Bonsoir à toustes !
Voici la suite de l'histoire, et on laisse place aux retrouvailles de nos deux héroïnes !
Je vous souhaites une bonne lecture (et un peu de fraicheur par les temps qui courent.)
F.
J'ai une tête à faire peur. Passer la moitié de la nuit sur le sol à pleurer n'est absolument pas reposant. Les quelques heures de repos que j'ai pris dans mon lit une fois calmé n'ont pas suffi. Comme un zombie, je traverse le couloir. J'ai besoin d'un café. Ou d'une vodka. Dans la cuisine, mon regard passe de la machine à café au placard à alcool. Ça ne me ferait pas plus de mal, au point où j'en suis, je suis un vrai déchet. Résignée, j'appuie sur le petit bouton rouge pour faire chauffer l'eau. Il est peut-être temps que j'arrête de faire de mauvais choix. Des bruits de pas dans le couloir me hérissent le poil, je ne suis pas d'humeur à affronter Raven. Sans compter que je lui en veux à mort. C'est plus fort que moi. J'abandonne le café et effectue un repli stratégique dans la salle de bain, une douche fera l'affaire.
Effectivement, je me sens un peu mieux une fois propre. Enroulée dans ma serviette, je tourne la poignée, mais quelque chose de lourd bloque l'ouverture de la porte. Et merde. Je la déteste !
— Raven ?
— Oui ? répond-elle du tac au tac innocemment, sans relever mon propre ton, clairement agacé. Elle est juste derrière la porte. Pire, c'est elle qui bloque cette foutue porte.
— Laisse-moi sortir !
— Seulement si tu me racontes ce qu'il s'est passé hier soir.
— C'est pas le moment.
— Je t'ai fichu la paix quand tu es rentrée de l'enterrement l'an dernier, je t'ai fichu la paix hier quand j'ai cru que tu avais vu un fantôme, maintenant je sais que ça à un lien avec cette fille, Lexa. Tu vas me parler Clarke. Fini les secrets.
Pas moyen que j'y coupe, je la connais. Quand elle est sérieuse comme ça, elle ne bougera pas d'un pouce tant qu'elle ne sera pas satisfaite. Un immense soupir s'échappe de mes lèvres. Je donne un bon coup d'épaule contre la porte pour faire bonne mesure, et me laisse glisser au sol, vaincue.
— OK…. Tu veux savoir quoi ?
— Lexa, c'est qui pour toi ?
L'amour de ma vie. Mon âme sœur. La fille qui m'a brisé le cœur. Lexa, tout simplement. Ça devrait suffire non ? Je décide de m'en tenir aux faits.
— Une amie d'enfance. On était proche quand on était gamine. Jusqu'à ce que je parte.
— Une de tes amies hein ? Une de celles que tu es censée contacter pour leur dire que tu es rentrée. Je comprends que ce soit gênant de tomber sur elle comme ça, mais vous avez quand même réagi hyper violemment toutes les deux.
— Disons qu'effectivement, ça m'a un peu surprise de la trouver avec ta main dans son pantalon !
Ce n'est pas sympa, Raven n'y est pour rien, je ne fais que rejeter ma frustration et mon amertume sur mon amie. Mais je n'arrive pas à m'en empêcher. Déjà, je ne lui crie pas dessus, c'est bien non ?
— Hey ! Je pouvais pas savoir. Et puis on n'en était pas encore là. Bon, tu sais ce qu'elle aime boire ?
— Pardon ? fais-je, mon esprit encore concentré sur le « on n'en était pas encore là »
— Qu'est-ce qu'elle prendrait pour l'apéro par exemple ?
— Qu'est-ce que j'en sais ? On ne buvait pas l'apéro quand on avait quinze ans.
Pourtant, une image très nette de Lexa, éclairée par un feu de camp, une bière à la main, me revient en pleine face.
— Fais un effort Clarke, et je te laisse tranquille.
— Une bière.
Je suis moi-même surprise par la confiance dont je fais preuve dans mes propos et pourtant, toute autre réponse me paraîtrait incroyablement fausse.
— Ok. Je te pique ton portable cinq minutes, j'ai oublié le mien quelque part, faut que j'envoie un message pour le retrouver.
— Heu...ok.
La porte se débloque, je peux enfin sortir. Raven est dans le salon, mon portable à la main. Je lui lance un regard suspicieux, mais avant toute chose, il faut que je m'habille.
J'enfile un pantacourt en jean et un débardeur confortable et ressors immédiatement pour récupérer mon portable. Ma colocataire me le tend sans un mot, mais en me décochant un sourire sadique, du genre : je viens de faire un truc qui va te mettre hors de toi, mais je ne suis absolument pas désolée du tout. J'ouvre mon téléphone et vérifie les appels, puis les textos. Elle vient de s'envoyer un message à elle-même. Bon, si elle a perdu son portable, rien d'anormal. Mais c'est qui cette "chérie" qu'elle traite de "parano" ? [T'emballe pas chérie, ce n'est pas Clarke, c'est Raven.] Donc je la connais. Je blanchis en réalisant qu'elle vient d'envoyer un message à Lexa, via son portable. Qu'est-ce qu'elle essaye de faire là ? Je me retourne pour avoir des réponses, mais Raven a disparu. Évidemment… Si je veux, je sais où elle sera à 15h, au rendez-vous que Raven lui a fixé. Je clique sur le petit téléphone vert et appelle ma mère. Je vais me faire engueuler.
— Salut maman.
— Bonjour, Clarke, tu vas bien ?
— J'ai connu mieux…
— Oh. Un problème ?
