De retour de son entretien avec le thérapeute, la blonde s'isola dans la salle de repos. Inévitablement, il était venu la sonder sur ses retrouvailles avec son ex-compagnon et inévitablement, ses remarques l'avaient remuée. Il fallait désormais qu'elle se ressource, seule, avant de pouvoir l'affronter. Et étonnamment elle se surpris à songer à cette haine qui l'envahissait depuis la veille… C'était comme si le fait de mettre des mots sur ses ressentis et agissements l'avait faite disparaître. Candice ne voulait plus de piques, d'engueulades ou de reproches… Elle voulait simplement retrouver cette cohésion qui les caractérisait tant, retrouver leur complicité aussi… Mais attention, il était hors de question de retomber dans ses bras… Même si la tentation était grande… Alors elle prit sur elle et se chargea d'une onde positive qui la guida jusqu'à l'openspace où tout le monde discutait de leurs recherches infructueuses. Hésitante, elle pénétra dans la pièce avant d'oser intervenir dans la discussion.

« Sinon… Moi j'ai vu son thérapeute… » lâcha-t-elle doucement.

Antoine l'observa, perplexe. Quelque chose avait changé… Sa dureté semblait remplacée par une certaine fragilité qu'elle avait pourtant du mal à exposer. Et à cet instant, son comportement la trahissait, venant confirmer les doutes que le commissaire traînait depuis la veille…

« Alors ? osa-t-il gentiment.

- Ça confirme ce que je pensais… Depuis quelques mois Émilie était en boucle sur le décès de sa sœur. Le psy a noté un trouble obsessionnel…

- Mais elle est mort ans… Pourquoi maintenant ? intervint Vasseur.

- D'après nos recherches, Camille a arrêté ses études après le bac. Elle allait de petits boulots en petits boulots et le dernier qu'elle a déclaré c'est dans un ancien bar d'Agde.

- Agde ? s'étonna Antoine. Mais elle est pas originaire de Nice ?

- Si… Justement. Elle semble avoir fait la saison estivale là-bas avant de rentrer sur Nice. Six mois après, elle s'est suicidée après avoir fait un déni de grossesse…

- Donc tu penses que la mort d'Émilie serait liée à celle de sa sœur…

- J'en suis certaine même. Émilie avait complètement vrillé depuis quelques mois. On a eu une affaire qui a fait écho à ce qu'elle avait vécu et… ça l'a replongé dedans… À tel point qu'elle a rompu avec son compagnon… Un certain Grégoire…

- Je vois ce que je peux trouver sur lui… lança Val en se plongeant dans son ordinateur.

- Merci…

- Et ce fameux bar à Agde… ? Ça donne quoi ?

- Il n'existe plus. Y a 5 ans les patrons l'ont revendu et les nouveaux propriétaires ont fait faillite. C'est devenu le siège d'une asso pour l'écologie marine je crois.

- Vous avez contacté les anciens patrons de Camille ? demanda le commissaire.

- Non…

- Marquez, Élodie, vous vous en chargez ! ordonna-t-il. Val tu vois si tu retrouves ce fameux Grégoire ! continua-t-il autoritaire avant de poser ses yeux sur son ex. Et toi… Tu vas te poser un peu, ok ? lâcha-t-il doucement avant de quitter la pièce. »

Étonnée, Candice le fixa s'enfuir bouche béante. Les mots du psy résonnaient dans son esprit… Il avait raison, il fallait qu'ils discutent… Et cette soudaine docilité la poussait presque à l'affronter. Pourtant, la blonde se ravisa, préférant se remettre de ses émotions avant d'oser l'aborder frontalement. Finalement, elle décida d'investir la salle de repos pour profiter du calme ambiant de cette fin de journée. Rapidement, son adjoint la rejoignit, un sourire compréhensif sur le visage.

