Long time no see comme dirait l'autre ! Voici la version 2.0. d'une fanfiction entamée il y a très longtemps (en 2010, j'avais alors l'âge très vénérable de 15 ans et dieu sait que ça se voyait lol) sous le titre d'Une nouvelle année riche en conséquences.
De l'eau a depuis coulé sous les ponts, le temps a passé et pourtant mon insatisfaction concernant cette histoire demeurait. Ayant grandi et changé quelque peu mon opinion concernant Edward (trop contrôlant) et Jacob (il m'insupporte toujours autant mais maintenant je le déteste aussi pour la manie qu'il a de dire à Bella ce qu'elle doit penser et faire (comme Edward mais Edward c'est Edward, cqfd), j'aime être prisonnière de mes contradictions ha ha), et sur la saga en général, j'ai très vite réalisé que cette histoire ne correspondait plus à mon opinion, à moi-même et que très franchement, je ne savais pas quoi en faire ni comment l'exploiter. Aussi, étant plutôt satisfaite de la manière dont j'avais remanié mes autres fanfictions, je me suis dit allez, on va réécrire tout ça. Et j'ai presque envie de vous dire tadam (pour ne pas insister sur le stress particulier que m'a provoqué ce premier chapitre). La base est la même, celles et ceux qui m'ont lue, que je remercie, pourront le constater, je n'ai fait que préciser certains points (à savoir que c'est un univers alternatif où tous les personnages sont bel et bien humains et le resteront), rajouter d'autres points, des descriptions et une nouvelle histoire était née.
L'univers appartient bien évidemment à Stephenie Meyer sauf pour les éléments que j'ai décidé d'y ajouter.
J'espère que ce premier chapitre vous plaira. Bonne lecture !
« Ce moment de l'entrée dans le monde est le plus dangereux de la vie. Je voudrais mes enfants pouvoir vous en convaincre autant qu'il est nécessaire pour vous faire appréhender ce pas glissant, cette époque dangereuse pour votre âge. C'est là que le démon vous attend et qu'il espère que ses efforts ne seront pas sans effet. Il est donc utile de vous précautionner contre les pièges qu'il tendra alors […] »
Conseils d'une maîtresse de pension à ses élèves sur la politesse et sur la manière de se conduire dans le monde, 12e édition, Librairie d'éducation de Périsse Frères et Librairie religieuse de J.-B. Pélagaud, Lyon et Paris, 1861, p. 99
« Chose étonnante ! On regarde une demoiselle comme incapable de tout dès qu'elle manque d'éducation. La politesse lui sert de lettre de recommandation, elle lui attire le respect et l'estime des personnes qui la voient et qui la fréquentent, et on néglige de lui en mettre les règles entre les mains »
Ibid., Préambule, p. 2
« On ne doit pas faire entrer brusquement sa fille dans le monde. Il vaut mieux la préparer peu à peu en la faisant assister à de petites soirées dans la maison paternelle […] Il ne faut pas lui faire trop de leçons mondaines, on l'effraierait […] Elle se trouvera bien d'apprendre « le monde » petit à petit, par elle-même. On l'aidera en faisant devant elle, comme par hasard, de ces observations exemptes de dénigrement, mais judicieuses, de ces réflexions sensées qui en disent plus long qu'un sermon ou un cours de belles manières. Pour lui donner de l'aisance, on lui persuadera que les jeunes filles passent inaperçues lorsqu'elles sont simples, modestes et ne pèchent pas contre les convenances. Elle sera bien plus heureuse que si on l'épouvante de la crainte du ridicule, que si on appuie tant sur la nécessité de se soumettre à une foule d'usages insignifiants, ce qui lui ferait croire que tout le monde aura les yeux fixés sur elle pour noter les moindres manquements, les plus légères irrégularités. »
Baronne Staffe, Usages du monde : règles du savoir-vivre dans la société moderne, 24e édition, Victor Havard, Paris, 1891, pp. 279-280
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Chapitre 1 : Les règles de survie, tu apprendras
Le ciel semblait avoir perdu la tête, cela ne faisait aucun doute. Tandis que certains auraient volontiers pointé du doigt le changement climatique, Bella lui préféra son explication personnelle. Le temps avait vraisemblablement eu vent des plans, nés quelques semaines auparavant, de la jeune femme de partir vivre chez son père et, ne croyant pas qu'elle mettrait ce dernier à exécution, n'avait décidé de manifester son mécontentement qu'au moment de son départ. Cette explication, quoiqu'un peu farfelue, avait le mérite de la faire sourire avant qu'elle ne songe à son funeste destin. Elle avait beau aimer son père, rester avec sa mère à Phoenix lui paraissait bien plus alléchant à mesure que son ancienne vie aux côtés de l'ambassadeur se rappelait à son bon souvenir.
Ses parents ayant divorcé durant la première année de sa vie, elle ne s'en souvenait pas vraiment de ce qu'était la vie avec eux deux sous le même toit, ce n'était pas faute d'essayer. Elle convenait souvent qu'alors ses soucis devaient être minimes.
Si elle devait être honnête, elle aurait reconnu leur en vouloir. Emportée par sa mère, après un divorce conclu plus rapidement que la moyenne, elle avait dû se faire à sa nouvelle vie sans que ni l'un ni l'autre ne s'attache à savoir ce qu'elle pouvait bien en penser. Sa rancune s'arrêtait là cependant, n'ayant que trois mois au moment des faits, ses parents n'auraient eu pour seule réponse que des gazouillis dont la signification faisait encore défaut aux scientifiques les plus avertis.
Elle aimait ses parents et se sentait par conséquent prête à accepter n'importe quoi pouvant concourir à leur bonheur. Voilà pourquoi elle quittait la chaleur suffocante de l'Arizona pour retrouver le temps non seulement plus frais mais également plus imprévisible de l'État de New-York. Elle laissait ainsi à sa mère la possibilité de suivre son mari à travers le pays.
Elle avait perdu le compte du nombre de fois où elle avait assuré à cette dernière et à Phil (beau-père ayant découvert sa capacité de parfait papa-poule de substitution à l'âge vénérable de 30 ans) que le déménagement n'était pas un problème, qu'elle pourrait ainsi passer du temps avec son père et qu'ils se verraient si régulièrement qu'ils finiraient par douter qu'elle soit jamais partie. Elle le leur avait tellement seriné qu'elle était parvenue à se convaincre elle-même.
Dans le fond, sa vie changerait peu. Certes sa maison serait plus grande. Arriver au lycée en cours d'année ne lui permettrait peut-être pas de passer aussi inaperçue qu'elle l'aurait souhaité mais devant son absence de vie sociale, ses camarades se lasseraient bien vite de la nouvelle venue.
De ce qu'elle avait pu glaner sur son moteur de recherche préféré, son futur lycée était affreusement normal. Des détecteurs de métaux et un service de surveillance pour assurer leur sécurité, des professeurs aux méthodes innovantes mis en avant, des résultats scolaires honorables soulignés et des éléments plus discutables consciencieusement enterrés sous le tapis.
Bella s'inquiétait moins de l'aspect académique de son éducation que des élèves.
Elle avait cru voir qu'un service d'accueil, assuré par des étudiants volontaires, assurait une bonne insertion des nouveaux venus. Elle avait beau douter de leur efficacité, elle ne pouvait que saluer l'initiative malgré tout.
Son avion allait atterrir dans quelques heures et la jeune femme tenta de profiter de ce repos improvisé, en vain. Quelqu'un quelque part devait visiblement s'imaginer qu'avoir l'air reposé pour son changement d'État, de garde, de lycée, de vie, était surfait.
Elle aurait de toute façon la fin de la semaine pour se remettre de ses émotions et plonger dans le grand bain où elle ne connaissait personne.
Certes, elle devait bien reconnaître sa joie à l'idée de retrouver son père avec lequel elle partageait une compréhension tacite. Elle avait également hâte de revoir Millie, la cheffe de cuisine qui ne lui refusait jamais une petite douceur, arguant qu'elle n'était jamais assez remplumée et Sharon, gouvernante de la maison, intraitable avec l'ensemble du personnel mais sensible à la fille de l'ambassadeur avec laquelle elle avait beaucoup de choses en commun à commencer par leurs goûts littéraires.
Elle se réjouissait presque avec honte de laisser la responsabilité du ménage Swan/Dwyer à Phil, redevenant l'adolescente qu'elle avait oublié d'être.
Sa mère insouciante lui manquait déjà. La température annoncée, en trop grande contradiction avec la chaleur souvent suffocante de Phoenix, semblait de mauvais augure, donnant le ton d'un séjour qui ne pourrait apporter que déception et désolation.
Chassant ses sombres pensées, elle reporta son attention sur le livre qu'elle lisait. Elle arriverait bien assez tôt à destination.
Si elle ne fut pas étonnée de trouver George, le chauffeur de son père d'aussi loin qu'elle s'en souvenait, qui l'attendait, elle aurait pu par contre se passer de l'écriteau « Isabella Swan ». Elle n'avait pas oublié son nom et ne voulait pas que les cors de cavalerie annoncent un retour qu'il lui fallait encore caractériser.
La porte d'une Mercedes noire s'ouvrit et son père vint la saluer.
- Bonjour Bella, dit-il d'un ton chargé d'émotion. Ton vol s'est bien passé ?
- Salut Char… papa, elle devait perdre l'habitude de l'appeler par son prénom, son père en avait horreur. Très bien.
- Comment va Renée ?
- Très bien aussi, elle te passe le bonjour.
- Tu le lui retourneras à ton prochain appel, qui je suppose ne saurait tarder, la taquina-t-il.
