Le soir même, lorsqu'ils descendirent pour aller manger, tout le monde se rassembla à l'extérieur à cause du manque de place. Une grande table était installée avec beaucoup de couverts. Chacun s'assit à sa place, Helena s'était installée entre Hermione et Ginny, et en face de Ron. Une myriade de plats apparue sur la table, aussi variés qu'appétissants. Elle mangea avec appétit, tout était délicieux. Molly était une excellente cuisinière. Elle se sentait à la fois la plus heureuse et la plus triste au monde. Heureuse car elle avait l'impression de faire partie de cette famille qui l'avait accepté si facilement, tous étant avec elle plus adorables les uns que les autres. Triste car au fond, elle savait bien que ce n'était pas sa famille, et sa mère lui manquait plus que tout. À la fin du repas, un magnifique fraisier apparut, le gâteau préféré d'Helena, surmonté de quinze bougies.
- Allez ma chérie, fais un vœu et souffle ! dit Molly.
Elle pria intérieurement pour son père et éteignit les bougies en une seule fois. Le gâteau était délicieux, elle n'en avait jamais mangé de semblable.
La soirée passa très vite, et il fut bientôt l'heure d'aller dormir. Mais elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. Elle se leva silencieusement en essayant de ne pas réveiller Hermione et Ginny, sortit de la chambre et descendit les escaliers. Tout le monde dormait. La maison était calme. Elle prit son manteau et alla à l'extérieur s'asseoir sur les marches de l'entrée. Elle avait passé une journée magnifique, elle n'aurait pu demander mieux pour son anniversaire. Pourtant, une boule se forma dans sa gorge. C'est peut-être à ce moment-là qu'elle se rendit vraiment compte qu'elle ne verrait jamais sa mère, qu'elle haïssait plus que tout cette femme qui l'avait torturé jusqu'à ce qu'elle en meure, que cette dernière ne saurait jamais quel homme bon et courageux était devenu son père. Jamais elle n'avait ressenti un tel désir de vengeance et de colère. Elle laissa couler des larmes silencieuses sur ses joues malgré le froid et regarda au loin. Tout était si paisible, tellement contraire à ce qu'elle ressentait à l'intérieur. Elle sortit de son manteau une cigarette, l'alluma et tira dessus afin de remplir ses poumons de cette substance nocive mais apaisante. Elle était tellement perdue dans ses pensées qu'elle n'entendit pas la porte s'ouvrir lentement derrière elle.
- Tu fumes maintenant ? C'est nouveau ? lui dit Harry.
Helena sursauta tellement qu'elle faillit échapper sa cigarette et que son cœur battit la chamade.
- Putain Harry ! T'es con, tu m'as fait peur !
Il ferma la porte et s'assis à côté d'elle.
- C'est pas ma faute si tu es tellement concentrée que tu ne vois rien de ce qui se passe autour de toi.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Si tu es encore venu me prendre la tête, je suis pas d'humeur, répliqua-t-elle avant de tirer encore une bouffée de nicotine.
- Non, j'avais seulement besoin d'air aussi. J'ai encore fait ce rêve bizarre. Alors ? Depuis quand tu fumes ?
- Pourquoi ? Tu as l'intention de me dire que c'est pas bien ? Que c'est mauvais pour la santé ? dit-elle avec un rictus.
- Non, je cherche juste à te connaître.
Elle le regarda dans les yeux afin d'y déceler au moins une once d'ironie mais elle se rendit compte qu'il était honnête.
- Seulement depuis six mois. Je ne fume pas énormément, de temps en temps quand j'ai besoin de décolérer ou de réfléchir. J'ai commencé en juin dernier après une journée particulièrement difficile…
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Ethan… C'était la première fois qu'il levait la main sur moi. Je me suis enfuie de la maison et je ne pouvais même pas aller à l'hôpital. Ce n'était pas si grave que ça, seulement deux ou trois bleus et une entorse à la cheville. Et bien sûr mon nez qui n'arrêtait pas. Je suis allée dans les toilettes d'un Macdonald pour me nettoyer le visage et quand je suis sortie, j'ai acheté un paquet sur un coup de tête pour comprendre pourquoi les gens fumaient. Bien sûr la première cigarette n'a pas été une partie de plaisir, mais au moins elle m'a détendu.
