Chapitre 11 : Retour à Poudlard
Draco Malfoy gardait la tête froide, le menton haut et l'air digne et fier. La scène sur le quai 9 ¾ avait évidemment fait le tour de Poudlard avant même que le train n'arrive à destination, mais il s'y attendait et était prêt à faire face aux conséquences.
Il n'avait jamais aimé faire les choses dans l'ombre. Contrairement à ce que prétendent les clichés sur les Serpentard sournois et discrets, Draco était quelqu'un de flamboyant, visible, magnifique, qui le sait et veut le faire savoir. Les coups bas, oui, pourquoi pas, mais la discrétion, certainement pas ! C'était bien une caractéristique qu'il partageait avec ses désormais fiancés, puisque s'afficher était leur activité favorite, quitte à se couvrir de ridicule.
Ce dernier point, cependant, n'était pas au goût de Draco… Il allait devoir redoubler de vigilance pour ne rien risquer : sa dignité lui importait davantage qu'à eux, et de loin.
Sa dignité, justement, que certains de ses camarades tentaient de fouler :
— alors, tu es devenu un miséreux maintenant ?
Draco se tourna vers Miles Bletchley et l'observa de haut en bas avec morgue.
— C'est vraiment toi qui me dis ça ? Tu ne portes plus de robes neuves depuis combien de temps, exactement ?
Il y eut que quelques sourires discrets dans leur auditoire. On était loin de l'adhésion générale qu'il obtenait sans effort l'année dernière. Qu'à cela ne tienne, il n'aurait qu'à la reconquérir.
— Moi au moins je ne me compromets pas avec des amoureux des moldus, cracha le gardien de l'équipe de Quidditch.
Cette fois-ci, il y eut bien plus de réponses positives. Draco en vit plusieurs hocher vivement la tête en signe d'accord avec Miles. Ce dernier, fier de la réaction des spectateurs, enchaîna aussitôt :
— Ils sont tellement pauvres que tu es obligé d'en prendre deux à la fois pour avoir une dot raisonnable ? Quelle honte !
Ce n'était pas totalement faux, mais Draco ne se laissa pas démonter :
— Mieux vaut deux génies qu'un Bletchley. Ne t'en fais pas, je suis sûr que quelqu'un sera assez désespéré pour jeter son dévolu sur ta personne un jour. Ou qu'il aura pitié de toi.
Il lui tapota l'épaule avec paternalisme avant de dépasser. Blaise lui enchaîna aussitôt le pas, affichant son soutien au blond à la vue de tous.
Juste avant d'entrer dans son dortoir, cependant, Draco croisa le regard des jumelles Carrow, Flora et Hestia, qui hochèrent la tête en sa direction. Il ne sut pas comment prendre ce signe, et continua donc son chemin comme si de rien n'était.
— L'année ne s'annonce pas sous un très beau jour, fit remarquer Blaise en se laissant tomber sur son lit avec nonchalance. Tu vas pouvoir gérer ?
— Évidemment. Ils aboient, mais ne mordent pas.
— Et Nott ? Lui n'aboie pas, mais on connaît le tranchant de ses crocs.
Draco ne répondit pas. Il avait toujours eu beaucoup de mal avec son camarade silencieux et maussade. Le genre de garçon à dissimuler ce qu'il pensait, même à onze ans, même avant. Le genre à se faire discret et à observer tout le monde. Draco craignait qu'il connaisse assez de secrets sur les autres pour faire tomber l'ensemble des Serpentard s'il le décidait. Mieux valait ne pas être dans son collimateur…
— On verra en temps voulu.
Blaise hocha la tête.
Draco commença à vider sa malle sur sa table de nuit quand il sentit son ami se rapprocher, jusqu'à le coller carrément. Blaise n'avait jamais bien compris la notion d'espace vital.
— Du coup, tu sors vraiment avec les Cognards Humains ?
— Je ne « sors » pas avec eux. Nous sommes simplement fiancés. Et avant que tu ne t'imagines quoi que ce soit, ce n'est pas par amour ou quoi que ce soit d'aussi mièvre.
— Ils sont bons au lit ?
— Je n'ai pas encore testé.
— Je pense qu'ils ont pas mal d'expérience. Ils ont deux ans de plus que nous après tout, et on leur connaît des petites amies. Ils l'ont déjà fait avec un mec ?
— Je n'ai pas d'informations à ce sujet. Blaise, tu peux arrêter de me coller ?
— Oh oui, pardon, je n'avais pas fait attention.