- Qu'est-ce qui t'a mis sur la voie ? lui répondit-elle, se prenant au jeu.
- Les deux messages qu'elle m'a laissés, me demandant de te rappeler d'absolument l'appeler dès ton débarquement.
- Le contraire m'aurait étonnée.
- Que veux-tu ta mère s'inquiète, tu restes son bébé. Allez, dit-il pour la dissuader de renchérir, monte. Plus tôt on sera à la maison, plus tôt tu pourras l'appeler et la rassurer.
Bella se gifla mentalement pour avoir osé se méfier de son propre père. C'est tout du moins ce qu'elle se dit jusqu'à ce qu'il aborde la soirée prévue de longue date, qui avait lieu le jour même de son arrivée. Certaines choses ne changeraient décidément jamais.
- J'ai complètement oublié de te prévenir !
- Et je suppose que, comme d'habitude, ma présence est vivement conseillée ?
- Je ne vois pas pourquoi tu n'assisterais pas à une soirée qui se tient sous ton propre toit.
- Parce que tu m'as prévenue à la dernière minute, que j'ai horreur des réceptions et que tu l'as toujours su ? lui répondit-elle d'un ton faussement interrogatif.
- Bella, tu n'es plus une enfant. C'est une soirée en petit comité et cela te permettra de rencontrer quelques-uns de tes futurs camarades.
- Mon rêve, murmura-t-elle. Et je suppose qu'une tenue correcte est exigée ?
- Naturellement.
- Bien sûr, on ne change pas une équipe qui gagne. Donc, si je résume, tu m'as dit que mon arrivée ce soir te convenait en sachant pertinemment que ta fameuse soirée aurait lieu le même jour et, plutôt que de me laisser tranquillement m'installer, tu m'annonces que je vais devoir m'apprêter et faire bonne figure à une fête que j'aurais évitée à tout prix si j'avais pu ?
- Ce soir ou un autre, cela n'aurait rien changé.
- Tout à fait, je suis restée avec maman en partie pour cette raison et ce soir ne fait que me conforter dans l'idée que j'aurais dû continuer.
- Parce que j'avais oublié que je te faisais vivre un calvaire, ironisa-t-il. De toute façon, tu aurais fait quoi ? Ce que tu fais d'habitude ?
- Pourquoi je changerais ?
- Parce que tu es jeune, que tu as la vie devant toi et que tu as le temps de découvrir ce qui te plaît.
- Mais lire me plaît ! De toute façon, je me refuse à avoir cette conversation avec toi. C'est la poêle qui se fout du chaudron.
- Ton langage jeune fille !
- …tu critiques mon hobby et plus généralement ma vie quand toi-même tu n'en as pas, continua-t-elle sans tenir compte de son interruption.
- Bella Marie Swan, tu vas redescendre d'un ton !
- Sauf que je n'ai pas élevé la voix ! Je n'ai fait que pointer du doigt le fait qu'on se ressemble plus que tu ne le crois. Quand tu ne travailles pas, que fais-tu ? Je vais te le dire, tu pars des journées entières à la pêche avec tes meilleurs amis. Puis tu rentres et repars travailler. Ta vie, excuse diplomatique exceptée, est aussi peu mouvementée que la mienne.
- Sauf que tu as toi-même touché du doigt une énorme différence entre nous deux : je parle à beaucoup de monde à cause de mon travail et quand je m'octroie, plus rarement que je ne le voudrais, une pause, c'est toujours avec mes amis.
- Avec lesquels tu ne discutes pas ! Ça revient au même. Pourquoi tu fais exprès de ne pas me comprendre ?
- Parce que je suis ton père et que je veux, comme ta mère, ce qu'il y a de mieux pour toi. Tu as besoin d'échanger et de côtoyer des gens. Comment tu peux savoir ce que tu veux si jamais personne ne vient te contrarier, te défier ? Tu resteras toujours confortée dans ton opinion et toutes tes lectures ne te serviront à rien car ils ne pourront compenser ton sale caractère et ne résoudront pas ta solitude.
- Du calme Docteur Freud, je ne suis jamais restée dans mon coin. J'échange avec les gens, seulement pas autant que tu ne le voudrais.
- Si tu le dis mais juste pour être sûr, cite-moi le nom de deux amis proches.
- Ashley ? Kate ?
- Quoi, tu n'es pas sûre ?
- Quoi ? Si bien sûr que… ok, peut-être que je n'ai pas d'ami proche mais ça ne veut pas dire que je n'en ai pas ou que je ne sais pas m'en faire.
- Juste que tu tiens les gens à distance.
- Tu as obtenu un diplôme de psychologie depuis la dernière fois ou quoi ?
- Bella, je ne fais que décrire la situation. Je reconnais que j'ai eu tort. Je n'aurais pas dû te mettre devant le fait accompli. Tu es presque une adulte et je t'ai traitée comme une enfant. Tu es une chouette gamine.
- Humpf.
- Tu es une merveilleuse jeune fille, corrigea-t-il. Tu fais ce qu'on te dit, boudes rarement, réponds encore moins, tu respectes les règles, ne franchis pas les limites, es bonne élève. Tu sais réfléchir et n'hésites jamais à faire entendre ta voix, toujours dans le respect de l'autre. Tu es une perle et il me tarde que le monde voie ça. Laisse entrer les autres dans ton cœur, tu ne seras pas déçue.
Ce moment rare, quand Charlie décidait de s'exprimer à cœur ouvert, était tellement inhabituel pour une personne ordinairement disposée à en dire moins plutôt que trop, travail excepté, qu'il jeta un silence dans l'habitacle. Alors que George achevait d'hocher la tête à ce que son employeur venait de dire, Bella et Charlie fixèrent leur regard au loin, cogitant ce qui avait été dit.
Le trajet entre l'aéroport et la maison durait une heure. En arrivant Bella constata que cette dernière avait peu changé. Elle était toujours rouge sang. Le premier étage était soutenu par des colonnes d'un blanc immaculé, que l'on retrouvait sur les volets et autour des fenêtres. Un balcon donnait sur l'allée quand on voulait échapper à l'atmosphère parfois étouffante du salon.
Le soleil venait à peine de se coucher et pourtant, l'allée centrale menant à la résidence Swan et la cour étaient déjà illuminées. Les lanternes et photophores, sortis uniquement pour les grandes occasions conféraient toujours une ambiance intimiste et romantique qui semblait toujours imprégner les romans d'époque qu'elle lisait.
Çà et là, le personnel de maison s'affairait pour que l'endroit soit prêt à accueillir les convives à temps. Son père et ses employés savaient y faire, à n'en pas douter. Tandis que certains finissaient d'allumer des bougies oubliées, d'autres portaient des piles en équilibre précaire avec la grâce d'acrobates rompus à l'exercice. Ces petites mains ne souffraient d'aucune imprécision, d'aucun retard, de rien de moins que la perfection.
Très tôt, Bella avait appris à se tenir à bonne distance d'eux lorsqu'une fête ou un autre événement susceptible de réunir du monde, se préparait. C'est pourquoi elle profita que son père et leur chauffeur aient le dos tourné pour filer trouver du calme.
La voix lointaine de son père lui parvint, quoiqu'amoindrie, lui rappelant de se changer. Le bougre savait s'y prendre avec elle, comme avec n'importe qui.
Au sortir de l'université, où il s'était spécialisé en politique étrangère et en sécurité, Charlie avait effectué un stage au sein de la police locale afin d'expérimenter la réalité du terrain. Il avait d'ailleurs tellement aimé son apprentissage, qu'il envisagea sérieusement de se reconvertir, n'eut été sa rencontre avec Renée Higginbotham.
Si Bella conspuait ce stage pour avoir su affûter le flair déjà sans pareil de son père, elle ne pouvait que reconnaître qu'il lui avait permis de garder les pieds sur terre tout en cultivant son intérêt pour son prochain, qualités qui faisaient défaut à la plupart des diplomates qu'elle avait eu la chance (ou le malheur) de rencontrer.
Elle répugnait cependant à se rappeler de ce détail car alors, elle savait qu'elle devrait s'excuser auprès de lui.
Il n'avait pas tort quand il affirmait que sa vie manquait du piquant qui émeut la jeunesse, la fait se questionner et transformer le monde.
Elle avait toutefois raison en déclarant que sa vie lui convenait. Elle n'avait que trop entendu des camarades pleurer une rupture amoureuse difficile, critiquer vertement une amie autrefois chère, ignorer des parents pourtant attentifs et compréhensifs, pour ne pas avoir envie de vivre ces expériences.
Elle faisait trop tapisserie pour attirer l'œil du sexe opposé ou les confidences des filles de son âge, et ne s'attendait pas à ce que cela change. Confortée par ce constat qui aurait découragé l'homme le plus optimiste de la Terre, Bella revint sur ses pas, bien déterminée à en finir au plus vite avec cette soirée.
Fichue, il n'y avait pas d'autre mot.
Qu'avait bien pu penser Charlie en lui achetant une tenue pareille, elle se le demandait bien.
Elle qui avait toujours affirmé être plus à l'aise en pantalon, voilà qu'elle se retrouvait dans une robe qui aurait fait pâlir d'envie une choucroute meringuée. Certes le plat n'existait pas encore mais devant son horreur beige à volants blancs qui ne flattait personne, seul l'humour la sauverait. C'est tout du moins ce qu'elle se dit pour résister à la tentation de fuir cet endroit de malheur, au risque d'y rester et de mourir de honte.
Peu de solutions s'offraient à elle. Elle pouvait mettre son intégrité de côté et descendre affronter le monde. Un instant de courage et d'abnégation qui ne durerait que quelques minutes à peine, le temps de croiser le regard des convives les plus proches. Le rouge tomate viendrait alors agrémenter merveilleusement le blanc et le beige. Et la choucroute se transformerait en pizza margherita. Un rêve devenu réalité.
