives en prenant soin de la fermer à clé. Ça me frustre tellement, de rentrer bredouille … Au loin, une voix agaçante nous provient. Une adolescente et une employée âgée semblent attendre l'ascenseur. De l'autre bout du couloir, nous les écoutons sans qu'elles ne nous voient.
- Quand est-ce que ma photo sera affichée dans le couloir ? Demande une brune bouclée, impatiente.
- Mademoiselle Stanley, ça fait à peine quelques jours. Laissez nous le temps. Répond la femme d'âge mûr en tapant du pied.
- Bien sûr, mais j'insiste, vous avez bien reçu la photo qui montre mon profil gauche ? C'est mon meilleur profil. Je ne veux pas la photo qui était dans les journaux, ça fait trop provincial. Je vous ai déjà dis que je venais de la ville ? Rappelle la jeune fille.
- Plusieurs fois, oui.
- Mais ça reste un honneur d'être la Miss d'une ville si charmante. Et je sais que les photos de toutes les Miss Forks sont en noir et blanc, mais c'est possible d'en avoir une en couleur ? Je paierais les frais.
- Non, c'est la tradition. Conclut celle qui a l'air décidée à mettre fin à cette conversation.
- Super … N'oubliez pas, c'est Jessica Stanley. Je vous le précise par ce que dans le journal local c'était écrit Jessie et c'est vraiment pas normal par ce que je leur avais écrit un courrier disant que … Sa voix n'est plus accessible car elles sont montées dans l'ascenseur, mais je serais prête à parier qu'elle va épeler son prénom.
Miss Forks est une tradition assez ringarde. Chaque année, cela se déroule dans une des maisons coloniales en bord de ville, certainement par ce que c'est la plus belle demeure et qu'elle appartient à la municipalité. Les habitants ont dû abandonner les lieux ou leur céder il y a longtemps. Cela consiste à ce que plusieurs jeunes filles de la ville se mettent en compétition pour obtenir le précieux titre de Miss, mais les seuls que ça intéresse sont les personnes âgés, le journal local et les personnes qui feraient tout pour se sentir supérieure comme cette jeune fille. Jessica Stanley, elle doit aller au lycée de Forks. Je crois avoir entendu quelque chose sur elle en faisant mes courses l'autre jour, c'est la gagnante de cette année et elle est en terminale. Les Quileutes ne participent pas à ces festivités, notamment car nous en étions exclus durant la ségrégation raciale. Cette pratique est aussi vieille que la ville et elle a lieu chaque mois d'octobre.
- J'ai envie de vérifier un truc. Je souffle à Jared avec une sorte d'intuition qui m'envahit, lui faisant signe de me suivre.
Le couloir est si long et la lumière au plafond a quelques défaillances. On dirait un film d'horreur. Une large vitrine couvre le mur et elle contient en petits formats plus d'une centaine de photos. Ce sont toutes les Miss Forks. Mon regard défile sur chacune d'entre elle avec attention, de la plus récente à la plus ancienne. Elles ont pour points communs leur apparence juvénile, leur beauté, une joie apparente, l'air bien née, leur blancheur, leurs rêves qui émanent de leurs regards propres à la jeunesse … Une seule détonne. Elle a la peau plus mate, ses cheveux semblent noirs et ses yeux clairs et chatoyants comme de l'ambre. À part la couleur des yeux, c'est mon portrait craché. Son regard est saisissant, sa beauté est sans faille mais son expression a quelque chose d'angoissant. La photo est si vieille et date de 1872. En dessous, son nom est le suivant : Katherine Pierce.
- Elle disait vrai. Murmure Jared du bout des lèvres, le regard ombragé à l'idée que cette histoire ne fait que commencer.
Finalement, nous avons bien trouvé quelque chose. Mon cœur s'agite. La lumière du couloir clignote encore. Mon ancêtre était déjà dans les parages en 1872 et disait vrai sur son histoire avec cette ville. J'ai promis à Jared de ne plus aller la voir, mais je n'ai qu'une envie, retourner voir Katherine pour l'assaillir de questions. Qu'est-ce qu'elle attend précisément de nous ? Où pouvons nous trouver ce fameux ennemi ? Qu'est-ce qu'elle faisait à Forks il y a plus de 130 ans ? Et est-ce que ma sœur est toujours vivante ? Cette simple photo vient de tout changer.
On a donc des bribes de l'histoire de Katherine. Cette histoire de lien avec la ville de Forks, n'était donc pas un mensonge, à voir si le reste est vrai … J'ai bien aimé intégrer Jessica à ce chapitre, c'est un personnage que j'apprécie, et vous, que pensez vous d'elle ? Je précise que la plupart des informations sur Forks dans ce chapitre sont vraies, sauf cette histoire de Miss.
Alexise-me : Oui, après tout Kim est un personnage réfléchi, elle ne se serait pas lancée dans cette aventure sans se renseigner. Haha c'est sûr que sa mère va causer des dégâts ! Merci encore de ta review
