Bonjour,

J'espère que vous vous portez bien et que vous passez un bel été. Quant à moi, je viens vite fait déposer ça ici avant de partir vers d'autres lieux. La suite tardera un peu à venir du coup (désolée, ça devient vraiment une sale habitude), pour cause de congés annuels (ben oui, faut bien quelques touristes pour occuper nos héros).

Je vous souhaite une bonne lecture.

Céline : je suis sincèrement désolée pour ta maman. Reçois tout mon soutien pour traverser cette épreuve. J'espère que ce nouveau chapitre réussira à te changer un peu les idées. Un grand merci à toi de poursuivre ta lecture malgré tout, et sache que savoir que cette fic te permet de t'évader un peu est une grande source de motivation pour moi. Prends soin de toi et à bientôt.


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada, avec toutefois quelques nuances pas du tout nuancées apportées par mes soins.


Chapitre 16 : Girls And Boys

Mardi 14 juillet, Camping Le Poséidon, Bureau de l'administration

Shaina était au bord de la rupture. Albérich commençait franchement à lui sortir par les yeux, avec son air supérieur et sa maudite certitude d'avoir toujours raison sur tout. Plus de huit jours qu'elle devait se coltiner sa mauvaise humeur et son insupportable condescendance, et elle avait atteint ses limites.

Vraiment, elle n'avait pas eu de chance sur ce coup. Pourquoi Sorrento et Julian avaient-ils décidé de la placer en binôme avec un tel énergumène ? Certes, son travail à la répartition des touristes s'était vu grandement compliqué par la fermeture de certains emplacements du camping pendant la durée des travaux, mais Albérich était un homme suffisamment intelligent pour affronter ce genre de difficultés tout seul. Alors pourquoi l'avaient-ils envoyée ici ? Elle connaissait les penchants de Julian pour les amusements savoureux à la sauce Machiavel, mais Sorrento ne donnait pas l'impression de partager le même goût pour le vice. A moins que la Sirène n'eût souhaité satisfaire un autre dessein en l'infiltrant ici. Comme celui de pouvoir contrôler un peu les agissements de celui qui était devenu beaucoup trop indispensable aux yeux du Dieu des Océans.

Mais que sa présence dans ce bureau fût le fruit d'une vision stratégique ou d'un divertissement malsain, le résultat n'en demeurait pas moins identique : elle en avait plein les jambières. Absolument ras l'armure.

« Shaina, tu vas finir par m'écouter, oui ou non ?! Si je te dis que le groupe de touristes écossais qui arrive demain doit être placé sur ces trois emplacements ici, c'est que j'ai raison ! s'exclama l'Asgardien en pointant un doigt convaincu sur le plan accroché au mur devant lui.

- Et moi, je te dis que tu n'es qu'un idiot ! Pourquoi balancer des britanniques au beau milieu d'un campement de hollandais ? Ils ne parlent même pas la même langue !

- Parce que nous n'avons pas la place de les mettre ailleurs. Ils sont douze, par Odin, et avec trois caravanes ! Et pour ta gouverne, les bataves sont parfaitement polyglottes, contrairement à vous autres, les italiens.

- Vaffanculo !

- Et vulgaires, en plus ! Par contre, Shaina, insulte-moi encore une fois, et je te promets que tu le regretteras !

- Je n'ai pas peur de tes menaces, nabot !

- Quoi ?! Répète un peu pour voir ?!

- Ah… Aurais-je vexé le grand Albérich de Megrez ?

- Shaina, n'abuse pas de ma patience !

- Pourquoi ? Quel genre de fureur te crois-tu capable de déchaîner contre moi ? Vas-y, surprends-moi ! Tu comptes peut-être m'enfermer dans l'un de tes ridicules petits cercueils rose bonbon ?! »

Albérich considéra un instant la jeune femme qui l'aurait certainement déjà transformé en un tas de cendres informe si elle avait pu faire jaillir des éclairs de ses yeux. Il n'avait que rarement été confronté à un tel niveau de rage et d'entêtement, mais pour être tout à fait honnête, cela ne lui déplaisait pas. Surtout que la beauté sans atours de la farouche était loin de le laisser totalement indifférent.

« On t'a déjà dit que tu avais un caractère absolument exécrable ? finit-il par déclarer.

