« Papa, je peux te parler ? »
Noah quitta son dossier du regard, reportant son attention sur son fils qui se tenait dans l'encadrure de la porte de la cuisine. Stiles se tordait nerveusement les doigts, son pied tapant un rythme irrégulier sur le sol. Le shérif soupira et poussa ses papiers un peu plus loin.
Il plongea son regard dans celui de son fils, attendant patiemment qu'il s'explique. Est-ce qu'enfin, Stiles allait lui partager ce qui le tracassait depuis des mois ? Allaient-ils enfin réussir à reconstruire la relation fusionelle qui les liait autrefois ? Noah l'espérait de tout son cœur, il n'en pouvait plus des mensonges de son fils, de ses abscences et de le voir rentrer en douce au plein milieu de la nuit recouvert de plaies plus ou moins graves. Le shérif n'en avait rien dit, mais il n'était pas duppe. Stiles devrait mieux cacher ses pansements usagés et ne pas dévaliser l'armoire à pharmacie familiale.
« Qu'y a-t-il fiston ? » Noah voulait pousser Stiles à se confier, alors qu'il était évident que l'adolescent était sur le point de faire demi-tour.
L'adolescent grimaça. Son père avait pour habitude d'appeler tous les gamins qui passait par le poste de police « fiston ». Il lui avait expliqué que c'était pour les mettre en confiance, leur faire croire qu'il était de leur côté. C'est pourquoi habituellement, Noah l'appelait fils, et non fiston. Sinon, le shérif avait l'impression de mélanger vie privée et boulot. C'était une explication que Stiles n'était pas certain de comprendre, mais cela lui importait peu jusqu'à aujourd'hui comment son père le surnommait.
Prenant une profonde inspiration pour se donner le courage d'affronter le regard de son père, Stiles s'expliqua.
« Lydia organise une soirée ce week-end, dans la maison de campagne de sa famille. On pensait passer le week-end là-bas avec Scott, tu sais, faire du camping, marcher un peu. Avant d'y aller, on reviendrait le lendemain matin. Pour ne pas conduire trop fatigué, après la fête. Je… je pourrais récupérer les clés de ma jeep ? »
Il parlait vite et marmonnait certain mot, mais Noah en avait l'habitude, cela faisait des années qu'il avait appris à parler le Stiles. Et ce qu'il comprenait ne lui plaisait pas. Le shérif fronça des sourcils, ses poings se serrèrent sur la table et son regard était dur lorsqu'il dévisagea son fils.
Stiles ne le regardait pas dans les yeux, il faisait craquer nerveusement ses doigts et mordillait sa lèvre inférieure. Il mentait, Noah savait reconnaître lorsque son fils n'était pas honnête. Etonnemment, Stiles était un excellent menteur avec tout le monde, sauf son père. Noah avait l'impression que son fils régressait de cinq ans à chaque fois qu'il devait lui demander une faveur.
Depuis quelques mois, il avait l'impression que Stiles n'arrêtait plus de mentir. A quand remontait la dernière conversation où Stiles n'avait pas mordu sa lèvre ? Il ne le savait même plus. Mais cette fois-ci, il ne céderait pas. Noah ne supportait plus d'être traité comme un étranger par son propre fils.
Bon sang, il pensait pourtant avoir été un parent cool ! Il ne l'avait que rarement grondé pour avoir séché des dizaines de cours au collège, il avait laissé Scott dormir dans sa maison tous les week-end pendant des années, lui achetait toujours ses céréales préférées en faisant les courses. Noah avait entendu ses collègues se plaindre de l'adolescence de leurs enfants et jamais, au grand jamais, il en avait fait de même. Le shérif avait toujours été fier de son fils et ce n'était pas quelques bêtises sans réelle importance qui allait le faire se plaindre. Il ne comprenait pas comment le passage au lycée de Stiles avait pu devenir un telle catastrophe et briser ainsi leur complicité.
« Non. » trancha-t-il, déçu que Stiles n'ait toujours pas assez confiance en lui pour se confier. Noah ne réalisait même plus que son propre comportement finissait par bloquer ce dernier encore plus.
« Mais Papa, je ne suis pas sorti de la semaine, j'ai respecté le couvre-feu de 18h depuis trois semaines et je n'ai séchaé aucun cours ! » s'exclama Stiles, indigné.
« Et tu es privé de voiture pendant deux semaines. Donc si tu veux aller à cette soirée, c'est moi qui t'y emmène et je te recherche à 22h. Ce n'est pas négociable. »
Stiles devint rouge de colère. Même s'il ne comptait pas réellement aller à une soirée organisée par Lydia Martin, cela restait la honte que son père veuille être son chauffeur.
