Chapitre 5 :
Intrusion
Jamais Nefrea n'avait aussi peu tenu compte du temps passant. Il s'en fichait royalement dans la vie parfaite qu'il avait auprès de Smaug. Il passait la moitié de son temps en dragon, l'autre moitié en istar. En dragon lorsqu'il volait, dormait, chassait ou discutait avec Smaug, en istar lorsqu'il étudiait, crapahutait dans la ville, faisait de la magie ou d'autres choses le nécessitant. Il s'occupait de sa culture dehors, s'assurant d'avoir assez de vivres. Smaug l'emmenait à la chasse régulièrement. Lui n'avait pas besoin de manger autant mais il était heureux de chasser pour lui. En dragon, il n'avait besoin que peu de nourriture. S'il restait en dragon, il n'aurait pas autant mangé, plus que Smaug parce qu'il alimentait la bulle de l'Arkenstone de sa magie pour la soigner et ça lui prenait pas mal de force mais il n'aurait pas autant mangé. Lorsqu'il redevenait istar et s'ils venaient de chasser, la faim mettait un moment à revenir. Elle revenait pourtant toujours dans cette forme, d'autant plus lorsqu'il faisait de la magie ou d'autres activités. Il avait alors besoin de s'alimenter normalement tout les jours et de boire beaucoup plus. Mais ils avaient vite pris l'habitude, son jardin magique lui permettant de ne jamais manquer de rien si tant est que Smaug le laisserait manquer de quoi que ce soit, mettant un point d'honneur à chasser pour lui.
Lorsqu'il faisait de la magie, il gagnait le grand hall à l'entrée, l'immense salle aux piliers lui permettant de faire ce qu'il voulait sans mal. Et parfois, Smaug venait regarder, appréciant de le voir faire sa magie, comprenant qu'elle était pour l'istar comme son trésor pour lui. Il testait de nouvelles choses, de ce monde ou de l'ancien, affinant de plus en plus sa magie naturelle et élémentaire. Il appréhendait son bâton à la place de sa baguette, l'outil incroyablement plus puissant. Mais il faisait aussi autre chose. Il se savait lié à Mandos, alors il avait cherché ce lien en lui, se demandant s'il pourrait lui parler, s'il pourrait le remercier pour cette vie.
Il en avait appris un peu plus sur Mandos dans ses lectures. Avec son frère Irmo ou Lorien, il était Fëanturi, Maître des esprits. Il prononçait les jugements des Valar, d'Ilùvatar et parfois même, il prononçait le Destin. Dans ses salles, il s'occupait des âmes des défunts et de leur réincarnation. Il était un conseiller sûr. Il était jugé comme sombre et solennel, sévère et impartial, n'oubliant jamais rien. Il en fallait beaucoup pour l'émouvoir. Il n'était pas le juge des Valar pour rien. Il était juste et était une incarnation de la volonté Ilùvatar en Arda. C'était un personnage très intriguant qu'il pouvait apprécier, qui comme lui n'était pas prompt à dire blanc ou noir mais à regarder le tout pour juger correctement. Il avait l'impression d'avoir beaucoup en commun avec lui. Il voulait apprendre à mieux le connaître, ou juste pouvoir le remercier si possible. Il espérait que son lien avec lui pourrait le permettre. Il y travaillait donc pour le trouver et le réveiller.
Lorsqu'il volait avec Smaug, c'était toujours de nuit. Ainsi, il en profitait pour absorber la magie astrale, montant avec son compagnon au dessus des nuages si nécessaire. Et comme Smaug l'avait dit, s'ils avaient été vu, personne ne vint les embêter. Mais étant donné que les dragons de feu étaient parmi les plus puissants et redouté d'Arda, ce n'était pas surprenant.
Le plus clair de leur temps passait pourtant en sommeil, les dragons qu'ils étaient pouvant dormir des mois voir des années, des dizaines d'années. Smaug l'avait fait avant son arrivée. Ils ne dormaient jamais aussi longtemps, la nécessité de se nourrir, de passer du temps dans sa forme primordiale ou encore d'obtenir de l'énergie astrale vitale pour Nefrea. D'autant plus avec sa dépense d'énergie pour l'Akenstone. Il avait déjà essayé de s'extirper de l'étreinte de Smaug pour le laisser dormir pendant qu'il s'occupait mais le dragon ne le laissait jamais partir dans son sommeil, le gardant bien serré contre lui sous son aile. Il avait dit qu'il n'était pas dérangé de se réveiller plus souvent. Il n'était plus seul, il pouvait aller voler, discuter, faire des choses et il ne manquait pas d'occupations motivant ses réveils. Il le suivait donc souvent, sauf lorsqu'il se plongeait dans ses longues lectures, qu'il allait s'occuper de sa culture, ou qu'il était en médiation pour tenter d'activer son lien avec son protecteur.
Ce que Nefrea préférait était le temps passé blottit contre Smaug ensevelis dans le trésor, dans le nid comme ils préféraient l'appeler. Là, il était au chaud et en sécurité avec lui, entouré de sa présence, de son aura, de son pouvoir. Il s'y sentait bien, il s'y sentait à l'aise et il avait enfin trouvé un foyer niché sous l'aile de Smaug. Leur relation ne cessait de s'améliorer. De plus en plus, il y avait des câlins et des gestes tendres, des témoignages d'affection qui faisait pétiller de bonheur Nefrea et qui apaisaient Smaug comme rien d'autre. S'ils y avaient fait attention, ils auraient vu que des années entières passaient. D'amis, ils passèrent à quel que chose de bien plus étroit, de plus intime jusqu'à franchement devenir des compagnons, glissant naturellement d'un stade à un autre sans trop y faire attention. Nefrea l'avait réalisé lorsque sa magie avait spontanément tissé ce lien magique unique qui se formait entre deux êtres magiques qui s'aimaient et se reconnaissaient comme un couple.
Cette réalisation l'avait ému au plus haut point et Smaug avait semblé outrageusement fier de lui en le remarquant lui même. Smaug qui se faisait un devoir de veiller sur lui, sur leur domaine. Il chassait pour lui et il s'assurait de le garder en sécurité, refusant catégoriquement de lui déléguer cette tâche. Il était protecteur comme jamais personne pour lui. Possessif aussi mais Nefrea aimait ça, la chose l'aidant à confirmer un peu plus que Smaug l'aimait vraiment alors qu'il peinait à le croire après une vie de solitude.
