Rien ne m'appartient, sauf quelques personnages et l'intrigue... Oubliez ce que vous savez des Chevaliers de la Table Ronde, j'ai dû faire pas mal d'ajustements pour que l'histoire soit crédible ! Une dernière chose : ce ne sont pas les trois années de latin que j'ai fait au collège qui m'ont donné une culture solide de l'Antiquité. Honnêtement, j'y vais plutôt au feeling. N'hésitez pas à relever mes erreurs si vous êtes connaisseurs !

Même s'il y a pas mal d'ajustements, j'ai essayé de rester la plus fidèle possible aux personnages du célèbre mythe de Tristan et Yseult, ainsi qu'au film "Le roi Arthur". En clair, je me suis demandée s'il était possible de transposer la romance de Tristan et Yseult dans le décors planté dans le film. Voilà mon adaptation, ma vision des choses... d'où le titre de cette fanfic !

Je suis nouvelle ici... alors merci de me redire s'il y a quelques problèmes "techniques" qui apparaissent lors de la publication, notamment dans la mise en page...

Bonne lecture !

— Où sont vos fils ?

— Notre tribu n'a malheureusement engendré aucun fils depuis plusieurs dizaines d'hivers, assura Anguish, le dos droit, le regard clair.

Anguish, son père, qui dirigerait leur tribu jusqu'à sa mort. Leur chef, comme en attestait ses tatouages, sur ses joues : une fleur à trois pétales, tracés à l'aide du pouce. Elle avait les mêmes.

Il ne mentait pas. Avec la réquisition des hommes sarmates, il était devenu difficile d'assurer sa lignée. Et toutes les femmes ayant enfanté depuis le dernier passage des Romains n'avaient donné naissance qu'à des filles.

Coup du sort ? Malchance ? Ou les garçons étaient-ils tués à la naissance, évitant une plus grande peine future aux nouveaux parents ? Elle savait que sa mère possédait de puissants poisons qui auraient pu être administrés à ces effets.

Yseult ne le savait pas. Et préférait ne pas le savoir.

Elle avait vu la peine et les sanglots déchirants des parents qui devaient voir leur enfant partir. Elle était très jeune la dernière fois que cela s'était produit, et les souvenirs étaient brouillés dans sa mémoire. Pourtant, la tristesse qui leur était attachée ne s'était pas estompée au cous du temps.

Elle avait accompagné sa mère lorsqu'elle avait dû visiter une femme au bord de la folie lorsqu'on lui avait appris que son fils était décédé lors de ce service militaire.

Son père lui-même avait bien failli ne jamais revenir suite à ces quinze années. Une vilaine blessure infectée aurait eu raison de lui si, au bord de la mort, il n'avait rencontré sa future femme - Yseult la Belle - qui connaissait le secret des plantes et qui l'avait soigné. Epris l'un de l'autre, elle avait accepté de le suivre en Samartie.

Et Yseult la Blonde était née.

Elle aimait bien entendre l'histoire de ses parents. Elle la trouvait jolie.

Le soldat romain s'impatientait, elle pouvait le voir. Son cheval souffla bruyamment, et gratta la terre de son sabot.

Il semblait tellement hors de son élément, ici. Son armure scintillait sous le soleil de la fin du jour, alors qu'eux, Sarmates, étaient couverts de poussière après une longue chevauchée. Sa cape d'un rouge profond contrastait avec les bruns vieillis des peaux qui formaient leurs tentes et leurs huttes. Il était suivi par quelques légionnaires à pieds, serrés les uns contre les autres, leur bouclier serré près du corps et leurs doigts crispés sur leurs lances.

Pour eux, ils n'étaient qu'un peuple de barbares sanguinaires et dangereux. Leurs yeux bougeaient à toute vitesse sous leur casque, essyant de garder en ligne de mire tous les habitants de leurs petits clans rassemblés sur ce qui serait leur place principale pour les prochains mois. Jusqu'à ce qu'ils se déplacent, une fois de plus.

Yseult aurait ri de leurs grimaces comiques si la situation n'était pas aussi grave.

— Fouillez les huttes, ordonna-t-il à ses hommes, un air supérieur sur le visage.

