Une entreprise difficile
Partie 4
À peine quelques heures, après avoir échappé héroïquement du Paradis, ils étaient dans l'ascenseur destination case départ. Le temps leur était compté, si ce n'était pas déjà trop tard. S'ils avaient de la chance, le Metatron ne, ce n'était pas encore aperçu de leur disparition. Dans le cas contraire… Il ne fallait mieux pas trop y penser. Le plan était simple : ils s'introduisaient au Paradis, récupéraient l'auréole d'épines©, la détruisaient et Metatron avec, avant de repartir l'air de rien. Facile. Un jeu d'enfant. Aucune raison que ça se passe mal.
Pour facilité la première partie du plan, qui était incontestablement la plus simple, Rampa, c'était miniaturisé sous sa forme de serpent pour s'enrouler autour de la jambe d'Aziraphale. Ainsi dissimulé sous l'ample pantalon beige, il aurait le loisir de se faufiler si le besoin se faisait sentir.
- On rentre, on retourne à la cellule, on prend l'auréole …. Énumérait à voix basse Aziraphale tandis que l'ascenseur montait de plus en plus haut.
- Détends-toi l'angelot, siffla Rampa en remontant depuis sa cheville. Tout va bien se passer.
- C'est déjà un miracle que l'ascenseur soit apparu pour moi. Je te rappelle que j'ai « chuté ».
Le serpent siffla un rire contre la peau de sa cuisse qui le fit tressaillir. Les écailles froides glissaient sans effort sur sa peau en une délicieuse caresse. Il continua son ascension jusqu'à se faufiler entre les fesses de l'ange qui se raidit. Aziraphale dût se faire violence pour garder sa concentration et son silence.
- Rampa ! Le fustigea l'ange. Tu es fou !
La tête du serpent se fraya un chemin sous sa ceinture puis entre les boutons de la chemise pour regarder Aziraphale de ses yeux jaunes.
- T'inquiètes pas mon ange, le stress, c'est mauvais pour le teint.
Rampa frotta sa tête écailleuse contre la joue de l'ange qui passa ses mains sur son long corps froid. Le serpent agita sa langue près de son oreille lui arrachant un gloussement.
- Tu as raison. Personne n'est au courant qu'on est là, comment ça pourrait mal se passer ?
[illustration : ibb. co/LrK0NVF ]
L'ascenseur se stoppa, la porte s'ouvrir en tintant. Michael, flanquée d'Uriel, les attendait.
- Aziraphale et son démon de compagnie Rampa. J'aurais voulu dire que c'était une désagréable surprise, mais pour ça, il aurait fallu que je sois surprise. Saisissiez-les !
Une compagnie d'ange surgit de toutes parts, pointant sur eux lances, sabres et épées. Aziraphale leva les mains en l'air tandis que Rampa l'entourait d'un geste protecteur.
- Hum… C'était quoi déjà ? Ah oui ! Pourparler ?
Escortés par les archanges, Aziraphale et Rampa, qui avait repris sa forme humaine entre temps, évoluaient en silence.
- Aziraphale, pour votre trahison en vous associant de nouveau à un démon et pour avoir déserté votre poste vous serez jugé devant le Metatron, les informa Uriel.
- Vous serez immanquablement destitué de votre statut d'archange suprême, renchérit Michael. Statut qui n'aurait jamais dû être le vôtre du reste !
- Ah, mais c'est ça ! L'interrompu Rampa. Tu veux le boulot ! Mais t'inquiète bichette, il en veut plus du job ! Il est à toi, cadeau !
- Il ne s'agit pas que de ça ! Répliqua l'archange en pointant un doigt accusateur sur lui.
- Ah oui, j'comprends le Metatron. Il t'a pas à la bonne hein ? Se moqua le démon. Alors tu penses si tu lui livres un traître : pouf promotion ? Mais j'ai une mauvaise nouvelle pour toi, Micheline, c'est que ton souci, ce n'est pas que le poste soit pris, c'est ton boss.