Blaise s'écarta docilement, quelques secondes seulement avant que le reste des garçons de leur dortoir n'entrent à leur tour.
Gregory et Vincent hésitèrent à venir le voir. Ils en avaient visiblement envie, mais avaient dû recevoir des ordres contraires de leurs parents. Draco les soulagea en leur tournant le dos, se rendant à la salle de bain en premier.
Les douches de Poudlard étaient luxueuses en comparaison avec la minuscule pièce des Weasley. Draco profita longuement de l'espace et de l'eau chaude illimitée en se lavant, le sourire aux lèvres. Il ressortit serein et à nouveau prêt à affronter ses camarades, leurs critiques et leurs prises de position.
.
Au petit déjeuner, évidemment, tout le monde n'avait qu'un mot à la bouche : Harry Potter n'était pas là. Si les élèves étaient trop concentrés sur leurs retrouvailles la veille au soir, ce matin, seul le Survivant importait.
Comme d'habitude, les petites histoires de Saint-Potter dépassaient toutes les rumeurs et ragots de l'école, même ceux qui le concernaient. Mais n'allez pas croire que Draco était jaloux, non ! Absolument pas ! Il trouvait cela simplement injustifié. Sa vie était probablement aussi intéressante que celle du binoclard. Certes, lui ne manquait pas de mourir chaque année, mais ce n'était qu'un détail. Après tout, lui allait épouser les jumeaux Weasley dans un an !
Pansy s'était assise à côté de lui au petit déjeuner et au dîner la veille, comme si les interdictions de son père ne la touchaient pas du tout. Elle observait la table des Gryffondor avec perplexité.
— Pourquoi Dumbledore n'a pas fait d'annonce ? Il en aurait fait pour la disparition de n'importe qui d'autre, pas vrai ? Il a beau être fou, il doit bien se douter que Poudlard remarquerait qu'il manque un brun dans le trio d'or !
— Il ne veut sans doute pas créer la panique.
— Très efficace, grogna-t-elle en désignant du menton un groupe de Poufsouffle qui chuchotait entre eux d'un air très inquiet et des Serdaigle qui jetaient des regards frénétiques à la table rouge et or.
Les Gryffondor n'étaient pas en reste, plus silencieux qu'ils ne l'avaient jamais été pour un premier jour de cours. On aurait dit qu'ils étaient tous en deuil…
Enfin, pas tous, se rectifia mentalement Draco. Il pouvait déjà voir les chiens de garde du Survivant s'agiter, Ron parlant à voix basse à sa sœur, Granger, Londubat, Patil, Brown, Crivey et quelques autres dont Draco ne connaissait pas les noms. Ils étaient ridicules, tous penchés vers le milieu de leur groupe, les coudes sur la table entre les assiettes débordant de nourriture dans laquelle trempaient leurs cravates. Quelques personnes commencèrent à répondre à Ron en secouant la tête, mais Londubat se redressa, prit la parole, et tous l'écoutèrent religieusement.
Draco cligna des yeux de surprise.
Depuis quand monsieur-Rappeltout avait un tel charisme ? Ils étaient tous accrochés à ses lèvres, et quand il finit son discours, les acquiescements approbateurs étaient unanimes.
Leurs visages à tous étaient sombres, mais déterminés.
Contrairement aux autres, ils n'étaient pas en train de paniquer, à se demander pourquoi Dumbledore ne disait rien et à attendre des nouvelles du Ministère. Pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'ils avaient beau avoir le même âge que lui, ils n'avaient aucunement l'intention de rester passifs dans cette histoire. Il y a un an ou deux, Draco les aurait trouvés parfaitement stupides de vouloir s'engager là-dedans de leur propre gré… Maintenant qu'il avait vu le mage noir en face, qu'il avait constaté à quel point les adultes comme son père étaient à la merci au même titre qu'eux, Draco ne pensait plus pareil.
Sans doute devra-t-il lui aussi prendre position dans un proche avenir.
— À quoi est-ce que tu réfléchis ?
Il tourna la tête vers Pansy qui lui resservait un jus de citrouille.
— À rien de spécial. Mais dis-moi, tu ne vas pas avoir de problèmes à traîner avec moi aux yeux de tous ?
Sa meilleure amie haussa vaguement les épaules.
— Mon père est loin de Poudlard, et ici, c'est ma propre personne qui me préoccupe. Et ce qui est bon pour moi, c'est toi, pas l'approbation de mon père. Passe-moi le pudding s'il te plaît.