Les légionnaires se dépêchèrent de s'engouffer dans les tentes de fortune, écartant la maigre résistance de la population, heureux de se soustraire aux regards durs des Sarmates.

On pouvait entendre le bruit de la vaisselle en terre cuite brisée, le piétinement des soldats. Ils sortirent les petits coffres qui étaient habituellement posés sur les dos des chevaux lorsqu'ils quittaient un lieu de campement et qui contenaient leurs effets personnels, les renversèrent par terre. Ils ajoutèrent à la pile croissante d'objets les armes des guerriers.

C'était inutile, totalement inutile. Yseult regarda le chef romain avec colère. Lui aussi savait que cette mascarade ne mènerait à rien ; personne n'était assez fou pour s'opposer à un Romain. Non, il se délectait du spectacle, ravi d'étaler leur pauvreté au grand jour…

Quelques femmes avaient enfoui leur visage dans leurs mains. Les hommes regardaient, impuissants, les Romains balayer ce qu'ils avaient mis plusieurs générations à construire.

Anguish posa une main sur l'apule de sa fille. Pour la rassurer. Pour l'empêcher de faire quoi que soit, également. Parce qu'elle pouvait sentir la rage enfler en elle, ses poings se serrer. Dans quelques années, cette tribu serait la sienne. Et alors, elle vengerait cet affront, quitte à aller à Rome et s'en prendre à César directement.

— Rien, décurion.

Le soldat romain poussa un cri de colère.

Il lui fallait ces enfants. S'il ne remplissait pas les quotas demandés… et les autres tribus déjà visitées n'avaient pas fournis beaucoup d'enfants.

Il détailla l'assemblée de son regard perçant.

— Toi, là-bas ! cria-t-il en désignant Yseult. Ton âge ?

— Dix hivers, répondit-elle en s'avançant.

Elle serait courageuse, comme son père l'avait été avant elle. Elle affronterait son destin, et tous les Romains de l'univers si cela garantissait la paix et le bonheur de son peuple.

— Ton nom ?

— On m'appelle Yseult la Blonde.

— Tu viens avec nous !

Sa mère tremblait, agrippée à son père. Celui-ci prit la parole :

— Non ! rugit Anguish. Ce n'est…

— Qu'une enfant ? se moqua Marcus. Elle a l'âge requis. Et puisque vous ne parvenez pas à enfanter de mâles… de toute façon, pour vous, les femmes sont égales aux hommes, non ?

— C'est mon devoir, père. Je me dois de protéger la tribu.

Elle avait beau essayer d'être forte, elle ne pouvait empêcher sa voix de trembler.

Quinze ans. Elle partait pour quinze ans.

— Préparez-la, ordonna dédaigneusement le décurion.

Aussitôt, on s'affaira autour d'elle. On lui remit une chaude pelisse, on fouilla dans le tas d'armes pour rechercher son petit arc.

— Prends-le, chuchota son père en lui tendant son cimeterre. Tu en auras plus besoin que moi.

Il déposa un léger baiser sur son front.

— Elle a appartenu à ma mère, expliqua Yseult la Belle en emballant son armure. Lorsque viendra pour toi le moment de la porter, puisse-t-elle t'apporter chance.

Elle l'enserra dans ses bras.

— Reviens-moi, Yseult. Je t'en prie.

Sa gorge se noua à cette pensée.

Elle pourrait, comme tant d'autres avant elle, ne jamais revenir.

— Je le ferai, Mère, promit la fillette.

Sa mère se détourna, les larmes aux yeux, et enfouit son visage dans l'épaule de son mari.

Un à un, elle salua les membres de son clan.

Elle ne pleurerait. Pas devant eux. Elle ne se dégonflerait pas non plus devant les Romains, ou elle perdrait toute crédibilité.

Son père lui remit sa sacoche. Il contenait divers petits ballots d'herbes séchées soigneusement choisies par ses soins, plusieurs racines aux propriétés curatives et quelques fleurs aux effets bénéfiques. Sa mère lui avait appris tout ce qu'elle connaissait, et elle avait l'intuition que ce savoir lui serait bien plus utile là où elle allait que ses armes et une armure.