— Je crois. J'ai croisé Lexa.
— Ah… J'imagine que cette rencontre a eu lieu avant, que tu ne la contactes ?
— Oui, oui, je sais ! J'aurais dû l'appeler ! Tu avais raison, j'aurais dû t'écouter.
Je m'emporte au téléphone, en attendant les reproches, mais elles ne viennent pas. Ma mère à la bonté de ne pas me servir de « je t'avais prévenue ». Pourtant, je l'ai mérité, c'est uniquement ma faute si j'en suis arrivée là. À la place, elle m'écoute me plaindre patiemment.
— Et du coup, tu l'as revue où ? Tu l'as croisée en soirée ?
Ai-je vraiment envie d'entrer dans ce genre de détail avec ma mère ? Il me faut quelques secondes avant de décider qu'il est inutile que je lui raconte à quel point la situation était gênante.
— Croisée, c'est peu dire. Elle s'est enfuie en me voyant. Littéralement.
— Tu n'as pas essayé de la retenir ?
Non, Raven lui a couru après. Ah non, je ne peux pas dire ça sans entrer dans les détails. Purée que c'est pénible de mentir !
— Pas eu le temps. J'essayais de me remettre du choc.
— Le choc, le choc, s'était couru d'avance que vous alliez vous croiser, vous avez le même âge, vous fréquentez probablement les mêmes endroits. Logique.
Oui, mais là, c'était quand même un peu choquant.
— Oui, bon, j'ai pas essayé ok ? Je sais, je foire sur toute la ligne ! Je sais plus quoi faire maman…
— Tu me demandes vraiment ce que tu devrais faire là ?
— Oui. Je sais que je ne t'ai pas écouté jusque-là, mais visiblement ça me réussit pas. Alors, si tu as une idée pour me sortir de ce merdier, je prends.
— Bien, je suppose que tu n'as toujours pas répondu à Anya pour le mariage ? C'est dans trois semaines, je lui ai dit que tu serais là, mais ce serait bien que tu l'appelles.
Génial, affronter Anya. Exactement le genre de chose qui va me remonter le moral. Je remercie ma mère avant de raccrocher et m'effondrer sur le canapé. Mon téléphone vibre, je jette un oeil à l'écran, mon coeur s'accélérant subitement à l'idée que ça pourrait être Lexa. Appel entrant de Finn. Je l'avais oublié. Complètement oublié à l'instant où j'ai entendu le prénom de Lexa dans la bouche de Raven. La bouche de Raven qui était, quelques instants auparavant, sur Lexa elle-même.
— Rhââââââaaaaaaa !
Je grogne en me prenant la tête entre les mains, forçant les images qui viennent de s'installer à sortir au plus vite. Je donnerais n'importe quoi pour avoir une vision, là, tout de suite, juste pour ne pas avoir à me faire subir cette torture mentale. Je regarde à nouveau mon portable silencieux. Elle sera au MacLaren à 15 heures.
Κ∞Λ
Il est 14h48, je fais le pied de grue depuis un bon quart d'heure, sur le parking du bar, incognito avec ma casquette de baseball sous laquelle j'ai remonté mes cheveux, et une paire de lunettes de soleil trop grande pour mon visage. Je crois que j'ai complètement craqué, j'espionne ma meilleure amie maintenant. Une voiture se gare, elle m'est familière, faisant remonter tout un tas de souvenirs. La voiture de Becca, ou plutôt la voiture de Lexa. Je me planque derrière un arbre rachitique, tentant de passer inaperçue. Je suis ridicule, mon coeur s'emballe à nouveau. J'aurais pu y aller. Insister pour accompagner Raven, elle aurait probablement dit oui. Mais comment Lexa aurait réagi ? Elle se serait sentie piégée. Je ne pouvais pas lui faire ça. Mais ne pas être là, ça non plus je ne pouvais pas. Il fallait que je la revoie. À la lumière du jour, pour me persuader que ce n'était pas une illusion. Pas de doute, c'est bien elle. Je ne l'aperçois que quelques instants. Elle sort de sa voiture, remet sa chevelure en place, verrouille la porte et se dirige quelque peu hésitante vers l'entrée du bar. Quelques brefs instants, rien de spécial, mais c'est suffisant pour me donner l'envie de courir vers elle et la prendre dans mes bras en lui demandant de me pardonner. Elle pousse la porte et disparaît dans l'obscurité. Peut-être que j'aurais dû courir. Au lieu de ça, je rentre chez moi, piteuse, et ne quitte plus mon lit de la journée.
Le lendemain, bien déterminé, je décide d'appeler Anya pour répondre à son invitation. Malheureusement, mes obligations scolaires m'en empêchent et quand vient le soir, je m'estime trop fatiguée, reportant cet appel au lendemain. Mais les cours, c'est tous les jours, les amis, les courses, enfin, la vie quoi. Je reporte encore une fois. Maman m'appelle au troisième jour et me passe une brasse monumentale. Je ne peux plus y couper et très honnêtement, je commence à être à court de "bonnes" excuses. Je finis par récupérer le faire-part qui traîne au fond d'un tiroir. Je n'ai jamais mis aussi longtemps à appuyer sur ce fichu bouton après avoir composé un numéro.
— Allo ?
— Hey ! Anya ! C'est Clarke.
Ma voix dérape sur mon prénom, se terminant dans un coassement absurde. Il y a un moment de latence au bout de la ligne, juste assez pour que je me demande si ça a coupé. Mais Anya reprend la parole.
— La preuve que les fantômes existent. Et qu'ils savent même parler au téléphone.