Elle pouvait également décider de s'emmurer vivante, seul moyen pour que Charlie ne vienne pas la chercher, quoiqu'en y repensant, son père ne serait pas découragé par quelques briques. Il avait sûrement travaillé dans le bâtiment dans une autre vie.
Aucune de ces deux solutions ne lui plaisait. Soit elle mourrait de honte, soit elle mourrait tout court.
Elle devait trouver une alternative. Raison pour laquelle elle décida de jeter un œil à ce qu'elle avait ramené de Phoenix.
Charlie devait se faire une raison, elle ne porterait jamais de robe. Optant pour un pantalon noir et un chemisier blanc, parce qu'elle n'avait rien de plus habillé, elle fit face à un nouveau dilemme quand vint le moment de choisir ses chaussures.
Plates et confortables, voilà le credo qu'elle s'était imposée devant son incapacité souvent flagrante, toujours gênante, à marcher convenablement sans finir au mieux par vaciller, au pire par tomber dans une position qui aurait pu passer pour artistiquement recherchée si elle ne dénotait pas autant de maladresse. Sauf qu'aucune paire ne convenait au type d'événement auquel elle serait régulièrement obligée de prendre part désormais.
Perdue pour perdue, autant sauter à pieds joints. Elle prit ses Converse noires et fila se changer dans sa salle de bain. Cette dernière était aussi grande que sa chambre.
Son sanctuaire aménagé à son goût avait peu changé. Les murs jaunes restaient fidèles à eux-mêmes. Les rideaux avaient, eux, été remplacés. Un ordinateur portable dernière génération trônait fièrement sur son bureau en bois, le même depuis ses dix ans. Son lit pouvait désormais accueillir deux personnes, réalisa-t-elle mortifiée avant de lever les yeux au ciel. Il n'était pas né l'aristo qui parviendrait à lui plaire.
Ses bagages, en partie ouverts au milieu de la grande pièce, pouvaient encore patienter un peu pour être rangés.
Ce qu'elle n'aurait pas donné pour faire n'importe quoi d'autre que ce qui l'attendait au pied de l'escalier.
Le personnel affairé avant la soirée, avait disparu. Trop occupé à nettoyer le contenu des verres renversés, à servir de succulents amuse-bouche quand ils ne cherchaient pas à se faire oublier, il avait déserté les couloirs de la résidence Swan pour se concentrer dans la salle des réjouissances.
La jeune femme en fut rassurée, elle disposait de quelques minutes supplémentaires avant que sa tenue ne soit passée au crible et inévitablement décriée. Elle espérait sincèrement que Sharon n'avait rien à voir dans le choix de l'horreur qui l'attendait encore sagement sur son lit, car alors celle-ci aurait des explications à fournir. À la simple pensée d'une Sharon en colère, elle frissonna avant de respirer profondément et d'entrer, espérant se mêler discrètement à la foule réunie pour la réception.
Quand elle y repenserait plus tard, Bella se rendrait sans doute compte de ses multiples erreurs. Elle qui dévorait des romances historiques dès qu'elle le pouvait, n'était pas devenue une experte de la bienséance et de l'étiquette pour autant.
L'ère des domestiques prêts à répondre à ses moindres exigences et à annoncer son entrée dans une pièce avait beau être révolue, elle se rendit compte de son faux-pas sitôt la porte ouverte.
Un sentiment de solitude la percuta de plein fouet, la faisant frissonner une nouvelle fois et rougir sans qu'elle sache à quoi ces réactions étaient dues. Elle garda cependant la tête haute, elle n'avait rien à prouver à qui que ce soit, en traversant la longue salle momentanément calme pour rejoindre un endroit qui, elle l'espérait, serait suffisamment bondé par le reste des convives pour qu'elle se fasse oublier.
Le brouhaha ne tarda pas à reprendre de plus bel, tant et si bien que Bella souffla de soulagement, pensant son calvaire terminé. Grossière erreur. Un garçon dégingandé, aux cheveux d'un noir de jais, apparut de nulle part et l'aborda :
- Tu es Isabella Swan, n'est-ce pas ?
- Bella, le corrigea-t-elle.
- Tu es là depuis quand ?
- Ce soir.
- Tu viens d'où ?
- De Phoenix.
- Tu es ici pour longtemps ?
- Je suis inscrite au lycée de la 51ème rue.
- Ah donc tu es ici pour rester ! On aura l'occasion de se revoir alors ! J'y étudie aussi. Je fais par ailleurs partie du comité d'accueil, donc si tu as la moindre question, n'hésite pas à me demander.
- Merci c'est gentil.
- Je vais aussi te donner mon numéro, on ne sait jamais. Au fait, j'ai oublié de me présenter. Je suis É..
Il n'eut jamais la possibilité de terminer sa phrase car une boule marron et parme leur foncèrent dessus. La jeune femme était plus petite qu'elle, ce qui n'était pas peu dire compte tenu de son petit mètre soixante-trois. L'épaisseur de sa chevelure parvenait toutefois à compenser les quelques centimètres qui les séparait. Elle doutait du naturel de ses boucles, mais ne put poursuivre son investigation mentale, car la fusée lui parlait et semblait attendre une réponse.
- Tu es Isabella Swan, non ? à croire qu'ils n'avaient que cette question à la bouche.
- Bella, et elle que cette réponse. Eux, elle, elle aurait pu gifler tout le monde.
- Le moins qu'on puisse dire c'est que tu soignes tes entrées ! plaisanta-t-elle. En retard comme les stars et un non-conformisme vestimentaire qui ravirait même la critique de mode la plus acérée !
- Bella avait le sentiment que la jeune femme n'avait pas l'habitude qu'on l'interrompe, que ce soit pour exprimer une opinion différente de la sienne ou opiner à ce qu'elle disait. Le jeune homme à leurs côtés devait de toute évidence penser la même chose, puisque la jeune fille, dont le nom peinait à s'enregistrer dans sa mémoire, continua son verbiage sur son nouveau sujet préféré : Bella ou l'art de ne pas être à sa place.
Au bout d'un temps qui lui parut infiniment long mais qui ne dépassa pas quelques minutes, ils furent rejoints par une autre jeune fille, qui était le parfait contraire de son amie. Châtain également, ses yeux doux exprimaient une bienveillance sincère, ce dont ne pourrait jamais se targuer sa voisine. Se rendant compte que personne ne la présenterait, et bien malgré elle, elle prit la parole avec un ton qui trahissait sa gêne et sa timidité.
- Ah euh… Salut. Je… je suis Angela Weber. Tu dois être Isabella, la fille de Mr Swan. Je suis ravie de faire ta connaissance. Désolée pour Jessica, dit-elle en désignant de la tête son amie. Disons qu'on attendait ta venue et que l'attente en a rendu plus d'un fébrile.
- Je suis Bella, ravie de vous rencontrer tous, déclara-t-elle, ne pouvant s'empêcher de rougir.
- Je n'étais pas fébrile, simplement étonnée. Tout le monde…
- Autrement dit Lauren, interjecta Angela, surprise de son propre aplomb.
- … l'a décrite comme grande, athlétique et bronzée. Bref l'archétype de la fille du Sud, continua ladite Jessica sans tenir compte de l'interruption.
- Désolée de vous décevoir, répondit Bella d'un ton pince-sans-rire.
- Ce n'est pas grave, dit Jessica non consciente de l'impolitesse de sa remarque. Tout ça pour dire qu'on ne s'attendait pas à ce que tu sois aussi exceptionnellement normale.
- Wow, merci du compliment. Il fallait que Bella s'arrête sur sa lancée, visiblement les gens du coin ne saisissaient pas le sarcasme.
- Et non contente d'être en quelque sorte la reine de la fête…
- Mais je ne suis…
- La fille de l'ambassadeur, quitté par sa femme en quête de sensations fortes… poursuivit une Jessica tout à son délire.
- Absolument pas, laissez-moi vous…
- … revient au bercail pour embrasser sa véritable identité, sans s'embarrasser des convenances ! Bref, tu avais déjà fait suffisamment d'effet comme ça, avant même ton arrivée. Et voilà que tu débarques coiffée n'importe comment, avec une tenue de fille de table ! Crois-moi, si certains ignoraient encore ton existence, tout le monde te connaît maintenant ! acheva-t-elle non sans fierté.
- Jessica, ce ne sont pas des manières. Elle vient d'arriver et je suis sûre qu'elle n'a pas eu le temps de se changer depuis son arrivée. Mais dans tous les cas, rien ne choque, elle a des cheveux normaux et une tenue normale aussi, déclara-t-elle avec un sourire d'excuse adressé à Bella.
- Comment tu peux dire ça Angie ? C'est la fille de Charles Swan, elle ne pouvait pas ne pas être au courant, assura Jessica en continuant de faire comme si elle n'existait pas.
- Peut-être que Bella est plus à l'aise en pantalon et je peux te comprendre Bella.
- Il y a un dress code à respecter. Si Bella ne l'intègre pas rapidement, il y aura des morts. Et tu sais aussi bien que moi que ça ne s'arrête pas là…
La jeune femme aurait pu continuer sur sa lancée si un homme affairé n'avait pas fait irruption parmi eux. S'il eut conscience de bousculer le jeune homme, qui attendait visiblement le bon moment pour prendre part à la conversation, et Angela, il n'en montra rien, pas plus qu'il ne s'excusa. En réalité, il n'avait d'yeux que pour Bella.