Il laissa son dernier mot en suspens, avec un large sourire, conscient de son effet. À ses côtés, Aziraphale lâcha un « Juste ciel... » fatigué. Comme s'ils n'avaient pas déjà assez d'ennuis. Mais Michael dévisageait le démon en réajustant le bas de son vêtement.
- Mais encore ? Finit-elle par demander d'un ton pincé.
- Bah toi, ce qui te branche, c'est la fin du monde, les trompettes de l'apocalypse et les pluies de sang ? J'te juge pas hein. Alors que le Metatron, il serait plutôt du genre à vouloir son petit royaume perso, tu vois ce que je veux dire ?
- Non-sens ! Tais-toi démon !
- J'ai bien peur que cela soit la stricte vérité.
À la surprise générale, c'était Uriel qui s'était exprimée. Elle continua :
- J'ai surveillé personnellement Aziraphale pour m'assurer qu'il n'était plus en contact avec cette engeance. Mais bien vite, je me suis rendu compte de comportement suspect de la part du Metatron. Je l'ai alors surveillé à son tour. Je n'ai pas pu obtenir beaucoup d'informations, mais il complote quelque chose, c'est évident.
- Uriel ! Metatron est la voix du Tout Puissant ! Si tu ne comprends pas ses agissements, c'est simplement, qu'à l'instar de notre Seigneur, ils sont ineffables.
Uriel, bien que peu convaincue par cet argument ne trouva rien à lui opposé. Les deux archanges se jaugeaient du regard. Rampa fouilla dans la poche de sa veste et en sortie un dictaphone, qu'il agita entre elles deux.
- J'ai peut-être quelque chose qui pourrait vous mettre d'accord. Ça pourrait même intéresser vous-savez-qui ! Dit-il en pointant le plafond.
La bande contenait l'ensemble de son excursion involontaire au Paradis. Tous écoutèrent, sans faire de commentaires, Metatron déballer tout son plan comme un méchant de mauvais film. Quand ils arrivèrent au moment où Aziraphale était sous l'emprise du Porte Voix, celui-ci se décomposa. Mais Rampa lui donna un petit coup de coude agrémenté d'une grimace complice. Uriel était aussi stoïque que Michael fulminait. Elles s'écartèrent pour mener un débat animé sur ce qu'il conviendrait de faire, les laissant seuls.
- Un dictaphone et un bipeur ? Demanda Aziraphale.
- Mouais… Tu sais, j'ai la nostalgie de la Guerre froide, c'était vraiment marrant tout ce contre-espionnage. Et puis tu avais l'air de tellement t'amuser avec ton histoire de détective, j'ai eu envie d'essayer…
- Tu t'es laissé « tenté » ! Gloussa Aziraphale très satisfait de son trait d'humour. Oh ! Je sais, on devrait ouvrir une agence de détective !
- Non, sans façon, l'angelot, raya-t-il faussement dégoûté. Vraiment.
Les archanges étaient de retour, visiblement arrivées à une conclusion.
- Remettez-nous l'enregistrement, exigea Michael. Nous allons demander une audience au Tout Puissant.
- Quant à l'auréole, continua Uriel. Vous devrez vous charger de la retrouver et de nous la rapporter. Nous occuperons le Metatron entre temps.
- D'accord, vos Excellences nous
Mais Rampa, l'interrompu d'un éclat de rire goguenard :
- Avouez, vous le répétez à l'avance votre petit numéro-là ? Ça se passe comment ? Vous jouez à pile ou face qui commence ? Ou alors c'est
Décomposé, Aziraphale le saisit par le bras pour l'emporter loin des deux archanges qui perdaient manifestement patience.
- Nous nous en occupons, vous ne serez pas déçues ! Cria-t-il pour couvrir le fou rire de Rampa.
Bientôt, ils furent devant la cellule de Rampa. L'endroit était désert.
- Je viens de penser à un truc, comment on va ressortir de là ? Demanda Rampa. Je veux dire, on est censé rester là-dedans jusqu'au retour du Metatron, donc on pourra pas ressortir ?
