Bonjour à tous !

Je suis de retour, après de longs mois d'absence avec quelques textes écrits pendant la nuit du Fof. J'ai préféré rester dans les mêmes thèmes que d'habitude. Après une si longue interruption, je ne me voyais pas sortir en plus de ma zone de confort. Je vous préviens donc, certains thèmes abordés sont assez sombres (violence, alcoolisme...). Je préfère prévenir et éviter de mettre certains lecteurs mal à l'aise avec un texte trop sombre.

Maintenant que je vous êtes prévenus, bonne lecture !


Whisky

Je ne sais pas comment je suis arrivé là, ni ce qu'il vient de se passer. Tout ce que je sais est qu'une douleur incommensurable me déchire le cœur, mais je n'arrive pas à comprendre ce que c'est. Je ne pense plus, je ne ressens plus rien, je ne vois rien de ce qui m'entoure. Je ne suis que le néant, rien n'est réel, sauf cette douleur qui me déchire la poitrine. Le liquide qui me brûle la gorge me rappelle vaguement que j'existe.

Je fixe un point à quelques mètres de moi. Il est brillant, fixe et imperturbable. D'abord distraitement, je ne parviens plus à détacher mon attention de lui, je dois plisser les yeux pour comprendre ce que c'est. Je me sers de lui comme un fil d'Ariane qui me ramènerait à une hypothétique réalité. Il me faut plusieurs minutes avant de parvenir à me concentrer suffisamment. Ce point qui me nargue depuis tout à l'heure n'est qu'un reflet sur le rebord métallique du bar où j'ai échoué.

Je cligne des yeux, je ne comprends pas ce que je fais ici, ni ce que ce verre fait devant moi. J'ai toujours soigneusement évité ces endroits qui me rappellent bien trop de mauvais souvenirs. L'odeur d'alcool qui empeste les lieux fait ressurgir en moi des images que j'ai mis des années à enfouir soigneusement. Mais ce soir… Est-ce vraiment le soir ? Je n'arrive pas à les retenir. Toutes mes pensées défilent sans l'ordre ni la logique qu'elles ont habituellement. Je déteste cette sensation, je perds le contrôle de mon esprit, mais je ne fais rien pour me reprendre.

Je ne sais pas pourquoi, est-ce simplement l'effet de l'alcool ? Mais ce n'est pas grave. Je suis détaché de tout ce qui m'entoure. Seul ce poids dans ma poitrine me rattache à quelque chose. Une voix, loin dans ma tête embrumée de vapeurs d'alcool me rappelle que je devrais être sur mes gardes. Je suis dans un lieu inconnu, en position de faiblesse, depuis un temps indéterminé. Mais qu'elle se taise, bon sang !

Je me lève brusquement et d'un grand geste du bras, je tente de l'écarter. Ma chaise tombe bruyamment derrière moi, mais je m'en fiche. Je gesticule en espérant vainement que cette voix, cette satanée voix légèrement sifflante et maudite, se taira. Qui est-il pour me donner des conseils ? Lui que j'ai réussi à duper depuis des mois. Lui qui explore ma tête sans relâche mais qui est incapable de trouver quoique ce soit. Il se prétend le plus grand sorcier vivant, mais il ne voit rien. Parfois, je me demande si je ne désire pas secrètement qu'il ne découvre la vérité.

Après tout, ce serait plus facile pour moi. Il me punirait, me tuerait brutalement sûrement. Puis toute cette souffrance prendrait enfin fin. S'il me découvre, je ne serais plus maitre de mon destin et n'aurais plus la moindre influence sur lui. Oui, ce serait plus facile. C'est certain.

Je tente de reprendre appui sur la table mais mes gestes sont incontrôlés. J'ai l'impression de flotter dans un coton invisible. Ma main s'approche de l'appui salvateur et le manque de plusieurs centimètres. Au ralenti, je vois le sol se rapprocher, et le bois du parquet me heurte brutalement. Une douleur insupportable me monte au niveau du nez plusieurs secondes après un craquement sinistre. Je sens un liquide tiède couler sur ma joue, mais je ne me relève pas.

A quoi bon ? Je suis bien ici. L'effort pour tourner la tête me parait déjà insurmontable et inutile, alors tout le reste du corps… A quoi bon ?

En fermant les yeux, j'aperçois vaguement une paire de pieds qui s'approche de moi. De vieilles chaussures qui ont connues de meilleurs jours et qui appartiennent sûrement au moldu qui m'a vendu ce verre. Dans un réflexe de survie, je sors ma baguette mais celle-ci m'échappe. Je l'entends rouler un peu plus loin. C'est étonnant d'ailleurs, car le brouhaha qui régnait s'est interrompu. J'ignore depuis combien de temps, je viens seulement de m'en apercevoir.

Soudain, je sens qu'on me touche l'épaule. Je me recroqueville comme lorsque j'étais enfant, j'attends le premier coup. Le plus douloureux, le plus surprenant. Je ne sais pas où il va arriver et l'attente me tue.

« Severus ! Severus ! Réveillez-vous ! »

Non, je ne veux pas me réveiller ! Peut-être qu'en gardant les yeux fermés, il croira que je dors et ne me frappera pas.

« Mon garçon ! Ouvrez les yeux ! »

La voix impérative ne me laisse pas le choix, je dois obéir et je m'exécute. Les yeux bleus me transpercent. Ce n'est pas mon père, ces yeux inquiets qui me dévisagent me replongent avec violence dans ce que j'essayais d'oublier avant d'entrer dans ce bar.

Ce soir. Lily.

Ma Lily.

Ma raison de vivre est morte.