Sa vie était alors parfaite, absolument parfaite. Tant et si bien que le reste n'avait plus d'importance. Tout ce qui comptait était leur petit monde à Erebor. Si avant d'arriver il avait pensé qu'il voyagerait à travers ce monde après avoir fait la rencontre du maître de la montagne, c'était désormais hors de question. Il était chez lui à Erebor et il n'était pas assez stupide pour ne pas voir qu'il avait là tout ce dont-il avait rêvé, tout ce dont-il avait besoin. Il n'en fallait pas plus. C'était ça le plus important, c'était ça qu'il fallait chérir et il le faisait. Ce paradis lui allait et il la remerciait Elle ainsi que Mandos pour cela. Ce fut d'ailleurs alors qu'il s'obstinait à vouloir remercier son protecteur qu'un jour, alors qu'il méditait sur ce lien qu'il avait fini par trouver et qu'il tentait d'éveiller, il y parvint. La voix unique du Vala résonna dans son esprit et il sourit :
- « Inutile de me remercier Nefrea, dit-il tranquillement. »
- « Si, c'est indispensable. C'est la moindre des choses. Vous m'avez permis de trouver ce dont j'ai toujours rêvé. Alors merci seigneur Mandos. Merci du fond du cœur. »
- « Je suis heureux pour vous. Vous méritez cela. Vous le méritez largement. Mais je ne vous garanti pas que cela sera toujours aussi calme que cela l'est en ce moment. »
- « M'avez vous observé ? demanda-t-il avec curiosité. »
- « Vous êtes mon protégé et je prend mon rôle au sérieux. Je garderai toujours un œil sur vous et je veillerai sur vous. »
- « Merci. Le mal reviendra-t-il ? questionna-t-il plus gravement. J'ai cru comprendre qu'il y en avait toujours, que cet Anneau n'avait toujours pas été retrouvé et détruis ? »
- « En effet. Le risque demeure et il faut être vigilant. Il y aura toujours du mal sur la terre. Melkor a répandu trop de graines de sa noirceur pour que nous puissions totalement les exterminer. Et maintenant que les âmes ont connu la corruption, elle ne s'en ira plus. C'est à chacun de décider quelle existence il veut mener et ce qu'il veut défendre à travers elle. Vous en êtes le parfait exemple. »
- « Je comprend. »
- « Pour ce qui est des servants de Melkor, ils pourraient revenir, la possibilité existe dangereusement. Mais ils pourraient aussi ne jamais parvenir à émerger à nouveau. Seul l'avenir le dira. Veillez sur votre maison Nefrea. Rien que vous ne souhaitiez ne vous sera demandé, je l'ai promis. »
- « Est-ce un problème pour vous ? Que je sois avec Smaug ? Avec un dragon ? »
- « En aucun cas. Pourquoi cela serait-il ? Les Valar ont su ce qu'étaient les dragons mais bien trop tard. Nous n'avons pu leur venir en aide et ils sont tombés dans la malfaisance. Ils ont été nos ennemis et nous n'avons eu d'autre choix que de les combattre. Nous ignorions comment les libérer et de toute manière, les dragons n'ont pas vraiment d'amis parmi les peuples. Peu ont leur respect car peu respectent réellement leur mère la terre. Cependant, vous avez le don incroyable de briser les emprises négatives. Vous l'avez gagné dans cette vie, probablement parce que vous en avez brisé et combattu beaucoup dans votre première existence. Vous avez libéré Smaug et vous libérez peut-être d'autres dragons à l'avenir. Libres, ces dragons ne retournerons jamais aux ténèbres. Ils pourront vivre leur vie et accomplir le but de leur existence comme cela aurait toujours dû être. Cela n'est pas un problème. Les dragons sont nés des dégâts causés à la terre par l'avidité et la convoitise, l'orgueil des peuples. Ils sont là pour protéger la terre et rappeler aux âmes ce que cela coûte que de céder à la cupidité. Leur puissance force l'humilité. C'est une bonne chose pour ce monde. »
- « Je le crois aussi. »
- « Vous savez, tous ont un destin petit ou grand. Vous avez le don pour voir que ce qui est catégorisé comme mal ne l'est pas forcément. Les istari sont des guides et des professeurs, des sages. Peut-être pourrez vous enseigner cette leçon à d'autres ? Peut-être pourrez vous prendre soin d'un peuple que nous n'avons pu protéger depuis sa naissance ? Le rôle des Valar et des Maiar, des Istari est de veiller sur ce monde. De veiller à son équilibre et de veiller sur tout les peuples libres et légitimes d'Arda. Les dragons sont légitimes même s'ils n'ont jamais été vu comme tel. Alors soyez avec eux si c'est là ce que vous désirez. Soyez avec eux, aimez les et ce qu'ils enseignent, d'une manière ou d'une autre, contribuera au bien-être de tous, de notre monde. »
- « Je serai ravi de faire cela. »
Il avait encore discuté un peu avec son protecteur, très heureux d'avoir son approbation pour cela, ayant crains que les dragons soient aussi le mal pour lui. Mais non et Mandos prouvait son impartialité et son jugement juste. Il était heureux de l'avoir comme ange gardien ici. Lorsqu'il en avait parlé à Smaug, celui-ci avait été un peu perturbé dans un premier temps, perturbé que son peuple soit reconnu légitime par un Vala, reconnu comme ayant sa place et son rôle dans le monde. Mais finalement, il avait été touché et plus apaisé encore après cela.
Le lien activé, Nefrea prenait régulièrement contact avec son protecteur pour discuter, pour le découvrir. Il était comme décris dans ce qu'il avait lu mais il était aussi bien plus. Il était passionnant de parler avec lui. Il était toujours neutre, capable d'exposer tout les points de vus, de tout prendre en compte. Ils avaient le même regarde sur le noir, le blanc, le mal, le bien, la lumière et les ténèbres, considérant que tout avait sa place tant que l'on ne basculait pas dans le néant destructeur. Le Vala put répondre à ses questions sur l'histoire de ce monde, ses récits passionnant et il devint courant qu'il écoute ses histoires, s'en gorgeant comme une éponge.
Puis, avec le temps, il avait été capable de se projeter à travers le lien, mentalement, pour rejoindre son protecteur à Valinor. D'abord une seconde, puis bien plus longtemps même si cela lui prit des années pour y arriver. Il avait découvert ce que l'on appelait les Salles de Mandos, son palais et l'endroit où transitaient les âmes des défunts. Celles des elfes y étaient purifiées, poussées à l'introspection, à la réflexion pour ensuite se réincarner en Arda. Ils pouvaient se réincarner pour une toute nouvelle vie ou pour poursuivre l'ancienne normalement. Les âmes des elfes appartenaient à Eä aussi longtemps que cet univers existerait. Ce n'était pas un cas unique, l'enfant de la Mort qu'il était le savait. Les âmes des hommes passaient aussi par les salles pour y être jugé par Mandos avant de partir ailleurs. Où ? Personne ne le savait. Personne sauf Nefrea. Mandos le savait probablement aussi mais, affilié à la Mort comme il l'était, il se taisait sur le sujet.
Les Salles étaient splendides et majestueuses quoi qu'un peu sombres, décorés des tapisseries de Vairë, l'épouse de Mandos, la Tisserande. Elles racontaient l'histoire du monde. En se projetant, Nefrea avait pu la rencontrer aussi. Elle ressemblait un peu à Mandos, observatrice neutre et juste des choses, puissante mais calme et elle l'accueillait comme s'il était son protégé à elle aussi. Elle lui montrait ses tapisseries et lui parlait de ce qu'il pouvait y voir. Parfois, il voyait les âmes avec son protecteur, discutant avec certaines d'entre elles. Les Hommes ne se souviendraient pas de lui dans leur vie suivante et pour les elfes qui renaîtraient avec leur mémoire, ils se souviendraient de lui comme l'istar de Mandos. Si se projeter au domaine de Mandos était passionnant, il ne le faisait que très rarement, la chose coûteuse en énergie. Après une projection, il faisait un bon repas et allait se blottir contre son compagnon pour dormir de nombreux jours d'affilés.
Dans le même principe, il s'entraînait à projeter sa conscience dehors pour analyser la région. Il ne pouvait rien voir de précis mais cela lui donnait une idée. Ses perceptions magiques voyaient loin, comme elles avaient vu Samug de loin alors il s'entraînait à voir loin aussi précisément qu'il le pouvait, analysant, surveillant. Pour cela, il allait se percher tout en haut de la montagne, à l'extérieur. S'asseyant au sommet, il pouvait déjà voir très loin, entendre très loin avec ses sens pointus. Mais avec ses perceptions magiques, il voyait encore plus loin avec plus d'informations. Il travaillait pour étendre encore et il regardait attentivement, notant les points noirs. Il voyait encore celui qui lui avait donné froid dans le dos à son arrivée. Il était loin au sud et aujourd'hui, il savait qu'il s'agissait du Mordor qu'il connaissait et qu'il avait vu sur les cartes. Il y avait également ce point au sud de la grande Forêt Noire qui devait être la forteresse de Dol Guldur. Le nord ouest était assez sombre également. Il surveillait et il tentait de situer au mieux les choses. Il avait aussi compris dans ses études que cette zone claire qu'il avait perçu au nord de la Forêt Noire était le Royaume de Thranduil, domaine des elfes.