« C'est ma voiture ! C'est moi qui paye les réparations, l'assurance et l'essence avec mes économies. Tu n'as pas le droit de juste me prendre les clés comme ça !
- Ce n'est pas ta voiture, c'est celle de ta mère. » gronda le père, s'emportant à son tour.
« Maman est morte, ça fait des années. Il serait tant que tu le réalises ! »
Un silence pesant s'abattit dans la cuisine. Stiles pâlit brusquement et recula d'un pas alors que Noah quitta sa chaise d'un geste brusque. Son fils était allé trop loin et il le savait. L'hyperactif baissa la tête, fautif.
« Je … je vais demander à Scott de prendre sa voiture, ne t'embête pas à m'y emmener. Je serai de retour à 22h. » bafouilla Stiles, son téléphonne en main. Il était déjà en train d'écrire un message à son meilleur ami, histoire qu'il puisse corroborer sa version lorsque son père ou Melissa lui demanderait où ils iraient ce week-end.
Il ne vit pas son père faire le tour de la table et se dresser devant lui, le dos droit et profitant de le dépasser de quelques centimètres pour le dominer. Noah arracha le téléphone de son fils de ses mains.
« Non, il est hors de question que tu disparaisses tout le week-end sans même que je sache réellement où tu es. »
Stiles braqua son regard dans celui de son père, le défiant de le priver encore une fois de sortie.
« Est-ce que tu ne peux pas me faire un peu confiance ? Juste pour cette fois ?
- Confiance ? Tu veux que je te fasse confiance ? Tu passes ton temps à disparaître je ne sais où, avec je ne sais qui et pour faire je ne sais quoi ! Tu refuses de me parler et le pire, c'est que tu ne me préviens même pas et me laisse poireauter jusqu'à ce que monsieur veuille bien réapparaître si je ne te retrouve pas sur une scène de crime avant. Alors non Stiles, il va falloir la regagner, ma confiance ! » tonna le père de famille.
« Très bien ! Tu veux savoir la vérité ? » Noah sentit son cœur s'emballer, il n'imaginait pas que cette conversation aurait lieu lors d'une dispute, mais il mourait d'envie de connaître le fin mot de l'histoire. « J'allais passer le week-end chez un gars.
- Un gars ?
- Ouai, mon petit-ami. Mon mec. Mon amant. Il faut que je te le dise dans une autre langue ? »
Noah ne releva même pas l'insolence de son fils. C'est tout ce qu'il avait réussi à trouver comme excuse. Le shérif retint un rire nerveux de lui échapper de justesse. Son fils, bien que le regardant désormais droit dans les yeux continuaient tourtant de tordre ses doigts et gratter la peau autour de ses ongles. Encore des mensonges.
« Déjà la dernière fois au club et encore aujourd'hui. Tu ne vas donc jamais cesser de mentir. Ce n'est pas un jeu Stiles, je suis sérieux. » tonna le père de famille.
« Putain mais je ne mens pas ! »
Noah était perdu. Son fils mentait, c'était évident mais son regard était criant de sincérité. Il était perdu et la colère de Stiles ne faisait que nourir la sienne. La claque partit toute seule. Noah ne sut même pas dire si c'était lui ou l'adolescent le plus surpris. Il n'avait jamais levé la main sur son fils et la culpabilité lui rongeait déjà le cœur en voyant son garçon fixé le sol d'un air perdu. La force de la baffe lui avait fait détourner le regard.
« Tu vas me parler autrement jeune homme. » Noah respirait fortement, à bout de souffle. « Dans ta chambre, maintenant. »
Stiles fixa son téléphone une seconde, toujours serré dans le poing de son père avant de lui lancer un dernier regard où se mêlait colère, frustration et trahison. Cependant il ne dit plus un mot et obéit à l'ordre. Le shérif ne lui avait jamais bit beaucoup de limites, mais cette fois-ci, Stiles comprenait les avoir dépassées.
Lorsqu'il fut seul, Noah trébucha de quelques pas en arrière jusqu'à buter contre la table. Comme un automate, il tira une chaise à lui et s'y affala lourdement, son regard ne quittant pas le petit écran qu'il tenait entre ses doigts.