- Oui, peut-être bien une ou deux fois. Mais va falloir que tu fasses avec ! »

Tandis qu'elle prononçait ces mots, Shaina resserra machinalement le nœud de sa queue de cheval afin de tenter de contrôler l'impulsivité de ses doigts, le tout en lançant un nouveau regard incendiaire à celui qui la fixait sans bouger. Enfin jusqu'à ce que ce dernier ne fondît sur sa bouche pour essayer de l'embrasser.

Shaina demeura une fraction de seconde interdite, ce qui permit aux lèvres d'Albérich d'effleurer les siennes avant qu'elle ne reprît ses esprits pour le plaquer violemment contre le mur de l'office.

« Megrez, la prochaine fois que tu essaies de me toucher, je t'arracherai la seule chose qui fait encore de toi un homme !

- Tu m'as l'air bien intéressée pour penser qu'il y aura une prochaine fois, Shaina ! » rétorqua Albérich, sarcastique.

En réaction à cette assertion qui la révolta au plus profond de ses entrailles, l'Italienne relâcha celui qu'elle avait pourtant furieusement envie d'étriper et sortit du bureau sans ajouter un mot.

Albérich s'écarta du mur en se massant la clavicule que l'Ophiuchus venait de maltraiter, et s'en alla refermer la porte que cette dernière n'avait même pas pris la peine de faire claquer. Il retourna ensuite devant la carte que leur récente altercation avait un peu malmenée et la remit en place avec application. Une fois satisfait du résultat, il porta sa main à ses lèvres qu'il effleura du bout des doigts avant de laisser un sourire malsain étirer sa bouche.

Ce baiser ne faisait pas vraiment partie de ses plans, mais il ne le regrettait pas. Il espérait juste que cet élan de désir impulsif n'anéantirait pas tout son labeur des derniers jours. En même temps, au point où il en était, il avait pratiquement atteint son but, et dans le pire des cas, il pourrait se contenter de ce qu'il savait déjà. Pourtant il devait reconnaître qu'il commençait à apprécier sa nouvelle collaboratrice, qui lui avait permis bien malgré elle d'en apprendre beaucoup plus sur le fonctionnement du Zodiaque que tout ce que Caça n'aurait jamais pu soutirer à leur malheureux petit espion. Alors ne plus la côtoyer elle et son mauvais caractère lui manquerait probablement si jamais elle décidait de mettre un terme à leur association avant la fin de sa mission au Poséidon. De là à dire qu'il s'en voulait pour ce qu'il lui avait fait subir, il n'y avait qu'un pas qu'Albérich de Megrez ne se sentait pas encore capable de franchir.

OooOooO

Au même moment, à l'entrée de la piscine du même établissement

Shun arriva devant le portillon vert olive et souleva le loquet de sécurité d'un mouvement agile de ses doigts. Il le referma avec précaution derrière lui − le respect des consignes avant tout − puis se dirigea vers le sacro-saint pédiluve. Un coup d'œil rapide de l'autre côté lui indiqua que Mime avait déjà pris son poste au bord du bassin, ce qui l'incita à se déchausser pour le rejoindre rapidement. Il n'était pas en retard, voire même légèrement en avance, mais il avait hâte de retrouver celui qu'il avait presque toujours considéré comme un ami (ndla : ben oui, le "presque" me semble ici assez légitime malgré tout, car le guerrier d'Êta a tout de même essayé de transformer notre cher Andromède en vulgaire saucisson. Vous n'avez pas l'image en tête ? Eh bien tant mieux pour vous ! Car ce n'est certainement pas rendre hommage au Stringer Requiem de Mime).

Une voix grave qu'il entendit résonner dans son dos le poussa toutefois à s'arrêter un instant.

« Bonjour, Shun. Belle journée, n'est-ce pas ?

- Bonjour, Sorrento, répondit le Japonais avec un sourire courtois. Oui, en effet. Tout porte à croire que nous aurons du monde à la piscine aujourd'hui.

- Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, approuva le Marina en souriant à son tour. D'ailleurs, n'hésitez pas à me faire part de la moindre difficulté. Si vous le jugez nécessaire, je pourrai vous adjoindre une personne supplémentaire pour vous assister.

- Entendu. J'en parlerai à Mime », consentit le jeune homme en relevant les yeux en direction de l'Asgardien qui les observait depuis le bord du bassin.

Sorrento suivit le regard de son nouveau collaborateur et croisa les prunelles inquisitrices de celui qui était devenu son amant. La Sirène se fendit d'un sourire, visiblement ravi de son effet, et reprit le cours de son propos avec le chevalier.