- Miss, vous n'êtes pas là pour bailler aux corneilles. Les amuse-bouche ne vont pas se distribuer tous seuls et les coupes autour sont toutes vides.
- Oui…euh…
- Allez, on se secoue, vous entretiendrez votre réseau plus tard.
- Pardonnez-moi, je pense qu'il y a un malentendu.
- Voyez-vous une autre serveuse dans les environs, hum ? Non. C'est donc bien à vous que je m'adresse.
- Je n'ai pas dit le contraire, seulement…
- Vous saviez dans quoi vous vous engagiez en postulant à l'offre, alors bougez-vous, sans quoi je n'oublierai pas votre nom, dussiez-vous repostuler pour un autre événement organisé par la résidence Swan, miss…
- Swan, monsieur.
Tandis que l'homme se confondait en bafouillages et excuses qui étaient aussi maladroites que sincères, Bella, rouge de honte, se regarda avant d'observer les serveurs, trop occupés à contenter les convives, qui parcouraient la salle pour lui accorder la moindre attention. La confusion était naturelle, tous portaient une chemise blanche, un pantalon et des chaussures noires.
Sans aller jusqu'à regretter la robe meringue, Bella reconnut avoir commis une erreur. L'univers de son père était plus guindé. Les jeans même noirs, étaient réservés aux week-ends, en l'absence d'événement tel que celui-ci. Les manières ne souffraient d'aucune imprécision ou interprétation. Les gens présentaient une façade au monde et attendaient de ceux qu'ils fréquentaient qu'ils fassent de même.
Elle ne savait pas pourquoi elle était revenue. Ce monde hostile obéissait à des règles tacites qui n'étaient connues que des autochtones. Sans eux, nul étranger ne pouvait survivre. N'entrait pas qui voulait. Autant prendre conscience de cet état de fait et commencer à élaborer un plan d'attaque. Elle ne doutait pas que ses camarades pensaient la même chose.
En réalité, Bella aurait pu se vanter d'occuper les pensées de bon nombre de convives ce soir-là. Si elle l'avait su.
Mike Newton ne pouvait pas se plaindre de sa vie. Ses parents étaient encore ensemble contrairement à beaucoup d'autres, l'acné l'avait relativement épargné, ses notes étaient plutôt correctes et il était apprécié parmi son cercle et de façon générale. L'un dans l'autre, il pouvait difficilement souhaiter davantage.
Pourtant, en voyant pour la première fois une jeune fille d'à-peu-près son âge entrer, avec l'intention plus que probable de s'incruster à cette soirée presque parfaite, il remit en cause ses certitudes. Car si Michael Newton considérait qu'il avait dans sa vie tout ce qui concourt d'ordinaire au bonheur des hommes, il lui manquait un élément. Elle. Celle sans qui il ne pouvait déambuler dans les couloirs, marcher avec ses amis, écouter ses parents, en ayant la désagréable impression de rester tout seul.
Il aspirait à partager la vie de quelqu'un en comptant pour elle. Tout en levant les yeux au ciel devant tant de mièvrerie, il ne put s'empêcher de suivre la belle inconnue du regard.
Son manque d'assurance sautait aux yeux, même pour lui qui ne la connaissait pas. En dehors de son absence totale de ponctualité, le jeune homme ne voyait pas bien ce qui pouvait lui être reproché (car non, il ne considérait pas qu'un jean et des Converse était un « fashion faux-pas » pour citer Jessica). S'il devait être franc, il était en mesure de dresser la liste de tous les éléments pour lesquels la jeune femme avait semble-t-il été envoyée par le destin, afin d'égayer la vie de son entourage et le sien. Il ne lui restait plus qu'à trouver le moyen de subtilement l'aborder.
Edward Cullen était blasé, lassé de tous et de tout. Pourquoi avait-il fallu qu'il se laisse entraîner par Alice une fois de plus ? D'aussi loin qu'il s'en souvenait, sa sœur n'avait jamais eu besoin de lui ou de leur famille pour s'éclater. Son air mutin parvenait toujours à séduire, son énergie aurait pu alimenter le monde entier tant elle semblait inépuisable, sa détermination ne souffrait d'aucun refus et si tout cela ne suffisait pas (événement ô combien catastrophique qui n'était jamais survenu jusque-là), ses talents multiples et ses charmes faisaient le reste.
Jasper avait succombé dès qu'il l'avait vue, ce qui n'était pas peu dire. Ce gentleman élevé selon des principes stricts hérités des plantations du sud (mais ayant connu des déboires dont les contours demeuraient encore étrangement flous) qui avait l'amabilité de la plus imperméable des portes de prison (pour quiconque ne le connaissait pas), n'avait pas hésité à se mettre à nu et à s'offrir à elle quand il la vit pour la première fois, son coup de foudre n'ayant échappé à personne.
Or, ce même lutin, fantasme des hommes, une fois que ceux-ci s'étaient remis du vent glacial jeté par son autre sœur, fatale à plus d'un titre, était responsable de son trépas. D'accord, la description était peut-être trop mélodramatique, même pour lui. Il ne pouvait toutefois pas voir les choses autrement.
Alice savait qu'il avait une sainte horreur des réceptions. Cela ne l'avait pas empêchée de le traîner à cette sauterie dont il n'avait eu connaissance que le soir même.
Il n'aurait pas dû être autant pris au dépourvu.
Edward Cullen pouvait en effet s'enorgueillir d'un certain nombre de choses dans la vie. Il lui était impossible de nier son succès auprès de la gente féminine (et masculine maintenant qu'il y pensait), bien qu'il n'ait donné suite à aucune tentative de la plus innocente à la plus cavalière (conduite par Naomie Pierce deux ans auparavant qui l'avait dégoûté à jamais des banana splits).
Se plaindre d'un quelconque manque de ressources, d'écoute et d'amour était hors de question. Edward Cullen ne manquait de rien. Sa famille l'avait toujours soutenu, aimé et signifié avec une patience (qui lui faisait défaut) quand il avait tort (et il se plaisait à croire que cela n'arrivait pas souvent).
À tout cela venait s'ajouter sa capacité que d'aucun pourrait qualifier de don, tandis que lui aimait à le considérer comme un super-pouvoir. Cerner les personnes n'avait ainsi aucun secret pour lui. Qu'il s'agisse de savoir s'il allait s'entendre avec quelqu'un qu'il venait de rencontrer, de deviner quelles inquiétudes l'habitaient ou quels objectifs il poursuivait, le jeune homme se fiait à sa perception, son écoute et son intuition pour dresser un portrait fidèle de son interlocuteur.
Aussi peu attrayante que cette soirée promettait d'être (elles étaient toujours ennuyeuses), elle avait cependant le mérite d'apporter de la nouveauté à ce bal des hypocrites.
Isabella Swan.
Seule sa mémoire sans faille ou presque lui avait permis de la reconnaître parmi tous ces visages ô combien habituels.
S'il remerciait déjà cette dernière d'apporter un vent de fraîcheur à leur cercle par trop restreint, il n'aurait jamais imaginé à quel point ce souffle novateur balaierait tout sur son passage.
Ses oreilles devaient saigner abondamment tant les critiques à son égard augmentaient à mesure que le champagne disparaissait des verres (pour être mieux resservi ensuite), que les tenues des convives étaient finement (et un peu moins) analysées par ces commentateurs du dimanche et que le divertissement se tarissait (la faute à cet apéritif trop copieux et succulent à la fois).
Edward aurait presque eu pitié d'elle s'il n'était pas trop occupé à maudire sa sœur pour toute l'éternité tout en essayant de fuir du regard une Tanya désinhibée (la faute au champagne trop accessible ou à la flasque que Kate prenait trop peu soin de dissimuler, il n'aurait su dire) prête à tout pour l'aborder.
Il ne pouvait certes pas nier que même à distance Isabella faisait honneur à son prénom. Ceci dit, il lui était impossible d'ignorer la maladresse qui la suivait comme une ombre et la timidité qui constituait aussi bien un rempart face à cette foule affamée en mal de scandale qu'une faiblesse qui serait sous peu utilisée contre elle. Il en fut d'autant plus persuadé en voyant une Jessica trop heureuse de remettre sa nouvelle connaissance, qui attirait trop l'attention (comprendre masculine) à son goût, à sa place.
Il se demandait quand celle-ci prendrait la peine de lui expliquer le fonctionnement du lycée. S'il s'était écouté, il aurait mis fin aux cercles depuis longtemps mais alors, il aurait eu ses sœurs et l'ensemble des bénéficiaires de cette société miniature sur le dos.
Supporter Alice était déjà assez difficile comme cela quand elle avait une idée en tête, ajoutez une Rosalie pas peu fière de siéger en reine, qui l'écharperait volontiers pour avoir le projet d'en terminer avec ces castes, et vous obtenez un cocktail explosif dont il n'était pas sûr de sortir vivant, remettant de fait en cause l'existence de son manuel sobrement intitulé : « Comment survivre quand on a l'infortune de compter Alice et Rosalie Cullen dans sa fratrie ».
Déglutissant avec peine en imaginant sa torture éventuelle (persuadé comme il était que Rosalie manquait de beaucoup de choses à commencer par le plus élémentaire des tacts mais certainement pas d'imagination), il ne put empêcher son regard de revenir sur l'énigme Swan.
Semblant lui répondre, les yeux de la jeune femme rencontrèrent les siens avant de s'en soustraire, gênés, pour mieux les recroiser ensuite. Il la vit le détailler, rougir, avant de se tourner vers sa voisine, vraisemblablement déterminée à lui poser la question fatidique s'il se fiait au regard aussi vif que précis que lui jeta Jessica avant de fixer toute son attention sur son interlocutrice.