Ce temps de paix, il le passait aussi à scanner la montagne dans ses moindres recoins, à s'imprégner d'elle, à la regarder de sa magie et de ses perceptions magiques. Chaque pièce, chaque poussière, chaque pierre, chaque couloir, chaque objet… Il scrutait tout. Il la connaissait par cœur désormais. Il avait proposé à Smaug d'y infiltrer sa magie pour la protéger et aider à la soigner mais son compagnon avait refusé. Il disait qu'il s'occupait déjà de l'Arkenstone, le plus important et qu'il se chargeait du reste et de leur protection. Il était vrai qu'il mettait beaucoup d'énergie à prendre soin du cœur de la montagne et les années coulant prouvaient que ses efforts payaient. Doucement, la pierre s'était mise à briller plus encore, sa lumière se diffusant autour d'elle en une belle brume. Elle commençaient à reprendre sa forme originelle, celle qu'elle devait avoir avant d'être taillée. Lentement, elle s'améliorait mais cela prenait beaucoup d'énergie à l'istar, pour Smaug, cela suffisait et il avait décrété qu'il se chargerait du reste.
Il ne faisait donc rien de plus même si, avec son compagnon, ils avaient des projets pour remodeler Erebor avec sa magie, lorsque son âme serait guérie et de retour à sa place. Avec la bénédiction de Smaug, il avait rassemblé tout les livres d'Erebor dans la grande bibliothèque. C'était la seule salle à laquelle il avait vraiment touché, la restaurant, elle, son mobilier, son équipement et ses livres, la nettoyant pour pouvoir y étudier. Il y avait installé des lumières magiques et avait surtout ignifugé le tout, la chose de circonstance dans l'antre d'un dragon, de deux dragons. Il n'y avait que là et dans le hall qu'il passait du temps physiquement. Sinon, il était dans le nid avec Smaug.
Leur lien établi et de plus en plus renforcé, comme leur relation d'ailleurs, une nouvelle chose avait pointé le bout de son nez entre Nefrea et Smaug : le désir. C'était arrivé petit à petit, progressivement. Pour Nefrea qui n'avait jamais eu de relation intime avec qui que ce soit, la chose était nouvelle et rafraîchissante, amusante. Si on lui avait dit que sa première fois, sa première relation intime serait en dragon avec un dragon, il ne l'aurait jamais cru. Mais c'était arrivé. Cela était monté crescendo, leurs câlins plus appuyés. Puis un jour, un jeu de chasse avait débuté pour vite tourner à quelque chose d'autre que tout ses instincts avaient senti et qui l'avait fait frémir d'excitation et d'anticipation. Pourtant, son instinct lui avait aussi crié que Smaug qui tentait de l'attraper devait le mériter. Aussi, il s'était donné du mal pour le semer et lui échapper. Ils avaient bondis en tous sens dans le nid, l'or et les joyaux volant à tord et à travers autour d'eux. Mais finalement, déterminé, Smaug l'avait attrapé et il s'était soumis de bonne grâce. Le reste avait été une union passionnée et pleine de plaisir, leurs grondements résonnant dans la caverne. Smaug avait dominé comme une évidence. Il était le plus ancien, le plus dominant de caractère. Il était le maître des lieux, le maître de la montagne. Smaug ne l'aurait pas vu autrement et Nefrea non plus, heureux qu'il était dans sa place, sous la protection de son compagnon. Cela avait été une expérience incroyable et tellement agréable.
Puis ils étaient restés collés l'un à l'autre dans l'or, Smaug le couvrant d'une aile. Rapidement, il s'était mis à mordiller ses cornes de mithril et Nefrea l'avait laissé faire de bonne grâce, grondant de plaisir à cela. Son instinct avait compris : Smaug le marquait comme le sien. Les marques magiques de ses dents sur ses cornes laisseraient une emprunte claire sur lui, elles diraient à tout autre dragon qu'il avait un partenaire. Smaug avait expliqué que chez les dragons, sans distinction de mâle ou femelle, on parlait d'ascendant et de médian. L'ascendant était celui qui prenait la place du mâle, du protecteur du nid et le médian celui de la femelle et de la mère. Les dragons étaient exclusifs, aussi possessifs avec leur compagnon qu'avec leur trésor. Les ascendants marquaient ainsi leur médian revendiqué pour signifier à tous qu'il était le sien et qu'il était protégé. Et en faisant cela, ils avalaient un peu de la matière constituant les cornes de leur médian. Cela agissait sur leur odeur qui changeait pour marquer que lui aussi était revendiqué par son médian.
C'était naturel et Nefrea adorait cela. Sentir Smaug mordiller ses cornes n'avait rien de douloureux. Bien au contraire, cela lui envoyait de doux frissons dans le corps, une sensation incroyable de bien-être et de plaisir doux. Smaug s'amusa du fait que cela lui prit bien plus de temps avec ses cornes de mithril ultra résistantes mais il en profitait, prenant autant de plaisir à la chose que son compagnon. Nefrea avait ajouté qu'il devrait le faire souvent. Les marques finissaient toujours par disparaître sur n'importe quel dragon, les cornes vivantes poussant et se régénérant. Mais pour lui, avec sa magie, elles risquaient de disparaître encore plus vite et ce n'était pas pour lui déplaire. Ainsi, il aurait droit à ce délicieux geste beaucoup plus souvent. Smaug avait assuré qu'il ferait en sorte qu'elles soient toujours visibles.
Cela n'avait fait que renforcer leur lien, terminant de faire d'eux un couple établit et fort. Et cela se fit régulier, Nefrea s'amusant du fait qu'il trouvait très plaisant et très attrayant de batifoler avec un dragon. Cela prenait souvent la forme d'un jeu et d'une chasse au début, pour partir dans la passion et se terminer dans le calme et la tendresse. Il adorait ça. Le temps coula et coula dans une paix incroyable pour Nefrea. Paix, bonheur, protection, chaleur, calme… Il avait vraiment tout. Alors le temps passant n'était plus rien pour lui. Il dormait et vivait avec Smaug, à leur rythme particulier. Des années coulèrent, des décennies coulèrent sans qu'il ne s'en aperçoivent vraiment. Les longs sommeils, les vols, les chasses, la magie, les observations, les études, la tendresse et l'amour rythmaient leurs vies. Une vie parfaite à leurs yeux. Mais rien ne durait jamais éternellement.
Cette nuit là, Nefrea et Smaug dormaient profondément dans leur nid empli de leur trésor dans lequel ils étaient enterrés. Nefrea était blotti sous l'aile droite de son compagnon, comme toujours, bien au chaud. Et il était fatigué. L'Arkenstone était presque guérie maintenant mais la fin du processus lui prenait plus d'énergie. Cela et il s'était peut-être un peu trop amusé avec sa magie et ses visites chez son protecteur avant de s'endormir il y avait encore peu. Il dormait donc comme un bien heureux cette nuit, blottit contre la chaleur de son ascendant. Seulement, il s'était subitement réveillé, quelque chose alertant ses instincts. Naturellement, il étendit sa magie pour voir s'il se passait quelque chose et il fut stupéfait de trouver une petite présence étrangère dans la montagne. Elle descendait vers leur nid. Il y en avait d'autres attendant un peu plus haut dans d'étroits couloirs et il découvrit une porte donnant dehors. Une porte ou un trou, il ne put le dire ainsi mais c'était ouvert sur l'extérieur. Il resta surpris, alors que jamais il n'avait trouvé d'ouverture par là. La seule entrée de la montagne était censée être la grande porte du hall. Pourtant quelqu'un était entré et venait vers eux, le tendant d'appréhension. Il remua légèrement, souriant affectueusement lorsque l'étreinte de Smaug se resserra autour de lui.
- Smaug ? appela-t-il tout bas pour ne pas être entendu plus loin.
- Oui drakian ? bredouilla-t-il.
Nefrea pétilla intérieurement au surnom tendre et affectueux que les dragons n'avaient que pour leur compagnon.
- Quelqu'un est entré dans la Montagne, expliqua-t-il. Et il vient vers notre nid.
Immédiatement, les yeux dorés s'ouvrirent en grand bien que le dragon rouge ne bougea pas. Il se réveilla et usa de tout ses sens pour situer à la chose.