- Je vois… Si tu ne veux pas répondre, c'est ok mais… tu sais pourquoi il se comportait comme ça avec toi ?
Elle réfléchit deux minutes en terminant sa cigarette.
- Honnêtement non… Je peux faire des suppositions bien sûr. Il venait de se séparer de sa petite amie qui l'avait quitté à cause de son caractère insupportable. C'était la première fois qu'il buvait autant. Je pense qu'il avait besoin d'un défouloir et malheureusement j'étais sur son chemin.
- Je suis désolé pour toi…
Elle ne répondit pas et ils restèrent quelques minutes dans un silence total à regarder quelques flocons qui commençaient à tomber.
- Et pourquoi tu es dehors à cette heure-ci ? Mauvais rêve aussi ? s'inquiéta Harry.
- Non, juste une insomnie. La famille de Ron est vraiment super. Ça m'a fait penser à tout ce que je ne connaîtrai probablement jamais…
- Je comprends, j'ai ressenti la même chose la première fois.
Elle soupira de sa bêtise.
- Je suis désolée, je suis là à me plaindre alors que j'ai au moins mon père…
- Ne t'inquiète pas, je comprends ce que tu ressens… Pour moi, les Weasley et Sirius sont devenus ma famille maintenant, je ne vais pas mentir en disant que c'est plus facile, mais ça atténue un peu la douleur.
- Il y a une question que je voulais te poser il y a quelques mois, mais je n'osais pas te demander. Tu te souviens le jour où on s'est tous endormi un après-midi dans le parc ?
- Oui je crois.
- Tu dormais profondément et tu as dit le nom « Cédric ».
Elle vit une ombre passer sur son visage.
- Bien sûr si tu ne veux pas en parler c'est pas grave, reprit-elle rapidement.
Il la regarda dans les yeux et, contre toute attente, commença à lui raconter ce qui s'était passé l'année dernière pendant la dernière épreuve du Tournoi des Trois Sorciers. Lorsqu'il finit son récit, elle vit une unique larme couler sur sa joue. Il l'essuya rapidement et se leva.
- Je pense qu'il est temps de retourner dormir, il commence vraiment à geler ici.
- Bien sûr, lui répondit une Helena troublée.
Elle était passée par bien des étapes difficiles, mais elle se rendait compte qu'il n'en était rien comparé à lui. Comment un garçon de son âge avait eu autant d'épreuves ? Elle monta les marches de l'escalier derrière lui et il s'arrêta devant la porte de la chambre de Ginny.
- Bonne nuit Helena.
- Bonne nuit Harry.
Ils se regardèrent un moment, les yeux dans les yeux, puis Harry détourna son regard le premier et monta jusqu'à la chambre de Ron. Elle entra dans celle qu'elle partageait avec les filles et retourna se coucher. Une fois allongée, elle réfléchit à sa conversation avec Harry. Finalement, ils seraient peut-être capables de s'entendre.
- Helena ! Hermione ! Réveillez-vous ! Les cadeaux ! s'écria une Ginny surexcitée.
Helena se redressa d'un coup et vit une petite montagne de cadeaux au pied de son lit. Elle les déballa les uns après les autres et contempla avec joies ses premiers vrais cadeaux de Noël. Elle avait reçu une boîte de fondants ainsi qu'un pull avec un grand H de la part des parents de Ron, une boîte à flemme ainsi que quelques oreilles à rallonge de la part des jumeaux, un livre sur les sortilèges de beauté de la part d'Hermione, une boite de Chocogrenouille de la part de Ron et une boite de Fizwizbiz de la part de Harry. Son père lui avait envoyé un petit paquet d'assortiment de plusieurs sucreries sorcières accompagné d'une lettre. Elle l'ouvrit fébrilement.
« Ma tendre Helena,
Je n'ai que quelques minutes pour t'écrire ces mots. Je ne pourrai malheureusement pas venir aujourd'hui. Pardonne-moi. Tout va bien ne t'inquiètes pas.