« D'ailleurs, Shun, comment se déroule ton intégration dans nos rangs ? Mes camarades se montrent-ils suffisamment aimables avec toi ?

- Oui. Tout se passe bien et tout le monde est vraiment très gentil.

- J'en suis heureux. Et toi, te sens-tu à ton aise ?

- Totalement. J'ai l'impression d'être utile, et c'est ce qui revêt le plus d'importance à mes yeux. Saori et Saga m'ont envoyé ici afin que je vous apporte mon aide, alors je suis ravi d'avoir l'impression de répondre à leurs attentes, et aux vôtres.

- Tu y réponds pleinement, sois-en assuré. Et avec Mime ? Es-tu satisfait de la nature de votre association ?

- Oui. J'ai toujours vu en lui un ami (ndla : notons que Shun est beaucoup trop poli pour mentionner l'histoire du saucisson).

- Malgré vos différends passés ? interrogea le Général en étrécissant les yeux.

- Absolument. Je n'ai jamais rien eu contre lui, et j'aurais personnellement préféré ne pas avoir à l'affronter. Ni lui, ni toi, d'ailleurs.

- Je n'en doute pas, Shun, car je connais la pureté de ton âme. Toutefois, nul ne doit regretter ce qui a été fait. Nous agissions alors selon ce que nous croyions juste, toi, Mime, moi. Mais ce qui dirigeait nos vies jadis n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Enfin, disons que les temps ont changé, pour notre bien à tous.

- Et pour le bien de l'Humanité.

- Exactement ! Mais pour en revenir à ta personne, sache que Mime t'apprécie lui aussi. Il ne te l'avouera probablement pas lui-même, parce qu'il est bien trop pudique pour cela, mais il a été marqué par ta bonté lors de votre combat.

- Comment peux-tu savoir une telle chose ? s'étonna Andromède.

- Parce que ce que nous partageons tous les deux me permet de lire une partie de son âme.

- Ah, balbutia Shun qui commençait à comprendre.

- Et toi, Shun, as-tu trouvé quelqu'un avec qui partager ce que tu gardes au fond de ton cœur ?

- Euh, non. Je ne sais pas. Je ne crois pas, hésita-t-il.

- Pardon, je t'ai mis mal à l'aise avec ma question.

- Non, rétorqua le jeune homme en tentant de réprimer la rougeur qu'il sentait colorer ses joues. C'est juste que je n'ai jamais vraiment raisonné en ces termes.

- Alors réfléchis-y. Tu pourras peut-être trouver des réponses à certaines de tes interrogations. Car nous en avons tous, non ?

- Probablement. Bon, Sorrento, je dois vraiment te laisser. J'entends les premiers vacanciers arriver, et Mime doit commencer à s'impatienter.

- Oui, excuse-moi de t'avoir ainsi retardé. Va donc rejoindre notre ami. Je te souhaite une belle journée, Shun, et je te dis à ce soir pour les festivités du Quatorze Juillet au Zodiaque. Tu y seras, n'est-ce pas ?

- Bonne journée à toi aussi, et oui, j'y serai, bien entendu ! » s'exclama le chevalier en franchissant le pédiluve.

Ce matin-là, tandis qu'il scrutait la surface de l'eau à l'affût du moindre danger, Shun passa un long moment à songer aux propos du Marina. Il n'était plus tout à fait certain d'avoir compris ce que Sorrento avait voulu dire par les mots qu'il avait prononcés. Enfin, il en avait parfaitement saisi une partie, et cela éveillait en lui une multitude de sentiments. Ce que semblaient partager Mime et Sorrento lui paraissait exceptionnel, empreint de la pureté et de la sincérité que seuls les sentiments véritables pouvaient offrir. Aurait-il un jour la chance de vivre une telle chose lui aussi ? Finirait-il par rencontrer quelqu'un qui saurait lire son âme de la même manière que la Sirène semblait pouvoir lire celle de l'Asgardien ? Il se savait proche de June, qu'il considérait presque comme une âme sœur, mais pourtant cela lui donnait l'impression d'être tellement différent.

« Shun, tout va bien ? Tu parais bien songeur, ce matin. »

Le chevalier releva les yeux pour plonger dans le regard rubis de l'homme qui venait d'interrompre sa rêverie en se dressant devant lui.

« Oui, Mime, tout va bien. Il fait un peu chaud, c'est tout.