Elle lui narra avec la force de l'habitude l'histoire familiale dans les grandes lignes. Elle ne perdit pas de temps au contraire, s'il en jugeait par les rapides coups d'œil qu'Isabella jeta tour à tour à chacun des membres de sa famille. Nul doute que Jessica insisterait sur l'énorme (ses mots, pas les siens) fortune du clan Cullen, ce qui justifiait en partie le traitement privilégié qu'ils recevaient à Olympic High (les Cullen pouvaient aussi se vanter d'être leur plus grand contributeur) quand ils ne brillaient pas par leur attitude exemplaire. Qu'elle s'étonne encore de sa froideur à son égard le dépassait.
Que sa voisine l'observe sans convoitise ou intérêt d'aucune sorte par contre était à la fois inédit et bienvenu. L'arrivée de la fille prodigue était visiblement de bon augure.
En y repensant plus tard, Bella se dit qu'à bien des égards la soirée aurait pu être pire. Son père avait considéré avec dédain sa tenue avant de lever les yeux au ciel, comme résigné. Elle avait pu rencontrer quelques camarades dont certains avec lesquels elle était sûre de s'entendre et la famille Cullen n'avait pas fini de l'intriguer.
Jessica lui avait présenté ses membres un par un en insistant sur les détails qui lui semblaient dignes d'intérêt (les enfants Cullen étaient tous adoptés, l'union de Mr et Mrs Cullen était encore récente et donc fragile, tous étaient affreusement riches, tous les enfants étaient ensemble à l'exception d'Edward, heureux célibataire et objet de toutes les convoitises) même si Bella n'avait retenu que la partie consacrée à Edward.
Elle se souvenait avec une précision redoutable du moment où son regard croisa le sien.
Sans doute avait-il deviné qu'elles parlaient de lui car aussitôt que Jessica commença sa récitation (qui semblait avoir été apprise par cœur) à propos des Cullen, il tourna la tête dans leur direction et lui adressa un coup d'œil intrigué, comme s'il n'arrivait pas à la cerner, qui se transforma bien vite en indifférence.
Et une joyeuse rentrée à tous, pensa-t-elle.
Elle ne se souvenait pas avoir jamais vécu une aussi horrible rentrée, pas qu'elle ait beaucoup de points de comparaison. Peu importe.
Le reste de son week-end s'était bien passé. Charlie n'avait invité personne d'autre, Millie l'avait gavée de tant de douceurs qu'elle n'était pas sûre de pouvoir manger autre chose que ses bons petits plats à l'avenir et elle avait pu entrer en contact avec le service d'accueil étudiant, tant et si bien qu'elle n'aurait pas trop l'impression de prendre un train en marche.
Ce n'était pas faute de s'être répétée ces éléments rassurants comme un mantra. Dieu seul savait qu'elle se les était répétée suffisamment (quand la panique la gagnait) ces deux derniers jours (infiniment longs et courts si on lui demandait son avis) au point de douter être jamais capable de penser à autre chose, rien n'y avait fait.
La veille, elle avait dormi d'un sommeil agité quand elle n'était pas restée dans son lit les yeux ouverts, en proie à une nervosité monstrueuse.
Voyant le jour se lever, elle décida qu'il était temps d'affronter le lycée et sortit du lit sans vérifier l'heure (le chant du rouge-gorge fut suffisant pour lui faire comprendre qu'il était affreusement tôt).
Sa douche fut volontairement longue et embrumée. Elle en ressortit légèrement détendue.
Les céréales, le chocolat, qu'importe ce qu'elle mangeait, tout avait un horrible goût de carton. Ce qu'elle parvint à avaler lui tomba immédiatement au fond de l'estomac, pareil à une pierre.
N'ayant rien d'autre à faire dans sa nouvelle maison, Bella se dit qu'il était temps de franchir les portes de l'enfer.
À bien y réfléchir, la jeune femme admit à contrecœur que la position de son père lui avait évité bien des déconvenues en ce jour honni. Elle pouvait ainsi compter sur George pour la déposer et la rechercher au lycée. Elle n'osait imaginer ce qu'il se serait passé si elle avait dû se fier à son sens aigu, discutable et somme toute très personnel de l'orientation. La soirée de son père lui avait permis de rencontrer une partie de ses futurs camarades. Elle ne serait donc pas regardée comme une bête curieuse, du moins elle l'espérait. Enfin son père avait joué de ses relations pour qu'elle mette la main sur un plan du lycée. Elle l'avait mémorisé, gravant plus particulièrement dans sa mémoire tous les chemins relativement peu connus (quand ils l'étaient) qui lui permettraient d'accéder à ses salles de cours sans être happée par la foule, ce qui lui serait plus qu'utile en cette première journée.
George ne l'autorisa à sortir que lorsqu'il fut sûr que le lycée était ouvert. Il profita de leur temps seul à seule pour la régaler de ragots et l'informer de tout ce qu'elle avait pu manquer quand elle était à Phoenix. Elle qui avait eu peur que leur relation pâtisse du fait de son éloignement, fut toute à sa joie en constatant qu'il n'en était rien.
Olympic High était de ces lycées qui ne rougissait pas d'accueillir l'élite dorée de Manhattan. Elle aurait été bien en peine de le cacher tant les chauffeurs des élèves, leur tenue et le mobilier riche et soigneusement astiqué criaient l'argent.
Rompue à cet univers avec lequel elle partageait en réalité bien peu de choses, Bella n'y prêta pas attention, trop occupée à maudire George et son respect des horaires tout en se rappelant son chemin, afin de ne pas avoir à sortir son plan à tout bout de champ (autant accrocher une pancarte « nouvelle » dans le dos), et en regardant où elle marchait pour ne pas tomber et éviter le ridicule encore quelques minutes supplémentaires. Ce ne fut pas sans difficulté tant elle sentait les regards braqués sur elle.
Tâchant de respirer, elle monta les marches menant au bâtiment principal. Son cerveau avait visiblement enclenché le mode automatique.
Elle se souvint du sourire engageant d'une élève mais avait oublié ce qu'elle lui avait dit, du même que le chemin emprunté pour se rendre à son premier cours de la journée.
Elle avait beau avoir lu la majeure partie des œuvres au programme, elle n'en était pas moins curieuse devant la possibilité d'étudier ces œuvres classiques sous un autre angle. Elle focalisa ses pensées sur ce sujet neutre une bonne partie de la matinée, de peur de s'attarder sur son arrivée remarquée dans chaque salle de classe ou de se remémorer sa présentation catastrophique au début du cours de mathématiques (si ses yeux avaient été des mitraillettes, Mr Varner, son professeur, serait tombé raide mort). Elle se serait franchement passée de ce gain d'attention supplémentaire.
Au moins Mr Varner lui fournit une distraction bienvenue. Elle devait réfléchir au meilleur moyen de se débarrasser du corps.
Elle reconnut quelques visages de la réception parmi lesquels le garçon boutonneux qui n'avait jamais pu terminer sa présentation (quel veinard) et la boule d'énergie (dont elle ne se rappelait toujours pas le nom).
Elle s'essaya à la diplomatie, le regretta avant de conclure que ce don ne devait pas être héréditaire. Elle se résigna alors à procéder de la même façon qu'à son arrivée en opinant du bonnet à tout ce que ses interlocuteurs disaient, renonçant de fait à prendre une part active dans la conversation.
Bella avait beau savoir que les clans étaient à l'œuvre dans tout bon réfectoire de lycée qui se respectait, elle se dit néanmoins que le respect des conventions avait peut-être été poussé un peu loin.
Si d'ordinaire chaque groupe avait sa table attitrée (à charge pour les petits nouveaux comme elle d'aller se faire oublier ailleurs), là, l'espace de la cantine avait subdivisé en cinq parties dont le fonctionnement aussi bien que les règles lui échappaient.
La jeune femme se trouvait dans l'un des espaces les plus éloignés des fenêtres, proche des cuisines. L'espace adjacent était encore moins bien loti car le couloir pour y accéder menait aux toilettes et aux poubelles.
Elle passa mentalement en revue toutes les connaissances glanées sur son nouveau lycée et dut bien vite reconnaître sa défaite. Rien ni personne ne l'avait préparée à cela. Le service d'accueil étudiant en entendrait parler, tout comme son père.
Mais ses envies de meurtre devaient attendre. Si elle voulait apprendre le code de conduite (dans le vain espoir de survivre à ses années lycée), autant s'y mettre le plus tôt possible.
Si tout son environnement empestait l'argent, elle pouvait malgré tout discerner quelques différences.
Le groupe du centre était vraisemblablement le plus important. Il avait beau compter le moins de membres, quatre en tout et pour tout, il émanait d'eux un savant mélange de puissance, tantôt insolente tantôt ignorée, et de sérénité comme seuls peuvent se le permettre ceux conscients de disposer de toutes les cartes.
Le groupe fut bientôt rejoint par un jeune homme aux cheveux cuivrés. Edward. Si son cerveau n'avait pas reconnu le visage de ses frères et sœurs, il n'avait pu oublier le sien. Tous étaient magnifiques, au point de faire complexer les acteurs et mannequins les plus beaux. Edward se situait un cran au-dessus de la mêlée cependant. Était-ce dû à sa chevelure indomptable qui criait le sexe, à son sourire en coin ou à ses traits parfaitement sculptés ? Elle n'aurait su dire.
Refusant d'être cataloguée stalkeuse dès son premier jour, elle abandonna à regret sa merveilleuse contemplation et observa le groupe situé à leur droite.
Si les Cullen étaient beaux, eux n'étaient pas en reste même s'ils étaient en tout point différents. Leur bronzage pour commencer contrastait avec la blancheur des Cullen.