Je t'embrasse,
Severus. »
Une boule se forma dans son ventre, elle avait un mauvais pressentiment. Elle prit la lettre et dévala les escaliers sous les regards surpris de ses amies. Lorsqu'elle arriva dans le salon, elle regarda autour d'elle et trouva la personne qu'elle cherchait. Elle se dirigea vers Remus et lui tendit la lettre.
- Il faut parler à Dumbledore, s'exclama-t-elle. Je pense que quelque chose ne va pas, je me doute qu'il ne pouvait pas écrire de quoi il s'agit mais je trouve ça bizarre.
- Ne t'inquiète pas Helena, ton père sait ce qu'il fait ainsi que Dumbledore. Tu dois te calmer, il a l'habitude.
- Mais…
- Pas de mais, coupa-t-il doucement en posant ses mains sur les épaules d'Helena. Crois-moi sur parole, s'il y avait quelque chose, on le saurait.
Ses paroles eurent au moins le bénéfice de la rassurer, mais elle avait toujours cette étrange boule à l'estomac…
Le reste des vacances au Terrier se passa très bien, mieux que tout ce qu'elle pouvait imaginer. Elle travaillait avec Hermione sur ses devoirs, regardait les garçons et Ginny jouer au Quidditch, elle avait même essayé une fois de monter sur un balai. La sensation était géniale, mais elle ne pouvait pas monter trop haut à cause de sa peur du vide. Elle aimait sentir le vent dans ses cheveux, elle se sentait comme un oiseau et cela lui vidait complètement la tête. Elle aimait aussi écouter les jumeaux discuter, ils avaient toujours des idées plus saugrenues les unes que les autres et ils étaient fascinants à observer. Un matin, elle eut la surprise de recevoir une lettre de Drago lui demandant comment elle allait, comment se passait ses vacances, lui racontant comment s'était déroulé son propre Noël, seulement avec ses parents, le fait que l'agitation de l'école lui manquait. Elle remarquait que plus le temps passait, plus il se confiait. Elle lui avait donc répondu sans en parler à personne sous peur de moqueries ou de regards noirs. Hermione et Ron annoncèrent enfin leur relation à la famille Weasley après les questionnements incessants de sa mère qui se demandait pourquoi ils agissaient aussi bizarrement et toute la famille fut contente pour eux même si les jumeaux ne se retinrent pas d'emmètre quelques blagues douteuses à propos de la baguette de Ron qui ne firent rire qu'eux.
Le retour à Poudlard se fit difficilement, Helena ne voulait plus partir tellement elle avait apprécié son séjour. Elle avait remercié Arthur et Molly au moins une dizaine de fois pour tout ce qu'ils avaient fait. Ils lui ont répondu que c'était tout à fait normal et que si elle le désirait, elle pouvait venir passer quelques jours chez eux cet été. Elle ne s'était pas retrouvée seule à seule avec Harry depuis la soirée du 24, ce qui n'était pas plus mal à son avis, il valait mieux cela que de se disputer. Mais il y avait pourtant une chose dont elle devait discuter avec lui, et ce depuis quelques mois, mais elle n'avait pas encore trouvé le moment idéal… peut être ce soir. Le trajet lui parut interminable, et c'est épuisé qu'ils arrivèrent enfin à Poudlard en fin d'après-midi. Ils montèrent dans la salle commune avant le dîner déposer leurs affaires puis redescendirent rejoindre leurs amis. Dès qu'ils s'assirent, Helena remarqua l'absence de son père à la table des professeurs ainsi que celle de Dumbledore, ce qui lui parut suspect. Elle fit part de ses pensées à Hermione qui lui répondit qu'elle aussi avait observé ce détail. Peut-être étaient-ils justement ensemble en train de discuter ?
Malgré cela, ils n'eurent pas le temps de s'ennuyer à table car tous voulaient raconter leurs vacances d'hiver. Certains étaient partis à l'étranger, d'autres au ski, mais la plupart étaient restés, comme eux, avec leur famille. Helena fut soudain surprise par un sentiment général qu'elle n'avait pas remarqué plus tôt. Un état global de tristesse et de crainte chez plusieurs de ses camarades.
- Qu'est-ce qu'il se passe Hermione ? Regarde, beaucoup se comportent bizarrement.