- Je n'y avais pas pensé… Répondit pensivement Aziraphale. D'ailleurs, je ne sais même pas si on peut rentrer.
Pour éprouver ses dires, il déposa une main sur la surface du mur. Celui-ci ondula comme s'il avait troublé la surface d'un lac, et sa main passa au travers. Surpris, il trébucha et sa tête passa au travers. Il ne dut qu'aux prodigieux réflexes de Rampa de ne pas passer complètement le mur. Celui-ci le tira en arrière le ramenant de leur côté.
- Merci, dit-il en se redressant. Je crois qu'on tient notre plan d'action.
Il leur fallut plusieurs tentatives pour trouver le bon endroit pour tenter d'attraper l'auréole. Si quiconque était arrivé à ce moment-là, il aurait surpris une scène des plus burlesques. Un démon au paradis en train de tirer les jambes d'un ange à moitié pris dans un mur. Enfin, Aziraphale émergea avec l'auréole à la main. Il la lâcha dès qu'il fut de retour comme s'il avait peur qu'elle ne l'attaque. Rampa l'observait au sol avec mépris. Un peu, plus tôt, il n'avait pas pu la regarder une fois qu'elle avait été arrachée au front de son ami. Alors c'était elle ? Son auréole ? Elle aussi devenue un monstre. Il n'était pas sûr que ce soit une bonne idée de la toucher. Qui sait ce que cela pourrait provoquer.
- Tu crois que tu redeviendrais comme avant si tu la mettais ? L'interrogea l'ange derrière lui.
Pour toute réponse, il claqua la langue. Il n'avait franchement aucune envie d'envisager ça. Ni avant, ni après ce qu'ils avaient fait à Aziraphale.
- Bon, on se casse, finit-il par dire sans la toucher.
Aziraphale la ramassa d'un geste souple avant de lui emboîter le pas.
- Et Michael et Uriel ? On ne leur ramène pas l'auréole ? L'interrogea-t-il.
- Et puis quoi encore ? Tu as vu ce qu'elle peut faire ? Je n'imagine pas ce que tenteraient ses deux fanatiques aux dents longues… Non, on se barre et on trouvera un moyen de la détruire en bas.
Aziraphale hocha la tête en silence. C'était probablement plus raisonnable en effet. Encore faudrait-il qu'ils trouvent un moyen de s'en débarrasser, et ensuite comment échapper aux courroux des deux archanges. Il regarda Rampa à ses côtés, sa démarche assurée, son rictus confiant, il pouvait se fier à lui. Il adorait le sauver, il n'allait pas lui gâcher le plaisir en soulignant les faiblesses de son plan.
Les ascenseurs étaient gardés, mais il suffit d'une illusion d'eux deux de l'autre côté du hall pour détourner l'attention des gardes. Ils s'engouffrèrent dans la première cabine en direction de la Terre. Quand les portes se refermèrent sur eux, ils relâchèrent leurs épaules d'un bel unisson et échangèrent un regard, c'était plus de leur âge.
Quand les portes s'ouvrirent de nouveau sur eux, ils étaient éméchés, les bras et les jambes emmêlés. L'auréole gisait sans attention sur le sol de la cabine. Le tintement de l'arrivée, arracha Aziraphale aux bons soins qu'il apportait avec dévouement aux oreilles du démon. Il s'écarta les lèvres luisantes de salive, et retira son genou d'entre les jambes de son amant. Celui-ci mit un instant à se ressaisir, il était même franchement chancelant quand il sortit dans la rue déserte en grognant de frustration. Il faisait nuit, et la rue avait des aires de fin du monde, aucune lumière, aucun souffle de vent, pas un bruit, comme s'il s'agissait d'un décor de cinéma vide.
- Pas un chat… Commenta Aziraphale en fronçant les sourcils.
- Ouep ! Pire qu'un cimetière, j'adore ! Et tu sais ce que ça veut dire ?
- Euh… Non ?