- Je ne connais pas cette odeur, remarqua-t-il.
- Il y en a un qui arrive et d'autres qui attendent plus haut près d'une entrée que je n'avais jamais vu. Une petite entrée. Ils ont peut-être percé un trou.
- Nous l'aurions entendu. Certainement une porte dérobée de ces maudits nains. Elles sont invisibles lorsqu'elles sont closes. Je parie que Écu de Chêne est derrière cela.
- Que fait-on ?
- Reste bien caché en sécurité quoi qu'il arrive, ordonna-t-il. Reste près du Cœur il n'est pas loin. Je me charge des nuisibles, gronda-t-il avec fureur. Je vais leur faire regretter d'avoir oser mettre un pied dans notre domaine.
- Tu es sûr ? Je peux…
- Non mon drakian. Reste en sécurité. C'est à moi de me charger de cela. Je vais les anéantir et rappeler à tous qui est le Roi sous la Montagne. Reste tranquille. Laissons le approcher, susurra-t-il l'air de vouloir s'amuser.
Nefrea ne discuta pas. Après des décennies auprès de Smaug, il savait qu'il prenait très à cœur le fait d'être le combattant, le protecteur et il refusait totalement qu'il ait à prendre en charge cela. Il ne dit donc rien et comme lui, il resta immobile, guettant cette petite présence faible qui venait vers eux. Elle fut finalement bien là, dans leur nid, énervant au plus au point les deux dragons bien cachés dans l'or. C'était un petit être d'après ce que sa magie disait à Nefrea, à peine la moitié d'un homme. C'était plus petit et cela semblait plus menu qu'un nain dans les illustrations qu'il avait vu. Mais il n'était pas certain. Il n'avait jamais croisé que des hommes donc il ignorait la signature d'énergie des autres. Il était cependant certains qu'il ne s'agissait pas d'un homme, l'énergie différente et cela ne devait pas être un elfe non plus avec cette taille. Seulement, ce fut bien vite toute autre chose qui attira son attention. Cet être portait quel que chose sur lui, quel que chose de profondément malsain, vicié, puissant. Il en eut la nausée, ses perception un peu brouillées par la présence de cette ignominie. Il se concentra pourtant dessus, voulant savoir ce que c'était, si c'était un danger pour eux. Mais c'était évidemment un danger. Une telle chose ne pouvait qu'être dangereuse. Elle dégoulinait de magie empoisonnée et pervertie, elle sentait la désolation et le chaos. Elle sentait… un peu comme un horcruxe mais plus puissants et plus complexe. Cela ne lui disait rien qui vaille.
Le petit être se mit à parler tout seul et il fut évident qu'il cherchait l'Arkenstone alors qu'il marmonnait à propos d'une grosse pierre blanche. Et cela voulait dire que les nains étaient certainement derrière cela. Si l'Arkenstone seule était la cible première, c'était pour sa capacité à légitimer un roi pour les nains. C'était évident. Le petit être chercha longtemps, s'approchant doucement d'eux, si près que finalement, Smaug aurait pu le gober. Et cela avait terriblement tendu le dragon rouge débordant d'une protection flamboyante pour son compagnon derrière lui et pour son trésor, sa montagne. Aussi, il bougea légèrement, le petit être portant la chose stoppant, s'immobilisant mais réalisant bien vite que le dragon était là et bel et bien réveillé. Il détala alors que l'abomination qu'il portait avait un pic de puissance qui fit serrer les dent à Nefrea. Et il savait que Smaug avait aussi senti cette chose. Il huma l'air, s'approchant de l'intrus :
- Et bien, voleur, susurra-t-il. Je te sens. Je t'entend respirer. Je sens ton souffle. Où es-tu ? Où es-tu ?
L'être détala et Smaug alla à sa poursuite, commençant dors et déjà à l'éloigner de son compagnon bien caché et immobile. Il l'éloigna avant de le pousser à se révéler.
- Je sens quel que chose chez toi, dit-il. Quel que chose que tu portes. Quel que chose en or mais bien plus précieux.
L'être se révéla alors subitement, engageant la discussion avec Smaug, plein de peur mais aussi d'un certain calme maîtrisé. Il tenta de flatter le maître des lieux qui s'en amusa, entrant un peu dans le jeu, jouant avec sa proie comme il aimait le faire. Il le fit parler tout en l'éloignant toujours plus, cherchant à confirmer que les Nains, que Thorin écu de chêne était derrière cela. Le petit être était doué pour parler avec lui, titillant sa curiosité et son intérêt pour les mystère. Mais de manière bien insuffisante pour vraiment l'intéresser. L'intrus s'appliqua à le flatter, leur échange entrecoupé de poursuites dans le trésor, toujours plus loin du dragon de mithril qui suivait à distance de ses perceptions magiques.
Puis Smaug en eu assez et tenta de dévorer l'importun. Celui-ci lui échappa pourtant, la chose maudite qu'il portait se réactivant une nouvelle fois. Il détala pour repartir de là où il était venu aussi vite qu'il le pouvait alors que Smaug déversait son feu. Tout en même temps, Nefrea sentit que les autres intrus arrivaient, un mauvais pré-sentiment lui nouant le ventre comme cela n'était plus arrivé depuis longtemps. Il ne fit pourtant rien, suivant de sa cachette comme Smaug l'avait demandé. Sa moitié était plus que capable de s'occuper de ces petites créatures. Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. N'est-ce pas ?
Le petit être se révéla à nouveau, courant et il finit par tomber sur les autres qui arrivaient. Le premier l'arrêta, lui réclamant l'Arkenstone. Thorin. Son nom fut nettement entendu. Il était d'ailleurs agressif avec ce qui était censé être son compagnon et Nefrea sentit qu'il était déjà touché par la malédiction du dragon, prouvant à quel point il pouvait convoiter le trésor. Smaug fut très vite sur eux, tentant de les carboniser sans préavis. Bien sûr, ils échappèrent et la course poursuite s'engagea à travers les salles et les couloirs d'Erebor. Il continua à suivre de loin. Les nains, puisque s'en était si ce n'était le premier intrus, parlaient vaguement de tenter un piège pour vaincre Smaug, se dirigeant vers les forges. Nefrea resta perplexe. Ils ne savaient probablement pas qu'il n'y avait rien ici capable de tuer un tel dragon. Ou alors, ils sous-estimaient l'ampleur de la tâche. Aucune arme qu'il avait vu dans la montagne n'était capable de ça. Que voulait-il faire dans les forges ? Feu ? Explosifs ? Métal en fusion ? Se rendaient-ils compte que rien de tout cela n'inquiéterait un dragon comme Smaug. Combattre le feu par le feu ne fonctionnait jamais avec eux.
À distance, il suivit son compagnon qui les poursuivait, furieux et enragé mais aussi amusé par la traque. Les nains se séparèrent, augmentant la difficulté pour les attraper et finalement, ils furent dans les forges, provoquant Smaug pour qu'il déverse son feu sur les fours qui s'embrassèrent et se mirent à produire de l'or en fusion, liquide. S'ils espéraient se servir de ça contre Smaug, c'était peine perdu. L'or en fusion lui ferait à peine l'effet d'un bain en source chaude et Nefrea se dit qu'ils ne savaient vraiment pas à qui ils avaient à faire. Objectivement, il n'était pas inquiet. Si ce n'était cet objet répugnant, il n'y avait rien de significatif ou dangereux. Et la chose malsaine semblait ne pas agir d'elle même ou être vraiment active. Celui qui l'avait ne devait pas vraiment savoir s'en servir ou savoir ce que cela était. C'était courant de ne pas savoir ce qu'on avait dans les mains, surtout en magie même si c'était abominablement dangereux. Les Nains n'étaient pas de taille. Smaug finirait par les avoir, les coincer ou les forcer à sortir. Il les chasserait alors dehors pour leur faire comprendre la leçon. Pourtant, cette mauvaise intuition perdurait en lui, tenace. Elle n'était pas rattachée aux nains. Y avait-il autre chose ? Inquiet, il se mit à scanner toute la montagne à la recherche d'autres intrus qu'il ne trouva pas. Il poussa aux alentours d'Erebor, sans plus de succès, espérant qu'il se trompait.
