Chapitre 28 : Brown Lands
Le soleil plongeait vers l'ouest, répandant un halo pourpre illuminant les terres brunes, et à l'est, la terre vibrait sous la ruée de l'Anduin, luisante, ténébreuse et froide, comme une vieille lame au tranchant mortel. La compagnie elfique n'avait pas ralenti son rythme depuis qu'elle avait laissé derrière elle les frontières de la Forêt Noire. Pas une seule fois Legolas n'avait regardé en arrière pour apercevoir une dernière fois la lisière sombre de la terre de ses aïeux, car s'il l'avait fait , il aurait sûrement vu une silhouette solitaire à cheval s'échapper de l'ombre et prendre la route derrière eux.
Depuis qu'il avait pris congé du roi, Legolas n'avait fait que réfléchir à la route qui l'attendait, la route que sa compagnie devait emprunter, et surtout à la sécurité de son peuple. Il n'était en aucun cas certain qu'ils atteindraient les premières villes suffisamment à temps pour se défendre contre l'ennemi envahissant. Alors que ses yeux d'elfe scrutaient l'horizon grisonnant des Terres Brunes. Legolas cherchait sans relâche toute trace d'orque ou de créature, mais en vain. Le temps économisé en partant plus tôt que prévu n'était peut-être pas encore suffisant, et l'incertitude de cette mission pesait lourdement sur le jeune chef elfe. Il ne voulait pas échouer ; il ne le devait pas. Il étendit ses doigts puis les referma, roulant des épaules pour éviter la raideur qui accompagnait une entreprise difficile.
Ils continueraient, décida-t-il, même avec la tombée du soleil, ils ne devaient pas s'arrêter, sauf pour abreuver leurs montures. Leur succès dépendait de leur capacité à devancer les légions avec la vitesse de leur chevauchée puis s'éclipser furtivement à travers une passe depuis oubliée et chevaucher à travers Emyn Muil. Alors devant, les elfes se pressaient avec des yeux et des coeurs sombres et la certitude qui vient avec la prise de conscience du fait que rien n'était joué, n'étant uniquement certains que la nuit froide allait tomber et que la chevauchée qui les attendait serait difficile.
Chaque elfe le sentit. Qu'il s'agisse de leur sixième sens ou de leur simple fraternité guerrière, chaque membre de la compagnie partageait le poids de la tâche qui l'attendait, confiant leur espoir de succès dans leur nouveau chef ambitieux. On ne pouvait que supposer que beaucoup d'entre eux avaient des raisons différentes de suivre le jeune Legolas. Malgré son grand âge parmi les hommes, Legolas Greenleaf se classait toujours dans les plus jeunes parmi son peuple, et certains elfes l'avaient suivi pour cette même raison : sa jeunesse, son exubérance, ou peut être que celui-ci les avait inspirés à ressentir leur propre jeunesse, encore une fois. Beaucoup d'autres membres de la société, en particulier ceux d'Eryn Lasgalen, avaient suivi le prince par fidélité envers la maison d'Oropher, envers Legolas lui-même. Beaucoup d'autres, de l'un ou l'autre bois, chevauchaient désormais pour leur amour de ce nouveau héros parmi les elfes.
Quelles que soient leurs motivations, les cavaliers avec leurs tuniques élancés, leurs arcs d'un argent étincelant, balayaient les terres désolées, leur sombre mission trahie par les carquois bien chargés ou les lames et élégants arcs : longs, courbés, mortels. Tous étaient splendides, prêts à accorder leur confiance au poids d'une arme dans leur poigne, guerriers de l'ancien temps, oubliés aux yeux des hommes durant les dernières heures du troisième âge, et maintenant ils chargeaient à nouveau dans le monde des hommes. Au nom de l'honneur, de la fidélité les liant tous à un destin inconnu.
Gardant le rythme dans ce long galop, bien qu'étant une elfe moins éprouvée au combat, et son courage soit marquée par le soleil couchant, elle continuait à chevaucher. N'étant pas tout à fait sûre de sa place dans une telle compagnie ou même de la raison pour laquelle elle était là, elle n'aurait pourtant pas fait demi-tour, et elle supposait qu'une grande partie de cette détermination était due à la présence d'une certaine personne devant tous les autres sur son cheval blanc du Rohan. Ses cheveux virevoltant dans le vent comme une balise, une rage incendière la poussant en avant. Miredhel soupira et balaya une boucle devant ses yeux. Elle avait entendu de ses propres lèvres qu'il en aimait une autre, mais elle le suivait toujours. Elle avait l'impression qu'elle était obligée de jouer les potiches.
Avec une légère pression de ses talons et en tirant doucement sur les rênes, elle encouragea son nouveau cheval à avancer à travers la foule de cavaliers, son objectif étant de retrouver son frère et de suivre son rythme. Miredhel était bouleversée à plusieurs niveaux : à propos du voyage, du danger, de voir Legolas avec une autre et de la colère de son frère ; d'aucuns pourraient penser qu'elle était stupide de chercher son frère dans un moment comme celui-ci, surtout que c'était une de ses principales causes d'anxiété. Tout cela considéré, elle se sentait aussi incroyablement seule, malgré le fait que bon nombre d'elfes qu'elle connaissait étaient de vieilles connaissances ou même des amis. Pourtant , elle recherchait le sentiment de protection et de réconfort que seule sa présence fraternelle pouvait lui apporter, et Miredhel espérait seulement qu'il ne serait pas trop mécontent pour être totalement antipathique.
Elle passa devant Adrendil qui la regarda avec une certaine surprise. Il ne pipa mot, mais baissa la tête avec respect et un sourire narquois se dessina sur sa bouche. Lorsqu'elle finit par atteindre Eledhel qui chevauchait sur le côté avant-droit de la compagnie, son frère se retourna avec un regard interrogateur et dit de manière assez discourtoise.
« —Je me demandais si tu allais un jour me rejoindre, Miredhel. Sulindal et moi allions faire un pari là-dessus. Ah, mais pas besoin de ça maintenant. »
Miredhel observa nerveusement son frère. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il prenne sa décision si bien ou si calmement d'ailleurs. Il aurait dû, au moins, devenir rouge et crier un peu, mais pour le moment, il se contentait de chevaucher de manière complaisante, ses yeux gris comme des flaques sombres dans la lumière du jour qui s'estompent.