- Ah bon ? J'avais pas remarqué, se défila-t-elle.
- Hermy… Tu me caches quelque chose ou quoi ? Tu es la plus intelligente d'entre nous et tu voudrais me faire croire que tu n'as pas observé ce qu'un gamin de cinq ans verrait ?
Hermione rougit à ce commentaire.
- Je crois que le mieux placé pour te parler de ça est Harry. Je sais que vous ne parlez pas beaucoup en ce moment mais… Bref, il t'expliquera, conclu-t-elle fermement.
Après le repas, ils montèrent enfin dans les étages et Helena n'en pouvait plus de curiosité. La plupart étant fatigués, plusieurs de leurs camarades rejoignirent leur lit afin d'avoir une bonne nuit de sommeil pour se préparer à la rentrée du lendemain. Ils furent les derniers présents dans la salle commune lorsqu'Hermione monta à son tour. Harry et Ron voulurent aussi partir lorsqu'Helena les arrêta.
- Désolée Ron, mais ça te dérange si je parle à Harry deux minutes ?
- Pas de problème, à demain et bonne nuit à vous, bailla-t-il.
Elle s'assit dans le canapé face à la cheminée et attendit que Harry la rejoigne.
- Qu'est-ce qui se passe Helena ?
- Il y a deux choses dont j'aimerais te parler, ne t'inquiète pas y'en aura pas pour longtemps.
Il vint alors s'assoir à ses côtés et attendit qu'elle prenne la parole.
- Tu préfères la bonne ou la mauvaise ?
Il la fixa deux minutes puis répondit.
- Va pour la mauvaise d'abord.
- J'ai parlé avec Hermione à table, et elle m'a dit de te poser la question à toi. Pourquoi tout le monde avait l'air si étrange à table ?
- Hum… Ce n'est pas d'aujourd'hui, je pense que tu étais tellement concentrée à rattraper tes cours que tu n'as pas vu que cette ambiance dure depuis le début de l'année. Tu n'as pas remarqué pourtant que beaucoup ne sont pas restés au bal ?
- Si mais, ça ne m'a pas choqué. Je pensais simplement que leur famille leur manquait.
- Pas exactement, c'est autre chose… Tu te souviens de ce que je t'ai raconté pendant les vacances sur ce qui s'est passé l'année dernière ? Voldemort est de retour. Le problème, c'est que le ministère fait comme si rien ne s'était passé. Tout l'été, ils nous ont fait passé, Dumbledore et moi, pour un sénile et un fou afin que personne ne nous croit. Ils ont réussi. Mais malgré cela, tout le monde voit bien qu'il y a des disparitions inquiétantes ou encore des morts mystérieuses. Certains ont voulu partir plus tôt afin de profiter de leur famille car on ne sait jamais ce qu'il peut arriver en quelques mois… C'est assez compliqué à expliquer… termina-t-il.
- Je pense que j'ai compris.
La petite boule qu'elle avait à l'estomac pendant les vacances revint, lui coupant presque le souffle. Elle fixa les flammes, perdue dans ses réflexions.
- Et la bonne c'était quoi ?
- Oh… C'est quelque chose que je voulais te montrer depuis un moment mais comme on ne faisait que se disputer, j'ai pas eu l'occasion de t'en parler. Tu te souviens du carton que ma mère m'a laissé avant de… avant de…
- Oui je me souviens, coupa-t-il voyant la peine sur son visage.
- Il y avait deux photos que je voulais te montrer. Je vais les chercher attends.
Elle partit avant qu'il ne put répliquer quelque chose, entra discrètement dans la chambre afin de ne pas réveiller ses camarades, prit les photos et revint vers la salle commune.
- Tiens, dit-elle en se rasseyant à côté de lui.
Lorsqu'il vit la première photo, celle de sa mère, ses yeux s'écarquillèrent.
- Mais c'est...
- Ta mère je sais. Et la femme à côté d'elle, tu la connais ?
Harry regarda attentivement la deuxième femme sur la photo.
- Non, mais je l'ai déjà vue dans l'album que Hagrid m'avait offert pendant ma première année.
- C'est ma mère.