À un moment donné, les déversoirs permettant à l'eau d'entrer et d'activer les moulins furent ouverts, frappant Smaug et le déstabilisant, tendant Nefrea même s'il savait que ça ne lui ferait rien. Les éléments étaient les amis des dragons, même ceux qui étaient leur contraire. Les nains suivirent le chemin de l'or en fusion qui allait vers la galerie des rois, une extension du grand hall d'entrée devant laquelle il fallait passer pour aller à la salle du trône. Là, l'or liquide se déversait dans un moule de pierre gigantesque destiné à faire naître une statu de roi nain. Smaug les suivit vers la galerie, poursuivant celui qui n'était pas un nain. Ils débouchèrent dans le grand hall, Smaug à bout de patience, en rage. Et bien entendu, il comprit que les gens de lac-ville avaient dû les aider à venir jusqu'ici. Cela était plus que plausible.
Le premier intrus, Bilbon d'après les noms qu'il avait perçu dans la chasse, confirma presque lorsqu'il paniqua en entendant Smaug assurer qu'il allait leur donner une leçon. Cela ne fit que renforcer la détermination de Smaug à aller attaquer. Bien sûr, après telle intrusion de Thorin marquant clairement qu'ils étaient déterminés à reprendre Erebor, il n'allait pas rester sans rien faire. Il allait faire en sorte de montrer à quel point le défier était dangereux et porteur de malheur pour tous, dissuadant les suivant et punissant ceux qui avaient participé à ça. Il remplissait son devoir sur cette terre pour la protéger et Nefrea n'avait aucun problème avec cela. Si ces gens avaient laissé la montagne en paix et avaient abandonné leur prétention sur elle, rien ne serait arrivé. Mais la convoitise du trésor avait gagné.
Smaug commença à se diriger vers la grande porte mais Thorin le stoppa, l'attirant en l'insultant. Il se dressait sur le moule de pierre, Smaug s'avançant vers lui bien déterminé à le dévorer. Il fit face au personnage :
- Je vais reprendre ce que tu as volé, gronda le nain arrogant.
- Toi nain, tu ne me prendras rien du tout, gronda-t-il en s'approchant. J'ai anéanti tes guerriers de jadis. J'ai insufflé la terreur dans le cœur des hommes. C'est moi le roi sous la montagne.
- Ce n'est pas ton royaume. C'est le royaume des nains. C'est l'or des nains. Et nous allons avoir notre vengeance.
Il beugla un ordre et soudain, le moule plein d'or fluide fut détruit, tombant. Quelques secondes et l'or se déversait en masse sur Smaug, l'emportant avec lui, l'avalant et le faisant tomber. La vaste salle se transforma en une piscine d'or et s'ils crurent un instant qu'ils avaient réussi, Nefrea savait qu'il n'en n'était rien. Lui il perçut cette rupture dans l'esprit de son compagnon cédant définitivement à sa fureur, bien décidé à les faire sortir de sa montagne et à régler ses comptes. Il fusa de la piscine d'or, couvert de doré, criant à la vengeance à son tour. Il se dirigea vers la grande porte qu'il ouvrit en grand d'une pensée, sortant pour s'envoler, se débarrasser du métal sur lui avant de prendre la direction de la ville des hommes sur le lac, faisant planer le choc sur la petite équipe présente qui n'avait vraisemblablement pas prévu ça.
Le mauvais pré-sentiment de Nefrea grandit encore, le tétanisant. Mais il n'y avait pas grand-chose qu'il pouvait faire. Smaug sorti, il protégerait la Montagne et le trésor pour lui jusqu'à son retour. Il projeta sa magie et ses sens pour suivre son compagnon, mais il se concentra aussi sur les intrus qui sortirent en catastrophe de la montagne pour voir ce qu'allait faire le dragon. Et Smaug avait vraisemblablement prévu cela et ordonné à la porte en conséquence puisque dés que tout les nains et leur étrange petit compagnon furent sortis, elle se referma derrière eux sans même qu'ils ne s'en aperçoivent, occupés par autre chose. Ils s'éloignèrent, gagnant un point d'observation d'où ils pouvaient voir la ville qui s'enflammait déjà.
Nefrea ne perdit pourtant pas de temps. Il protégerait la Montagne jusqu'au retour de Smaug et s'assurerait que personne d'autre n'entrerait. Sortant du nid pour aller vers le hall, il infusa sa magie dans toute la Montagne et particulièrement dans les parois extérieures. Il referma la porte dérobée que les nains avaient utilisé et s'assura qu'elle resterait close, la scellant. Puis il fit en sorte qu'aucune autre porte, s'il y en avait, ne s'ouvrirait demandant à la roche de rester close quoi qu'il arrive même si on tentait d'y creuser. Il ajouta une puissante et épaisse couche de boucliers magiques à même la peau de la Montagne, poussant loin dans le sol et sous elle pour que rien n'entre par les galeries. Très vite, Erebor fut enfermée dans une puissante bulle de magie protectrice et défensive. Seul la grande porte pourrait encore s'ouvrir sur la volonté de Smaug. Il pouvait sortir en transplanant ou en creusant la roche s'il le voulait mais il ne le ferait pas. Il garderait leur maison jusqu'au retour de sa moitié.
Il rejoignit le hall, s'assurant que tout était bien clos et qu'il n'y avait plus d'intrus à l'intérieur. Puis il projeta sa magie dehors pour rappeler à la Montagne l'or qui en était sorti dans le sillage de Smaug, le ramenant à sa place au sein de leur nid. Il repoussa l'or liquide qui tapissait le sol jusque dans la piscine dorée de la galerie des rois, regardant un instant ce qui serait bientôt une vaste salle au sol d'or. Dés qu'il aurait refroidis. Tout en suivant l'attaque de Smaug sur lac-ville, il s'attela à refroidir cet or. L'or n'aimait pas être dans cet état si ce n'était pas la chaleur de sa mère la terre qui l'avait fait fondre naturellement. Une fonte artificielle ainsi n'était qu'une torture de plus pour lui. Smaug lui avait tout expliqué à ce sujet et après des années et des années à scruter ce qu'il y avait dans la Montagne, il sentait désormais parfaitement l'âme et la magie de l'or et de tout trésor et fruit de la terre qu'il y avait ici. Comme son compagnon, il était soucieux d'en prendre soin. Il refroidit donc l'or avec douceur de sa magie, y insufflant son énergie pour guérir la blessure provoquée.
Il rejoignit ensuite la grande porte, agité derrière elle, attendant le retour de son compagnon avec une peur grandissante et incontrôlable dont-il ignorait la provenance. Il n'y avait rien à lac-ville qui puisse faire du mal à Smaug. Non ? Il se mit à tourner en rond, concentrant sa magie sur la Montagne pour la protéger de tout, scrutant de loin de ses sens. La ville des hommes fut bientôt complètement enflammée alors qu'ils tentaient de fuir la fureur de son compagnon.