Je souris, même s'il n'y a aucune trace d'humour dans sa voix, je connais assez bien Anya pour savoir quand elle plaisante. Ce constat me détend aussitôt. Je la connais, elle me connaît. Ces quelques années de séparation nous ont changées, certes, mais ça n'annule pas pour autant tout ce que nous avons été. Ce n'est pas une étrangère que j'ai au bout du fil. C'est ma famille.
— Je suis vraiment désolée Anya.
— Garde ça pour ceux qui en ont vraiment besoin mini Griffin. Je suis contente que tu aies appelé.
S'ensuit une rapide discussion sur ma présence à son mariage et quelques promesses de rattraper le temps perdu. Au moment où je raccroche, je me dis que ça a été difficile de passer le cap, mais tout s'est bien passé. Ça me donne du courage pour la suite. Courage que j'emmagasine dans un coin, pour le moment où j'en aurais le plus besoin. Car appeler Anya était loin d'être la partie que j'appréhendais le plus… Juste avant de lui dire au revoir, j'ai lâchement demandé si je pouvais venir accompagnée au mariage et malgré sa surprise, elle a accepté.
Je m'empresse de contacter Wells, avec qui je suis restée en contact toutes ces années. Il a été un ami précieux, me soutenant de loin, quand je ne pouvais pas, ou plutôt ne voulais pas, me confier à Raven. Lui, il sait qui est Lexa, ce qu'elle représente pour moi. C'est d'ailleurs la seule personne, avec Niylah, à qui j'ai jamais parlé de mes sentiments pour elle. Il répond présent sans hésitation, envisageant même de venir passer de petites vacances en Haute-Savoie au passage. Ça me fait bizarre de me dire qu'on ne s'est vu qu'une seule fois, et qu'on avait douze ans. J'ai l'impression qu'on se connaît tellement bien. Je sais qu'il sera parfait pour m'accompagner au mariage. Bien plus qu'une Raven qui se doute que je ne lui aie pas dit toute la vérité sur Lexa et qui à une affreuse tendance à mettre les pieds dans le plat. Volontairement de surcroît. Sans compter que depuis son rendez-vous avec Lexa, son téléphone sonne de plus en plus souvent et ça ne me plaît pas du tout. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que c'est Lexa qui lui écrit. Il n'y a pas particulièrement de raison, ou peut-être cette façon qu'elle a, de systématiquement se décaler quand elle lit ses messages. Elle ne le faisait pas avant. Enfin, je crois, ou peut-être qu'avant, je n'étais pas totalement parano et je n'essayais pas de lire ses messages.
Ce soir, c'est soirée filles à l'appart, on a invité Harper, commandé des pizzas et lancé Scream 4. Le générique me ramène immédiatement à Lexa et à nos soirées film chez sa mère. Puis, alors qu'elle est partie nous chercher des bières, le portable de Raven vibre sur la table basse, le nom s'affiche, bien visible pour une fois. "Miss Parano". Ça me prend quelques secondes pour faire le rapprochement. Je prends le portable en me levant, le temps de me retourner, je manque rentrer dans Raven qui revient avec trois bières dans chacune de ses mains. Je lui agite sous le nez, de manière à ce qu'elle puisse bien voir de quoi je parle, alors que je suis persuadée qu'elle n'a pas besoin de lire, pour comprendre que je viens de capter à qui elle écrit sans cesse depuis quelques jours.
— C'est quoi ce bordel !
— Hey ! Tu fouilles dans mon portable maintenant ? rétorque-t-elle faussement indigné.
Comme elle a les mains prises, elle ne peut pas récupérer l'engin, et me contourne pour déposer les bières avant de me réclamer son bien. Je lui pose sans ménagement entre les mains et croise les bras.
— Alors ? Tu m'expliques pourquoi tu écris à Lexa ?
— Heu… C'est qui Lexa ? ose harper, recroquevillée dans un coin du canapé, ne comprenant pas ce qui arrive.
— Oui, bonne question, Clarke, c'est qui Lexa ? Tu me rafraîchis la mémoire ?
Elle se fout de ma gueule. Qu'est-ce qu'elles peuvent bien se raconter ? Ou alors, non, elle n'aurait pas osé terminer ce qu'elle a commencé l'autre soir !
— Vous couchez ensemble ?
Raven me dévisage, imperturbable. Elle me teste, cherche à déchiffrer toutes les émotions qui passent sur mon visage, approximativement les mêmes que l'autre soir. Jalousie, doute, trahison. Non, je ne peux pas y croire. Répond Raven, répond !
— T'as une copine Raven ? demande innocemment Harper en se levant.
Mais en apercevant mon regard et l'effronterie de Raven qui me fait face, comprend que c'est une histoire entre nous et s'éclipse discrètement, préférant nous laisser régler nos problèmes entre nous.
— Si vous avez besoin de moi, vous m'appelez hein ? Bonne… Enfin, à plus quoi. "
La porte claque derrière elle. Le film déroule l'action derrière Raven, mais je suis suspendue à ses lèvres. Je réitère ma question. Même si la réponse doit me faire mal, il faut que je sache.
— C'est simple comme question, est-ce que vous couchez ensemble ?
— En quoi ça te regarde ?
— Tu te fous de moi ?
— Non, je vois pas en quoi ça te regarde si Lexa et moi on couche ensemble. On est adultes, célibataires, on fait ce qu'on veut.
— C'est un oui ?
— Je ne répondrais pas à cette question.
— Et on peut savoir pourquoi ?