Et Miredhel se sentit frissonner intérieurement à cause de ce manque de réaction plus que n'importe quelle quantité de cris. Elle préférait de loin une explosion au silence pesant. C'était tout simplement...injuste.
« —Alors, Eledhel, n'as-tu aucune objection à ma présence ici ?»
Son frère grogna puis rit d'une manière étrange et fausse.
« —Non, non, j'ai beaucoup d'objections. »
Il marqua une seconde, les sourcils froncés.
« —Non que cela importe maintenant, puisque tu es ici? »
Sulindal lança un regard compatissant à Miredhel.
« —Désormais, Comme je vous l'ai dit auparavant Eledhel, Miredhel est une main habile avec un arc. Elle aurait pu facilement rejoindre la garde forestière il y a des années de cela.
—Oh , taisez-vous tous les deux. », dit Eledhel, irrité.
Ce fut avec joie que Miredhel se conforma à sa demande, car elle avait très peu envie de parler de quoique ce soit pour le moment, et surtout pas de Legolas ! Sa douleur intense dupliquée à son choc de le surprendre avec une autre dame s'était dissipée au fil des longues heures de chevauchée. Désormais, la colère menaçait de bouillir et d'éclater comme les sérosités d'une ampoule.
"Une analogie dégoûtante, mais convenable", songea Miredhel en se faisant un plaisir d'imaginer laisser une de ses flèches voler "accidentellement" dans l'arrière-train royal du prince lors d'une attaque.
"Cela lui remettrait les idées en place, aussi", pensa-t-elle, et la conception d'un tel projet, la manière dont elle devrait prendre les flèches de son carquois, bien sûr, qu'aucun blâme n'assombrirait son caractère, et le frapper à cet endroit ne causerait aucun dommage réel, sauf de lui rendre la chevauchée bien douloureuse ! Elle se sentit revigorée par de tels plans, et ce fut à peine si elle remarqua le soleil décliner se fondant en crépuscule alors qu'ils chevauchaient et Farothin, le jeune neveu de Haldir, parti en éclaireur était déjà de retour.
Cependant, Sulindal et Eledhel l'avaient remarqué, depuis quelques temps déjà, et s'étaient empressé de remonter la compagnie là où chevauchait leur seigneur et commandant, Legolas. Voyant Farothin aussi, le prince proposa à la compagnie de faire une pause et de reposer leurs chevaux.
Tous démontèrent, l'air grave en voyant l'éclaireur qui arrivait, s'interrogeant sur les nouvelles, mauvaises ou bonnes, qu'il apportait. En un rien de temps, Farothin était aux côtés d'un Legolas, avide de nouvelles.
« —Et maintenant, il me semble que nous allons les rattraper. »
Durant les derniers instants de la lumière du jour, il leva les yeux au ciel et ceux-ci devinrent progressivement d'une teinte d'acier au fur et à mesure que sa mâchoire se décontractait progressivement.
« —Combien sont-ils? », demanda-t-il .
Son esprit commençait à concocter un plan.
« — Et si ce bataillon n'était pas le seul ?, suggéra Sulindal.
— C'était le cas, , suggéra Farothin, hérissé par le questionnement de Sulindal à propos de ses conclusions.
— Suggéreriez-vous qu'il s'agit d'un piège? » demanda Legolas.
Les têtes des capitaines pivotèrent désormais vers Sulindal pour affronter Legolas avec des regards surpris.
« — Farothin, bien qu'étant inéluctablement un éclaireur très doué ne peut pas voir ce qui se trouve au-delà de l'horizon, commença Sulindal. Toute une légion était peut être en train d'attendre ce bataillon. »
Legolas hocha la tête et serra les doigts sur son menton en pleine délibération. Face à son mutisme, les elfes s'agitèrent.
« — Votre Seigneurie, comment peut-il y avoir quelques interrogations à propos de notre objectif ? N'est-ce pas notre but de tuer des orques ? , demanda un capitaine de la Forêt Noire avec une certaine joie dans la voix. C'était Adrendil.
— Notre but est d'avertir les villes du Gondor : ce que nous ne réussirons pas, si nous sommes tous massacrés.
— Vous avez avec vous les meilleurs guerriers des deux bois ! Comment pourrions-nous échouer? », s'écria Adrendil.
« —Quarante-trois des "meilleurs" guerriers ne rivalisent pas avec une légion d'orques, capitaine Adrendil, dit Legolas, visceperant, la colère se reflétant dans ses yeux qui lançait un avertissement sombre à l'elfe.
— Le prince Legolas a raison, accepta Eledhel en regardant Adrendil. Je propose que nous envoyons quelqu'un plus loin le long des rives de l'Anduin pour confirmer le nombre et la situation du bataillon décrit par Farothin.
—Aurions-nous le temps pour cela, Farothin ? Avant que les orques ne passent la Forêt Noire? »
Farothin se mouvait l'air gené et il hocha la tête.
« —Oui, il y aurait assez de temps, si je me dépêche.
—Non, nous devrons envoyer quelqu'un d'autre, car vous avez chevauché inlassablement pour transmettre cette nouvelle et votre cheval doit prendre du repos. Des bénévoles ? »
Legolas scruta le groupe.
« —J'irai, répondit Eledhel en jetant un coup d'oeil aux chevaux où sa soeur s'occupait avec entrain de sa nouvelle monture.
— Bien. Choisissez un autre archer pour monter avec vous.
—J'ai déjà pris ma décision. », répondit Eledhel.
Il démonta et s'éloigna des capitaines et du prince pour préparer sa monture à la mission.
« —Ma soeur chérie, dit-il avec un ricanement fraternel un poil méprisant. Nous allons faire un petit tour, toi et moi.
—N'est-ce pas ce que nous avons fait pendant la plus grande partie de la journée?, répliqua-t-elle, agacée par le regard enjoué sur son visage.
—Non, ce petit voyage est pour toi et moi, dit-il calmement, en l'aidant pour monter son cheval. Nous allons rendre visite à quelques orques.
—Des orques. », déglutit-elle en baissant les yeux.
Eledhel remonta sur son cheval et Legolas fit son apparition, le regard profondément consterné ancré sur son visage sans joie.
« —Eledhel, vous ne pouvez tout de meme pas vous faire accompagner de votre soeur ? N'est-ce pas ?, souligna le Prince.