Et brusquement, aussi imprévisible et soudain, inévitable et rapide qu'un éclair déchirant le ciel, il ressentit cette abominable douleur le traverser. Mais cela ne venait pas de lui. Cela venait de Smaug et il se glaça d'effroi. Il entendit nettement les hurlement de douleur et d'agonie de sa moitié, pétrifié sur place. Et lorsque leur lien se brisa net dans la mort, la magie, l'aura et l'âme de son aimé s'éteignant en un claquement de doigt, son monde s'effondra. Choqué, ce fut sans même s'en rendre compte qu'il recula jusqu'à la galerie au sol d'or. Il reprit sa forme primordiale et se laissa tomber au centre, se blottissant contre le métal précieux fortement chargé du pouvoir de son compagnon. Cela ne pouvait pas être. C'était impossible n'est-ce pas ? C'était impossible. Il rêvait. Il faisait un cauchemar. Cela ne pouvait pas être autrement. Il resta paralysé là, refusant catégoriquement l'évidence. La souffrance était telle en lui, celle de Smaug ayant fait écho en lui, sans parler de celle du lien brisé comme du cristal qu'on aurait sauvagement piétiné au-delà de tout espoir de réparation. Alors il appela. Il appela son drakian dans son esprit, hurlant son nom de sa voix. Il allait lui répondre. Il allait revenir. Il ne pouvait pas être…
Seulement, seul le vide lui répondit, un néant de solitude l'emplissant sans pitié, le froid l'entourant. Alors il se résigna à la réalité et il éclata en sanglot, détruit, dévasté. Smaug était tout pour lui aujourd'hui. Il était ce qu'il avait toujours recherché, souhaité, voulu. Sa vie avec lui était parfaite. Il était parfait pour lui. Et il l'aimait tellement, profondément, plus que tout. Pourquoi ? Pourquoi lui retirait-on toujours ce qui comptait pour lui. Pourquoi avait-il laissé Smaug y aller seul ? Il aurait dû être là pour le protéger. Quoi que fut ce qui avait fauché sa vie, il aurait plus le prendre à sa place pour lui éviter la mort. Il pleura et hurla sa douleur. Jamais il ne s'aperçut que ses larmes était d'argent clair et lumineux, tombant sur le sol d'or pour s'y infiltrer. Il ne se rendit pas plus compte que sa magie pulsait en ondes régulières autour de lui, que la Montagne vibrait tout entière, pleine de rage et de tristesse elle aussi. Il n'entendit pas que de petites choses tambourinaient à la grande porte sans aucun espoir de l'ouvrir. Elle était scellée et sous son contrôle maintenant que Smaug était parti.
Combien de temps cria-t-il son chagrin et sa souffrance ? Il n'en savait rien. Il s'en fichait complètement. Plus rien n'avait d'importance et d'attrait sans Smaug. Peut-être que mourir serait mieux ? Cela faisait tellement mal. Jamais il n'avait eu aussi mal de toute sa vie. Même ses larmes intarissables étaient douloureuses, comme sa gorge laissant échapper des hurlements sans aucun contrôle. Tout son être était en souffrance, comme son âme, sa magie et son esprit. Il n'y avait plus rien, plus rien d'autre que l'absence de ce qui comptait le plus. Pourtant, il savait que même la mort ne lui permettrait pas d'y échapper. Il ne pourrait y retrouver son aimé et par sa nature, il se souviendrait toujours. Cela ne changerait rien. Puis soudain, comme une douce brise apaisante, une voix raisonna dans son esprit.
- « Rien n'est perdu Nefrea. Il y a toujours de l'espoir. »
C'était Mandos, plus tendre et délicat qu'il ne l'avait jamais été. Sa présence était là, dans son esprit, autour de lui, consolatrice. Elle ne résolvait pourtant rien et était loin de pouvoir combler le puits sans fond de tristesse et d'agonie en lui. Mais les mots de son protecteur se frayèrent un chemin jusqu'à sa raison et il comprit, se figeant de choc. C'était vrai, il y avait encore de l'espoir. Il y avait une petite chance. Cela ne dépendait pas de lui et il ne pouvait rien y faire. Cela dépendait de Smaug. Mais il y avait une chance. Une chance pour qu'il lui revienne. Et il avait confiance en lui : il reviendrait, il ne l'abandonnerait pas. Il l'avait promis de nombreuses fois. Il reviendrait même si cela pouvait prendre du temps. Des jours ? Peut-être des semaines ? Des mois ? Plus ? Il n'en savait rien. Tout dépendait de son compagnon. Mais il reviendrait. Il ne le laisserait pas ainsi.
Cette réalisation, cet espoir parvint à l'apaiser un peu et il se calma, restant roulé en boule au milieu de la galerie dorée, sur l'or plein de la magie de Smaug. Que faire maintenant ? La réponse était simple : Smaug reviendrait, il en était persuadé. C'était à lui de protéger la Montagne, de protéger leur nid, leur trésor, jusqu'à ce qu'il rentre à la maison. Ce fut cette volonté qui le poussa à bouger à nouveau. Lourdement, il se redressa et s'assit en tailleur, faisant apparaître son bâton. Il garderait leur demeure en sécurité. Il garderait tout en sécurité jusqu'à ce qu'il revienne.
Il déploya sa magie, renforçant les protection déjà en place sur la Montagne, les blindant pour que rien ne puisse ne serait-ce qu'égratigner la roche. Il la scella de manière à ce qu'aucune entrée ne s'ouvre ou ne soit juste accessible sans son accord. Personne n'entrerai, personne ne prendrait une miette du trésor. Rien ne quitterait la Montagne et personne ne pourrait la prendre. Il ne le permettrait jamais. Erebor était sa vie, sa maison, son cocon de protection et de chaleur, son nid d'amour. Personne ni toucherait même si Smaug mettait des siècles à revenir. C'était ce qu'il pouvait faire de mieux pour faire perdurer l'espoir, son unique espoir. Diffusant sa magie partout, la Montagne l'accueillant avec plaisir, férocement décidée à le suivre lui aussi, il fit en sorte de la rendre impénétrable que cela soit par les airs, le sol ou le sous-sol.
Il ignora totalement le groupe de nains tambourinant dehors, essayant désespérément d'entrer. Jamais il n'avait été aussi furieux de ne pas pouvoir tuer. Tout cela était la faute de Thorin de toute évidence et il aurait voulu pouvoir lui faire payer lui même le calvaire qu'il lui infligeait. Mais il ne pouvait pas le tuer même si ça le démangeait. Il aurait pu le faire souffrir mais même dans cette situation, la torture n'était pas une chose qu'il pouvait envisager. Alors il n'y avait rien à faire d'autre que garder leur maison pour son retour.
Le temps passant devint soudain beaucoup plus notable et tranchant en l'absence de son aimé. Son cœur saignait et souffrait et le temps était atrocement long et lourd. Il savait qu'il avait mis près de trois jours à se reprendre et à se mettre en action. Pourtant, il lui semblait qu'il pourrait rester roulé en boule sur le sol d'or, pleurer et hurler pendant des années. Une telle souffrance pouvaient-elle s'éteindre un jour ? Il en doutait. Il comprenait pourquoi les elfes, qui avaient une relation puissante avec leur époux ou épouse, dépérissaient et mourraient à leur perte. S'il avait pu mourir, cela lui serait arrivé assurément. La vie semblait vide, sans goût, terne. Mais il y avait encore une petite lueur d'espérance pour lui et il continuerait tant qu'elle serait là. Il garderait son monde debout jusqu'à ce que son pilier revienne.
Quatre jour durant, il fortifia la Montagne, infusant son énergie partout, tissant des enchantements de protection. Il fit cela en ignorant sa souffrance, en ignorant la douleur de son lien brisé ou sa fatigue grandissante. Il terminait à peine lorsqu'un petit signal magique l'appela. C'était l'Arkenstone. La pierre avait fini de guérir après des décennies de soin. Aussi, il retourna vers elle. Seulement, il se retrouva figé au bord du nid. Il n'était pas revenu là depuis que Smaug… Être là sans lui était atroce. Leur nid sans lui semblait si froid et triste. Il se fit violence pour avancer et rejoindre l'Arkenstone sur son piédestal au fin fond du trésor. Dans sa régénération, la pierre avait doublé de volume, de nouveau brute et parfaite à ses yeux. Son âme palpitait à l'intérieur, se réveillant lentement d'un long sommeil, en pleine forme désormais. Pourtant, elle pleurait elle aussi à la perte du Roi sous la Montagne. Elle pleurait, elle était furieuse et elle était aussi plein de réconfort pour l'istar en miette. Il la serra contre lui d'un bras et quitta le nid, ne voulant pas être là sans Smaug.