Le shérif ne sut pas réellement combien de temps il resta là à fixer le télephone. Peut-être quelques secondes, ou bien plusieurs minutes. Noah n'en avait aucune idée et cela lui importait peu. Avec cette dispute, il savait que sa relation avec son fils était définitivement brisée. Plus jamais ce ne serait pareil entre eux. Pour l'amour de Dieu, il avait levé la main sur son garçon, le précieux bébé de Claudia. Jamais elle ne lui pardonnerait cela.
Puis, l'écran s'alluma, un message apparut sur l'écran de verrouillage. Noah eut un sourire amer en voyant le fond d'écran de son fils. Il s'agissait d'un selfie pris dans des cabines d'essayage, Scott habillé en jolie robe rose alors que Stiles portait un pantalon patte d'eph léopard et une tunique à fleur par-dessus. L'ensemble piquait presque les yeux du shérif tant son fils était ridicule. Les deux garçons portaient des lunettes ridicules d'où dépassaient encore les étiquettes. Noah sourit, peut-être qu'au fond, Stiles était encore un peu le gamin plein d'énergier et de joie de vivire qu'il avait connu.
Puis, son regard glissa sur la notification, seul le début du message était visible. De part le surnom, Noah comprit qu'il provenait de Scott. Il hésita une seconde à lire le contenu du sms, il ne voulait pas envahir l'intimité de son fils ainsi. Mais Naoh avait besoin de réponses. Il n'était pas fier d'enquêter sur son propre enfant, mais il savait aussi avec cette dispute que jamais Stiles ne se confierait de son plein gré.
« T'es où ? On t'attend depuis une heure, Derek et Peter vont te tu… »
Frustré de ne pas avoir la suite du message, Noah cliqua dessus pour ouvrir la messagerie de son fils. Cependant un mot de passe lui fut demandé et il ne fut jamais aussi frustré que son fils applique ses conseils et protège ses informations personnelles. Il avait passé des années à répéter à Stiles de mettre un mot de passe sur son téléphone et c'est maintenant que le shérif avait besoin d'y avoir accès que son imbécile de fils suivait ses conseils. Tout ça n'en était que plus suspect.
Et bon sang, même avec le peu d'informations grapillées, Noah mourait d'envie de connaître le fin mot de l'histoire ! Derek et Peter, le shérif savait déjà de qui il s'agissait. Il ne connaissait qu'un seul Derek vivant à Beacon Hills et que son fils pourrait connaître. Derek Hale, l'homme ayant passé la nuit dans son commissariat il y a quelques mois de cela et qui n'arrêtait pas de traîner autour d'affaires plus que louches. Ce fameux Peter ne pouvait être que l'oncle de Derek, encore plus louche que ce dernier. Mais dans quoi pouvait bien traîner Stiles pour côtoyer ces deux hommes. Et apparemment, Scott y était lui aussi mêlé.
Bien que n'étant pas fier d'avoir lu le message de son fils, Noah avait besoin de réponse. Immédiatement. Alors il quitta sa chaise et grimpa les escaliers jusqu'à l'étage, curieux d'entendre autant de remu-ménage à l'étage. Mais que pouvait bien faire son fils alors qu'il venait de le punir.
Noah ne toqua même pas à la porte, ouvrant avec force la porte en bois qui claqua contre le mur de la chambre. Il y eut un instant de flottement, Stiles fixa son père les yeux écarquillés comme ceux d'une biche prise dans les phares d'une voiture.
L'adolescent avait été pris sur le fait, sa fenêtre grande ouverte et son sac de sport bien rempli juste dessous. Il fourrait quelques affaires supplémentaires dans son sac de cours, son ordinateur portable, des carnets, quelques livres sur les créatures surnaturelles, une lampe torche et quelques autres babioles.
Mais Noah ne fit aucune remarque. Il n'était même plus surpris de découvrir que son fils avait prévu de fugué par la fenêtre de sa chambre.
« Je peux savoir pourquoi tu traînes avec les Hale ? » la voix du shérif était terriblement calme.
Cette fois-ci il en était certain, son fils ne pouvait que traîner dans des affaires louches si pour lui, il était préférable d'improviser un coming-out plutôt que de lui avouer voir Peter et Derek Hale.
« Tu n'avais pas le droit de lire mes messages ! » s'insurgea Stiles en fixant l'écran vérouillé de son téléphone où apparaissait le sms de Scott.
« Tu ne réponds pas à la question. » s'agaça le shérif.