- Alors viens prendre ma place sous le parasol. Je te relaie au bord du bassin.

- Merci, c'est gentil.

- Non, c'est normal. L'entraide, c'est ce que se doivent des amis, n'est-ce pas ?

- Oui, tu as parfaitement raison ».


Terrasse du bar du Zodiaque, le soir-même, au cœur des festivités du Quatorze Juillet

Quoi de mieux qu'une question philosophique pour garantir une discussion de qualité lors d'une soirée entre amis ? Certains diraient volontiers tout un tas de choses diverses et variées, d'autres nuanceraient en précisant l'importance du choix de la thèse abordée dans le degré de satisfaction attendu, et les moins enthousiastes se contenteraient probablement d'un simple "vous avez dit philoso quoi ?!". Mais pour les chevaliers réunis autour de la table à laquelle avait pris place le Verseau, il n'y avait point de débat. Plus d'une heure qu'ils dissertaient sur des thèmes choisis au gré de leurs réflexions, et pas un instant Camus ne s'était ennuyé. La présence de Krishna à leurs côtés, que le Capricorne avait eu la bonne idée d'inviter à les rejoindre dès qu'il l'avait vu apparaître sur la terrasse, y était pour beaucoup. Ce à quoi l'arrivée de Shiryu avait ajouté une petite dose de fraîcheur confucéenne qui n'était pas pour déplaire au Français.

Les trois hommes qui s'étaient jadis combattus semblaient aujourd'hui ravis de pouvoir converser sans barrière tout en affutant le tranchant de leurs arguments. Et Camus buvait leur parole en même temps qu'il savourait sa vodka.

Comme quoi, cette soirée ne se déroulait finalement pas si mal malgré les nombreuses appréhensions qu'il avait pu forger. Car l'idée d'avoir à nouveau Shura et Milo dans le même champ de vision avait donné des sueurs froides au Verseau (ndla : un comble, non ? ). Il n'avait pas eu à endurer ce supplice depuis la finale de la Champions League et le départ de l'Espagnol pour le Poséidon. Et la discrétion dont les deux voisins zodiacaux savaient faire preuve dans l'organisation de leurs rencontres nocturnes l'avait prémuni contre le moindre incident. Alors la perspective de cette soirée de festivités à laquelle sa Déesse lui avait fait comprendre qu'il ne pourrait déroger parce que petit un, il se trouvait être français et se devait donc de participer à cet instant de communion nationale, et petit deux, elle n'avait de toute façon aucunement l'intention d'accepter le moindre mot d'excuse − présence obligatoire non négociable, avait-elle dit – ne le réjouissait pas du tout.

Mais en définitive, il devait reconnaître ne pas passer un mauvais moment. Il palabrait avec des gens intéressants et cultivés sur des sujets passionnants. L'amertume de sa vodka était à son goût, et pour une fois, Milo semblait plus préoccupé par la musique de ses platines que par la plastique de ses groupies féminines. Le Scorpion donnait même l'impression d'être particulièrement concentré, son casque plaqué contre les oreilles et les yeux rivés sur les deux disques noirs qui tournaient devant lui. Le Grec paraissait étonnement calme et immobile, enfin si l'on faisait abstraction de la mesure qu'il battait de la pointe de son pied droit et des mouvements délicats de ses doigts. Ses doigts qui passaient de vinyles en vinyles en les effleurant d'imperceptibles caresses. Ses doigts que Camus ne pouvait s'empêcher d'imaginer parcourir sa peau, s'égarant le long de ses flancs ou dans le creux si sensible juste là, dans le bas de son dos.

« Camus, tu n'es pas d'accord avec nous ? »

La voix grave du Capricorne ramena le Verseau à la réalité sans que le moindre petit sursaut ne trahît l'instant d'égarement qu'il venait de s'accorder.

« Si, totalement, Shura : ce que l'on n'a pas, ce que l'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour (ndla : il n'est pas fortiche notre Camus national ? Balancer un truc pareil et tellement à-propos en plein milieu d'une rêverie scorpionesque, moi je trouve que c'est carrément héroïque – ou particulièrement ironique, tout dépend du point de vue).

- Socrate ?

- Presque, Shiryu : Platon. »

Camus porta lentement sa vodka à ses lèvres sous le regard compatissant de Shura qui resta toutefois silencieux.