—Il semble que ce soit le cas, répondit platement Miredhel à la place de son frère. »
Elle avait voulu des aventures, elle avait profondément désiré que son frère l'intègre, et désormais, c'était fait. Elle était surprise par le fait que son anticipation et son envie d'un tel moment lui laissent un sentiment de tension nauséeuse, presque de panique, qui traversait son corps tout entier quand ce moment avait enfin lieu.
« — Et Miredhel, souhaitez-vous vraiment prendre part à cette mission ?», demanda Legolas.
Ses yeux la suppliaient de rester , d'admettre que ses actes n'étaient que pure plaisanterie.
La peur de Miredhel se muait rapidement en pure satisfaction en voyant que Legolas s'inquiétait pour sa sécurité. Laisse -le s'inquiéter. Après tout, c'est lui qui l'avait intégré à ce groupe, et pour quoi ? Certainement pas pour l'amour. Il ne l'aimait pas ; non, son cœur appartenait à un autre.
Sa réponse fut tranchante.
« —Oui, mon frère a confiance en moi, dit- elle en lançant un regard étrange sur Eledhel avant de regarder le prince.
—Bien que, pour d'autres, ce ne soit pas le cas.
— Etes vous sûr que vous ne resterez pas, Miredhel ? Avec moi ? »
Legolas prit sa main, peu soucieux du regard d'Eledhel.
« —Vraiment sûr, prince Legolas. D'ailleurs, ma présence ne devrait vous manquer en deux jours, oh attendez...deux heures...avant que vous ne me remplaciez.»
Miredhel ne lui dit rien d'autre, pas même un adieu. Le frère et la sœur partirent à la recherche d'orques, laissant à l'arrière un Legolas particulièrement confus.
Après de nombreux instants de silence tendu, Eledhel observa attentivement sa sœur.
« —Que s'est il passé là-bas ? demanda-t-il.
—Rien que tu ne saches déjà ...c'est à dire que je pense qu'il est la personne la plus exaspérante de la Terre du Milieu. »
Les coins de la bouches d'Eledhel se dessinèrent en un demi-sourire.
« — Je vais te demander encore une fois, Miredhel. Qu'y a t il entre Legolas et toi?»
Elle baissa les yeux.
« —Même moi, je ne connais pas la réponse à cette question.», marmonna-t-elle en levant les yeux vers son frère.
Son expression s'adoucit.
« —J'ai toujours espéré que nous étions plus proches que cela, ma soeur...que tu pourrais me dire des choses.
—Je sais, El, mais...il s'agit de ton ami d'abord, et tu sais, prince et héros et tout...et voilà…»
Maintenant, ses doux yeux gris commencèrent à briller.
« —J'ai toujours su qu'il t'admirait, puis j'ai soupçonné, eh bien, plus que de l'admiration, déclara Eledhel.
— De l'admiration, peut-être, mais je pense qu'il est déjà lié de manière durable à une autre personne, répondit honnêtement Miredhel, attirant l'attention de son frère. Il n'est pas vraiment sérieux. »
Eledhel secoua la tête.
« —Non, ma sœur. Je ne suis pas d'accord. Nous avons évoqué ce sujet, lui et moi, et il n'a jamais mentionné avoir de relations sérieuses. Bien au contraire, en fait. »
Miredhel se mordit la lèvre et noua ses doigts sur ses genoux.
« —Mmh.», fut tout ce qu'elle put se résoudre à dire à haute voix à Eledhel.
Dans son coeur, elle commençait à douter de la scène dont elle avait été témoin avec Legolas. Mais, peut-être que son frère s'était trompé, et Legolas les avait dupés tous les deux. Elle espérait se tromper sur tous les plans, mais son cœur, ayant déjà été blessé en amour, l'avertit d'être sur ses gardes.
A présent, Eledhel et Miredhel se rapprochaient du groupe d'orques, et les entrailles de Miredhel se nouèrent en voyant leurs casques grossiers et leurs cimeterres brutaux briller au doux clair de lune. Elle déglutit sèchement et chuchota à son frère :
« —Dis moi pourquoi m'as-tu demandé de venir avec toi?
—Pour te punir, murmura-t-il joyeusement. Puisque tu as accompagné de vrais guerriers, j'ai pensé que je laisserais voir à quoi ça ressemble réellement .»
Elle lui donna un coup de poing dans le bras.
« — Imbécile !
—Tu n'as pas peur, non ?, la taquina-t-il.
—Je n'ai PAS peur, siffla Miredhel en retour.
—Bien. Alors reste ici pendant que je me faufile pour regarder de plus près.
—Tout seul ?»
Miredhel grogna puis se reprit.
« —Bien sûr. Ca va aller.»
Eledhel s'arrêta un instant et regarda en arrière.
« —Ecoute, ma chère soeur.Si quelque chose devait arriver, tu retournes auprès du groupe. S'ils me poursuivent, alors dirige-toi vers cette forêt. Tu peux mieux te cacher là-dedans.»
Miredhel acquiesça.
« —Compris. Je vais juste attendre ici jusqu'à ton retour.»
Son frère roula des yeux.
« —N'as tu rien entendu de ce que je viens de dire ?
Les minutes s'écoulèrent. Miredhel attendit tranquillement, patiemment son frère. Elehdel ne revenait pas.
« —Où pourrait-il être ?» se demanda-t-elle, irritée.
Puis elle entendit un bruit soudain et lointain de métal, suivi d'un gargouilli étouffé puis d'un cri en orque. La lueur floue d'une torche et d'autres cris dans le parler noir s'ensuivirent. Un langage écoeurant. Certains des mots qu'elle avait retenus étaient en langue commune, la plupart des injures par Belegil lorsqu'elle avait une fois nettoyé une méchante blessure de flèche. Tout ce qui s'était passé là-bas dans l''obscurité impliquait probablement son imbécile de frère. Elle espérait et priait pour sa sécurité mais elle ne pouvait pas s'attarder pour son retour. Elle avait écouté toutes les instructions d'Eledhel, malgré tout ce qu'il croyait.