Leur attitude brillait également par sa diversité. Tandis qu'un jeune homme avait la mine sévère, un autre, qui lui rappelait vaguement quelqu'un, arborait fièrement un sourire Colgate et riait franchement à une blague racontée par un troisième. Ce dernier l'aperçut et profita d'avoir son attention pour lui adresser un clin d'œil et un sourire qui lui promettait mille et une choses, que son cerveau encore innocent n'était pas sûr de saisir complètement, qui la firent frissonner. Les autres (un qui riait à gorge déployée, une femme qui avait l'air de se demander ce qu'elle fichait là et les trois derniers qui semblaient se battre pour la dernière portion de frites) n'avaient pas réalisé qu'ils étaient épiés tant et si bien qu'elle les laissa tranquilles, portant son regard de l'autre côté des Cullen.
Elle avait visiblement surestimé l'effectif du lycée car elle se retrouva face à un groupe de trois filles. Celles-ci devaient être apparentées si elle se fiait à leur blondeur pâle et à leurs traits délicats. Bella devait s'être trompée dans l'attribution des rôles. Alors que la table à sa gauche suintait l'exubérance et l'enthousiasme, et que celle du centre misait sur une noble réserve, celle de droite n'aurait pu être qualifiée autrement que comme royale. Les trois jeunes femmes ne pouvaient regarder plus haut ni s'embarrasser davantage à jeter de temps à autre un coup d'œil dédaigneux aux gens du commun, sur lesquels elles pensaient sans doute régner et qui occupaient les sièges restants, autrement dit les trois-quarts que comptait encore la salle.
Les murmures qu'elle percevait ne cherchaient pas à remettre en cause l'ordre établi en évoquant le mot honni en R, mais se concentraient sur elle, encore et toujours. Quand ce n'était pas l'histoire de sa vie (préalablement expurgée de tous les éléments jugés ennuyeux), la jeune femme devait faire face à des questionnements dignes de romans de gare et de séries bidons.
Levant les yeux au ciel, elle ferma les écoutilles et se dirigea maladroitement vers l'une des cantinières. Ayant constaté avec ravissement que les standards de la cafétéria pouvaient rivaliser avec ceux de Millie, Bella, qui avait opté pour une salade pour plus de sécurité, se dirigea vers les desserts.
Ayant fait son choix, elle tendit la main avant de se figer. Une autre main s'était posée sur son moelleux au chocolat. Refusant de croiser le regard de l'autre, les deux étudiants se répandirent en excuses et gestes de mains avant se tourner vers un autre dessert tout aussi gourmand et de repartir chacun de leur côté.
La jeune femme ne se rendit pas immédiatement compte de l'attention qu'elle avait suscitée. Ce ne fut qu'une fois assise qu'elle réalisa que les conversations s'étaient tues.
- Jessica toujours prompte à exprimer tout haut ce que les autres pensaient tout bas s'écria :
- Bella, tu peux me dire ce qui t'a pris ?
- Quoi, pour le dessert ? Je me fiche de ces histoires de calories. Si c'est bon, je le mange.
- Non, Bella, non, soupira-t-elle agacée. À qui parlais-tu ?
- Euh… aucune idée. J'étais gênée et je ne l'ai pas bien regardé. Pourquoi ?
- Bella, Bella, Bella… soupira-t-elle à nouveau en secouant la tête. Tu ne peux pas parler à tout le monde.
- Et pourquoi pas ?
- Parce qu'il n'est pas comme nous.
- Nous qui ? Ôtez-moi d'un doute, on est encore citoyens américains ou aurais-je sans le savoir atterri dans un univers parallèle ?
- Bien sûr que non, tu es bête. Quand je disais nous, je parlais des Crépuscules bien entendu, clarifia-t-elle sur un ton d'évidence.
- Vous ne m'aviez pas frappée comme étant des adeptes du gothique. Si c'est votre truc tant mieux, mais ce n'est pas le mien.
- Non Bella. Crépuscule comme dans le cercle du Crépuscule, articula-t-elle comme si elle s'adressait à une demeurée.
- Ooook, auriez-vous fondé une secte sans m'en parler ? Est-ce pour cette raison que les frais de scolarité sont si élevés ?
- Bella, soupira pour la troisième fois Jessica en se pinçant le nez. Que sais-tu à propos de notre lycée ?
- Pas grand-chose, confia-t-elle gênée en remarquant que toute l'attention était focalisée sur elle seule. On aurait pu entendre une mouche voler.
- D'accord. Eh bien, pour faire simple, le fonctionnement de la cafète est une assez bonne représentation des règles en place à Olympic High. Tu te rappelles des Cullen ? elle acquiesça. Ils se trouvent au centre car ils gouvernent pour ainsi dire les étudiants. Ils appartiennent au cercle de la Nouvelle Lune et sont l'équivalent d'une famille royale, avec le strass et les paillettes, le scandale en moins. Ils sont pour ainsi dire excellents dans tous les domaines et comme ils sont de très généreux donateurs, leur immunité est totale. Ils ont un accès illimité à tous les bâtiments et ne sont jamais collés (comme si on pouvait leur reprocher quelque chose ! plaisanta-t-elle). Leur avis fait figure de parole d'évangile pour nous, pauvres plébéiens. Leur réputation n'a jamais été écornée et il serait souhaitable qu'elle demeure intacte. Ce qui te les rend de fait totalement inaccessibles.
- Et pourquoi donc ?
- Tu n'as pas entendu un traître mot de ce que je viens de dire ?
- Si, ils sont riches et merveilleux et je suis sûre qu'ils sèment des paillettes et des pétales de rose partout où ils vont, railla-t-elle. Mais ça n'explique pas pourquoi ils sont inaccessibles.
- Parce que c'est comme ça, d'aussi loin que je m'en souvienne. Le dernier à s'y être essayé s'appelait Hayden ou Henry… Bref, on n'a plus jamais entendu parler de lui ensuite.
- Qu'est-ce qu'il avait fait ?
- Je ne me rappelle plus très bien.
- Et les autres groupes ? Et nous ? On se situe où dans l'échelle sociale d'Olympic ?
- J'y viens. Juste en dessous des Nouvelles Lunes, on trouve les Éclipses. Ils sont bons globalement partout mais n'ont pas les mêmes facilités que les Cullen. Ils ont par exemple déjà été collés. Enfin, un l'a été, corrigea-t-elle en désignant du menton le jeune homme au sourire narquois.
- Qu'est-ce qu'il avait fait pour mériter une retenue ?
- Comme toujours dès qu'il s'agit de Paul. Pour débauche. L'un des profs l'a surpris en train de jouer au docteur avec une troisième dans une classe.
- Bleurk.
- Il était en quatrième.
- Double bleurk. C'est donc un fonctionnement antérieur au lycée ?
- Oui, nous avons pour tout dire fait presque toute notre scolarité ensemble. Pour en revenir à nos moutons, leur avis sera écouté mais pas forcément suivi à la lettre, si tu vois ce que je veux dire. Ils sont en rivalité permanente avec les Nouvelles Lunes mais si tu me demandes mon avis, je pense qu'ils cherchent juste à savoir qui a la plus grosse.
- Oooook. Et les filles là-bas ?
- Elles font partie du cercle de l'Aube. Les Denali n'ont pas à proprement parler d'aptitude spécifique. Elles n'ont eu le droit à un cercle spécifique que (parce qu'elles ont soûlé pour l'avoir, chuchota-t-elle) parce qu'elles entretiennent d'excellentes relations avec les deux précédents groupes. Méfie-toi d'elles, c'est un conseil. Elles ont la fâcheuse tendance à étaler trop de pommade quand elles visent quelque chose ou quelqu'un. Si tu te laisses embobiner, elles seront sans pitié avec toi. Et tu n'as pas envie de finir comme Katie Mitchell.
- Qui ?
- Exactement.
- Et nous ? On vient après ?
- Tout à fait. Pour être honnête, on ne sait pas comment on en est arrivé là mais on y est, on y reste. J'aime autant te dire qu'on n'a aucune chance de se hisser aux cercles supérieurs mais cela ne nous empêche pas d'être au-dessus de la mêlée, elle désigna le groupe le plus nombreux près des poubelles. En tant que Crépuscules, on est déjà content que les Nouvelles Lunes et les Éclipses se souviennent de nos noms… enfin la plupart du temps.
- Et eux ? Quel est leur nom ? demanda-t-elle en désignant le groupe plus discrètement que sa voisine.
- Ils font partie des cercles inférieurs, même si j'aime à les considérer comme le mouvement Nuit et Brouillard. Ils se demandent encore aujourd'hui ce qu'ils ont fait pour mériter ça (et nous aussi), pour être relégués à ce tiers-état qui n'en porte pas le nom. Mais bon, ils se consolent comme ils peuvent, en mangeant beaucoup de cookies et en commérant à tout va. Vive la technologie, acheva-t-elle en feignant l'enthousiasme.
- Donc il vaut mieux ne pas se les mettre à dos non plus, si je comprends bien.
- Pas vraiment non.
- Alors pourquoi avoir crié au scandale tout à l'heure ?
- Parce qu'ils peuvent ragoter et commérer comme ils veulent, ils restent des membres du tiers-état. Ce qu'ils disent a un impact sur la toile oui, mais ne sera jamais vraiment pris au sérieux ici, enfin pas au-delà d'un certain point quoi.
- Tu sais que tu aurais pu tout aussi bien me dire que les groupes ne se mélangeaient pas et que je ne devais rester qu'avec vous.