Non, finalement cette soirée ne se déroulait pas aussi bien que ça. Camus avait cru pouvoir contenir le flot de ses pensées, mais il avait été vaincu par la pugnacité de ses sentiments. Ses yeux croisèrent une nouvelle fois ceux du Capricorne dans lesquels il eut l'irrépressible envie de chercher un soutien. Soutien qu'il sut avoir trouvé dans le sourire discret que lui accorda l'Espagnol.

A quelques tables de là, deux autres chevaliers conversaient sur des sujets philosopho-ésotériques en sirotant des jus d'ananas. Depuis la fin de la Champions League et de leurs obligations footballistiques, Shaka et Mû avaient pu donner un rythme plus soutenu à leurs séances de méditation conjointes, et la Vierge commençait à en percevoir les bienfaits depuis l'orée de son cosmos jusqu'aux tréfonds de sa conscience. Il n'avait pas encore retrouvé le degré de sérénité qui lui avait si longtemps permis de tutoyer les cercles de la divinité, mais le chemin vers Bouddha ne lui paraissait aujourd'hui plus aussi sinueux.

Le Bélier lui apportait la force et la confiance qui lui avaient fait si cruellement défaut depuis son retour parmi les vivants, ainsi que ce petit quelque chose en plus sur lequel il était bien incapable de mettre un nom. Un mélange de bienveillance et de réconfort qui rendait à son être cette étincelle de vie qu'il croyait avoir perdue, mais aussi l'impression singulière de combler un vide qu'il ne savait même pas exister.

Oui, la présence de Mû à ses côtés lui apportait bien plus qu'un soutien visant à favoriser l'ancrage de l'âme de Bouddha à son esprit. Elle éveillait en lui tout un pan de sa conscience qu'il n'avait encore jamais appréhendé, animant ses chakras d'une chaleur délicate dont il n'était nullement familier. Une chaleur qui se répandait de la surface de sa peau jusqu'au plus profond de ses entrailles, et ce même une fois plongé dans la solitude de ses nuits.

Une chaleur qu'il sentait à cet instant courir sous ses paupières et le long de son dos, tandis que la voix douce du Bélier résonnait en lui tel un mantra rassurant au cœur du brouhaha ambiant et en dépit des choix musicaux du Scorpion. Et une chaleur qui ne le quitterait pas jusqu'à leur prochaine séance, que son ami venait à l'instant de fixer au surlendemain à six heures du matin, au pied de la grande dune.

A la perspective de ce rendez-vous qu'il était certain d'attendre dans la paix et l'harmonie, Shaka écarta les lèvres pour murmurer des mots que lui seul pouvait comprendre : « Lo kah Samastah Sukhino Bhavantu » (ndla : oui, à chacun sa façon de gérer l'excitation, hein… Bon et pour ceux qui comme moi ne connaîtraient pas le moindre mot de sanskrit au-delà de Namasté, la phrase que Shaka vient de prononcer pourrait être interprétée comme une prière souhaitant le bonheur et le bien-être pour toute l'Humanité. Source : notre nouveau Dieu à tous : ChatGPT).

A la table voisine, un jeune homme était loin de partager l'état de quasi béatitude dans lequel la Vierge semblait avoir sombré. Les doigts crispés sur le touilleur de sa Caipirinha – un cocktail préparé avec soin par la Balance sous les conseils avisés du Taureau – Seiya tentait de contenir la rougeur de ses joues en maltraitant des citrons. Car depuis le début de la soirée, il n'avait plus aucune raison de douter du talent de Kanon pour lire les intentions des femmes. Geist s'était installée à sa table dès qu'elle avait mis un pied sur la terrasse, et le regard assassin qu'elle avait jeté aux quelques chevaliers qui se trouvaient là avait suffi à les faire fuir sans qu'aucun ne demandât son reste.

La jeune femme s'était ensuite appliquée à exprimer de manière plus précise le fond de ses pensées à celui qu'elle était ravie de côtoyer au quotidien sur les bords du bassin. Et pour s'assurer de ne plus maintenir la moindre once d'ambiguïté, elle venait de poser une main inquisitrice sur le haut de la cuisse du chevalier Pégase, qui ne savait absolument pas comment réagir devant une telle situation.

Affronter des guerriers sans pitié, perdre le contrôle de ses cinq sens, s'écraser contre des colonnes, ça, il pouvait gérer. Mais des doigts chauds remontant lentement le long de ses muscles, là, il devait reconnaître qu'il se sentait perdu.

