Chapitre 4 : La soirée

Résumé : Thomas insiste pour rencontrer le fameux ami de Mlle Parker. Il lui propose de l'inviter à dîner. Elle accepte sous condition. Le soir même, Jarod arrive chez eux. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle découvre que les deux hommes se connaissent. A la fin du repas, Thomas confronte les deux amis sur le Centre. Après le départ précipité du caméléon, le couple se dispute, poussant Mlle Parker à trouver refuge auprès de Jarod, là-bas dans l'hôtel de Blue Cove. La soirée prend alors une tout autre dimension.

Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991

Les journées s'écoulaient dans une tentative laborieuse de créer une routine commune entre Mlle Parker et Thomas. Lui, était un homme réglé, trouvant sa stabilité dans le train-train du quotidien tandis que pour elle, les contours prévisibles de la vie étaient aussi étouffants qu'une belle cage dorée. Elle avait toujours préféré les inattendus aux habitudes. Ce jour-là, alors que le soleil jetait ses rayons à travers les volets, elle prit une décision. Une décision en parfaite opposition avec les rituels rassurants de son amant ou encore les siens. Contre toute attente, elle se leva et décida de ne pas aller travailler. Ses collègues seraient sans doute surpris, mais elle se moquait bien de leurs opinions, leurs avis et leurs conseils. La traque du petit génie devra attendre ! Elle allait suivre son propre rythme, sans se plier aux exigences du Centre. Son père ne serait sûrement pas d'accord. Tant pis pour lui. Elle allait enfin prendre un peu de temps rien que pour elle. De son côté, Thomas, perturbé avait l'esprit occupé, il tournoyait machinalement la cuillère dans son café. Mlle Parker l'observait depuis le salon, savourant déjà l'incongruité de ses choix, il remarqua son regard fixé sur lui. Elle s'approcha de lui.

« Je ne vais pas au Centre. Je vais rester à la maison.

- C'est une plaisanterie, Parker ? Je croyais que ton travail ne pouvait pas attendre.

- Eh ! Je suis sérieuse Tommy, elle secoua la tête, ses cheveux bruns se balançant autour de son visage. Aujourd'hui, je vais suivre le vent où il me mène. Donc pas de dossiers, pas de réunions, pas de déplacement hors de la ville. Juste moi et l'inconnu.

- Eh bien, dans ce cas, j'espère que tu passeras une excellente journée.

- Tu peux rester avec moi si tu le veux. On retournerait au lit. Ensuite, on irait faire un pique-nique au parc et profiter du beau temps. Qu'en penses-tu ?

- Parker, j'aimerais pouvoir passer la journée avec toi, mais j'ai du boulot, je ne peux pas me permettre de faire l'école buissonnière, il lui tendit une tasse. Je regrette.

- Je suis sûre que tu seras aussi productif qu'hier. Profite de ta routine, mon amour. Moi, je vais embrasser l'imprévisible ! »

Thomas depuis quelques jours s'était montré plus curieux et plus intéressé que d'ordinaire, et la demoiselle le sentait venir tout comme ses questions qui lui brûlaient les lèvres. Ce besoin continuel qu'il avait de vouloir toujours tout savoir sur elle, l'agaçait terriblement. Il enfilait sa chemise rouge en flanelle, prêt à donner vie à une nouvelle demeure. Avant de partir, il la prit dans ses bras.

« Dis-moi, Parker, je me demande, tu n'as jamais vraiment parlé en détail de ton travail. Tu m'as dit que c'était dans les assurances ?

- Oh, on ne va pas en reparler ! Tu sais, c'est un boulot plutôt banal, répondit-elle en fuyant son regard pour ne pas croiser le sien. Papiers, contrats, ce genre de choses.

- Et dangereux ! Des clients pas contents ?

- C'est à peu près ça. Tu vois Tommy, il n'y a rien de bien passionnant dans ce que je fais et je suis sûre que le métier de charpentier, l'est bien plus !

- Passionnant et moins risqué. Je vais rentrer un peu plus tôt, tout à l'heure. J'ai inviter mon ami à dîner ce soir. Ça te dit qu'on invite le tien également ? Ce serait sympa.

- Un dîner, hein ? D'accord, j'accepte, mais à une condition.

- Laquelle ? Thomas leva un sourcil, intrigué.