La lumière des torches se rapprochait et Miredhel prit la décision de revenir sur ses pas. Elle chuchota à son cheval, et ensemble ils commencèrent à se déplacer tranquillement à travers la clairière où elle s'était dissimulée. Elle retira une flèche de son carquois et l'ajusta sans serrer son arc, juste au cas où le besoin s'en ressentirait. A la grande surprise de Miredhel, son arc argenté à Gondolin par le passé, scintillait dans l'obscurité et commença à émettre une douce lueur bleue. Les vieux contes étaient donc vrais ! Miredhel ne pouvait pas attendre Elehdel pour le lui faire part de sa découverte, si elle le revoyait , que son arc émettait cette lueur, ce qui signifiait également que les orques étaient proches. Cette prise de conscience éteignit toute excitation. Les orques étaient proches ! Le scintillement constant et proche de son arc menaçait de leur indiquer sa position, et le son de leurs multiples voix hideuses hurlait plus fort, encore plus fort.
« —Garn, espèce de bons à rien, il n'a pas pu aller loin. Répartissez-vous !, cria l'un des chefs orques.
—Nar !, grogna un autre. Je ne vais pas me faire vider comme cet imbécile de Borbrat.
—Le grand chef vous fera rôtir comme des rats si vous ne faites rien ! Rameutez les wargs...il y en aura sans doute d'autre par là-bas.
— Chef ? Qui cela pourrait être?»
Miredhel se demanda pendant une seconde avant de s'accrocher à la dernière partie de la remarque de l'orque...des wargs ! Elle se raidit dans l'ombre. Elle pensa à l'avertissement d'Eledhel de chercher refuge dans la forêt si elle était poursuivie...mais elle n'était pas encore poursuivie. Avant qu'elle ne puisse décider, les orques étaient déjà en chemin, et Miredhel sentit le vol rapide des flèches la frôler tandis que son cheval se mit au grand galop.
« —Il y en a un autre maintenant ! Un espion elfe...abattez-le, hurlèrent les orques de joie.
—Appelez les wargs !»
Ses options de fuite disparurent. Miredhel n'avait plus qu'un choix : rouler pour sauver sa vie. Elle s'élança à travers les ombres grisonnantes des Terres Brunes, où parfois les épaisses touffes d'herbes des prairies ralentissait sa vitesse. Les wargs et les cavaliers l'avaient rattrapé, elle pouvait entendre leur pas lourds se rapprocher. Elle se retourna pour voir cinq assaillants derrière elle. Avec la forêt morte derrière elle, le seul véritable espoir de Miredhel était d'atteindre la compagnie avant que les wargs ne la rattrapent.
Le plus proche, un orque vilain aux sourcils bas et au nez rond comme un bulbe la rattrapa et, au grand désarroi de Miredhel, il sortit une lourde arbalète noire.
« —Vole, prends ton envol, petit oiseau !, chanta-t-il. Envole-toi pour tout le bien que ça va provoquer...je vais te planter comme une poule rôtie !
—Pas si je te plante en premier.», murmura Miredhel et elle tira son arc aux reflets argentés, déjà encoché d'une flèche verte et dorée de Forêt Noire.
Elle visa le cou et rata son tir, puis rapidement elle prit une flèche à nouveau. C'était assez différent du fait de tirer sur des cibles dans un tournoi : celles-ci ne vous tiraient pas dessus et ne vous insultaient pas. Miredhel se dit qu'elle avait encore un tir avant que l'orque ne puisse recharger son arme, et elle espérait qu'il raterait à nouveau, étant trop proche de lui.
Elle tendit son arc et tira, frappant sa main.
L'orque hurla et lâcha son arbalète.
« — Vite, maintenant.», fit Miredhel à son cheval.
Elle se mit sur la droite de son encolure, se penchant dessus. Ce faisant, Un autre des cavaliers wargs chargea. Son cheval hennit et se cabra, faisant presque perdre l'équilibre à Miredhel. Son torse se pencha vers l'avant, et ce fut une bonne chose aussi, car elle manqua de peu le balancement du cimeterre rouillé de l'orque.
Il rit méchamment et se balança à nouveau, mais sa lame se brisa. Avant qu'il ne puisse essayer une troisième fois, une flèche à tige dorée lui transperca la gorge. Elle dirigea sa prochaine flèche vers les membres antérieurs du warg hargneux qui la poursuivait, avec l'orque mort suspendu en selle. Elle pensait qu'il y avait très peu de chances qu'elle puisse réellement tuer l'une des choses misérables, mais peut-être qu'elle pourrait la freiner. Du moins, elle l'espérait.
Miredhel plissa les yeux et décocha une flèche en direction de cet ennemi. Une flèche dans la cuisse, la créature trébucha. Puis deux, il hurla et tomba, se tordant et griffant ses blessures. Un succès, petit mais néanmoins une victoire. Elle avait encore quatre wargs et cavalier à sa poursuite.
Elle plissa les yeux vers l'horizon et vit les autres elfes. Ses amis, Belegil, et Sulindal, et Legolas…
Deux autres assaillants arrivaient à sa hauteur, brandissant leur lame noire dentelée au-dessus de leurs têtes, hurlant toutes sortes d'insultes ignobles. Miredhel n'avait même pas d'épée avec elle. Tout ce qu'elle avait, c'était la longue dague offerte par ThranduiL. Elle ne pouvait certainement pas les combattre au corps à corps.Elle pinça les lèvres et décida que cela importait peu.
« —Stupides orques !»
Elle eut un sourire narquois et les abattit en un, en deux coups, chacun s'effondrant avec une expression d'étonnement sur son visage.
Pourtant, il restait encore deux orques ; l'un d'eux étant le chef dont elle avait tiré sur la main quelques instants plus tôt. Il chargea avec une fureur accrue qui brillait dans ses yeux pâles alors qu'il arrachait sa flèche de la chair noircie de sa main.
« —Tu payeras pour ça, petit oiseau!», beugla-t-il tout en tirant un poignard dentelé de sa ceinture.
Miredhel haletait et regardait devant lui. Les autres elfes accoururent à son secours, mais ils ne semblaient pas assez proches. Elle devrait prendre la fuite.
« —Encore un peu.», dit-elle en serrant les dents .
Miredhel tira rapidement une autre flèche de son carquois. Elle se retourna pour viser, mais avant de pouvoir positionner son arc, l'orque sauta de son warg sur le cheval de Miredhel.
Ses doigts boursouflés s'accrochèrent et quand il put enfin l'atteindre, il attrapa une poignée de cheveux et la tira sur ses genoux.
« —J'ai dit que je t'attraperai.», grogna-t-il . Il referma ses doigts autour de son cou avec la main qu'elle venait de blesser. Son propre sang, noir et chaud suintait de la plaie déchirée et coula le long de son cou alors que l'orque ressserrait sa prise et commencait à serrer.