Il s'enfonça dans la Montagne, guidé par son âme. Il déboucha dans une salle inachevée de toute évidence, une grande salle ronde en dôme. Il ignorait ce que les nains avaient voulu faire de cet endroit mais ça n'avait pas d'importance. On était en plein cœur de la montagne, loin sous la terre et elle lui disait que c'était là qu'elle était née. Elle devait donc être ici. Il s'avança jusqu'au point précis qu'elle lui indiqua, pulsant de lumière et de magie dans ses bras, son âme communiquant clairement avec l'enfant de la Mort. Il usa de sa magie pour demander à la roche de former un piédestal pile à la bonne hauteur pour qu'elle soit exactement où elle devait être. Un support de roche luisante, sombre et brut s'éleva du sol, irrégulier et sans surface plane où poser le joyau. Il le fit pourtant, pas du tout surpris de voir l'Arkenstone s'y encastrer parfaitement comme si elle en faisait partie. Elle y trouva sa place à la perfection, s'incrustant dans son support.
Elle se mit alors à briller, à pulser, retrouvant sa place naturelle. La Montagne allait se réveiller et reprendre vie désormais et cela lui tira l'ombre d'un sourire mais aussi bien des larmes. Elles roulèrent sur ses joues et tombèrent au sol sans qu'il n'y prenne garde. Il aurait tellement voulu que Smaug soit là avec lui pour cette étape, pour voir cette chose formidable pour laquelle il s'était battu et avait protégé Erebor. Mais il ne pouvait pas l'attendre, il aurait besoin de la Montagne éveillée pour la protéger et il lui faudrait plusieurs jours pour réellement sortir du sommeil. Elle ne pourrait pas faire grand-chose mais elle accepterait mieux sa magie, serait capable de la laisser courir en elle plus facilement pour la protéger et cela l'aiderait. S'il envisagea d'utiliser sa magie pour modeler cette salle comme le cœur le voudrait, cela devrait attendre. Il savait qu'il aurait besoin de toutes ses forces dans les jours à venir et il brûlait déjà beaucoup de magie. Au moins, il était déchargé de la régénération de l'Arkenstone. Seulement, il était déjà fatigué avant ceci et le traumatisme avait fait beaucoup de dégâts, la douleur du lien brisé persistante. Mais il pouvait tenir. Il ne mourrait pas de toute façon et il avait enduré pire que ça si on excluait la perte de son aimé. Physiquement, il avait enduré pire, mentalement il endurait le pire de sa vie.
Ce fut la réalisation qu'il devait faire attention à son énergie, à son état, qui lui fit penser qu'il devait manger. Il ne l'avait pas fait depuis cette horreur, sept jours. Il devait manger même s'il n'avait pas faim du tout. Il devait manger pour être capable de défendre leur demeure. Il remonta donc, regagnant la galerie au sol d'or, s'installant au centre. Il ne voulait pas retourner dans le nid sans Smaug mais il voulait aussi avoir un peu de sa présence. L'or était le mieux pour ça, réceptacle parfait du pouvoir du dragon qui l'avait couvé. La dalle d'or, où Smaug avait baigné en plus de sa magie qui s'y était infiltrée, l'avait puissamment et rester sur elle était donc un bon compromis pour avoir un petit quelque chose même si ça n'avait rien à voir avec Smaug lui même. Ce n'était qu'une poussière de sa magie et il n'y avait aucune chaleur. Il mangea, se forçant pour le faire, buvant. Puis il se roula en boule au sol pour dormir, le besoin de repos lancinant. L'or était froid. Il avait froid et il avait horreur de ça. Il n'avait plus eu froid depuis longtemps. Smaug savait qu'il détestait ça et il le gardait toujours au chaud. Tout semblait si vide, trop silencieux alors qu'il avait l'habitude d'entendre la voix de Smaug ici, d'entendre ses bruits et grognements, le son de sa respiration profonde lorsqu'il dormait et que lui même faisait autre chose. Il avait oublié ce qu'était la solitude avec Smaug et elle revenait, écrasante et impitoyable, plus puissante que jamais.
Il tenta de dormir, ne pensant même pas à faire apparaître sa couverture enchantée dont-il ne s'était plus servit depuis des lustres. La seule chaleur qu'il voulait était celle de Smaug. Le sommeil fut une torture, pleins de cauchemars alors que sa magie en action, son esprit en alerte et ses perceptions aux aguets l'empêchaient de vraiment se reposer. Dehors, les nains tentaient tout pour entrer, sans jamais s'arrêter. Ils avaient essayé d'ouvrir à nouveau la porte dérobée et ils tentaient de défoncer la porte principale avec une rage et un empressement qu'il percevait de loin. Ils étaient même retournées à Dale confectionner un bélier pour forcer la grande porte. Mais sans aucun succès. Sa puissante magie protégeait la Montagne la gardant close et impénétrable.
Il écoutait parfois ce qu'ils se disaient entre eux, se demandant ce qu'il se passait, pourquoi la porte s'était refermée. Une porte qui les mettait en rage parce qu'elle avait changé depuis que Nefrea l'avait restauré. Et une grande porte d'Erebor, loin du style nain, ornée de flammes et de dragons semblait les mettre hors d'eux. Ils le prenaient comme un outrage et une insulte sans nom. Nefrea s'en fichait pas mal. Cette montagne était aux dragons de feu et à personne d'autre. Quelques fois, il les avait entendu parler d'Esgaroth, lac-ville, confirmant qu'ils en venaient et que les hommes du lac les avaient aidé. Ils évoquaient également une rumeur disant qu'il y avait deux dragons dans la montagne que les gens les avaient vu voler en de rares occasions. La compagnie restait pourtant persuadée que c'était faux, disant que Smaug avait été le dernier grand dragon et que ni Bilbon ni les autres n'avait vu un second dragon ou une trace de lui dans la montagne. Ils étaient certains que s'il avait été là, il les aurait attaqué aussi. Ils semblaient également croire qu'il était impossible que deux dragons vivent ensemble sur le trésor d'Erebor, disant qu'ils se battraient à mort, qu'ils n'étaient que des bêtes violentes et cruelles qui dévoraient leurs propres petits. L'image classique des dragons en Terre du Milieu, une image qui mit en rage l'istar. C'était tellement faux.
Entre temps, quelques autres nains étaient arrivés, racontant comment Smaug avait été abattu par une flèche noire tirée par un certain Bard, le descendant de Girion, seigneur de Dale à l'arrivée de Smaug. Entendre ça lui transperça le cœur et l'âme mais lui permit de comprendre ce qu'il s'était passé. Il avait remarqué depuis longtemps qu'il manquait une écaille sur la poitrine de Smaug. Il avait même proposé de la restaurer. Smaug avait refusé, disant que cela ne changeait rien, n'aimant guère évoquer cela, pincé qu'il était d'avoir été touché par Girion. Il refusait qu'on y touche comme pour dire que même cela ne changeait rien au fait qu'il était le plus fort. Nefrea n'avait pas insisté, se disant finalement que cela ne représentait pas un gros risque. C'était si petit et presque invisible sur le dragon. Et puis, même sans l'écaille, les flèches n'auraient pu percer sa peau. Il avait fallu qu'il reste une flèche noire et qu'il y ait un archer assez adroit et courageux pour réussir.
Les nains n'entreraient pas. Tout était de leur faute à ses yeux. S'ils avaient été assez sages pour laisser cette montagne qu'ils n'avaient déjà que trop saigné, cela ne serait jamais arrivé. Jamais il ne les laisserait remettre un pied dans leur maison et leurs efforts restèrent sans aucun résultat, leur bélier incapable de seulement égratigner la grande porte. Ils avaient tenté d'atteindre le balcon de garde au dessus d'elle mais les protections avaient empêché le moindre grappin de l'atteindre ou le moindre nain d'escalader la roche. Aucune prise n'était possible, la magie posée sur la roche faisant glisser leurs mains comme si la paroi était lisse, sans prise et glissante. Aucun d'eux ne comprenait ce qu'il se passait.