— Comment c'était, là-bas ? avait-elle demandé une fois à son père.

Ses yeux s'étaient voilés, hantés.

— Ecoute ta mère quand elle t'apprend à soigner et guérir, finit pas répondre son père. On meurt plus souvent de maladie que de blessure.

Elle grimpa sur son cheval. Léger, rapide, et fort, il avait toutes les qualités requises pour la suivre… où qu'ils aillent.

Le Romain traversa le petit village, la fillette à sa suite, les légionnaires fermant la marche.

Elle se retourna une dernière fois, inscrivant dans sa mémoire l'image de son clan qui lui faisait ses adieux. Les tentes, fragiles et dérisoires, dressées sur la plaine.

Ils galopèrent quelques minutes, gravirent une colline et rejoignirent le groupe de Sarmates qui avaient été réquisitionnés avant elle. Certains se taquinaient. D'autres avaient délaissé leur monture. D'autres partagaient les mêmes traits ou les mêmes cheveux.

Fratries. Elle ne pouvait qu'imaginer la douleur des parents, qui devaient voir partir non pas un, mais deux, ou même trois enfants.

D'autres avaient laissé leurs larmes couler : leurs yeux étaient rouges et gonflés, la crasse de leurs joues balayée par les sillons de leurs pleurs.

Elle repéra tout de suite le garçon qui portait les mêmes marques qu'elle. A l'arrière du groupe, deux traits surmontant ses pomettes saillante. Fils de chef, comme elle. Destiné à diriger. Ses cheveux bruns lui tombaient sur les épaules. Certaines mèches avaient été tressées. Ses yeux étaient sombres. Elle agrippa son regard, et dut faire un effort pour en détacher ses yeux.

— Ca en a pris du temps ! lança l'un des enfants en la voyant arriver.

Joufflu et enrobé. Tout en lui respirait la jeunesse. L'innoncence. Yseult mordit sa lèvre. Que deviendraient-ils ? Que seraient-ils devenus, une fois ces quinze longues années écoulées ?

Ils ne seraient plus des enfants, de cela, elle était certaine.

Ce ne fut que lorsqu'elle arriva à quelques mètres du groupe qu'il haleta fortement, l'ayant reconnu pour ce qu'elle était : une fille.

Les filles avaient beau porter des vêtements masculins, comme c'était leur coutume, et elle avait beau n'être qu'une enfant, la différence était flagrante : menue, le visage mince, ses longs cheveux blonds et soyeux rassemblés en une natte qui se balançait doucement dans son dos.

Et ses tatouages la distinguait du reste des Sarmates.

Les conversations s'arrêtèrent un instant puis reprirent de plus belle.

Le chef romain donna le signal du départ, et ils s'élancèrent en colonne, à la recherche d'un autre clan sarmate.

— Alors, fille de chef ? demanda le garçonnet. Ils pensaient quoi ? Que tu valais quelques garçons ?

Il s'esclaffa bruyamment.

Fallait-il répondre ? Laisser dire en espérant qu'ils arrêteraient ?

Ce n'était pas dans son tempérament.

— Qu'est-ce que tu en sais ? répondit-elle durement. Mieux vaut une fille bien entraînée, plutôt que quelques garçons lâches et peureux.

— C'est moi que tu traites de peureux ? grogna-t-il en réponse.

— Taisez-vous ! ordonna un légionnaire. Vous aurez tout le temps de vous battre à votre arrivée !

Yseult se détourna, gênée.

— Ne l'écoute pas, lui conseilla son voisin, qui faisait bien une tête de plus que les autres. Bors est impétueux.

— Vous vous connaissez bien ?

— Nous sommes cousins. N'hésite pas à le faire taire, il en a besoin de temps en temps. Ton nom ?

— Yseult la Blonde.

— Dagonnet.

Au fil du temps, l'abattement la gagna. Chaque pas que faisait sa monture l'éloignait de ses parents. Et il faudrait du temps avant qu'elle ne soit acceptée au sein du groupe. Parmi son propre peuple.