— Parce qu'il n'y a aucune raison pour que ça n'aille que dans un sens Clarke ! Tu ne m'as jamais parlé de Lexa ni d'aucun de tes amis ici. Pourquoi ? Je commence à en avoir une vague idée, maintenant que j'ai vu comment tu avais réagi en me voyant avec Lexa. Et là ? Tu me donnes encore plus d'informations avec ta petite crise de jalousie. Alors si tu ne veux pas me parler, j'irai trouver la vérité d'une autre façon.
— Je ne suis pas jal… C'est juste que je…
Le rouge m'est monté aux joues, je n'arrive pas bien à savoir si c'est à cause de la colère, ou de l'embarras d'être percée à jour. Raven redescend d'un ton. Je l'ai rarement vu me tenir tête de cette façon.
— Je ne couche pas avec Lexa. Je ne fais pas ça pour te torturer. C'est juste qu'on s'entend bien. Et non, je ne couperais pas les ponts si tu me le demandais, de toute façon, même toi, tu vas être obligé de les reconstruire ces ponts. Je suis ton alliée, pas ton adversaire. Aie confiance en moi, s'il te plaît.
Je baisse les yeux, un peu honteuse d'avoir pensé ma meilleure amie capable de me faire un truc pareil. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, si elle ne sait pas ce que représente Lexa pour moi.
— J'ai confiance en toi. C'est juste que quand ça concerne mon passé, je suis toujours à cran. J'ai réussi à appeler Anya aujourd'hui.
— Anya ?
— La soeur de Lexa. Elle se marie bientôt. Je suis invité et je n'avais pas encore donné de réponse officielle à ma présence. Tu comprends, ils seront tous là.
— Je croyais que Lexa n'avait qu'un petit frère ?
— Ah oui, c'est qu'ils ne sont pas vraiment frère et soeur, mais avec Anya et Lincoln, ça a toujours été un peu comme ça entre eux. Anya était l'aînée, Lexa et Lincoln les jumeaux et Aiden le cadet.
— Et toi ?
— Moi ? Je suppose que j'étais la pièce rapportée.
— La belle-soeur quoi. Vu qu'Anya est déjà casée et qu'Aiden me semble un peu jeune, il ne te reste plus que Lincoln et Lexa pour te marier.
— Lincoln est déjà casé, il est toujours avec Octavia.
— Oui, bah de toute façon, il me semblait bien que ton choix ne se portait pas sur lui.
— Arrête, je ne veux pas me marier avec Lexa.
Mensonge ! Enfin, je n'ai jamais pensé aussi loin que le mariage, donc techniquement, ce n'est pas un vrai mensonge. Je me rassure comme je peux.
— Bien, et du coup, avec Finn, t'en es où ?
Qui ça ? Je l'avais presque oublié celui-là. J'ai fini par lui répondre au bout du troisième appel, prétextant un emploi du temps surchargé par le travail pour me débarrasser momentanément de lui. Je ne peux pas me battre sur tous les fronts en même temps.
— Oh ! Heu… Nulle part. On est amis.
Un éclair passe dans ses yeux, serait-ce du soulagement ? Elle n'a pas arrêté de faire des allusions sur notre futur couple depuis que je l'ai rencontré, mais là, on dirait que ça ne lui paraît plus être une idée si géniale.
— Ouais, à d'autres, je sais que tu l'aimes bien et que c'est réciproque. C'est une question de temps.
Ou alors je me trompe sur toute la ligne et elle est définitivement décidée à nous caser ensemble. Ça n'arrivera pas, mais je n'ai aucune envie de lui expliquer pourquoi, là tout de suite. Toujours est-il que ses sentiments à ce sujet ne sont pas clairs. Pas sûr, cependant, qu'elle s'en rende compte elle-même.
— Et au final, tu lui as dit quoi à cette Anya ? Tu y vas au mariage ?
— Bien sûr et j'amène un plus un.
— Yes ! J'adore les mariages !
— C'est pas toi.
Il n'est pas totalement impossible que je sois un peu rancunière et que je prenne un malin plaisir à voir cet air offusqué sur son visage.
Κ∞Λ
Mon chignon est bien en place sur ma tête, je regarde une dernière fois dans le miroir à quoi je ressemble dans ma robe bleue. Pas si mal. Il est temps que je retrouve Wells dans le salon, il a enfilé un costume crème très classe, qui contraste avec sa peau noire. Il me sourit, il est vraiment mignon avec cette fleur agrafée à sa poche de veste.
— Whaou Griffin ! Si je ne te connaissais pas... Commence Raven en me voyant approcher.
— Oui, oui, je sais. Ce serait pas la première fois, hein Raven ?
Elle éclate de rire au souvenir de notre rencontre fortuite derrière les barreaux. Comment oublier sa pitoyable tentative de drague ? Je lui souris en retour et lui souhaite une bonne journée en entraînant Wells à ma suite. Papa et maman nous attendent dans la voiture et je n'ai aucune envie d'être responsable de notre retard au mariage, il y en a bien pour une heure de route.
