- Je maintiens qu'on devrait l'emmener à l'hôpital. L'alpha t'a dit que s'il fallait payer pour lui, elle paierait. En quoi c'est un problème ?

Cora n'en démordait pas. Techniquement, la trousse de secours que l'hôtel lui avait fournie suffisait amplement à soigner les blessures de Stiles, mais la jeune louve tenait à donner son avis. A montrer que celui de son frère n'était pas le bon. Lui, ce qu'il voulait, c'était le garder ici. Le soigner au mieux et lui éviter de sortir pour le moment.

- On ne connaît pas cette ville, ni les gens qui y vivent. L'alpha a l'air d'être une femme honnête, mais je ne peux pas en dire autant des membres de sa meute.

La voix de Derek avait claqué, tranchante. S'il avait calmé le gros de sa fureur en passant du temps dehors, il n'en restait pas moins que sa colère était tenace. Elle ne partirait pas avant un moment. Cora aussi était foutrement énervée, mais elle se montrait plus mesurée. Peter ? Il ne disait rien, ne montrait rien. Pourtant, on savait ce qu'il ressentait.

- Ils n'iront pas risquer de l'attaquer à nouveau avec la menace que tu as balancée à l'alpha, rétorqua la jeune femme.

Et c'était justement là où Cora se trompait, d'après Derek. Si Maia Roberts avait pris sa menace au sérieux, c'était parce qu'elle était droite et juste. Qu'elle n'avait pas participé à ce passage à tabac en règle – elle était contre ça – puisqu'elle l'avait appris après coup. Ses loups, par contre… Derek ne pouvait pas en dire autant d'eux. Au lieu de comprendre qu'il était capable de mettre ses menaces à exécution, ils pouvaient prendre cela pour des paroles en l'air, et se venger de l'humiliation infligée par le simple bêta qu'était Derek.

Qui serait la victime de leur courroux ? Stiles. L'humain.

Ainsi, Derek n'était pas prêt à prendre le moindre risque les concernant. Car s'ils y étaient allés « doucement » pour éviter de s'attirer quelque ennui que ce soit en lui faisant trop de mal, l'idée de vengeance pouvait mettre un terme à leur retenue. Là, ils ne passeraient pas Stiles à tabac. Ils le battraient à mort. Quelle que soit la raison de sa présence dans cette ville, l'hyperactif ne méritait pas ça.

Alors, Derek secoua la tête. Si dans ce reste de famille, il n'y avait pas réellement de chef, l'ancien alpha endossait toutefois souvent ce rôle. La raison ? Son oncle ne le voulait pas, et Cora n'avait pas l'âme d'une leadeuse. Ainsi, quand ils se déplaçaient ou voyageaient, c'était Derek qui prenait les rênes, tout en écoutant le point de vue de chacun.

Mais sur ce coup-là, il n'était pas d'accord avec Cora.

Pour être honnête, il ne prendrait pas tant de précautions si c'était quelqu'un d'autre. Mais Stiles n'était qu'un humain. Et un humain, c'était atrocement fragile. Derek n'avait pas l'intention de prendre le risque de le laisser à l'hôpital puis voguer seul dans la nature. D'une manière ou d'une autre, Stiles avait attiré l'attention et sa présence n'avait pas plu. Alors, il valait mieux attendre un peu, le temps de faire comprendre à cette meute que l'attaquer était une mauvaise idée et que le jeune homme… N'avait aucune mauvaise intention. Avec du recul et ce que l'alpha lui avait raconté, Derek comprenait un peu la méfiance de certains.

Mais celle-ci ne justifiait en rien ce qu'ils lui avaient fait.

- On le garde ici et on va rester quelques jours en ville.

Son ton était sans appel et n'admettait pas de remarque. Ce que Derek ne disait pas, c'est qu'il allait aussi tenter de tirer toute cette histoire au clair. Il y avait quelque chose de pas très net dans tout cela. Le simple fait d'avoir croisé Stiles dans un hôtel loin de Beacon Hills était étrange, mais ce qui avait particulièrement attiré son attention – et celle de Peter également, même s'il gardait cela pour lui –, c'était sa fuite. Stiles s'était crispé dès qu'il les avait vus avant de trouver une excuse pour sortir de leur champ de vision et s'en aller.