« C'est ma vie privée, ça ne te concerne pas qui je vois, où je vais et ce que je fais de ma vie ! »
Stiles savait qu'il allait trop loin. Mais il n'en pouvait plus, il était à bout. Il ne pouvait rien dire à son père alors que ce même secret détruisait leur relation. Encore une fois, l'hyperactif préférait lui cacher l'existence des loups-garous, des monstres et des autres bêtes surnaturelles peuplant Beacon Hills. Stiles refusait de mettre son père en danger plus qu'il ne l'était déjà en exerçant le métier de shérif. Il était insupportable pour lui d'imaginer perdre son père alors qu'il avait déjà eu tant de mal à surmonter le décès de sa mère, des années plus tôt.
Stiles était tant obnubilé par l'idée de protéger son père, qu'il ne réalisait même pas que c'était ses cachoteries qui allaient le faire le perdre.
« Tu tiens donc tant que ça à rejoindre ces gens ? Alors vas-y ne te gêne pas ! » gronda Noah.
Stiles se figea, ne comprenant pas pourquoi son père l'autorisait soudainement à quitter la maison après avoir tant insisté pour l'avoir à l'œil. Puis, tout devint clair.
Noah traversa sa chambre, attrapa le sac de sport d'une main et le bras de son fils de l'autre. Il le traîna derrière lui jusqu'à la porte d'entrée.
« Arrête Papa, tu me fais mal. » criait Stiles, son sac sur une épaule, tentant veinement de faire lâcher son bras à son père. « Qu'est-ce tu fais ? Papa, arrête, s'il te plaît. »
Noah lâcha le sac de sport pour ouvrir la portre et poussa son fils sur le perron. Stiles trébucha sur une marche à cause de la force du geste, il chuta sur les fesses, ses pieds glissant sur le sol boueux de la cour. Il n'eut pas le temps de se relever que son sac de sport atterrissait à ses pieds, suivit de ses clés de voiture que son père venait de sortir d'une des poches de son uniforme.
« La prochaine fois que je te vois, tu auras intérêt à avoir des réponses à me fournir. Autrement, ce n'est même pas la peine de penser à revenir ici. »
L'expression de Noah était dure, intransigeante. Il ne pensait pas un mot de ce qu'il disait, il voulait juste faire réagir son fils. Que Stiles comprenne que son comportement pouvait mener à de graves répercussions, qu'il pourrait tout perdre à cause de ses manigances étranges et de son comportement suspect. Noah Stilisnki ne pouvait plus le couvrir indéfiniment et il était encore plus impensable pour le shérif d'avoir un potentiel criminel sous son toit. Il voulait que son fils lui parle pour régler cette affaire avant que quelque chose de trop grave ne se produise.
Des larmes ne tardèrent pas à dévaler les joues de son fils, coincé dans un incroyable dilemme. Perdre son père ou bien lui dire la vérité. Mais Stiles le connaissait bien, Noah refuserait de se tenir à l'écart du monde surnaturel, il prendrait encore plus de risque pour l'aider qu'il ne le faisait déjà pour son travail.
Il avait lui-même mis des mois à s'habituer à vivre au sein de ce nouveau monde. Si lui, n'avait pas pu résister à l'idée de fouiller dans d'anciens cold case, juste pour vérifier que le surnaturel n'interférait pas avec ces vieux meurtes, alors son père allait devenri fou. C'était son métier que de résoudre des crimes et plus jamais, il n'arriverait à simplement penser que ceux-ci sont généralement commis par de simples humains. Stiles n'y arrivait pas et son pire était dix fois pire que lui en ce qui concernait les enquêtes. Il refusait de le voir retomber dans l'alcoolisme ou remettre toute sa carrière en question.
Rageusement, l'adolescent essuya son visage de sa manche boueuse, ce qui ne fit que le salir davantage. Il ramassa ses clés et ses sacs avant de rejoindre sa Jeep. Trop abasourdi par le choix de son fils qui préférait vivre à la rue que de lui parler de ses problèmes, Noah n'eut pas le temps de le retenir.
Stiles jeta ses affaires sur le siège arrière avant de grimper dans sa voiture. Le moteur vrombit, mais l'hyperactif ne démarra pas immédiatement. Il rouvrit la porte pour crier à son père :
« Et même si ça n'a rien à voir avec tout ça, il faudra bien que tu te fasses un jour à l'idée que ton fils est une putain de pédale ! »
Puis Stiles claqua la porte de sa Jeep, disparaissant déjà au loin lorsque le shérif réalisa ce que son fils venait de lui avouer. Noah s'effondra sur ses genoux.
« Bon sang Claudia, qu'est-ce que je viens de faire ? »