Un bâtiment moderne à l'ossature en bois offre une vue magnifique sur le lac en contrebas. De l'immense baie vitrée qui lui sert de mur, on découvre l'étendue d'eau, enclavée entre les montagnes. C'est calme, simple, sauvage. Ça ressemble à Anya. Je suis certaine qu'elle sera aussi resplendissante que le paysage qu'elle nous fait découvrir. Les couchers de soleil doivent être magiques ici. La main de Wells serre un peu la mienne, me rappelant sa présence alors que mes parents saluent déjà quelques personnes qui arrivent également. J'ai la gorge serrée, j'ai un peu l'impression de me jeter dans la gueule du loup. Mais cette fois, je ne peux pas reculer, plus d'échappatoire. D'un pas décidé, je suis Wells à l'intérieur. La cérémonie a lieu dans la grande salle et Lexa est le témoin d'Anya, je sais donc exactement où la trouver en entrant. Je suis tellement concentrée sur mon entrée, que je ne remarque pas que Wells me lâche à l'instant où je franchis la porte. Je n'ai pas vraiment le temps d'y penser sur le coup, mais au lieu de me sentir abandonnée, j'ai la vague impression qu'il fait exactement ce qu'il fallait faire. Lexa est là, sa silhouette se découpe à contre-jour sur la verrière. Si je me souviens l'avoir trouvé belle le jour de l'enterrement de sa mère, aujourd'hui elle est juste incroyablement sexy. Son regard brûlant est posé sur moi depuis l'instant où j'ai mis un pied dans la salle. Comment a-t-elle fait pour me repérer aussi vite au milieu de toute cette foule ? Je détourne les yeux avant de m'enflammer moi-même et trouve des places libres dans une rangée, ni trop devant ni trop derrière. Je peux le faire. Wells s'installe à côté de moi, il joue son rôle à la perfection.
— C'est elle la fille des étoiles ? Elle est magnifique. Pour un peu, je pourrais tomber amoureux moi aussi.
Il baisse à peine la voix, je lui tape dans l'épaule pour le faire taire, comme si j'avais besoin d'un rappel que Lexa est, non seulement splendide, mais également intelligente, drôle, gentille, douce, séduisante. L'arrivée de mes parents interrompt le fil de mes pensées, la cérémonie va commencer.
La cérémonie ne dure pas très longtemps, n'étant pratiquant ni l'un ni l'autre, Anya et Roan ont choisi de s'unir lors d'une cérémonie laïque qui était à mon sens, bien plus émouvante que les rares mariages dont j'ai été témoin à l'église. J'ai même réussi l'exploit de me concentrer quelques minutes sur les mariés, assis en face du maître de cérémonie. Il faut dire que mon attention était largement attirée par le témoin qui faisait face à l'assemblée. Lexa, dans sa robe rouge n'a plus rien d'une enfant ni d'une adolescente. Elle est simplement à tomber, et très distrayante. Wells s'est affairé à plusieurs reprises, à me rappeler à l'ordre d'un coup de coude, alors que mon regard dérivait invariablement sur elle.
Tout à coup, le monde explose, des clappements de mains, des sifflets résonnent de tous côtés. Il me faut quelques secondes pour réaliser que c'est terminé et les mariés me passent devant, sous les acclamations de leurs familles et amis. Je n'ai pas le temps de faire le moindre mouvement, je capte un éclair rouge disparaître en direction du bar. Mes bras et mes jambes me font l'effet de chamallow, je sens filer le peu de courage que j'avais réussi à réunir jusqu'ici, mais Wells ne me laisse guère le temps de tergiverser. Il m'attrape par le coude et me traîne à sa suite. Oui, je sais que je lui ai dit que je lui parlerai après la cérémonie, mais bon, on a deux minutes non ?
Apparemment pas et je me retrouve pressée entre les invités, juste devant le bar où Lexa attend. Finement guidée par mon preux chevalier, qui n'a aucune intention de me laisser me défiler, j'avance mon bras et viens poser ma main sur sa hanche, seule partie de son corps que je peux atteindre sans risquer une catastrophe au milieu de tous ces gens bien habillés et leurs boissons pleines à ras bord. Sa hanche. Bien joué Clarke, tu ne pouvais pas viser plus haut ? Elle se retourne, son regard empli d'indifférence me glace. Mais elle semble légèrement déstabilisée, alors peut-être qu'au fond, elle n'est pas si indifférente ? Je suis incapable de déchiffrer son expression, moi qui la connaissais mieux que personne. Alors je dresse toutes mes barrières d'un coup, me cachant derrière un sourire nonchalant, du genre, comme si de rien n'était.
— Salut Lexa.
Je suis passée maître dans l'art de la dissimulation, à m'entendre, on pourrait croire que tout va bien entre nous. Elle me sonde sans un mot, surprise par mon attitude, manquant de faire voler en éclats ma fausse assurance dans trois, deux, un…
— Je m'appelle Wells, je suis un ami de Clarke. Ton discours était magnifique, et drôle... C'était vraiment une belle cérémonie. Et beaucoup moins ennuyeuse que les cérémonies religieuses.
Merci Wells ! Je respire à nouveau, je ne pourrais jamais le remercier assez. Lexa et lui engagent la conversation, le temps que je retrouve un semblant de courage. J'ai décidé qu'il fallait qu'on règle les choses, pas qu'on joue aux hypocrites. J'attire à nouveau son attention.
— Je peux te parler ?
J'ai tout donné pour prononcer ces quatre mots, mais malencontreusement, mon élan héroïque est interrompu par Lincoln et Aden qui nous sautent littéralement dessus. Je n'ai pas le coeur de leur refuser ma présence, pas après tout ce temps, et me laisse entraîner un peu plus loin. Mais juste avant, je me penche une dernière fois vers Lexa.
— Plus tard ?
Je ne profiterais pas vraiment de quoi que ce soit tant que les choses ne seront pas claires entre nous et je veux pouvoir en profiter. D'un hochement de tête, elle acquiesce et je me laisse enlever par Lincoln.