Au final, ils avaient réussi à le retrouver. Et maintenant, il y avait cette histoire de meute. Stiles ne ferait plus partie de la leur et ça, c'était la plus grosse bizarrerie que Derek avait entendue. Ce n'était pas qu'il n'y croyait pas, d'autant plus que Maïa ne pouvait pas sortir cette information de nulle part, simplement… Elle était trop étrange et trop incongrue pour qu'il l'accepte sans se poser de questions. Parce qu'il allait interroger Stiles une fois qu'il serait en état, c'était certain. Evidemment, il n'allait pas le faire tant que l'hyperactif ne se serait pas bien reposé. Si ses blessures n'étaient pas graves, elles restaient nombreuses.

Et se rappeler du simple fait qu'on l'avait passé à tabac lui serrait les entrailles, lui donnait envie de traquer tous ces loups et de leur casser les jambes chacun leur tour. Mais il avait agi avec diplomatie, n'ayant pas l'intention de déclarer la moindre guerre et il s'y tiendrait malgré tout. A côté de cela, il garderait Stiles ici, histoire d'être sûr qu'il ne lui arrive rien. D'un regard, il sut que Peter, légèrement en retrait, était d'accord avec lui. Stiles était humain. Humain. Fragile. Encore plus dans cet état-là. D'ailleurs, il n'avait pas encore repris connaissance et si on ne s'en inquiétait pas, on attendait avec empressement son réveil… Ne serait-ce que pour voir si ça allait vraiment. Bien sûr, Derek n'aurait pas hésité à l'emmener à l'hôpital si ses blessures étaient trop importantes. Mais il avait palpé ses côtes, regardé ses ecchymoses avec Peter. Techniquement, ça allait. Derek comprenait toutefois le point de vue de Cora qui serait plus rassurée de le savoir dans un établissement de santé, mais… Non, pas maintenant. Il préférait éviter. Et si l'un de ces chiens travaillait là-bas ? Il n'était pas prêt à prendre le moindre risque. Un loup mal tenu par son alpha, s'il était de nature trop vindicative, pouvait adopter le comportement d'un oméga et s'avèrerait ainsi dangereux car instable. Pas que pour Stiles, d'ailleurs. Pour à peu près tous ceux qui auraient la malchance de croiser sa route.

Ainsi, Derek préférait passer outre sa colère et faire preuve de discrétion. C'était mieux pour tout le monde. Cora lui jeta un regard confus. Elle ne comprenait pas, n'adoptait pas son point de vue. A vrai dire, elle avait passé des années éloignée du monde surnaturel. De fait, elle avait oublié certains de ses côtés, notamment quelques facettes plutôt sombres que conférait une nature lupine. Dans un sens… Elle était innocente, oubliait parfois qu'un loup, ça pouvait être aussi formidable que monstrueux.

Derek était bien placé pour le savoir.

D'un autre côté, il ne pouvait que comprendre sa sœur. Elle avait beau ne pas avoir été longtemps à Beacon Hills, elle connaissait la meute, en faisait plus ou moins partie. En fait, elle était restée suffisamment pour nouer quelques liens, dont certains amicaux. Stiles faisait partie de ceux qu'elle avait décidé d'apprécier. Alors forcément, elle s'inquiétait pour lui. Mais ici, il serait en sécurité. Derek n'en démordrait pas.

xxx

Stiles se réveillait, doucement et c'était bête, parce qu'il n'en avait pas envie. L'inconscience avait cela d'agréable que le temps passait sans qu'on le sente : c'était aussi rassurant qu'hypnotique. De fait, l'hyperactif vouait une adoration certaine au sommeil, qu'il embrassait à la moindre occasion venue – lorsqu'il était certain de pouvoir le faire toutefois. Et là, il se sentait reprendre connaissance. Ça lui déplaisait. Il était bien, dans ses absences. Là, il n'avait pas mal, ne se posait pas la moindre question. Là, on le laissait tranquille.