Pendant ce temps, le cheval de Miredhel, affolé par l'assaut de l'orque, se ramassa et se cambra, obligeant son ennemi à resserrer son emprise.
« —Dis à cette bête d'arrêter, ordonna-t-il.
— Noro, noro lim.», s'étrangla Miredhel.
S'arrêter, c'était la dernière chose qu'elle voulait faire. Elle resta immobile tandis que son esprit s'emballait. Elle ne savait pas quoi faire. Une main tenait son arc et l'autre pendait à ses côtés. Son couteau était toujours à sa ceinture, mais pouvait-elle vraiment l'attraper pour le poignarder, avant qu'il ne lui fasse pire ? Elle frissonna, son regard dérivant vers la ague dans sa main.
« —Tu as peur…, dit-il en jubilant, penchant sa tête et son corps sur elle en se léchant les lèvres. Tu as raison de l'être.»
Il siffla si près de son visage qu'elle put sentir son haleine fétide.
Miredhel grimaça et pencha la tête, mais l'orque enfonça ses ongles dans son cou et écrase son visage contre le sien dans ce qui ne pouvait être décrit que comme un horrible baiser. Ses lèvres noires craquelées étaient sur les siennes, puis ses dents, puis sa langue.
Miredhel fut prise dans un élan de rage, et son bras tenant l'arc devint comme le marteau d'un dieu et elle enfonça son arc d'argent sur le côté de sa tête. Il sursauta en arrière, ses doigts lâchant son emprise sur son cou.
« —Je n'ai PAS peur.»
Elle bouillonna et balança son arc en arrière sur sa tête, encore et encore, l'enfonçant à plusieurs reprises dans sa tempe.
« —Meurs, misérable, charogne !»
Elle jura, et le fit tomber sur la terre durcie. Miredhel passa sa manche sur sa bouche, essuyant ses lèvres ,et elle eut un sourire dans l'obscurité de la nuit.
Elle ne vit pas le warg accélérer son allure derrière elle.
Avec une pure malveillance et une soif de sang donnant une vitesse surnaturelle à la bête , ses terribles pattes rapides lacéraient la terre à chaque coup tombé tandis qu'il gagnait sur le cheval et l'elfe. Il contourna un gros rocher puis sauta dessus, cambrant le dos prêt à bondir sur sa proie.
Miredhel ne voyait que le fait qu'elle était proche des siens, et l'espoir de cette délivrance prochaine habitait son cœur. Elle n'avait pas vu le warg, pas avant qu'il ne soit trop tard.Les yeux écarquillés, Miredhel chercha sa lame, et elle tressaillit alors que ses griffes étaient en train de se refermer sur elle.
Seulement, elles ne l'atteignent pas.
Une pluie de flèches vertes et or frappa le warg dans les airs, et il tomba au pied de miredhel et de son cheval. Elle agrippa le manche de sa dague, son son autre main se redressait pour stabiliser sa poitrine qui se soulevait, elle se courba . Une autre volée de flèches vogua au-dessus de sa tête. Les autres wargs et orques abandonnèrent leur chasse et s'éloignèrent dans la direction opposée. Les elfes étaient arrivés.
Belegil Sulindal et beaucoup d'autres la dépassèrent , arcs et épées dressés, dans une chasse mortelle de l'ennemi. Ils contournèrent la zone, achevant le travail en tuant les wargs avant de pouvoir retourner auprès de leur groupe.
Legolas s'arrêta à ses côtés.
« —Miredhel, ça va ?, demanda -t-il. Où est votre frère ?»
Même si elle se battait toujours pour respirer, Miredhel se redressa. Elle rangea son couteau et accrocha son arc dans son dos, s'arrêtant pour une profonde inspiration avant de répondre.
« —Je ne suis pas blessée, mais Eledhel est toujours là bas.»
Pensif, Legolas acquiesça. Il avait été terrifié de voir l'assaut des orques de loin, de ne pouvoir l'aider, la sauver, abattre les ennemis qui la poursuivaient ; bien qu'il ait dû admettre, elle avait tenu bon. Pour le moment, cependant, il voulait vraiment la tenir, la toucher, m'embrasser, s'assurer qu'elle était vraiment là devant lui et parfaitement bien, mais...il ne pouvait pas. Après tout, il était le Seigneur d'Ithilien désormais, et ses responsabilités passaient avant tout.
« —Et les orques?, demanda-t-il. Combien?
—Environ 120, avec des wargs...ils s'étaient tous arrêtés pour se reposer quand Eledhel et moi les avons vus. Ils sont bien à notre portée; mon seigneur, si nous bougeons maintenant.
—Si nous bougeons maintenant…», se répéta Legolas.
Il se tourna vers Farothin derrriere lui.
« —Rappelez les autres, car nous partons au combat. Dépêchez vous!»
Le jeune elfe partit et Legolas se retourna vers Miredhel.
« —Etes-vous blessée, non?», demanda-t-il en prenant doucement sa main.
Il la regardait attentivement.
« —Vous l'avez déjà demandé, lui rappela-t-elle.
—Je sais mais je voulais en être sûr.»
Il serra sa main dans la sienne .
« —Que s'est il passé là bas ?
—Eledhel s'est éloigné pour regarder de plus près. Quand il n'est pas revenu, j'ai fait demi tour, simplifia--elle
— Avec quelques amis en supplément, ajouta Legolas. Vous n'aviez pas à faire ça, vous le savez. Pourquoi l'avez-vous fait? Vous auriez dû rester avec le groupe, avec moi.»
Son ton était accusateur.
« —Je voulais apporter ma part à l'Ihilien, clama Miredhel dans un doux murmure, se penchant plus près du prince, plaçant son autre main sur la sienne. C'est pourquoi nous sommes ici, pourquoi je suis ici, non ?»
Elle le fixa.
Legolas parla à voix basse.
« —Vous êtes ici, parce que je ne pourrais pas supporter l'idée de vous laisser derrière, parce que je…
—Legolas, vite. Par ici !» , cria Belegil en agitant son bras.
Le prince baissa les yeux et soupira. Il lança un regard sévère à Miredhel et dit:
« —Tout ce que je vous demande, c'est d'être prudente. Quand nous sommes sur le point de combattre, vous pouvez restez en retrait, hors de danger, si vous le souhaitez. »
Il descendit de son cheval et courut vers Belegil.