J'aurais dû insister, même si elle a accepté de me parler « plus tard », aucune occasion ne se présente. Ma main à couper qu'elle m'évite. Par dépit, j'abuse du vin, que je ne supporte pas très bien. Wells veille sur moi, il est mon ange gardien.
— Tu ne devrais pas faire ça.
Sa main vient intercepter la mienne qui se dirige vers la bouteille pour la quatrième fois depuis le début du repas. Je soupire, résignée. Bien sûr qu'il a raison.
— Ton intention est bien de parler avec Lexa, pas de lui vomir dessus ?
— Ah ah, très drôle. Tu vois bien qu'elle m'évite !
Je boude, il rigole. D'ailleurs, elle n'est nulle part en vue, je la cherche dans la salle.
— La preuve ! Elle a même quitté le mariage de sa sœur pour ne pas avoir à me parler.
— Laisse-lui du temps Clarke. Allez, viens, on va marcher cinq minutes. Ça te fera du bien de prendre l'air.
Je n'offre aucune résistance et me laisse conduire docilement pour un tour à l'extérieur qui effectivement, me remet un peu les idées en place. Non, Lexa n'a pas quitté le mariage de sa soeur, elle est sûrement très occupée à faire des trucs de témoin, tout simplement. Sur le chemin du retour, je suggère à Wells de faire un détour par les toilettes. Les marches qui y mènent sont traîtres et je ne maîtrise pas parfaitement mes talons, plus hauts que ce dont j'ai l'habitude. Alors quand j'aperçois Lexa qui remonte dans ma direction, j'en oublie de faire attention à mes pieds.
Je me sens basculer en avant, ma main se tend pour attraper la rampe qui est trop loin, comme Wells, à quelques pas devant moi. Mais je n'ai pas le temps d'avoir peur, elle est déjà là. Deux bras musclés qui me maintiennent fermement, m'évitant une mauvaise chute. Le temps s'est arrêté, comme dans les films, plus personne ne bouge autour de nous. En fait, je ne sais même pas s'il y a des gens autour de nous. Je ne vois qu'elle, alors que mon palpitant se remet à faire des bonds erratiques dans ma poitrine. Ses pupilles, fixées sur moi, sont dilatées au maximum dans cette pénombre, éclipsant presque l'intégralité du merveilleux vert qui les habille habituellement. Mes yeux dérivent vers ses lèvres, si je m'avançais encore un peu, je pourrais fermer l'espace qui nous sépare, l'embrasser.
— Clarke, ça va ?
Wells me ramène à la réalité, brisant la tension qui s'était installée. Non, je ne pourrais pas l'embrasser, elle mérite des explications avant que je ne me jette à son cou. Elle mérite que je fasse des efforts, pour reconquérir son amitié dans un premier temps. La sienne, et celle de tous ceux que j'ai abandonnés il y a cinq ans. Et puis j'ignore encore ce qu'il s'est passé entre elle et Costia. Peut-être est-elle encore amoureuse d'elle ? M'a-t-elle jamais aimée ? M'aime-t-elle encore aujourd'hui ? Trop de questions sans réponses, je ne débarquerai pas dans sa vie en me lançant dans une déclaration, sans avoir la moindre idée de ce qu'elle pense. Je l'ai tellement fait souffrir, comment pourrait-elle interpréter un « je t'aime » ? Ça n'a pas vraiment de sens. Peut-être veut-elle simplement retrouver sa meilleure amie, après tout ce temps. Est-elle même prête à me pardonner ? Raven me soutient que oui. Le fait est que je n'ai aucune certitude et je compte bien prendre le temps qu'il faudra pour qu'entre elle et moi, ça se passe bien. Même si je dois passer des nuits entières à ruminer ma frustration, je le ferais. J'attendrais. Encore. Je ne suis plus à ça près.
— Ça va Wells. J'ai trébuché. Heureusement que Lexa était là. Elle a l'habitude de voler à mon secours depuis qu'on est enfants.
Cette subtile évocation de notre passé commun me gonfle le coeur, provocant une vague de tendresse envers des souvenirs que j'ai passé des années à enfouir profondément. Comment ai-je pu croire une seule seconde que je serais capable d'oublier Lexa ? Tout à coup, les choses semblent normales, ou presque. Je sais ce que je dois faire, je n'ai qu'à prendre mon temps, laisser notre complicité revenir naturellement, simplement. Tout paraît clair. Lexa me lance un regard curieux et je me souviens tout à coup de Lincoln, qu'on a croisé en sortant de la salle il y a quelques minutes.
— Au fait Lexa. Lincoln te cherche, il dit que c'est bientôt à vous.
Mon regard la suit alors qu'elle s'affole et part en direction de la grande salle pour faire je ne sais quoi. Je souris avant de poursuivre ma route, je me sens bien, tout à coup légère.
Lorsque nous reprenons place à notre table avec Wells, Lexa est sur scène, interprétant un classique d'Elvis avec ses frères, Lincoln et Aden. "Wise men say, only fools rush in". J'aimerais pouvoir le faire, mais je suis incapable de détourner mes yeux d'elle. Sa guitare folk sur les genoux me rend immédiatement verte de jalousie. Jamais je n'aurais cru avoir autant envie d'être un instrument de musique. "I can't help falling in love with you". Ses doigts vont et viennent sur le manche en bois, accompagnant les paroles lourdes de sens. Les vibrations de sa voix s'insinuent dans le moindre pore de ma peau, provoquant de délicieux frissons. "Take my hand, take my whole life too". Et lorsqu'elle pose les yeux sur moi, accrochant mon regard de ses yeux perçants, je m'y perds volontiers. Le sol pourrait s'ouvrir sous mes pieds, je ne bougerais pas d'un centimètre. "Some things are meant to be". Pendant ces quelques minutes, mes doutes s'envolent, elle chante pour moi. Rien que pour moi. Ce moment est parfait, tout comme elle.