- Ça n'aurait pas suffi Bella. Tu oublies où on se trouve. OH est l'un des meilleurs lycées de la ville. Grâce à lui, tu es presque sûre de décrocher une place dans une université de prestige, celle que tu souhaites. C'est un lycée d'élite. Un comportement et une attitude exemplaires sont attendus de chacun et chacune d'entre nous. Si tu ne te plies pas aux règles, t'es morte.
- Et quelles sont-elles ? Je ne pense pas qu'il te reste un guide « L'Art et la manière de ne pas se faire descendre dans cette mini société inégale et injuste qu'est Olympic High », sous la main.
- Non, mais un guide qui rappelle les règles les plus élémentaires de savoir-vivre en condensant ce qui a jamais pu être écrit sur le sujet, si. Tiens.
Bella n'en crut pas ses yeux. Olympic High avait une mini cour royale où n'entrait pas qui voulait et dont les courtisans préféraient se balader avec des pavés sur les bonnes manières plutôt qu'avec leurs manuels scolaires. Le monde à l'envers.
Le déjeuner, empli de plats délicieux et de révélations croustillantes, avait filé à toute vitesse. Avant même qu'elle ne s'en rende compte, la jeune femme parcourut de nouveau les couloirs de cet étrange établissement scolaire qui ne s'était toujours pas affranchi de cette forme nouvelle de servitude, cette monarchie 2.0. à laquelle tous ses camarades obéissaient sans brancher, sans avoir l'espoir de jamais réussir à se hisser au-dessus de leur rang.
Elle n'osa imaginer à quoi s'étaient risqués ses camarades pour inverser la tendance et accéder à un meilleur statut. De même, elle préféra ignorer la sentence qui ne s'était certainement pas manqué de suivre.
Angela la suivait en silence, sentant sans doute qu'elle en avait besoin pour faire le tri dans ses pensées. C'est ensemble qu'elles gagnèrent le cours de biologie.
Privilèges ou non, toutes les castes se confondaient en classe. Elle n'y avait pas accordé trop de considération mais, cercles ou non, elle avait la chance (tout dépendait du point de vue) de partager chacun de ses cours avec un membre ou plus des instances supérieures.
Apparemment l'enfer ne s'embarrassait pas de cérémonie, pas plus qu'il ne tenait compte des classes sociales.
Elle qui pensait que le cours de maths de Mr Varner était son enfer personnel, fut contrainte de reconsidérer sa position en apprenant que le sport était obligatoire jusqu'au diplôme à Olympic High (comme si ce n'était pas déjà du sport d'éviter de se vautrer à chaque pas) et qu'elle avait la bonne fortune de partager son cours de biologie avancée avec nul autre qu'Edward Cullen en personne. Et il fallait que le seul siège libre se trouvasse à côté de lui.
Les Parques aimaient visiblement s'amuser à ses dépens.
Mr Banner était de loin l'enseignant qu'elle préférait. Il ne l'avait pas regardée comme une bête curieuse, avait pris sans un mot sa fiche pour la journée et lui avait désigné le siège maudit qui serait le sien jusqu'à la fin de l'année.
Le cours avait beau être de la biologie avancée, Bella se rendit rapidement compte qu'elle avait déjà étudié tout ce qui avait été vu ou était au programme cette année.
Ce qu'elle n'avait en revanche pas prévu c'était l'obligation pour tous les élèves de former un binôme. Une étude récente d'un obscur docteur en psychologie aurait démontré l'efficacité de l'interstimulation et de la synergie dans le travail et le processus de mémorisation des élèves. Beaucoup de blabla pour ne pas avoir à dire « on sait ce qui est bon pour vous et de notre temps, les jeunes ne passaient pas autant de temps devant leurs écrans et cassaient par conséquent moins de matériel faute d'inattention ».
La chance avait de toute évidence quitté le navire Bella.
Comment éviter de lui parler si elle y était contrainte et forcée ?
Ce cours fut autant un calvaire que le paradis. De sa position privilégiée, Bella pouvait l'observer à loisir (et bien se rincer l'œil au passage) et constater qu'il l'ignorait superbement. S'il n'avait pas serré les poings, faisant ressortir sa musculature au passage (non pas qu'elle le fixait non monsieur), elle aurait presque pu croire qu'il doutait de son existence.
Le cours marquant le début d'un nouveau chapitre, elle n'aurait pas à lui adresser la parole avant la semaine suivante.
À la fin du cours, qui arriva un peu trop vite à son goût, un jeune homme blond au visage encore poupin, se présenta à sa paillasse et l'aborda :
- Tu es Isabella Swan, c'est ça ?
- Bella.
- Enchanté de faire ta connaissance Bella, je suis Mike Newton.
- Ravie de te connaître Mike.
- Encore en vie ? Comment s'est passée ta première journée jusque-là ?
- Bien, j'ai beaucoup de choses à apprendre mais les défis ne me font pas peur ! rit-elle.
- Oui, OH peut sembler difficile à cerner à première vue mais tu verras, tu t'y feras en un rien de temps, répondit-il avec assurance.
- Si Jessica me prête son manuel, peut-être plus vite encore que prévu.
- Je pense que tu connais déjà l'essentiel. Si jamais tu as besoin d'aide pour naviguer dans les méandres du lycée, je suis ton homme ! il feignit alors de se frapper la poitrine, l'air sérieux sans que son sourire ne trompe personne.
- C'est gentil, merci.
- Je dois par contre t'avouer être curieux de la manière dont tu vas gérer ton binôme.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce qu'on ne peut pas parler aux instances suprêmes. Or, vous allez devoir convenir d'un certain nombre de points ensemble.
- Comment font les autres ?
- Ils ne font pas. Les Cullen sont toujours ensemble Bella. Tu es la première non-membre de leur cercle invitée…
- Ou forcée, renchérit-elle.
- … à te joindre eux, conclut-il en souriant. Et vu comment Cullen serrait tout ce qui lui passait sous la main pendant le cours, ça promet.
- Ah… oui.
- Oui on avait l'impression que tu lui avais planté un truc dans la main ou je ne sais pas.
- Il n'est pas aussi tendu d'habitude ?
- Non, d'habitude il a une tête de dépressif « romantique », il mima avec soin les guillemets. Les filles n'en peuvent plus (certains types non plus d'ailleurs), alors qu'il les regarde comme de la merde.
- Mmm.
- Bref il était plus coincé que d'ordinaire. Alors que je ne sais pas moi, mais si je t'avais eue pour voisine, je t'aurais parlé quoi. Olivia, ma partenaire qui a ma tête en horreur, est ma partenaire de labo depuis le début de l'année et à voir sa tête quand elle me voit, t'as l'impression que ça fait 100 ans qu'elle me supporte la pauvre.
Cette réplique eut le mérite de la faire rire franchement, tout en faisant sourire le jeune homme. Cette journée ne pouvait pas être meilleure.
Apprenant qu'ils partageaient également le cours de sport, c'est tout naturellement qu'ils se dirigèrent ensemble vers le gymnase.
Ce dernier ne manquait de rien. En réalité, il avait beau être gigantesque (si on lui demandait son avis, ce genre d'endroit occupait de toute façon trop d'espace), il peinait à contenir l'ensemble des équipements nécessaires à la pratique d'une activité physique régulière.
En chemin, Mike la régala d'histoires toutes plus drôles les unes que les autres et fut en mesure d'apaiser quelque peu son mal du pays en lui confiant être originaire de la Californie.
Avec dépit il finit par la quitter, gagnant les vestiaires à reculon.
Bella rejoignit ceux des filles la mort dans l'âme. Il ne lui restait plus qu'à prier pour qu'il y ait des activités solitaires durant lesquelles sa maladresse légendaire pourrait rester en veille.
Et quelque part, là-haut ou ailleurs, quelqu'un l'avait entendue.
Si le sport était obligatoire à Olympic High, les équipements présents devaient assurer que chacun y trouve son compte, pourvu qu'il respecte l'objectif visé et progresse.
Elle s'astreignit donc à la course, à charge pour elle de faire attention à l'endroit où elle mettait les pieds.
Dire qu'elle avait évité la catastrophe aurait été exagéré, puisqu'il avait évidemment fallu qu'elle se prenne les pieds sur le terrain parfaitement car artificiellement plat du stade et réussisse à entraîner un joueur de foot et leur professeure qui passait par là (pourquoi s'arrêter à une seule personne, autant viser la perfection) en un seul swing. Elle avait cependant connu pire (sa professeure de danse classique suivait encore un plan de protection des témoins).
Sereine et satisfaite d'avoir terminé sa journée, elle s'attendait pas à trouver le Mr Colgate de tout à l'heure au sortir du gymnase.
Le jeune homme était le parangon de la classe décontractée. Dos et pied au mur, il passait pour détendu sans être avachi.
Tournant la tête en entendant la porte s'ouvrir, il arbora une moue savamment étudiée qui disparut sitôt qu'il réalisa qui il avait en face de lui. Il ne perdit pas de temps et la rejoignit.
- Tu es Isabella Swan, c'est ça ?
- Bella, bon sang elle ne s'en sortirait jamais de cette présentation/correction.
- Je m'appelle Jacob Black.
- Black ? Aurais-tu un lien de parenté avec Billy Black ?
- Ton père est le meilleur ami du mien, confirma-t-il.
- Je devrais me souvenir de toi, affirma-t-elle en fronçant légèrement les sourcils.
- C'est parce que je suis le plus jeune et que tu n'as passé du temps qu'avec mes sœurs.
- Rachel et Rebecca ! la mémoire lui revint soudain. Elles vont bien ?
- Rachel étudie à Washington et Rebecca est mariée et vit aux Samoa.
- Wow.
- À qui le dis-tu.
- Mais j'y pense, ne prends pas mal ce que je vais te dire hein, mais n'y a-t-il pas un pacte, code, quelque chose qui nous empêche de nous adresser la parole ?