Or, son corps commençait lentement mais sûrement à lui faire comprendre qu'il ne pouvait pas exaucer son vœu de néant. Cela commença avec de simples picotements ici et là qui, doucement, se transformèrent en tiraillements de plus en plus nets… Jusqu'à le faire grimacer et le faire se rendre compte que le sommeil n'était plus une option. Il ne pouvait pas ignorer la douleur graduellement plus aigüe. Non, il n'en était pas capable. Par chance ou par malchance, tout dépendait du point de vue que l'on prenait, Stiles ne reliait cette douleur à rien. Pas même à des souvenirs qu'il pourrait avoir – son réveil était trop récent pour cela. Au fur et à mesure, il passa cependant de tiraillements incessants à l'impression qu'un camion lui avait roulé dessus. Il avait mal partout. Ainsi, il eut le réflexe de rester parfaitement immobile, dans l'espoir de calmer ces élans de plus en plus clairs. Techniquement, on n'était pas censé éprouver de douleur en se réveillant… Si ? Stiles n'en avait ni l'impression, ni le souvenir. Il fronça les sourcils sans ouvrir les yeux. Pouvait-il se rendormir ? Là, au moins, il n'aurait pas l'inconvénient de la douleur… Puis de toute façon, qu'avait-il à faire ? Rien, d'autant plus qu'il avait beau avoir démarché bon nombre de commerces, ce n'était pas tout de suite qu'on allait le rappeler pour lui donner du travail, et… Cette simple pensée fit « tilt » dans son esprit, achevant de le réveiller. Le travail. Bordel, il cherchait du travail ! Il en avait besoin, c'était littéralement nécessaire pour qu'il puisse survivre dans cette nouvelle ville, loin de tout et de tout le monde… D'ailleurs, ne s'était-il pas fait refouler parce qu'il en cherchait un, justement ? Les souvenirs s'égrenèrent peu à peu et Stiles sentit une espèce de froid le gagner. Le froid de l'horreur, le froid de la honte. Il se souvint de sa peur, de cette impression que tout était terminé, cette sensation de chute qu'il avait l'impression d'avoir expérimentée.

Et si ce n'était pas qu'une impression ?

Stiles ouvrit les yeux et voulut se redresser pour voir à quel point il était blessé. Parce que, ça y est, il se souvenait. On l'avait agressé, passé à tabac. Mais la douleur, plus que lancinante, empêcha son corps d'exécuter l'ordre de ses pensées. Ce n'était finalement pas un camion qui lui avait roulé dessus, mais trois – au moins. La panique commença doucement à le gagner. S'il ne pouvait pas bouger, comment faire pour… Mais qu'est-ce que… ? Enfin, il laissait son regard voguer sur la chambre dans laquelle il se trouvait. Chose, il s'en rendit compte après coup, qu'il aurait dû faire dès le départ, avant même d'essayer de se redresser – ce qu'il n'était, de toute évidence, pas réellement capable de faire à cet instant. Techniquement, il pouvait bouger, il le savait, simplement… Il avait mal. Mal au point de désirer se préserver un peu. De repousser l'urgence du départ car oui, il devait impérativement s'en aller. Gloire à la personne qui avait, semble-t-il, stoppé le massacre sur sa personne, mais… Stiles ne tenait pas à rester plus que nécessaire. Serait-ce toutefois trop malpoli de partir sans un mot ? Peut-être. Cependant, le cœur de Stiles battait vite et il n'aimait pas cette situation. Il ressentait le réel besoin de fuir.

Sauf qu'il n'en était pas réellement capable à cet instant, alors… Il prit sur lui et fit au mieux pour reprendre le contrôle sur sa respiration quelque peu hachée et endiguer le début de panique qui était sur le point de prendre possession de sa personne.

Panique qui, disons-le, augmenta considérablement lorsqu'un visage connu fit subitement irruption dans son champ de vision.