Seiya entreprit donc de chercher un soutien. Ses camarades étant soit trop loin soit trop occupés pour lui venir en aide, il dut se résoudre à trouver un plan B. Un plan B qui mesurait plus de deux mètres de haut et qui tenait dans sa main un contenant de la taille d'une carafe aux trois quarts rempli d'un liquide doré surmonté de mousse. Thor répondit au sourire de son ancien ennemi par un salut chaleureux qui redonna espoir au chevalier en détresse, avant de poursuivre sa route sans prononcer un mot (ndla : et oui, Seiya, tu n'es pas le seul à pouvoir se montrer rancunier…).

Alors en ultime recours et pour reprendre le contrôle de son destin, Seiya se leva subitement de sa chaise, salua poliment la jeune femme qui lui jetait déjà un regard furibond, et tourna promptement les talons (ndla : ailés, les talons, bien entendu).

En voyant son compagnon passer presque en courant devant lui, Hyoga se demanda quelle mouche avait bien pu le piquer. Il l'aurait volontiers rattrapé pour lui poser la question s'il en avait eu et le temps et l'envie, ce qui n'était pas son cas à cet instant précis. Car il était trop occupé à boire les paroles de la jeune femme à la longue chevelure blonde avec laquelle il s'entretenait depuis près d'une demi-heure.

Thétis lui expliquait à quel point elle aimait le surf et la sensation de liberté que la glisse lui procurait. Combien elle appréciait sentir l'eau salée perler sur sa peau et le soleil réchauffer son dos lorsqu'elle regagnait le rivage après une dernière danse dans les rouleaux. Et Hyoga se sentait comme ensorcelé par les mots de la Danoise, qui s'insinuaient en lui avec la langueur d'un chant hypnotique (ndla : rien d'étonnant, vous me direz; l'effet du chant des Sirènes sur les marins [chevaliers] égarés, tout ça).

Oui, tout aurait pu être absolument parfait sans l'arrivée inopinée de son ami Isaak, accompagné de Fenrir et Hagen qui décidèrent d'interrompre leur charmante conversation pour en pervertir le contenu. Car à peine les deux Asgardiens s'étaient-ils installés à leur table, qu'ils avaient pris le Cygne pour cible de leur moquerie. A les écouter, le chevalier manquait cruellement de style lorsqu'il tentait d'amadouer les vagues, ce qui semblait particulièrement curieux pour un palmipède à la grâce prétendument légendaire. Thétis avait aussitôt pris sa défense en arguant que pour un débutant, Hyoga ne s'en sortait pas si mal. Un argument que le Russo-Japonais avait accueilli avec gratitude, malgré l'usage du « si » qui l'avait bien un peu blessé dans son orgueil.

Le Kraken était quant à lui resté étonnamment en retrait, visiblement non désireux de prendre part au débat concernant les capacités de celui qui était redevenu son ami. Hyoga ne s'en offusqua pas, mais ne put s'empêcher de s'interroger sur les raisons de ce silence. Ce à quoi le sourire lumineux qu'il vit apparaître sur le visage du Finlandais lorsque Thétis lui adressa à nouveau la parole apporta une réponse immédiate.

Isaak était donc tombé amoureux. Cela n'avait rien de surprenant étant donné la beauté de celle qu'il avait si longtemps côtoyée au Royaume du Dieu des Océans. Mais cela leur donnait une nouvelle raison de devenir rivaux. Car Hyoga venait lui aussi de céder aux charmes de la Sirène.

A deux tables à côté, la douce effluve des sentiments amoureux virevoltait autour d'un autre membre de la chevalerie d'Athéna (ndla : déciment, une véritable épidémie estivale !). June du Caméléon écoutait son ancien camarade d'entraînement avec un regard rêveur et empreint d'admiration, le tout en remuant la glace de son cocktail dont il ne restait plus rien depuis longtemps.

Elle avait retrouvé Shun sur la terrasse au tout début de la soirée, et leur discussion s'était rapidement orientée vers l'expérience de ce dernier dans les rangs du Poséidon. Shun lui contait à quel point il avait été bien accueilli et combien il se plaisait dans la fonction de surveillant de baignade qu'on lui avait assignée. Mime l'avait formé aux principaux gestes de sauvetage dès que Sorrento avait pris la décision de le placer à ce poste, et même s'il n'avait pas eu le temps d'obtenir un diplôme officiel, les bases que l'Asgardien lui avait enseignées lui permettaient de se sentir confiant et apte à exercer cette nouvelle activité.