Nefrea restait roulé en boule sur l'or de la galerie, pleurant souvent, peinant à garder ses esprits et à ne pas céder au désespoir, à la douleur. Il pleurait, il hurlait lorsque tout devenait trop dur, puis il se calmait et parvenait à se reconcentrer sur la protection de leur royaume, sur l'espoir qu'il avait de revoir son amour. Parce qu'il y en avait un et Smaug le ferait, il en était certain. Il devait juste être patient et garder leur maison. Alors lorsqu'il se réveillait et qu'il parvenait à se concentrer, il portait toute son attention sur la Montagne. Sa puissante magie la renforçait et ses protections tenaient facilement. Elles lui prenaient de l'énergie mais c'était raisonnable tant qu'elles ne seraient pas vraiment sollicitées. Et ce n'était les efforts dérisoires des nains qui allait les déranger ne serait-ce qu'un peu.
Il percevait l'Arkenstone qui avait retrouvé sa place et qui continuait son éveil. Au plus cela avançait, au plus la Montagne faisait corps avec sa magie, l'acceptant joyeusement, la laissant passer et faire son œuvre sans problème, fusionnant avec elle, son âme travaillant avec lui pour aider. Le cœur serait la seule chose qui retrouverait sa place d'origine dans la Montagne. Il s'avait que les nains ne l'avaient pas trouvé exactement là où il l'avait remise. Cela parce que leurs dégâts dans la montagne avait fait bouger bien des choses, l'énergie et la magie perturbée des lieux faisant un peu n'importe quoi dans sa souffrance. Il était de retour à sa place dorénavant, son âme était de retour en son écrin. Les autres fruits de la terre arrachés à la montagne ne retourneraient pas là où ils avaient été pris. La magie du dragon était justement destinée à restaurer leur lien avec la terre pour que même extrait et transformés, ils retrouvent leur place énergétique avec leur mère sans avoir à retourner exactement à l'endroit de leur naissance. Seule l'âme de la Montagne avait véritablement besoin de retrouver son berceau.
Il y avait aussi ce qui n'était pas né ici, des trésors qui avaient été amené d'ailleurs. Pour cela, la magie du dragon agissait aussi, les purifiant, les soignant et leur permettant tout de même de retrouver un lien avec la terre. Et pour ce qui était des produits de la Montagne trop longtemps éloignés d'elle, éparpillés partout, ils perdaient leur lien avec leur lieu de naissance, devenant exilés. Mais là encore la magie du dragon pouvait les purifier et leur redonner un lien avec la terre. C'était pour cela que Nefrea avait donné à Smaug tout ce qu'il avait trouvé à Dale, l'ajoutant au trésor. Ce qui avait été là bas était soit étranger, soit exilé mais les soins de Smaug n'en n'étaient pas moins efficaces et soulageaient la terre comme les trésors. Il avait donc tout rendu sans même qu'il n'ait à le demander. Seule la Montagne et même la terre partout dans le monde pouvait décider de donner ce qu'elle générait sans que cela ne lui fasse de mal. Cela devait être un don, pas un vol. Si Nefrea avait pensé lui donner l'or de son ancien monde, cela s'avérait inutile. Cet or n'appartenait pas à ce monde et ne pouvait être lié à lui de la même manière. De plus, il était plein de la magie de son ancien monde, différent et ici, il demeurait sans être autre chose que de la monnaie et des richesses sans autre fonction, sans attachement à la terre. Il l'avait donc gardé.
Attentif à tout pour protéger leur domaine, Nefrea n'avait pas tardé à voir d'autres problèmes pointer le bout de leur nez. Il était concentré, ses perceptions puissantes activées sur tout le Royaume de la Montagne, ce que les autres appelaient Désolation de Smaug ou région désolée. Il ne s'agissait de rien de moins que du territoire de la Montagne, d'Erebor, ses racines s'étendant dans toute la zone. C'était leur royaume et il le surveillait lui et plus loin encore. Aussi, il ne manqua pas l'entrée d'une masse de gens sur leurs terres. Il y avait des hommes et d'autres qu'ils n'avaient pas encore croisés. Ils semblaient venir d'Esgaroth et se diriger vers Dale. La nouvelle de la mort de Smaug avait dû se répandre et on venait pour la Montagne, pour le trésor. Il savait bien à quel point Erebor était importante. Pour tous en raison du trésor, culturellement pour les nains, mais aussi pour sa position stratégique qui permettraient aux suivants de Morgoth de tenter de reconquérir le nord, le Royaume d'Angmar ou, au contraire, aux autres d'empêcher cela. On pouvait avoir mille raisons de vouloir cet endroit mais il ne le céderait à personne. Jamais.
Il continua à surveiller, à affiner ses protections et ses barrières, restant blottit contre l'or, se maintenant difficilement en état pour ce qui allait suivre. Ces gens ne feraient pas bien gentiment demi tour en voyant la montagne close. Il faudrait s'en occuper. D'autres viendraient, des armées risquaient de venir. Aussi, il fit de son mieux pour se maintenir, renforcer la montagne, se préparer, se concentrer, pleurant encore et toujours sa perte en s'accrochant à l'espoir qu'elle n'était peut-être pas définitive même si rien n'était certain.
Douze jours après l'horreur, alors qu'il n'avait pas bougé et ne s'était pas montré, les nains tentant encore d'entrer, l'immense groupe, l'armée, qu'il avait perçu arrivait à Dale, composée d'homme et d'un autre peuple si clair qu'il supposa qu'il s'agissait d'elfe. Mais il faudrait les voir en direct pour en être certain. Ce fut aussi ce jour là qu'il sentit une autre présence puissante arriver et il sut sur le champs : un istar comme lui. L'affaire était de plus en plus sérieuse. Tous affluaient vers la Montagne, vers sa maison qu'il était hors de question de céder. C'était le royaume de Smaug, il ne laisserait personne y toucher en son absence.
Le lendemain, l'armée était déplacée de Dale au pied d'Erebor, quelques gens, probablement des civils restèrent à la ville. Il percevait des auras de femmes, d'enfants et d'aînés rester là bas. Les hommes devaient venir d'Esgaroth, seule ville des hommes assez proche de la Montagne pour arriver aussi vite. Quand aux elfes, les plus proches étaient ceux de la Forêt Noire. Il était probable que des nains finissent par arriver en provenance des Monts de Fers plus loin à l'est. Ces montagnes étaient le refuge d'une bonne partie de l'ancien peuple d'Erebor et le domaine nain le plus proche. S'ils venaient, ce serait eux les premiers. Et il y avait les autres, les hordes malfaisantes. Il sentait leur énergie destructrice et pervertie remonter vers lui depuis Dol Guldur. Ils arrivaient même s'ils mettraient un peu plus de temps à faire le chemin. Surveillant le nord et ses ombres depuis longtemps, il n'avait pas manqué non plus de voir le même genre de chose avancer depuis Gundabad au nord ouest. Bientôt, des marées de tout bord seraient là.
Il garda un œil là dessus mais se concentra surtout sur ce qui était déjà là, devant sa porte. S'il pouvait les faire partir avant que les autres arrivent, cela aiderait. Il les observa et les écouta, tous se demandant pourquoi la Montagne était close ainsi. Le jour suivant, Nefrea se redressa en sentant une petite délégation déterminée approcher. Il était temps de se montrer et de leur faire comprendre que personne n'aurait Erebor ou une seule pièce de son trésor. Il s'efforça de remettre de l'ordre dans sa tenue, de forcer une image froide, forte et assurée, repassant la riche tenue noire brodée de mithril qui lui avait été offerte à son arrivée en Terre du Milieu. Sa lourde, ample et longue cape noire impeccable l'entourant, sa longue chevelure de mithril sans un cheveux de travers pendant dans son dos et son bâton en main, il gagna les portes. Il était temps pour lui de se battre à nouveau pour ce qu'il aimait, pour sa maison, pour ce qu'il chérissait et pour préserver son paradis en attendant que son amour revienne...