Un orque gisait dans la boue, agonisant, un seul poing ensanglanté sur sa poitrine . Couteau à la main, Belegil se pencha sur lui et fit signe à Legolas de s'approcher.
« —Répétez ce que vous avez dit !, lui ordonna t-il. Dites-moi où vont vos troupes ?»
Il jeta un coup d'œil à son ami.
« —Celui ci est un capitaine ou un chef, je pense.»
Les yeux de l'orque roulèrent, et il toussa puis cracha sur les bottes de Belegil.
« —Le petit oiseau doré s'est envolé.», grogna-t -il.
Belegil et Legolas échangèrent des regards confus.
« —Miredhel?, dit silencieusement Belegil.
« —Est-ce que son sang aurait un goût plus doux que ses lèvres?», demanda l'orque en toussant.
Les yeux de Legolas s'assombrirent, et aussitôt il fut à genoux, pointant son long couteau sur la gorge de l'orque.
« —Qu'est ce que tu lui as fait ?», grogna-t-il, et l'orque gloussa sans joie.
Legolas frappa l'orque aux tempes, puis enroula ses deux mains autour de son cou, soulevant sa tête dans une secousse vicieuse.
« —Dites moi !, demanda l'elfe.
—Héhéhé..ses lèvres…», s'étrangla l'orque.
Legolas fit craquer son cou.
« —Legolas !, fit Belegil sous le choc. Il aurait pu nous avouer leurs plans, leur chef, tout !»
Legolas se leva et se frotta les mains.
« —Je doute que…
—Il l'aurait fait, avec un peu de persuasion…il n'arrêtait pas de marmonner le grand chef le grand commandant. Pourquoi l'avoir tué de cette manière?»
Les yeux de Legolas se posèrent sur Miredhel.
« —Je n'aurais jamais dû la laisser venir avec nous.», marmonna-t -il en revenant vers son cheval.
Belegil sourit soudain en comprenant la situation.
« —Oh oh !, dit-il en rengainant son couteau et suivant le prince. Oh Legolas. Miredhel et vous ? Par les Valar, c'est improbable.»
Legolas le fusilla du regard.
« —Eh bien, c'est vrai pourtant, s'excusa-t-il. Je ne m'inquièterais pas trop pour aller au combat. Elle est tout aussi endurcie que son frère, en grandissant avec lui. Elle peut se débrouiller seule. »
Les elfes montèrent cheval et Belegil adressa un sourire sournois à Miredhel.
« —Le prince Legolas vient de tuer un vilain orque pour vous, ma chérie. Quelle preuve d'amour que de casser le cou de quelqu'un !», lui dit-il en lui lançant un clin d'œil.
Miredhel gémit et enfouit son visage entre ses mains.
Legolas fixe à nouveau Belegil , puis réclame l'attention des elfes.
« —Ecoutez ! Nous allons nous déployer en trois groupes et forcer les orques à aller vers la forêt. Tirez pour tuer, ne laissez personne s'échapper et ne faites pas de prisonniers !»
Les cavaliers elfes s'engouffrèrent dans les ténèbres. A travers la terre désolée, ils chevauchèrent. On n'entendait que le doux claquement des sabots des chevaux sur la terre sèche et le bruissement des capes elfiques contre le vent. L'un des membres de la troupe, un elfe de la forêt Noire, se mit à chanter à voix basse une chanson d'antan, de guerre et de bataille, de mort et de gloire :
Across Dark fields, flew elves in haste,
In night's grim hour, they would lay waste,
To deadly foes and battle's throes.
Morning's glory, they yearned to taste.
The moon was dark, the hour late,
Hidden enemies lay in wait,
To spring, to kill, their greatest thrill,
And feed in orcish lust and hate.
At last both clashed in mists of red,
The quick, the fearless, and the dead,
Their elvish lord threw high his sword,
And all orcs learned anew to dread.
In killing orcs, they found their quarry,
Elves fought and died, all tasted glory.
Remember well, this tale to tell,
Dargolad, so ends their story.
Miredhel n'appréciait pas beaucoup cette chanson. Mal à l'aise , elle chevauchait , ses yeux aux aguets, s'attendant à l'apparition d'une meute de wargs et d'horribles orques d'un instant à l'autre. Elle jeta un coup d'oeil derrière elle. A l'arrière du groupe, les Brown Lands étaient encore plus immobiles et silencieux. Avec satisfaction, elle se retourna, mais ses yeux percurent quelque chose en bougeant : une lueur de métal , comme une bague ou la pointe d'une flèche dans la grisaille au loin. Avec précaution, elle tourna la tête pour regarder à nouveau. Quelqu'un chevauchait derrière eux, couvert de l'obscurité de la nuit et d'un manteau sombre. Quand elle se retourna pour regarder à nouveau, le cavalier était parti.
En tête, Legolas, si calme et serein, l'arc à la main, le regard sinistre et le visage grave, aux yeux de tous ceux qui le regardaient. La forêt se dressait à l'horizon, et les lanternes éparses des orques brillaient à travers les ténèbres comme des étoiles en train de mourir. Non loin des elfes qui se rapprochaient, un warg attendait, accroupi, son pelage hirsute se fondant dans la terre désolée, ses yeux jaunes toujours vigilants. Il finit par humer une odeur.
« —Des espions ! Des elfes !», hurla-t-il dans sa propre langue.
Tous les orques accoururent vers lui, des armes redoutables à la main.
Les elfes ne faiblirent pas dans leur élancée.
Leur seigneur leva son arc.
« —Ithilien, à vos armes», invectiva t il.
Les guerriers armèrent leurs flèches comme un bras, libérant un essaim d'or de puissance mortelle. Les flèches transpercèrent boucliers noirs, cous, cuisses, poitrines d'orques. D'aucuns hurlaient et tombaient, mais la plupart continuaient à courir, épées et lances levées, vers leurs ennemis.
L'écart entre les deux forces se rétrécit jusqu'à ce que les orques et les elfes se heurtent dans un choc détonnant d'acier et de fer. De l'arrière, Miredhel regardait ses proches se transformer en un fléau rapide et terrible. Ses yeux étaient attirés par Legolas alors qu'il chargeait la horde, tirant une flèche après l'autre dans un mouvement parfait et sans erreur. Ses yeux brillaient, la fureur se dessinait sur son visage ; elle ne l'avait jamais vu ainsi.