- Qu'on est libre de continuer, personne ne nous verra…
Rampa laissa planer sa suggestion avec un sourire charmeur qu'il pensait innocent. Mais Aziraphale se contenta d'une moue contrite, et d'un petit bruit qui aurait aussi bien pu sortir de la bouche d'une souris quand Rampa lui mit la main aux fesses.
- Tu ne trouves pas, ça étrange ? C'est presque comme si...
Et il leva les yeux vers le ciel, les nuages aussi étaient immobiles et les étoiles ne scintillaient pas dans la nuit. Aziraphale fut pris d'un terrible pressentiment et s'engouffra dans la librairie. Il décrocha le combiné, aucune tonalité. Il monta vivement à l'étage comme s'il avait le diable aux trousses -ce qui était presque le cas, avec un Rampa à sa suite. Là-haut, il trouva Muriel au chevet d'une Maggie raide comme une planche.
- Oh bonjour Monsieur Fell, je n'arrive pas à la réparer. Vous savez comment on fait ? Demanda-t-elle soucieuse.
Aziraphale posa une main sur son épaule pour la rassurer puis se pencha sur Maggie. Elle était froide, raide, aucun pouls, mais il était évident qu'elle n'était pas morte.
- C'est une altération du temps et ça empire, dit Rampa derrière eux. Regarde.
Et pour prouver ses dires, il prit un livre sur une étagère et le lâcha dans le vide. Aziraphale était sur le point de protester, mais le livre resta figé en l'air.
- Que le temps ne soit plus, que la gravité ne soit plus… et bientôt…
- Ils n'oseraient pas… Souffla Aziraphale. Ils ne peuvent pas juste « annuler » la Terre !
- Pourquoi Le Tout Puissant se générait, mon ange ? Elle aura qu'à tout recommencer quand Elle en aura envie…
- Oh non ! Geignit Muriel. J'aime bien ici, les gens ont besoin de moi...
- Il faut qu'on trouve quelque chose et vite ! S'agita Aziraphale en se grattant l'arrière de la nuque. Tu crois que si on arrive à détruire l'auréole ?
- Franchement l'angelot, je crois que c'est le cadet de ses soucis….
Rampa, c'était assis à même le sol, les genoux remontés et les lunettes pendantes dans l'une de ses mains. Il avait l'air abattu quand il continua :
- Je crois que cette fois, on en a trop fait, plus d'archange suprême, plus de Metatron… Elle doit se dire qu'il vaut mieux liquider la boîte avant la faillite…
- Et si l'entreprise avait un repreneur ? Suggéra l'ange, sans vraiment savoir où il allait avec cette idée.
- Un nouveau Metatron ? Je ne crois pas qu'il y en ai de rechange !
- Si vous aviez quelque chose dans lequel il aurait insufflé de son pouvoir, techniquement ça serait possible, dommage que ça n'existe pas ! Intervint Muriel.
- Comment ça ? De quoi tu parles ?!
Rampa, c'était relevé d'un bon, ses yeux jaunes exorbités, il avait presque bondi sur Muriel et la secouait comme un prunier. Aziraphale l'attrapa à son tour par le bras pour le calmer.
- Rampa ! Laisse la parler voyons !
- Ola, ça faisait peur… Ria nerveusement Muriel quand le démon la lâcha enfin.
- Oui excuse le ma chère, mais il est un peu à cran, la fin de tout, tout ça… Enfin, tu disais ?
- Ah… C'est que j'avais lu quelque chose à propos de recherche pour augmenter la puissance d'entité. Je sais que je n'aurais pas du, mais jamais personne ne venait me voir, alors je m'ennuyais… Enfin c'était que des recherches théoriques…
Rampa fit mine de s'approcher de nouveau d'elle en retroussant sa lèvre supérieure, mais il fut intercepté par son ami. Il vociféra tout de même par-dessus le rempart qu'il faisait de son corps :
- ELLES DISAIENT QUOI CES RECHERCHES PAR TOUS LES CERCLES DE L'ENFER ?!