June était ravie d'apprendre que la mission de son ami se déroulait sans encombre et qu'il semblait même apprécier cette expérience imprévue, mais ses pensées étaient en réalité dirigées vers un tout autre genre de réflexions. La jeune femme essayait depuis trop longtemps de refouler les sentiments dont elle avait pourtant pris conscience bien des années auparavant. Depuis que Shun avait rejoint l'île inhospitalière que le sort lui avait désignée pour suivre son entraînement (ndla : enfin, à peu de chose près, hein…). Cette île qui les avait vus grandir et devenir chevaliers. Cette île qui, malgré toutes les souffrances qu'ils avaient dû endurer, avait fini par devenir la leur.

« Et toi, tout se passe bien au Zodiaque ? »

June cligna lentement des paupières pour balayer de son esprit des souvenirs qu'elle savait trop présents, et répondit à celui qui la regardait avec la bienveillance qu'elle lui avait toujours connue :

« Oui. La routine, même si nos journées à la réception sont plutôt bien remplies.

- Et j'imagine que ça va aller crescendo avec le début de la pleine saison !

- C'est effectivement ce qui semble être prévu. Et ça devrait durer comme ça jusqu'au Quinze Août. Il paraît que c'est l'une des règles immuables du tourisme français depuis l'avènement des congés payés. Enfin selon l'avis de Shaka en tout cas.

- Alors si c'est Shaka qui le dit, c'est que ça doit être vrai ! (ndla : fayotage ? ironie ? fraternité virgo-chevaleresque ? Je vous laisse seuls juges). Et pour les autres, quoi de neuf ? poursuivit Andromède désireux de continuer son tour d'horizon zodiacal.

- Ikki ne te tient vraiment au courant de rien ? s'enquit June en relevant un sourcil.

- Ben tu le connais : les longues discussions, c'est pas vraiment son truc. Surtout quand il s'agit de discuter des autres. Enfin, disons qu'il se limite aux événements qu'il juge essentiels.

- Je vois. Alors pour satisfaire en partie à ta curiosité, je peux déjà te dire que ces derniers temps, Seiya et Hyoga ont eu l'air particulièrement occupés.

- Toujours leur nouvelle passion pour le surf ?

- Oui, mais pas que, précisa le Caméléon en désignant d'un discret mouvement de son index la table de leur ami le Cygne.

- Ah oui, je crois que Hyoga est ravi de pouvoir à nouveau passer de bons moments avec son ami Isaak, observa Shun avec enthousiasme.

- Certes, approuva la jeune femme sur un ton amusé. La discrétion et la pudeur dont Shun savait faire preuve constituaient l'un des nombreux traits de caractère qu'elle appréciait chez lui, mais elle ne pouvait s'empêcher de trouver ça mignon.

- Et Shiryu, comment va-t-il ? Je n'ai pas encore eu le temps de lui parler aujourd'hui.

- Shunrei et lui sont en pleine forme. Ils apprécient beaucoup de travailler tous les deux à l'épicerie, même s'ils ont été ravis d'accueillir les renforts supplémentaires que Saga et Saori ont accepté de leur accorder.

- Tant mieux. Par contre, je crois que je n'aurai malheureusement pas l'occasion de discuter avec lui ce soir, car je le vois qui s'en va. »

Shun salua le Dragon lorsqu'il passa devant leur table pour rejoindre Shunrei qui l'attendait de l'autre côté de la terrasse. Il était un peu déçu de ne pas avoir pu échanger avec son ami durant la soirée, celui-ci ayant été occupé à converser avec Camus, Shura et Krishna. Mais il savait qu'il pourrait se rattraper une autre fois, et voir son camarade partager un moment convivial avec deux guerriers qu'il regrettait tellement d'avoir tués étreignait son cœur d'un bonheur véritable.

Comme quoi, cette aventure estivale, voulue et organisée par leur Déesse, semblait leur apporter beaucoup à tous. Ils pouvaient retisser des liens qui avaient été perdus, réparer ceux qui avaient été brisés ou en forger de nouveaux. Et même si cela ne parviendrait probablement jamais à effacer la culpabilité, c'était plutôt un bon début.