Suivant son exemple, les elfes balayaient les orcs et les wargs, les forçant à se diriger vers la forêt comme prévu. Belegil et Sulindal menèrent le deuxième flanc, brandissant leurs épées aussi mortelle que n'importe quel marteau ennemi par le passé. Ces elfes n'étaient pas les parents ou amis que Miredhel avait connus. Ils lui étaient totalement étrangers ; la lueur mortelle dans leurs yeux, certitude destructrice de leur talent. Ils étaient terrifiants.
C'étaient des guerriers.
Miredhel suivit leur exemple, plongeant dans la mêlée. Elle esquiva les lames des orques en faisant le tour de la zone d'attaque, aux aguets et s'inclinant face à n'importe quelle cible. Pendant ce temps, Legolas et les capitaines avaient mené le reste des guerriers au cœur de la masse grouillante d'une centaine de corps. Poussé par l'odeur de la chair elfe et la soif de sang insatiable, l'ennemi assaillit le groupe, mais en vain. Les elfes avaient effectué une percée à travers le bataillon orque, les combattant de l'intérieur de leurs propres rangs tandis que des archers talentueux tiraient de l'extérieur, éliminant les chefs un à un. Lentement, les elfes repoussaient la masse d'orques, qui diminuait, au plus près de la forêt morte.
Le vent soufflait en leur faveur et les nuages se dissipaient rapidement. Une pâle tranche de clair de lune jaillit de cette obscurité, éclairant une brève fissure dans la bataille. Parmi les vagues silhouettes des corps orques, Miredhel aperçut un visage qu'elle connaissait aussi bien que le sien : c'était Eledhel. Il avait survécu ! Mais la joie qui montait à l'intérieur se dissipait alors qu'elle apercevait un corps monstrueux qui s'élevait des cendres et de la boue dans la bataille et titubait vers le dos de son frère.
« —Eledhel ! derrière toi !», cria-t-elle.
Il ne se retourna pas. Avec le vacarme et le rugissement d'une bataille , il l'entendait pas. Miredhel se maudit de sa bêtise d'avoir espéré qu'il puisse entendre. Elle guida frénétiquement son cheval pour se frayer un chemin vers lui, au moins assez près pour qu'elle puisse obtenir un tir pour faire tomber l'orque. Elle atteignit son carquois. Sa main ne trouva rien. Toutes ses flèches avaient été utilisées.
Désormais, l'orque qui rampait lentement s'était saisi d'un cimeterre d'un camarade tombé au combat.
« —Eledhel, cria-t-elle à nouveau, plaçant ses mains autour de sa bouche. Eledhel , fais attention! »
Son cheval recula, mais elle aperçut le grand loup, son pelage hirsute éclairé par le clair de lune, prêt à bondir. Il sauta du rocher en une seconde.
Sa main tomba de frustration à sa ceinture et ses doigts s'enroulèrent autour de la poignée de sa dague. Elle le fit glisser de son fourreau, et le jeta de toutes ses forces sur l'orque. La lame se planta dans le cou, et il poussa un cri d'étouffement alors qu'il s'effondrait au sol.
Son frère se retourna, ses yeux s'attardant sur la poignée de pierres précieuses incrustées. Il sortit rapidement la lame et leva les yeux pour voir sa sœur sur son cheval debout au-dessus de lui.
« —Merci, dit-il, les yeux brillants. Maintenant, sors de ce bourbier avant de d'être blessée.
—Avant d'être blessée?», se moqua Miredhel.
Elle prit son couteau et tira des flèches de son carquois.
« —Ravie que tu apprécies autant ce service rendu.
—A ton service.», dit Eledhel en faisant une révérence fictive, se retourna et trancha un orque qui l'attaquait avec sa lame. Maintenant, sors d'ici, avertit-il en se baissant sous le balancement d'une large hache. Avec un sourire narquois, Miredhel tira sur son agresseur.
Eledhel la fusilla du regard puis tapota son cheval sur le côté.
« —Allez!»
Mais la marée d'orques en fuite était telle que Miredhel fut entraîné par le courant, poussant vers la forêt noire. C'est alors qu'elle revit le cavalier masqué, se dirigeant vers un abri sous les avant toits de bois, et miredhel s'éloigna pour le suivre.
A la lisière des bois, elle démonta. Ainsi, elle pourrait se faufiler sous les arbres en étant presque invisible de cette manière. Miredhel arma son arc et suivit les traces sous les arbres. Les orques avaient également cherché refuge dans un enchevêtrement sombre de longues branches mortes de fourrés biscornus. Miredhel avait dû mal à croire qu'elle était en train de faire cela., alors qu'elle se balançait en silence sur une branche d'arbre pour mieux guetter le cavalier et elle avait un aperçu sur les orques qui passaient.
« —Si seulement Annariel pouvait me voir maintenant.», se dit-elle tristement en l'attendant.
Chaque orque auquel elle faisait face, chaque orque qu'elle tuait était un pas en avant pour soigner son coeur de la mort de son amie et venger celle-ci. Miredhel vérifia son carquois carquois : il lui restait cinq flèches. Cinq chances de plus d'améliorer la Terre du Milieu.
C'était le cavalier, enveloppé de noir, sur son cheval. Les orques avaient coincé son cheval dans les racines piquantes comme les épines d'un fourré. Le cheval s'ébroua et se cabra, et le cavalier brandit une épée incurvée, essayant désespérément de repousser ses ennemis tout en restant sur le cheval. Si Miredhel avait des doutes sur l'allégeance du cavalier, ils se dissipèrent avec elle en voyant l'épée. C'était clairement de fabrication et de conception elfique.
Elle tira sur l'un des orques, révélant sa cachette. Maintenant, ils étaient sur elle. Elle se dirigea vers l'intérieur d'un tronc d'arbre mort et abattit une autre des vilaines brutes alors qu'il courait vers elle. De plus en plus d'orques chargeaient le cheval et le cavalier. Le cavalier parvenait très bien à les tenir à distance avec la pointe de son épée. Miredhel regarda avec étonnement l'un des orques accroupi à la cape du cavalier, essayant de le refaire tomber de son cheval. Le manteau tomba de ses épaules , et voici ! le calalier n'était pas un homme mais une femme! Une jeune elfe blonde aux yeux bleus clair : en réalité , la très jeunes fille que Miredhel avait vue déteindre Legolas avant leur départ.