Les applaudissements me sortent de ma transe, je n'avais pas réalisé à quel point la salle était devenue silencieuse. Il me faut un moment pour me remettre de mes émotions après ça. Le concert continue et puis c'est l'heure du gâteau, la piste de danse s'anime de plus en plus, les invités ont envie de bouger. Les invités se mélangent et Lexa et moi nous installons dans un jeu de chaises musicales discret. Dès que j'arrive vers l'un de nos amis, elle s'éclipse astucieusement. Je la laisse faire, j'ai tout mon temps, je ne pars plus nulle part. La nuit avance inexorablement, la foule s'éparpille, certains rentrent déjà, d'autres disparaissent dans le jardin. Il y a de moins en moins de monde. Alors que je quitte la scène pour souffler un peu, je rejoins la salle où le bar est installé, un peu à l'écart de toute cette agitation. Et puis je la vois, elle est seule, assise devant ce piano à queue gigantesque, qui brille tellement que j'en aperçois mon reflet sur le couvercle relevé. Je sais que c'est le moment.
— Je peux m'asseoir ?
— Bien sûr.
Elle n'a pas hésité, je relâche la respiration que je retenais inconsciemment. À l'instant où je m'installe sur le siège de piano, une multitude de papillons s'affolent au creux de mon ventre. De la taille d'un petit banc, relativement large pour une seule personne, l'assise est très étroite pour deux, forçant une proximité que je n'avais pas anticipée.
— Tu es seule ? Me demande-t-elle en reportant son attention sur les touches bicolores.
La question me surprend un peu, avant de réaliser qu'elle fait allusion à Wells et qu'il est l'une des raisons pour lesquelles elle m'a évitée toute la soirée. Je me fustige intérieurement, même si j'étais ravie de la présence et du soutien de mon ami, il a été une barrière de plus entre Lexa et moi. Il est vrai que je me suis protégée, mais je n'ai pas pensé à, comment elle pourrait interpréter sa présence. Encore une fois, je ne pense qu'à moi.
—Oui, Wells est rentré. Avec un copain de Roan...
— Quoi ?
— Nyko , le témoin. Il lui a tapé dans l'œil, et il n'a pas arrêté de m'en parler toute la soirée.
— Tu veux dire que ce n'est pas ton petit ami ?
Et voilà ! Je le savais. Enfin, non, je ne savais pas, mais j'aurais pu me douter que Lexa serait sur ses gardes concernant Wells, après tout, je me souviens parfaitement bien de sa réaction lorsque je lui ai présenté Octavia. C'était une idée stupide de l'inviter. Je vois plus clairement maintenant, malgré l'alcool, malgré la fatigue, tout paraît clair. Je ne veux plus parler de Wells. Je veux juste profiter quelques minutes de cette proximité, du calme qui s'est installé en moi. Je lui réponds par la négative, avant de poser mes doigts sur les touches auprès des siens.
— On joue ?
— Commence, je te suis.
Le sourire qu'elle m'adresse me fait fondre, il m'avait tellement manqué ce sourire. Fa fa fa, fa mi ré do ré mi, les notes s'enchaînent, c'est la seule musique que je sache jouer au piano, la seule chose que je sache jouer avec un instrument quelconque. Elle se joint à moi joyeusement, nous nous laissons entraîner, je l'entends même rire discrètement lorsque je dérape en instillant des fausses notes dans la mélodie. Nos mains s'immobilisent finalement, côte à côte sur le clavier. Le silence s'invite entre nous, prenant une place immense qui me pèse sur le coeur. Je prends une grande inspiration et m'apprête à crever l'abcès, mais elle me coupe l'herbe sous le pied. Le banc recule tandis qu'elle se lève dans la précipitation.
— J'ai la tête qui tourne, je vais prendre l'air.
Lexa s'enfuit en direction de la piscine, sans me laisser le temps d'en placer une. Je l'ai cherché, mais hors de question que je me dégonfle, ou que je la laisse reporter cette confrontation. Sans attendre, j'emprunte le même chemin, une fois dehors, des escaliers descendent sur quelques mètres. La silhouette de Lexa se découpe parfaitement sur le carré bleu que forme la piscine, éclairée dans la nuit. Je retire mes trop hauts talons, appréciant la sensation de fraîcheur et de liberté que le contact avec les marches en pierre me procure. Une fois près d'elle, je lève les yeux, comme à l'accoutumée, vers la voûte étoilée. Ici, on distingue parfaitement bien les étoiles, et même un bout de voie lactée. S'il n'y avait aucun éclairage, on pourrait se croire perdu dans l'espace. Je sens son regard se poser sur moi, mais je garde la tête dans les étoiles. Insignifiant, un grain de poussière.
— Quand je suis montée dans la voiture ce jour-là, je n'ai pas parlé à ma mère pendant la plus grosse partie du trajet. Et quand j'ai finalement décidé de lui parler, je lui ai demandé si je pouvais revenir passer Noël chez toi. Son silence était éloquent… Elle a fini par me répondre, et m'a avoué qu'a Noël, on serait en Australie. Que la mutation de papa était définitive.