Draco dut concentrer toute sa volonté pour ne pas laisser son visage s'adoucir, et glissa vers elle le plat en gardant un air impassible. Sous la table, cependant, il lui saisit sa main l'espace d'un instant pour lui montrer sa reconnaissance, avant de la relâcher rapidement. Pansy, elle, affichait sans pudeur un sourire tranquille.
Il lui avait toujours envié la facilité avec laquelle elle agissait, sa manière d'être à la fois respectueuse des codes sangs-purs et de sa personnalité propre.
Une chose pour laquelle il n'avait jamais excellé, lui.
— Oh, ils te matent.
Relevant la tête à la remarque de son amie, Draco suivit son mouvement de menton pour trouver toute la tribu des Gryffondor le fixer d'une façon absolument pas subtile. Dès qu'ils croisèrent son regard, ils se détournèrent vivement et se penchèrent à nouveau pour échanger à voix basse.
— Je ne la sens pas, cette histoire, grogna Draco en crispant sa main sur son verre.
.
La première journée de cours fut particulièrement perturbante.
Pour commencer, Draco n'était plus assis à côté de ses acolytes habituels, mais auprès de Pansy. S'il était agacé de ne plus avoir le droit de fréquenter ses silencieux amis d'enfance, ce devait sans doute être pire pour eux. Gregory passait son temps à soupirer de tristesse et Vincent lui lançait des regards de chiots abandonnés.
Tout le monde hélas n'avait pas la capacité de Pansy à s'émanciper des décisions parentales. Draco lui-même en aurait été incapable : c'était sa mère qui l'avait mis à l'abri de l'influence du Seigneur des Ténèbres. Sans elle, il serait probablement en train de trembler en se demandant s'il allait finir comme son père en prison ou pire : comme sa tante Bellatrix devenue folle à cause de la magie noire.
Il ne pourrait jamais assez remercier sa mère, même si à cause de ça il était obligé de se marier avec des jumeaux insupportables.
Au-delà de ses fréquentations bouleversées, Draco sentait bien que l'ambiance en cours n'était plus la même. De lourds regards pesaient sur lui, de la part des Serpentard, mais aussi des autres. Ceux qui se demandaient pourquoi il avait été en compagnie des Weasley à la gare. Ceux qui voyaient bien qu'il y avait une tension au sein de sa Maison. Ceux qui faisaient un lien de causalité entre lui et la disparition de Potter.
Draco ne leur donnait pas longtemps avant qu'une envie de harcèlement ou de vengeance ne prenne forme dans leur tête. Mais il était prêt à les affronter la tête haute !
Il glissa une main dans sa poche, effleurant les petits sachets que lui avaient offerts ses fiancés avant son départ à Poudlard. « Quelques blagues à distribuer si quelqu'un s'en prend à toi. » avaient-ils dit. Ce côté protecteur, quoi que mal avisé, avait été assez flatteur. En fait, une fois qu'on apprend à être sur les gardes et à vérifier le contenu d'un paquet avant de l'ouvrir, s'en devenait presque agréable d'être lié à eux.
La porte claqua bruyamment contre le mur, faisant sursauter les élèves.
— Tout le monde se tait et s'assoit en silence !
Severus Rogue venait de faire son entrée dans la salle de classe. Non pas de potion, comme les années passées, mais en Défense Contre les Forces du Mal.
ÇA, c'était vraiment perturbant.
— Cette année, vous allez devoir travailler dur. Très dur. Hors de question de vous ménager comme l'ont fait vos précédents professeurs de Défense !
Il jeta un regard glacé à l'ensemble des élèves pour dissuader ceux qui auraient eu envie de protester sur le soi-disant ménagement des professeurs qu'il suivait.
— Cette année, nous nous concentrerons sur les informulés. Je doute que vos cerveaux de cornichon parviennent à saisir les nuances subtiles de cet art, mais j'espère bien que vous saurez au moins maîtriser les bases. Si ce n'est pas le cas, croyez-moi, vous n'atteindrez jamais les ASPICS. Compris ?
Ils se gardèrent bien de répondre. Avec Severus, ce type de question était forcément rhétorique.
— Bien, dans ce cas, commençons !
La première séance fut principalement théorique, Severus expliquant la manière dont il fallait penser le sort et la magie pour qu'elle soit efficace. Il conclut l'heure par quelques petits exercices qui furent principalement des échecs, les élèves marmonnant les incantations à voix basse ou échouant carrément à invoquer leur sort. Draco ne fut pas dans les moins bons, mais hélas ne fut pas non plus dans les meilleurs, Théo les maîtrisant apparemment déjà à la perfection avant même le début du cours. Ce n'était pas très étonnant, il était très en avance sur la plupart des matières, grâce aux tuteurs qu'engageait son père l'été…
Draco en était particulièrement frustré. Son seul réconfort était que ce cours n'était pas couplé avec Gryffondor, pour une fois, et il n'aurait pas à assister aux exploits énervants de Granger et Potter.