- Tu ne poses plus de questions ni sur mon travail ni sur le Centre ! Ni maintenant, ni ce soir, ni demain !

- Hum… il hésita pendant un instant avant d'acquiescer. C'est entendu.

- Parfait. Alors, prépare-toi à passer une soirée mémorable. » elle l'embrassa.

Parc de Blue Cove Delaware

Au beau milieu de la matinée. Elle marchait à travers le parc, la brise fouettant ses cheveux. Ses pas la conduisaient vers cet arbre. Oui, elle le reconnaissait, c'était le même chêne où Jarod l'avait pressée, prêt à l'embrasser. Cet endroit réveilla quelque chose en elle. Elle se remémora cet instant précis avec lui, revivant cette après-midi là.

Flashback

« Tout pourrait être si différent.

- Les "si" ne font que compliquer les choses, Parker. Notre vie l'est assez comme ça, il la dévisagea.

- Mais tu aurais pu... Tu aurais dû…

- J'aurais pu, je pourrais, je peux, il esquissa un sourire. Doit-on aller plus loin ?

- C'est trop tard, Jarod. Trop tard pour être raisonnable, elle sentait cette tension entre eux.

- Peut-être…

- Tu devrais arrêter de réfléchir petit génie. Arrête de te poser des questions. La magie va bientôt disparaître, elle maintenait le contact visuel avec lui. Tu en as envie. Je sais que tu en as envie.

- Parker, qu'est-ce qu'on est en train de faire ?

- Tu es si près du bord, Jarod. Si près, et pourtant, tu te retiens toujours. Pourquoi ? »

Cette occasion de savoir si elle ressentait un quelconque sentiment pour le caméléon fut rattrapée par la réalité. Elle était là, regardant cet arbre qui était devenu le témoin de ce rapprochement intime voire innocent. Pas si innocent que ça ! Une part d'elle-même restait accrochée à ce merveilleux moment. Et maintenant, elle devait trouver le courage d'affronter les conséquences de ses actes. Soudain, son téléphone sonna.

« Jarod, ça faisait longtemps.

- Eh bien, Parker, je sens à ta voix que tu es heureuse de m'entendre. Tu m'as pardonné ?

- Oh, crois-moi, Jarod, le pardon n'est pas encore à l'ordre du jour.

- Vraiment ? Et moi qui pensais faire fondre ton cœur de glace, ironisa-t-il.

- Garde tes taquineries pour quelqu'un qui en a besoin. Jarod, tu n'es qu'un goujat !

- Toujours aussi directe, Parker. C'est une qualité que j'admire chez toi. Tu vas bien ?

- Tu t'inquiètes pour moi ? elle s'asseyait sur un banc.

- Tu sais, ce n'est pas simple pour moi non plus. On pourrait en reparler.

- Assez de justifications, petit génie ! J'ignore pourquoi je fais ça, tu es convié à dîner. Ne te méprends pas, Jarod. Ce n'est pas parce que je t'invite que je t'ai pardonné. Thomas a insisté pour te rencontrer, et j'ai accepté.

- Ah ? Il veut me connaître, hein ? Dois-je m'attendre à un interrogatoire de sa part ? Il leva un sourcil, faussement surpris.

- Pas si tu tiens ta langue à propos du Centre. C'est non négociable.

- Mes lèvres seront scellées. Tu as ma parole. Ça promet d'être intéressant.

- N'oublie pas Jarod, si tu cherches à semer la pagaille entre Thomas et moi, je te ferai regretter le jour où on s'est rencontrés. Bon. La soirée est à huit heures. Ne sois pas en retard. Et surtout ne te fais pas voir, je ne veux pas de Nettoyeurs à ma table !

- Ne t'en fais pas. Je serai l'exemple même de l'être civilisé et je serai prudent. Merci Parker pour l'invitation.

- Ce n'est pas pour toi que je fais ça. C'est pour Thomas. Jarod, ne te fais pas d'illusions, ça ne change rien entre nous.