Comme s'il entendit ses pensées, son cheval ralentit. Bientôt, elle se retrouva à chevaucher en compagnie de Tristan, à l'arrière du groupe.

Elle comprit rapidement pourquoi il était solitaire : il ne parlait pas, et il y avait quelque chose en lui de sombre, elle pouvait le sentir. Une tristesse qui ne le quittait. Une part de lui-même faite de ténèbres, et qui repoussait quiconque voulait s'pprocher de lui. Qui vous étraignait et vous empêchait de respirer.

Elle se demanda comment il faisait pour vivre avec en permanence.

Elle sentit son coeur se serrer. Qu'avait-il vécu pour laisser cette noirceur être sa seule compagnie ? Et comment l'aider ?

Elle passa en revue les plantes et les breuvages qu'elle connaissait. Rien ne semblait pouvoir l'aider d'une quelconque façon.

Mais son calme permanent et son silence étaient rassurants.

— Tristan, laissa-t-il échapper après de longues minutes où seuls leurs respirations et le claquement des sabots sur le sol se faisaient entendre.

Même son prénom signifiait la tristesse, remarqua-t-elle ironiquement.

— Yseult.

— Je sais.

Il se mura de nouveau dans le silence.

Je finirai pas te comprendre, Tristan, que tu ne le veuilles ou non, pensa-t-elle en le dévisageant à la dérobée.

Ils visitèrent encore quelques tribus. Lorsque les nouveaux venus, il y avait toujours un mouvement de surprise, voir de recul, puis venait le respect et la fierté : elle avait dû faire quelque chose d'extrêmemnt risqué ou dangereux, pour être emmenée avec eux.

Lancelot, un brun élancé aux cheveux bouclés, avait même marmonné :

— Que restera-t-il s'ils s'en prennent même aux filles ?

Le décurion lui avait hurlé de la boucler.

Lancelot essaya malgré tout d'obtenir une quelconque réaction de sa part. Il abandonna rapidement.

— Ne t'en préoccupe pas, c'est une vraie sauvage, grommela le dénommé Bors en se mettant à sa hauteur.

Lorsque la nuit tomba, ils se regroupèrent, fourbus, autour du feu. On leur donna une petite miche de pain et u fruit qui leur était inconnu.

— Une pomme, leur expliqua le soldat romain qui les distribuait.

Yseult y goûta. C'était acidulé et doux.

Malgré elle, elle ne put s'empêcher d'observer Tristan. Elle avait passé plusieurs heures en sa compagnie, et il n'avait pas décocher un traître mot après leurs présentations.

Il semblait savourer le fruit, en coupant de fines tranches à l'aide d'une lame affûtée. Les gestes sûrs et précis d'un grand chasseur.

Yseult avait mal partout. Elle faisait peut-être partie de l'un des plus grands peuples nomades qui avaient jamais existé, elle n'avait jamais autant chevauché en si peu de temps. Son dos était raide, ses muscles, douloureux. Elle se retourna plusieurs fois, cherchant une position confortable pour s'endormir, avant d'abandonner.

Elle ne dormirait pas cette nuit. Ni toutes celles qui suivraient. Pas temps qu'elle ne se sentirait pas en sécurité. Et pas tant que ceux qui avaient retenu leurs larmes toute la journée continueraient de les faire couler dans le silence de la nuit.

Ils traversèrent plusieurs pays. Quelques villages, où les légionnaires achetaient de la nourriture. On les regardait avec pitié, ou on les enviait.

L'élite de Rome. Les plus forts de l'armée la plus puissante et la plus grande de leur époque.

Ils dormaient dans les forts romains, dans de grandes salles qui sentaient la sueur et les chevaux, ou à même les écuries ; ou à la belle étoile, tout simplement.

On ne posait pas de question sur elle. On supposait qu'elle avait été ramassée au bord d'un chemin, qu'elle faisait une halte avec les autres cavaliers par pur hasard. Qu'elle les quitterait rapidement.

Quel autres raisons pousseraient une fille à chevaucher avec des Romains ?

Ils se débarbouillaient dans des ruisseaux, se délestant de la crasse et de la fatigue qui les accompagnait à chaque instant.