« Ça va ? osa-t-il. Tu as l'air complètement HS là…

- Ça va oui… J'suis fatiguée c'est tout…

- Hum… acquiesça-t-il dubitatif. Tu sais que… Tu peux me parler hein… »

Candice acquiesça à son tour, tentant de contrôler un flot de larmes qui menaçait de dévaler ses joues. Et pour cacher cette vulnérabilité galopante, elle baissa la tête, fixant sa tasse vide. Le capitaine s'approcha doucement et déposa sa main sur son épaule, visiblement démuni face à sa détresse. Intérieurement, la commandante hurlait contre elle-même. Elle s'était toujours jurée de ne jamais montrer ses faiblesses, encore moins sur son lieu de travail et surtout pas face à son adjoint. Après tout, elle souhaitait incarner une figure d'autorité, rigide et solide. C'était son rôle ! se persuadait elle. Mais parfois, les sentiments prenaient le dessus… Et à cet instant précis, elle faisait les frais de cet imbroglio dans laquelle elle s'était fichue…

« C'est de ma faute… laissa-t-elle sortir en relevant doucement la tête.

- De quoi tu parles ?

- Toute cette situation… C'est à cause de moi… Émilie était au plus mal et j'ai rien vu… J'ai pas réussi à la sauver…

- Eh… Émilie a fait ses choix, Candice. À moi non plus elle n'a rien dit… Elle voulait… elle voulait sûrement nous épargner tout ça…

- Mais elle était jeune ! Elle avait la vie devant elle… s'emporta-t-elle en laissant couler ses larmes.

- Viens… osa-t-il en ouvrant ses bras. »

Candice hésita. La proposition n'était clairement pas déontologique… Et elle savait ce qu'elle risquait à mêler professionnel et personnel… Mais en même temps, la situation était totalement différente qu'avec son ancien commissaire. Alors même si elle aurait préféré les bras d'un autre, elle se contenta de ceux-là pour se revigorer.

« J'ai pas le droit de craquer… Pas maintenant…

- Tout le monde a le droit de craquer, Candice… Et toi, en plus de tout ça, ta situation est compliquée…

- Tout est toujours compliqué de toute façon…

- Mais sinon on s'ennuierait non ? plaisanta-t-il pour la faire rire.

- Hum… »

Candice finit par relâcher le corps de son adjoint en lui souriant sincèrement. Et entêté à vouloir la rassurer, il enlaça ses épaules en lui servant son thé favori. Dos à l'entrée, les deux agents ne pouvaient apercevoir le commissaire qui les observait. Lui qui venait s'assurer que son ex allait bien, devait visiblement se résigner à céder sa place à un autre policier. Bras ballants, il ravala sa salive et se décida à tourner les talons en se suppliant d'oublier l'image qu'il venait de voir.

« En plus c'est con de tout compliquer avec un mec aussi beau gosse que ça… continua Nathan en rigolant.

- Tu vas pas recommencer ?! Lâcha-t-elle dépitée en riant doucement.

- Non j'ai bien compris que c'était chasse gardée… puis de toute façon j'aurais aucune chance…

- Oh tu sais sur un malentendu… ironisa-t-elle.

- Hum… Sauf que vu comment monsieur te regarde… Ça me paraît difficile.

- T'es bête…

- Non j'suis sérieux… »

Elle haussa les épaules, partagée entre satisfaction et hésitation. Si seulement Nathan pouvait avoir raison… songeait-elle avec espoir. Mais Candice dut chasser ses pensées de son esprit et revenir aux fondamentaux avec l'intervention de Marquez. L'équipe débarqua rapidement dans le bureau d'Antoine, prête à partager ses nouvelles infos.

« On a contacté les anciens patrons d'Émilie. RAS… Elle bossait que quelques mois par an pendant la haute saison. Ils m'ont décrit une fille calme, polie et investie…

- Super… Ça ne mène à rien quoi… souffla le commissaire.

- Et moi j'ai retrouvé le fameux Grégoire. J'ai épluché tous ses réseaux sociaux e profils qui correspondaient. Mais certains échanges de commentaires étaient clairement plus parlants.