« —Lierwen !», fit Miredhel, haletante.
La fille entendit sa voix. Ses yeux se posèrent sur la branche d'arbre où Miredhel s'était cachée, et les orques profiteront de ce moment pour faire tomber l'elfe de son cheval.
Elle roula sur sa droite pour esquiver le coup de leurs lances. Elle se remit rapidement sur ses pieds et recula lentement, l'épée à la main. Les orques la lorgnerent* puisque, presque simultanément, tous convergerent vers elle tenant poignard, hache, lance et épée à la fois.
« —Aidez-moi !», cria-t-elle alors qu'ils l'encerclaient.
A ce moment précis, Miredhel aurait pu s'éloigner, bien sûr, et laisser la jeune elfe mourir dans les plus atroces souffrances entre les mains des orques. Legolas aurait le cœur brisé, mais le temps guérit de telles blessures, et à la fin, il trouverait du réconfort dans ses bras. En faveur de Miredhel , cette pensée ne lui traversa même pas l'esprit. Elle ravala doucement sa stupeur face à la véritable identité du cavalier et utilisa ses dernières flèches pour ôter la vie des orques qui l'entouraient. La jeune elfe agita habilement sa lame et décapita ou poignarda les deux autres. Quand le dernier orques fut tombé, la jeune femme tomba à genoux et laissa tomber son épe , pressant une main sur sa hanche. Du rouge carmin jaillit de sous sa main, sur sa tunique, et son visage pâlit alors qu'elle regardait ses mains et les voyait couvertes de son propre sang.
Miredhel sauta de sa branche d'arbre et accourut vers la fille, qui tomba au beau milieu des cadavres d'orques.
« —Dites à Legolas que je suis désolée...et que je l'aime.», dit elle à bout de souffle, enroulant son bras autour de sa hanche.
Miredhel écarta doucement les longs cheveux blonds et fins de devant les yeux de sa fille.
« —Non, non. Vous pourrez lui dire vous-même. Je peux vous aider. Vous irez bien.», insista Miredhel.
Elle aida la jeune elfe à se relever pour qu'elle puisse s'appuyer sur l'épaule de Miredhel.
« —Attention, dit elle en ramassant sa cape déchirée et la lui tendant. Continuez à appliquer une pression sur la plaie.»
Des hurlements d'autres orques résonnerent à travers les arbres alors que les elfes se rapprochaient du reste de leur armée, et une flèche verte fila juste devant leurs auleurs têtes.
« —Des flèches de la Forêt Noire..Legolas…», gémit la femme.
—On ne peut pas rester à cet endroit. C'est pire qu'un champ de tir ! Il faut bouger, décida Miredhel.
Le cheval de la jeune elfe s'était enfui depuis longtemps, alors ils allaient devoir fuir les bois à pied. Elle enroula son bras autour de l'épaule de la jeune elfe et ensemble, elles enjambèrent les morts, le chaos et les combats, et les obstacles sombres des branches d'araignées et d'arbres. La forêt noire se transformait en une forêt de morts. Partout, d'horribles corps éparpillés, en charpie et aux yeux écarquillés, un macabre festin de charogne.
Et quelque part, une braise de feu, dérivait d'une torche oubliée, dont le possesseur était tombé avec trois flèches dans le dos. La braise dansait dans l'air nocturne comme une luciole au milieu de l'été, puis tombait en une tas de broussailles sèches, craquetant, chuintant , puis brûlant.
Miredhel sentit la fumée avant même de voir de vraies flammes, mais le feu se propageait rapidement à travers le vieux bois sec. Bientôt, la forêt entière était en feu, piégeant les deux elfes au fond de son .incendie
Un regard en arrière lui indiqua qu'elle seraient bientôt prises au piège comme du bois d'allumage, si elles ne sortaient rapidement. Les flammes léchaient la base des arbres tout autour d'eux.
« —Allez, nous y sommes presque, rassura-t-elle la jeune elfe qui se flétrit dépérissait peu à peu à ses côtés et Miredhel la traîna alors presque hors des flammes, devant les arbres, et dans la nuit claire, où elle pouvait même apercevoir de faibles étoiles dans le ciel à travers la fumée et les cendres.
« —Enfin, nous avons réussi.», soupira Miredhel.
Non loin de là, elle voyait certains des elfes empiler des cadavres en monticules.
Legolas se tenait parmi eux, tout à fait indemne, toujours glorieux avec des traces de son visage endurci par le combat qui persistaient dans ses yeux. Invisible, elle le regardait, son esprit rejouant ces moments de douce confession qu'ils avaient partagés ensemble dans sa tente. La façon dont il avait dansé avec elle à la fête. Ses yeux quand il lui avait demandé de garder sa bague. Le souvenir d'avoir goûté ses lèvres, la sensation de ses bras, si puissants autour d'elle.
« — Ce n'était qu'un rêve.», se dit-elle.
Toute sa réserve et sa maîtrise de soi ne pouvaient soulager la douleur dans son cœur ou empêcher le flot continu de larmes couler sur ses joues couvertes de suie. Et , dans son état misérable, Miredhel jeta un coup d'œil à la jeune elfe à ses côtés. Son visage était affainbli et blanc , et elle commenca it à tomber de l'épaule de miredhel. Elle s'était évanouie. Miredhel l'allongea soigneusement au sol Les yeux de l'elfine s'assombrirent et ses paupières se fermaient. Sa respiration ralentit.
« —Non! Réveillez vous ! Réveillez vous !, appela Miredhel. Vous ne devez pas vous endormir, pas maintenant.»
Elle berça la tête de la fille sur ses genoux et tapota fermement ses joues pâles. Les cils de la jeune elfe papillonnaient.
« —S'il vous plait, pour Legolas. Je ne voudrais pas qu'il perde celle qu'il aime si chèrement.», dit-elle.
Dès que les mots sortirent de sa bouche, elle sut qu'elle les pensait. Le Chagrin paralysait son cœur dans des vagues de douleur fulgurante, mais elle connaissait la véracité de ses paroles.: c'est peut être ce qui lui faisait le plus mal. Miredhel prit son visage entre mase mains et pleura de nouveau alors que la femme sur ses genoux dérivait dans un pays sans rêves. La nuit devenait froide et les cendres du feu de forêt tournoyaient doucement autour d'eux comme la première neige de l'hiver.