Elle avait fait connaissance avec la plus grande partie des autres enfants durant les longues journées passées sur leurs chevaux. Elle avait même appris à en apprécier certain.

Plus ils se rapprochaient de leur destination, plus les forts se faisaient proches.

Après ce qui lui semblait être des années, mais ce qui se rapprochait de quelques semaines, ils débouchèrent dans une ville portuaire. Animée et sale. C'était la première fois qu'elle voyait autant de personnes rassemblées en un même lieu.

Son cheval se cabra.

— Tout doux, ma belle. Tout doux.

Elle ne put observer la ville ; déjà, ils arrivaient au port : des mats qui se dressaient contre le bleu du ciel, l'air piquant du large, une odeur de sel et d'algues. Le Romain parlementa longuement avec un marin.

On les fit monter sur un grand bateau, un palefrenier emporta leurs chevaux. Elle refusa de quitter sa sacoche.

Comme son père avant elle, elle partait pour la Bretagne.

On les fit descendre dans les entrailles du navire. Plus bas, toujours plus bas. L'escalier, toujours plus raide et plus étroit, les salles, toujours plus profondes, les torches trouant à peine la noirceur. La puanteur, qui vous prenait à la gorge. Elle était entourée d'une immensité d'eau salée, qui fasisait pression sur la coquille et elle ne pouvait plus respirer et

— Tout va bien se passer, assura une voix ferme mais douce dans son dos.

Tristan.

Elle reprit la descente, les marches en bois rendues glissantes par de l'eau poisseuse.

Elle ne sut combien de temps il leur fallut patienter, assis, serrés les uns contre les auttres, avant qu'enfin, le bateau ne se mette en branle.

La traversée se passa sans incident, une fois sa crise de panique passée. Du moins, pour elle : elle ditribua quelques feuilles qui calmaient les maux de ventre aux garçons sarmates verdâtres que le bateau rendait malades.

Bercée par les mouvements des flots qui soulevaient la coque et le grincement du bois, elle s'endormit, roulée en boule contre quelques cordages oubliés.

Le lendemain, elle monta sur le pont. Le paysage la laissa sans voix : dans toutes les directions, le bleu de la mer surmonté par le bleu du ciel, le cri des oiseaux qui se posaient sur les mats, l'air frais et vif qui s'enroulait autour d'elle.

Elle avait l'impression d'être libre, alors que sa captivité ne faisait que commencer.

Elle ouvrit les bras, accueillant le sentiment bienvenu.

— Ne reste pas là, petite, grommela un homme bourru couvert de cicatrices.

Devant elle, le bateau prenait vie : les hommes tiraient sur les cordes, montant les voiles. Les poulis gémissaient, les chaînes claquaient. D'autres personnes aspergaient le ponton d'eau. D'autres encore jouaient à un quelconque jeu de hasard, cachés derrière quelques tonnaux.

Les étoiles dans les yeux, elle retourna au fond de la cale sombre.

Lorsqu'ils débarquèrent enfin, Yseult prit de profondes respirations. Elle avait l'impression de revivre, loin de cette cale à l'air vicié. Son regard se tourna vers sa nouvelle patrie.

Elle fut déçu. Partout, à perte de vue, de l'herbe. Il faisait froid.

On sortit les chevaux du bateau. Avec soulagement, elle retrouva sa monture. Elle la caressa longuement, lui chuchotant des mots doux au creux de l'oreille.

Ils chevauchèrent encore de longues journées. Les plaines succédaient aux forêts, et les forêts aux plaines.

— Nous arriverons demain, leur apprit le décurion un soir.

Leur dernière soirée en tant que Sarmates.

L'un deux - Galahad, si sa mémoire était bonne - entonna l'un de leurs chants ancestraux.

Ils le reprirent en coeur, et même Tristan se joignit à la mélopée, implorant leurs dieux de les laisser en vie, de sauvegarder leurs âmes, de les protéger.

Pour la première fois depuis son départ, elle se sentit rassénérée, et elle parvint à s'endormir.

Le visage paisible de Tristan, tandis qu'il récitait les paroles en choeur avec eux, accompagna ses rêves.

Tout était possible.