- Et donc ?

- Il s'appelle Grégoire Henriot. C'est un coach sportif sur Montpellier. J'ai son adresse… expliqua-t-elle en tendant un post-it à son supérieur.

- Bon il est tard… Demain première heure vous allez chez lui, ok ? En attendant, vous pouvez y aller pour aujourd'hui… lâcha Antoine autoritaire.

- Euh… intervint Marquez. Avec Mehdi et Ismaël on s'était dit qu'on aurait pu se rejoindre au bar tous ensemble ce soir… Ça permettrait de se vider la tête et de se retrouver… Qu'est-ce que vous en pensez ? demanda-t-il hésitant. »

Instantanément, Candice fixa Antoine, ne sachant que répondre. Allait-elle réussir à supporter une soirée tous ensemble comme avant ? Elle finit par baisser la tête, attendant la réponse du commissaire. Au fond, elle l'espérait positive, s'étonnant à songer à un potentiel rapprochement.

« J'pense que c'est une bonne idée… » entendit-elle sortir de sa bouche alors qu'il acquiesçait.

Surprise, elle releva la tête et observa les yeux de ses coéquipiers rivés sur elle. Des bégaiements sortirent de sa bouche avant qu'elle n'ose accepter. Antoine lui adressa un sourire sincère, satisfait de passer une soirée en sa compagnie, presque comme celles qu'ils avaient l'habitude de passer avant… Et son sourire s'élargit lorsqu'il entendit Nathan décliner la proposition. Au moins ce soir, il se tiendrait à l'écart de sa commandante…

Tous finirent par déserter le bureau et se retrouvèrent dans le bar situé à proximité du commissariat. La blonde ne lâchait pas Nathalie, s'accrochant à elle comme une bouée de sauvetage. Elle ressentait une multitude de sentiments qu'elle ne pensait pourtant jamais ressentir. De la gêne d'abord, d'être là, sans réellement savoir pourquoi… D'être là, à quelques centimètres de lui alors qu'intérieurement elle imaginait un fossé entre eux... D'être là, à faire semblant de fêter alors qu'au fond le cœur n'y était pas pour des raisons évidentes... Mais en même temps, cette soirée lui donnait l'impression de revenir quelques temps en arrière, où tout était encore joyeux et prometteur…

Le verre à la main, elle posait ses yeux sur ses collègues, écoutant avec attention l'histoire que racontaient Mehdi et Ismaël. Une histoire ridicule, où les deux collègues s'étaient encore placés en situation de rivalité pour se défier. Elle éclata de rire, amusée par leur mésentente sur la version des faits qu'ils contaient. Finalement… C'étaient ces petites choses qui lui manquaient. Ces petites choses mais… Surtout cette chose là… Qui était face à elle et qui n'osait à peine la regarder. Cette chose-là qui riait aux éclats sans soupçonner deux yeux bleus posés sur elle… Cette chose-là qui s'excusa rapidement en récupérant son téléphone avant de déserter la brasserie. Perplexe, Candice le suivit du regard, l'observant se positionner sur le trottoir et faire signe au loin. Intriguée, elle plissa les yeux et perdit son sourire en constatant que sa fille le rejoignait accompagnée d'une jolie femme.

« C'est qui cette femme ? demanda-t-elle discrètement à Nathalie.

- Où ?

- Là devant ! Avec Antoine…

- Je sais pas …

- Elle lui a donné un trousseau de clés… Tu crois que… ? osa-t-elle paniquée.

- Attends… Je crois que je l'ai déjà vu plusieurs fois passer à la BSU…

- Elle venait faire quoi ?