Seul le silence me répond. Je le prends comme un encouragement et m'installe à ses côtés, plongeant mes pieds dans l'eau chlorée, et je continue. Je lui raconte cinq ans de ma vie en cinq minutes. Ma colère contre mes parents, ma mère surtout, la distance insurmontable, la douleur de la séparation, mes fugues, ma rencontre avec Raven, mon retour, la culpabilité, la honte. Ce n'est qu'un résumé, juste de quoi raccrocher les wagons, je sais qu'on aura du temps, plus tard. Je relève les yeux vers elle quand j'ai terminé, elle me dévisage en silence. Le temps semble s'étirer, j'ai l'impression qu'elle n'a pas parlé depuis des siècles.
— Lexa...dis quelque chose s'il te plaît.
Mon murmure se fait suppliant, je ne vois pas quoi ajouter pour le moment, j'ai besoin que ce soit un dialogue. Mes genoux viennent se caler contre ma poitrine et je me regroupe, de façon protectrice. La balle est dans son camp, reste à savoir ce qu'elle va en faire.
— Pourquoi tu as emmené Wells aujourd'hui ?
Le soulagement qui m'envahit m'arrache un sourire taquin. Après tout ça, c'est la seule chose qui l'intéresse ? Mais je lui accorde, ça fait beaucoup à digérer d'un coup.
— J'avais peur...de vous revoir tous, de te revoir. Wells est un très bon ami, et un excellent soutien moral.
— Oui je peux voir ça, il est parti avec un mec...
— Parce qu'il savait que j'irais bien. Et moi aussi.
— Pourquoi tu as réagi comme ça quand on s'est croisées à ton appartement ? Le soir où j'étais avec Raven.
Outch ! Décidément, je me demande si ce n'était pas mieux quand il n'y avait que moi qui parlais. Pourquoi remuer les souvenirs douloureux ? Celui-ci est encore trop incisif pour que je ne réagisse pas. Je grommelle à l'encontre de ma colocataire dévergondée avant de lui répondre. À côté bien sûr, je me suis promis de ne pas lui faire de déclaration et la vérité sur cette soirée déboucherait forcément sur un sujet que je ne souhaite pas encore aborder.
— J'adore Raven, mais je sais comment elle traite les filles avec qui... Enfin... Je ne voulais pas qu'elle te fasse du mal...
— Tu mens. Je te connais depuis dix ans Clarke, je sais quand tu mens.
— D'accord... J'étais rentrée depuis quelque temps déjà et je n'avais donné aucune nouvelle... Je me suis sentie prise en faute. Je ne savais plus quoi faire. Et ce regard que tu m'as lancé... Tu ne m'avais jamais regardée avec autant de colère. Mais je le méritais... J'ai été lâche. Quand je suis revenue, je ne savais plus comment me comporter. Je ne pouvais pas faire comme si je ne vous avais pas ignoré pendant des années... J'étais coincée. Et puis avec l'invitation au mariage... J'avais deux choix, soit disparaître complètement de vos vies en refusant... Soit, décider de revenir, vraiment.
— Qu'est-ce qui t'a décidée ?
— Toi.
— Moi ?
— Quand ta mère est morte, j'ai eu besoin d'être là pour toi. Quand Anya m'a invitée à son mariage, j'avais envie d'être là avec toi. Et puis j'ai réalisé que ce n'était pas pour toi que j'avais besoin d'être là. C'était pour moi. Pour être avec toi.
Ma main vient chercher la sienne, c'est trop dur de ne pas la toucher. Nous n'avons jamais été proches aussi longtemps, sans nous toucher.
— Avec moi ? reprend-elle d'une voix brisée par l'émotion. Le malaise est évident, il me faut quelques secondes pour comprendre ce qui a pu provoquer cet affolement dans son regard, quand je réalise ce que je viens de dire. Bravo pour le côté « Allons y doucement » Clarke. Si je lui avais dit « je t'aime à la folie depuis toujours », ça aurait été moins clair.
— Avec ma meilleure amie.
Rattrapage pathétique. Je me mets une claque mentale pour me punir de ce dérapage. Un pas à la fois Clarke, étape un, retrouver notre amitié. C'est le plan. C'est un bon plan. Pourtant, une image fugace me traverse l'esprit : Lexa, allongée sur les dalles chaudes de la piscine, son corps recouvert par le mien. Pas vraiment amical.
— Bien sûr...fait-elle l'air déçu.
Peut-être que j'aurais dû lui sauter dessus après tout. Elle me rend ma main, je tripote ma bague nerveusement pour donner le change et ne pas céder à mes pulsions, son contact me manque.
— Et maintenant ?
— Et bien, on pourrait commencer par aller boire un verre un de ces quatre ?
— Et recommencer comme avant ?
— Je sais que j'ai foiré Lexa... Je m'en veux, vraiment, mais si tu me donnes une chance de reconstruire notre amitié, on pourrait repartir à zéro. Si tu veux bien me pardonner...
— Je veux bien essayer. Un verre, ça me semble une bonne idée.
Mon coeur se remplit de joie. Repartir de zéro, oui, c'est un bon plan, nous nous sommes quittées enfants, nous nous retrouvons adultes, on a besoin de réapprendre à se connaître. Mes yeux glissent une nouvelle fois sur son corps, je me détourne pour loucher avec envie sur la piscine, j'ai certainement besoin de me rafraîchir les idées. D'autres visions de Lexa et moi dans cette piscine m'envahissent l'esprit. Visions beaucoup plus agréables que celle que j'ai l'habitude d'avoir, je me souviens que ça aussi, ça va finir par poser un problème… Mais ce n'est pas le moment. Je décide qu'il est temps de bouger.
— Bon, on va danser ? Ou on va se coucher ?