Muriel tressaillit et Aziraphale lui jeta un regard noir.
- Ce que veut dire mon ami, reprit-il d'une voix douce. C'est : que disaient ces recherches ? S'il te plaît.
Elle chercha dans sa mémoire un instant.
- Hum… Elles disaient, si j'ai bien compris, que théoriquement, si un objet était assez puissant pour recevoir au moins une partie de l'essence d'un être, elle pourrait dans certaines conditions en créer un semblable. Mais pas comme un clone, plutôt comme une version alternative… Enfin, je crois. Tout ce que je dis, c'est que, théoriquement, si vous aviez un objet super puissant chargé avec la puissance du Metatron, vous pourriez plus ou moins faire de quelqu'un d'autre un Metatron… Mais ça n'existe pas alors… Désolée de vous avoir fait perdre votre temps…
Les deux complices se regardèrent un instant, incapables de formuler leur hypothèse commune. Finalement, Aziraphale se jeta à l'eau :
- Qu'a dit le Metatron au sujet de ton auréole, que c'était son chef d'œuvre ?
Rampa acquiesça, son regard soudain figé sur l'auréole qui avait été la sienne. Aziraphale continua :
- Et elle semblait lui obéir, n'est-il pas ?
Encore une fois, le démon hocha la tête. Muriel les regardait successivement, comme un chien devant un match de tennis : ignorant des règles, mais toujours sur le point de bondir si la balle venait dans sa direction.
- Il serait donc raisonnable de penser que...
Mais il n'osa pas terminer sa phrase, de peur de briser leur dernier espoir. Il se passa une main pensive sur son menton, tandis que le démon scrutait l'auréole comme s'il pouvait l'obliger à révéler ses secrets. Puis il leva les yeux vers Aziraphale qui était absorbé par ses réflexions. S'ils ne faisaient pas quelque chose très vite, c'en était fini d'eux, ils n'avaient leur place sur aucun des autres plans, ils étaient des parias, des exclus.
- Je vais la mettre, finit-il par dire. C'est la mienne, je devrais pouvoir la plier à ma volonté. Je prendrais la place du Metatron et toi, tu seras libre.
- Tu n'y penses pas ! Elle pourrait aussi bien te tuer ! Rampa, mon cher, tu es un démon ! Non, c'est moi qui la mettrais ! Tu ne supporterais pas le Paradis deux minutes ! C'est à moi de le faire.
Et il ramassa l'auréole d'épines. Rampa se précipita pour lui saisir le poignet et arrêter son geste. Dans le même mouvement, il empoigna sa nuque pour le plaquer à lui et l'embrasser farouchement. Ce baiser ressemblait fort au premier : c'était une urgence, un adieu, c'était de la peur, la perte d'un avenir. Mais il était absent de la crainte du rejet, et empreint d'un amour qu'ils savaient partagés sans l'avoir dit. On aurait pu croire à les voir qu'il était violent, mais il était l'expression de 6 000 ans de tendresse inavouée et les pleurs des siècles qu'ils n'auraient pas. Mais surtout, c'était une ruse.
Rampa le repoussa violemment, lui arrachant l'auréole et sauta hors de sa portée.
- Je refuse de te voir remettre cette chose, tu n'as pas vu ce qu'elle te faisait. Je préfère mourir encore et encore que de te perdre une fois de plus !
Sa voix n'était plus qu'un sanglot. Sa pomme d'Adam remontant difficilement dans sa gorge tandis qu'il essayait d'articuler ses adieux.
- Rampa… Non, je t'en prie...Le supplia Aziraphale.
L'ange essaya de se relever, mais Rampa déchaîna ses pouvoirs pour le maintenir au sol.
- Tu sais la dernière fois, au final, je n'ai pas… Je veux dire, je pensais l'avoir dit, mais… Quand je disais nous, une équipe, je voulais surtout dire… Je t'aime Aziraphale.