- Je sais pas elle sortait du bureau d'Antoine…

- Ok… acquiesça-t-elle avec déception. »

La scène qui se jouait devant elle étant trop dure à supporter, Candice posa violemment son verre sur la table et s'isola aux toilettes. C'était donc elle la fameuse « chérie » de ce matin… songeait-elle attristée. Il l'avait donc potentiellement remplacée… Sans scrupules… Et sans lui dire… Intérieurement, Candice vrillait. Mais il ne fallait rien laisser paraître. La blonde devait maintenant retrouver ses esprits. Elle souffla avant d'activer le robinet et passer de l'eau sous ses yeux. Elle tamponna ses pommettes avec un morceau de papier et se planta dans l'entrebâillement de la porte où Nathalie débarqua.

« J'te jure Nath, s'il la fait venir ce soir, je m'en vais…

- Mais non il va pas la faire venir ! Puis ton histoire de nouvelle vie, j'y crois pas !

- Alors c'est qui ?!

- J'en sais rien… C'est peut-être de sa famille je…

- Arrête ! Je la connais sa famille… Y a pas de quarantenaire jolie comme ça !

- Oui bon… Tant qu'on n'est pas sûres, on ne s'affole pas… conclut Nathalie en faisant demi-tour. »

Candice put rapidement observer Antoine prier sa fille de saluer ses collègues. D'humeur joviale, la petite revêtait un large sourire qui s'élargit davantage lorsqu'elle l'aperçut revenir vers eux.

« Candice ?! s'étonna-t-elle en accourant vers la commandante.

- Salut toi… lâcha-t-elle en enserrant la petite dans ses bras.

- T'es là parce que c'est redevenu comme avant ?

- Comment ça, comme avant ?

- Papa a dit que quand t'auras réglé tes problèmes ça redeviendra comme avant… expliqua-t-elle tout bas à son oreille.

- Ah oui… sourit-elle. Mais non pas encore… Je retravaille avec lui quelques jours…

- Ah bon ? Il me l'a pas dit… Il doit être content parce que tu lui manques…

- Ah oui ? Il te l'a dit ?

- Ouais… acquiesça-t-elle alors que son père s'approchait d'elles. Hein papa ?!

- De quoi ? répliqua-t-il innocent.

- Ça te manque le travail avec Candice…

- Ah… oui… balbutia-t-il gêné. Euh… Marquez a pris une table. Tu restes manger avec nous ?

- Oh ! Dis oui Candice, s'il-te-plaît !

- Je sais pas… Les enfants m'attendent et…

- S'te plaît… supplia la petite en attrapant sa taille.

- Ok… finit-elle par accepter en souriant doucement à Suzanne.

- Comme ça, je mange entre vous deux ! s'exclama fièrement la brunette en courant vers la table. »

Son père rigola doucement en l'observant avant de reposer les yeux sur Candice dont le regard s'était assombri. Gêné, il glissa ses mains dans ses poches avant de se décider à détendre l'atmosphère.

« J'sais pas si t'as pris la bonne décision là… plaisanta-t-il. Parce que je crois qu'elle va pas te lâcher de la soirée …

- Pourquoi ? Ça t'aurait arrangé que je parte ? osa-t-elle par provocation.

- Non… Enfin c'était pour plaisanter… bredouilla-t-il. Je disais ça parce que Suzanne t'adore…

- C'est bien… Au moins quelqu'un qui ne m'oublie pas…. Lâcha-t-elle durement avant de se tourner vers ses anciens collègues. »

Antoine l'observa partir, perplexe. Leur relation était un vrai yo-yo… À 8h ils se détestaient, à 12h ils retrouvaient leur complicité, à 14h ils s'engueulaient, à 16h ils s'aimaient à nouveau et à 18h la haine ressurgissait. Fatiguant… songeait-il sans avoir saisi son allusion. Bredouille, il retourna vers ses collègues qui s'installaient à table, souriant doucement en entendant sa fille privatiser les deux assiettes à côté de la sienne qui trônait fièrement en bout de table. Sous les ordres de Suzanne, Antoine siégea en face de Candice qui n'osait à peine le regarder.

Il va être long ce repas… souffla-t-elle intérieurement.