Cette pensée le fit détourner les yeux vers Mime et Sorrento qui s'étaient installés près du bar à leur arrivée un quart d'heure plus tôt. Il constata alors que les deux hommes le regardaient tandis que l'Autrichien murmurait des mots à l'oreille de l'Asgardien. Le Marina lui adressa un sourire chaleureux auquel il répondit aussitôt, avant de tenter de contrôler la confusion qui irisait déjà ses joues.

« Et Mime et Sorrento, alors ? Tu t'entends bien avec eux ? »

Shun porta son verre à ses lèvres dans un réflexe visant à masquer sa gêne – June avait-elle remarqué quelque chose dans son attitude pour lui poser une telle question ? – puis formula une réponse qu'il voulut la plus détachée possible :

« Oui. Mime est un collègue avec qui il est très agréable de travailler, et Sorrento se donne beaucoup de mal pour faciliter mon intégration.

- Tant mieux. Ils ont l'air sympa en tout cas ! D'ailleurs, je serai ravie de pouvoir faire plus ample connaissance avec eux. Ça te dérange si on les invite à notre table ?

- Non, pas du tout ! » rétorqua Shun tandis qu'il se mordait l'intérieur des joues. Il allait devoir porter sa concentration à son paroxysme pour ne pas devenir aussi rouge que le Cosmopolitan qu'il serrait entre ses doigts. Une recommandation de breuvage suggérée par son ami le Poissons qu'il avait appris à déguster avec plaisir et modération, et ce malgré les coups d'œil désapprobateurs en provenance d'un certain oiseau ultra-protecteur qui s'affairait à proximité du comptoir.

Et pendant ce temps-là justement, le chevalier au Cosmo (ndla : à ne pas confondre avec le chevalier au Cosmos, parce que là, ce serait beaucoup moins parlant) observait tout ce beau monde en silence. Aphrodite sirotait son cocktail avec élégance sans perdre une miette de tout ce qui se jouait devant ses yeux. A sa droite, Krishna de Chrysaor venait de prendre congé, laissant Camus et Shura seuls face à leurs débats d'intellos (ndla : et non, je n'ai pas écrit ébats !). A sa gauche, Shun dégageait une chaise pour permettre à Mime de Benetnash de s'asseoir à ses côtés tandis que Sorrento de la Sirène prenait place auprès de June. Un peu plus loin derrière eux, une autre Sirène semblait avoir conquis le cœur de deux amis qui allaient donc redevenir rivaux. Et encore un peu plus loin, une jolie brune tentait de canaliser sa colère contre un certain canasson qui pour la première fois de sa vie venait de prendre la fuite avant le début du combat.

Et il n'avait analysé que la moitié de la terrasse ! Aphrodite n'était pas assez hypocrite pour nier prendre un plaisir infini à se délecter du spectacle que lui offraient ses camarades, même s'il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour certains. Son regard se tourna alors naturellement vers le Capricorne qu'il vit se mettre debout et commencer à s'éloigner. Il leva la main pour l'interpeler d'un mouvement de bras délicat – comment ça, Shura s'apprêtait à quitter la soirée sans même lui avoir dit bonsoir ?! – lorsqu'il aperçut Camus abandonner la table à son tour.

Tiens. Tiens. Tiens.

Ça frétillait la grosse anguille sous le tout petit caillou.

Mais après tout, pourquoi pas ? Aphrodite connaissait les sentiments qui animaient ses deux riverains du Sanctuaire, pour l'un depuis longtemps, pour l'autre depuis peu, et ils avaient donc probablement toutes les raisons du monde de vouloir discuter tous les deux. Et peut-être de faire deux ou trois autres petites choses, aussi.

Aphrodite saisit son verre entre ses doigts pour le porter à sa bouche sans chercher à dissimuler le sourire que ses réflexions faisaient naître sur ses traits. Mais sa main se figea avant que ses lèvres n'eussent goûté l'amertume de son cocktail. Des soubresauts dans deux cosmos familiers venaient de briser l'harmonie du moment et du lieu. De très légères oscillations imperceptibles pour la plupart mais qui ne pouvaient échapper à l'attention du Poissons.

Voilà qui rebattait les cartes et incitait à élaborer un nouveau paradigme.

Milo et Angelo ne semblaient pas du tout ravis du départ de leurs deux meilleurs amis respectifs.

Oui, le moment était probablement venu de définir de nouvelles règles du jeu.

Avec changement d'atouts et nouvelle donne.


A suivre...

Merci pour votre lecture. Prenez soin de vous.

Référence pour le titre du chapitre 16 : Girls And Boys, Blur, 1994.