Potter qui devait être le plus à plaindre, d'ailleurs… Il ne savait pas où le balafré était en ce moment, mais ce n'était sans doute pas l'endroit le plus chaleureux d'Angleterre. Avec un peu de chance, ses chiens de garde retrouveraient rapidement sa trace.
À la fin du cours, il croisa le regard lourd du professeur et compris le message.
Il n'en avait pas envie, pas du tout même, mais il ne pouvait y échapper. Il ne pourrait pas passer toute l'année scolaire à l'éviter, après tout. Il rangea donc ses affaires le plus lentement possible et laissa tous les élèves sortir de la salle de classe sans en faire de même.
La porte se verrouilla dans un claquement sec, le faisant sursauter. Sa main se rapprocha de la poche contenant sa baguette, prêt à se défendre si besoin.
— Narcissa m'a fait part de vos récentes fiançailles, Draco…
La voix était doucereuse et menaçante. Draco déglutit, mais ne se démonta pas. Il n'avait peut-être rien voulu de ce qui lui était arrivé, mais il était soulagé que sa mère l'ait sauvé du Seigneur des Ténèbres. De son côté, il avait tout de même réussi à exploiter le meilleur de sa situation pourtant peu engageante. Il n'avait pas de honte à avoir.
Severus le regarda longuement, de haut en bas, avant de demander :
— Allez-vous bien ?
Draco cligna des yeux, surprit par la question et par le ton que son parrain avait utilisé. Le même qu'il prenait lorsque Draco, enfant, était puni par son père et qu'il venait se réfugier dans les robes de Severus.
— Je vais bien. Mes fiancés sont loin d'être l'idéal des personnes de mon rang, mais ils me conviennent.
— Bien.
Draco s'agita nerveusement, s'étonnant de l'allure crispée du professeur de DCFM qui semblait hésiter à rajouter autre chose.
— Parrain ?
— Vous êtes sur liste noire, désormais, mais je suppose que vous vous en doutiez déjà.
Draco acquiesça en silence.
— Soyez prudent.
La porte se déverrouilla et, après un long regard vers le Maître des potions, Draco lui tourna le dos et sortit. Malgré sa fidélité envers le mage noir, Severus ne l'avait pas attaqué ni même menacé.
Il ne savait pas trop quoi en penser, mais décida de ne pas baisser sa garde, comme promis.
Peut-être que Severus ne lui voulait aucun mal, mais dans le doute, Draco n'allait pas le fréquenter plus que nécessaire.
.
Par la suite, Draco enchaîna les cours. Histoire de la magie fut fidèle à elle-même : ennuyeuse et peu instructive. Sa leçon de runes fut bien davantage passionnante. En fin de journée, en métamorphose, MacGonagall leur annonça qu'ici aussi les informulés seront au goût du jour. Draco, qui avait davantage de facilité en métamorphose qu'en Défense en fut ravi. Il était encore plus talentueux en sortilège, dont le premier cours était le lendemain, et espérait qu'ils apprendraient également les informulés dans ce cours !
Lui et ses amis étaient sur le chemin de la Grande Salle pour le dîner quand il croisa un groupe de Serdaigle à l'air belliqueux.
Ils étaient tous en sixième ou septième année et lui lancèrent de lourds regards menaçants, lui faisant lever un sourcil surpris. Il ne les connaissait pas plus que cela et ne se rappelait pas leur avoir fait quoi que ce soit pour mériter un tel regard. Instinctivement, il mit les mains dans ses poches pour saisir discrètement sa baguette, craignant une attaque…
Mais les Serdaigle passèrent devant lui et continuèrent leur chemin sans l'interpeller.
— Et bien, commenta Pansy. Ils n'avaient pas l'air commodes ceux-là…
Il acquiesça en silence.
— Tu ferais mieux de rester sur tes gardes, conseilla Blaise en plissant les yeux. Je ne les sens pas…
— Et il n'y a pas qu'eux, ajouta Pansy en coulant un regard vers la table des Gryffondor.
Draco haussa les épaules.
— Pour les gryffy, j'en fais mon affaire.
Il avait d'ailleurs comme un doute de ce qu'ils lui réservaient.