- Ha, ha, ha, non. Ça ne vaut que pour leurs altesses royales. Et quand bien même, il y a une exception pour les amis de la famille, dit-il avec un sourire entendu, qui eut le mérite de la détendre.
- Ah d'accord.
- Comment s'est passée ta première journée ? Tu as survécu, c'est déjà ça de gagné !
- Ça va, beaucoup de choses à digérer mais au moins, ce premier jour est passé.
- On eut dit deux vieux amis qui prenaient des nouvelles l'un de l'autre et non deux personnes qui venaient de se rencontrer. Jacob était de ces personnes à la bonne humeur contagieuse et permanente qu'on était toujours heureux de retrouver.
- Le plus dur est passé. Tant que tu te tiens éloignée de Leurs Majestés, il ne t'arrivera rien.
- Et si, par malheur, je me tenais trop près de leur lumière, qu'est-ce qui se passerait ? J'aurais un carton rouge, une provocation en duel, quoi ?
- Rien d'aussi dramatique j'en ai peur, mais Blondie sait se montrer extrêmement pénible si elle t'a dans le nez.
- Quelle jolie tournure.
- N'est-ce pas ? Je ne voulais pas choquer tes chastes oreilles.
- Monsieur est trop bon.
- C'est un fardeau qu'il me faut porter chaque jour, il soupira alors dramatiquement comme s'il était en peine.
- À chacun sa croix.
- Madame est trop sage.
- Oui, je ne sais pas comment je fais au quotidien, soupira-t-elle faisant mine de s'éponger le front de difficulté.
Edward aurait pu tuer quelqu'un.
Rosalie avait insisté pour qu'ils se tiennent éloignés de tout le monde et en particulier de la nouvelle. « Ce n'est pas bon pour notre image » avait-elle affirmé. La blague.
Ils étaient restés au beau milieu du réfectoire, dieu ce qu'il avait horreur de ça, à ne rien dire et ne rien faire, pareils à des statues de sel alors que l'envie de trucider Tanya le démangeait (comment faisait-elle pour ne pas se rendre compte qu'elle le reluquait tellement que ça en devenait gênant ?). Sa sœur aussi maintenant qu'il y pensait (peut-être qu'il devrait consulter), et les Éclipses, pour être toujours parfaits, souriants et bronzés (vive ses gènes de rouquin, que la vie était injuste).
Peut-être exagérait-il un peu mais il préférait mille fois penser à ses pulsions sanguinaires plutôt qu'à la nouvelle.
Elle ne cessait de l'étonner. Ainsi donc, elle n'était pas au courant des stupides règles de ses sœurs.
Habitué à suivre seul ses cours, ses frères et sœurs suivant d'autres options, il était également rompu aux travaux en binôme faits tout seul, dans des classes en nombres impairs et composées uniquement de cercles inférieurs.
Et voilà qu'elle débarquait et chamboulait toutes ses habitudes et certitudes.
Elle avait un quelque chose, un je-ne-sais-quoi qui l'attirait et lui donnait envie d'en savoir plus sur elle. Or, à cause de Rosalie, il était séparé d'elle par un mur invisible qui la conduirait indubitablement à se rapprocher des gens de son cercle. Des gens de son monde.
Comme ce satané Newton ou l'autre qui avait un prénom en E. Edmund ? Everett ?
Sa prestation pendant sa leçon de musique avait été à la hauteur de son humeur du moment. Horrible.
S'il s'imaginait se détendre en allant au gymnase, il fut rapidement détrompé.
De tous les élèves que comptait OH, il avait fallu qu'il tombe sur elle avec le fils Black. Ce gars semblait sortir tout droit d'une publicité pour shampoing ou dentifrice.
Et visiblement monsieur avait à cœur d'apparaître dans tous ses espaces de relaxation. D'abord en salle de musique (forcément, monsieur avait choisi la guitare, piège à femmes par excellence et était plutôt bon, grrr). Puis il avait commencé à fréquenter la salle de gym (comme si monsieur muscles avait besoin d'augmenter ses tablettes de chocolat ou ses biceps) et Edward avait pu dire adieu à son dernier refuge.
Et voilà qu'il en remettait une couche en adressant la parole à Bella (pas qu'il ait écouté aux portes, non m'sieur) ! Cette journée ne pouvait décemment pas être pire.
C'est alors qu'il vit les jeunes gens se taquiner comme de vieilles connaissances.
Et puis quoi encore ? Là-dessus, ils rigolèrent tandis que le pauvre spectateur qu'il était se retenait de pousser un soupir excédé et de lever les yeux au ciel.
Black et sa bande, vraiment quelle plaie !
La journée se termina mieux qu'elle n'avait commencé pour Bella. Jacob était de ces personnes qu'il était toujours bon de compter parmi ses amis.
Alors qu'elle s'apprêtait à retrouver George, sa vision fut momentanément bloquée par une chevelure d'un blond vénitien et artificiellement (quoique parfaitement) bouclée. La jeune femme qui se tenait devant elle était ravissante. Face à elle, elle n'avait aucune chance.
Si son interlocutrice en avait conscience, sa démarche assurée ne faisant pas le moindre doute, elle gardait un visage affable, presque cordial.
- Tu es Bella Swan, je me trompe ? Je n'ai pas eu l'occasion de me présenter. Je suis Tanya Denali, ravie de faire ta connaissance.
- De même. Bella ne pouvait s'empêcher d'être mal à l'aise, la description qu'en avait fait Jessica lui revenant à l'esprit.
- J'espère que tu as pu trouver tes marques. Pour avoir changé de nombreuses fois d'établissements, je sais que ce n'est pas évident. Sa compassion semblait sincère.
- Oui… euh, j'ai de la chance de tomber sur les bonnes personnes. Elles m'ont expliqué ce qu'il y avait à savoir.
- Oui, la fille Stanley et le garçon Newton n'est-ce pas ?
- Oui.
- Ce n'est pas tous les jours que la fille de l'ambassadeur arrive à Olympic High ! rit-elle. Le moins qu'on puisse dire c'est que tu attires les foules ! Yorkie, Newton, Black et il m'a semblé qu'Edward, son prénom fut prononcé avec tant de miel et de sensualité que Bella ne put s'empêcher de rougir, avait plus d'une fois jeté un coup d'œil dans ta direction. Son ton avait beau ne pas être accusateur pour un sou, la jeune femme perçut malgré tout son insinuation. Le mot alerte, résonna dans un coin de son cerveau.
- Ah, fut cependant tout ce qu'elle trouva à lui répondre. Elle aurait pu se gifler.
- Oui et voilà que Jake, le miel était toujours présent mais de façon plus subtile, comme s'il avait déjà été goûté, se met à te parler. Si ta réputation de femme à hommes ne nous était pas parvenue jusque-là, crois bien que cette situation ne va pas durer.
- Je ne suis pas sûre de comprendre ce que j'ai bien pu te faire pour que tu insinues ce genre de choses.
- Mais absolument rien Bella chérie ! la douceur n'était plus mielleuse et la fit grimacer. Il n'y a rien et rien ne se passera puisque tu resteras une gentille fille. Comment dit-on déjà ? Sois belle et tais-toi. Quoi qu'à bien y réfléchir, il va y avoir du boulot, ajouta-t-elle en la toisant du regard. C'est entendu donc. Tu seras un amour en gardant tes distances avec les Nouvelles Lunes et les Éclipses et je te promets en retour des années lycée paisibles, pleines d'ennui et de morosité. Somme toute ce que tu sembles apprécier Bella chérie, elle grinça des dents, plus jamais elle ne pourrait entendre ce surnom affectueux sans redouter ce qui suivrait. Mais s'il te venait l'idée de t'opposer à moi, sois sûre que tu y laisserais plus que quelques plumes ma douce, ses yeux brillaient d'une lueur menaçante tant et si bien que Bella la crut sur parole. Ne me laisse pas te retenir ma chérie, bonne soirée !
Bella ne sut jamais comment elle rejoignit la voiture, pas plus qu'elle ne se souvint de la conversation sur le chemin du retour. Son esprit était embrumé. L'euphémisme du siècle. Elle qui pensait que sa journée s'était déroulée sans anicroche, dut reconnaître son erreur. Elle devait reconsidérer ses rencontres et apprendre par cœur ce fichu manuel que Jessica lui avait prêté avant qu'elle ne gagne la sortie (« tu en auras plus besoin que moi » avait-elle affirmé), il en allait de sa survie.
Dans ce jardin moderne, le danger ne venait pas de l'environnement constitué de pierres finement sculptées et d'élégantes moulures, mais de la population autochtone dont les riches attraits et autres faux-semblants vous aveuglaient, laissant planer un faux sentiment de sécurité. Dans cet espace qu'elle aurait voulu voir peuplé de lobélie positive, d'aubépine prudente, de myosotis sincère, de reine-marguerite confiante et de guimauve douce, réalisa-t-elle avec effroi, on ne trouvait que pois de senteur hypocrite, aconit trompeur, pétunia tempétueuse, gentiane méprisante et ciguë mortelle.
L'horizon se perdait au loin, indistinct, et l'issue de la bataille apparaissait incertaine. Mais Bella n'avait pas peur.
Elle allait se battre. Il ne lui restait plus qu'à afficher son plus beau sourire en n'oubliant pas les bonnes manières, toujours.
Nouvelle jeune fille en fleur, apprentie débutante, elle n'avait que trop conscience de l'importance accordée par sa société aux apparences.
Et elle allait lui montrer de quoi elle était capable, au diable tous ceux qui avaient oublié que la rose a l'épine comme amie.
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