Et il ferma les yeux en levant l'auréole au-dessus de sa tête. Mais il n'eut pas le temps de l'abattre qu'il fut plaqué au sol par Muriel. Le chien avait attrapé la balle.
- C'est moi qui vais la mettre ! Déclara-t-elle.
Les deux autres se mirent à protester, arguant qu'elle ne savait pas à quoi elle s'exposait, que c'était de la folie.
- Je ne suis pas idiote, vous savez, dit-elle calmement. Mais moi, je n'ai rien à perdre. Personne n'a besoin de moi, je ne suis pas utile. Ça, c'est ce que je peux être de mieux : une pièce de rechange. Si je deviens le Metatron, j'aurai enfin ma place, c'est tout ce que j'ai jamais souhaité ! Vous, vous avez cet endroit merveilleux et quelqu'un qui braverait tout pour vous. Moi je n'ai que moi et ma bouche bavarde sans personne pour l'écouter. Alors ça doit être moi.
- Muriel, mon enfant, se désola Aziraphale. C'est de la folie, il faudrait un miracle pour que ça marche. Tout ça, c'est de notre faute, on ne peut pas t'imposer ça…
- Ouais, il en faudrait même un sacré putain de miracle, renchérit le démon. Donne ça petite.
- Pour être précise, il faudrait au moins un miracle de 25 Lazaries, précisa-t-elle. Enfin d'après le dossier. Théoriquement.
Aziraphale écarquilla les yeux et la bouche dans un magnifique O de surprise. Rampa lui rendit son étonnamment, avec enthousiasme.
- Tu sais quoi fillette, je crois que c'est dans nos cordes ! Mais attends cinq minutes, on va faire ça proprement.
Quelques instants plus tard, ils étaient tous les trois en bas de la librairie. Muriel était assise dans le cercle angélique d'Aziraphale, l'auréole posée devant elle, brillante comme si elle savait ce qui l'attendait. Les deux autres tenaient chacun une de ses mains. Le sol commençait à vibrer, non pas sous l'effet d'une plaque sismique qui aurait le dos qui gratte, mais par les liaisons atomiques qui sentaient leur séparation sur le point d'arriver.
- Il nous faut un énorme miracle cette fois, Rampa.
- J'allais te le dire, mon ange.
Ils agitèrent de concert leur main libre et l'auréole bondit sur Muriel comme un aimant. Bientôt, la scribe ne fut plus qu'un amas de lumière à la forme vaguement humaine. Rampa se protégea les yeux, aveuglé, tandis que la lumière enflait de plus en plus. Le cercle angélique sur le sol se réarrangeait de lui-même, les écritures frappaient le sol et s'étendaient comme des fissures. Le démon grogna de douleur, et Aziraphale comprit avec horreur que l'intégralité de la boutique allait devenir le cercle. Il lâcha la main de Muriel et se jeta sur Rampa toutes ailes dehors. Il l'arracha à Muriel et les projeta en dehors de la librairie en brisant une baie vitrée. De dehors, on pouvait voir la colonne de lumière monter à l'infini. C'était une lumière merveilleusement pure, mais aussi incroyablement puissante. Aziraphale s'en détourna vite pour regarder l'état de son ami. La main qu'il avait donnée à Muriel était brûlée jusqu'au coude, son visage était couvert de cloques et surtout, il était inconscient. La lumière continuait d'enfler, et l'ange était sûr d'une chose, elle allait tout recouvrir. Il savait ce qu'il avait à faire. Il convoqua sa chevalière depuis l'arrière-boutique où elle était restée et lui rendit sa forme initiale. C'était un bouclier, un écu formé par deux ailes repliées. Il fixa le bouclier sur son dos avant d'enrouler Rampa dans ses propres ailes. Déjà, il sentit la pression du pouvoir de la lumière contre lui. Il serra Rampa autant qu'il le pouvait, priant pour sa survie. La tension était écrasante, le bouclier ne tiendrait jamais ! Le flux d'énergie gagna encore en intensité et il perdit connaissance, le démon toujours serré étroitement contre sa poitrine.