- Qui sait, peut-être que cette soirée nous réservera des surprises. »

Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991

Ce soir-là, une drôle de coïncidence allait se produire. Thomas et Mlle Parker avaient tous deux invité un ami à dîner, sans se douter, une minute qu'il s'agissait de la même personne. La jeune femme, anxieuse de recevoir Jarod chez elle, vérifia le moindre détail. Comme elle ne savait pas faire la cuisine et paraissant au plus pressé, elle avait commandé chez le traiteur. Thomas la rassura. « Ça ne peut pas être pire qu'avec ta famille. » Dans une tenue élégante, une robe noire cintrée, soulignant sa silhouette, elle guettait l'arrivée de Jarod. « Si seulement, il s'était perdu au milieu de la jungle, là-bas, au fin fond de la forêt amazonienne ! » Elle ne savait pas que ce qui allait suivre allait bouleverser tous ses plans. Jarod, un bouquet de fleurs dans une main, une bouteille de vin rouge dans l'autre, se tenait debout devant la porte, attendant qu'on vienne lui ouvrir. Thomas l'accueillit.

« Eh, salut Jarod, je suis content que tu aies pu te joindre à nous, ils se serrèrent la main.

- Je n'allais pas rater ça !

- Parker, vous vous connaissez tous les deux, je crois.

- Bonsoir Parker. Tiens, ces fleurs sont pour toi, ce sont tes préférés.

- Qu'est-ce que... elle fut interrompue par l'expression amusée de Jarod, elle remit le bouquet à Thomas. Toi, le monstre, tu vas me le payer ! » ses joues s'enflammaient.

La demoiselle réalisa que Jarod et Thomas se connaissaient déjà, elle sentit sa rage monter. Face au caméléon et d'un geste impulsif, elle lui asséna un coup-de-poing dans le nez. Ce dernier tomba en arrière, projeté hors de la maison. Le choc lui causa un mince filet de sang. L'incident n'était pas particulièrement grave, mais assez pour captiver l'attention de Thomas. Celui-ci étonné accouru auprès de Jarod l'aidant à se remettre sur pied. Énervée, elle demanda à son compagnon de rentrer à l'intérieur et de la laisser s'entretenir avec lui. « Cet infâme individu. Ce menteur pathétique ! » Elle le saisit par le bras et l'entraîna un peu plus loin. Elle lui tendit un mouchoir propre.

« Tu aurais dû être boxeuse, Parker. Tu as une technique impressionnante, il s'essuya le nez. J'aurais dû, à la place des fleurs, te faire un compliment. Tu es magnifique ce soir.

- Garde tes compliments pour une autre ! Comment connais-tu, Thomas ? Réponds avant que je ne te fasse avaler ta langue fourchue !

- Oh, tu sais, on est devenus super potes lors de notre dernière partie de poker avec les extraterrestres, sa voix était sarcastique. Parker à propos du baiser...

- C'était un test. Il n'y a pas de quoi en faire une affaire d'état, Jarod. Je voulais juste voir si embrasser un caméléon me procurait autant de frissons, elle se montra désintéressée.

- Autant qu'avec un charpentier ? il s'avança lentement vers elle. Même si nous ne sommes pas allés jusqu'au bout. As-tu Parker, ressenti quelque chose de spécial entre nous ?

- Rien du tout. Pas le moindre battement de cœur, pas le moindre petit frisson. Rien ! elle mentait.

- C'est ce que tu as découvert ? Que je ne te faisais aucun effet ?

- C'est ça ! En fait, je te déteste. J'en ai assez. Ce que je voudrais, c'est que tu souffres. Je n'ai qu'une envie, c'est de te crever les yeux. Oui, j'aimerais t'arracher le cœur à la petite cuillère ! elle s'emporta et tenta de le blesser par des injures et des piques.

- Tu es dure, Parker. C'est cruel, il était vexé.

- Tu parles de cruauté ? C'est toi qui me tiens en échec, Jarod. Tu m'as laissé me languir et je ne sais pas pourquoi. Est-ce pour m'agacer ? Me torturer rien que par sadisme ? Où jouer avec mes émotions ?

- Hey ! Le dîner est servi, vous venez ? » cria Thomas depuis la maison.

Lors du repas, les coups d'oeil échangés entre Jarod et Mlle Parker intriguaient Thomas. Les premières minutes étaient marquées par un silence gênant et des paroles acerbes fusaient de toute part. Du côté de la jeune femme, une tempête en approche n'allait sans doute pas tarder à exploser. Elle semblait être en colère quoique nerveuse également. Quant à Jarod, l'homme aux mille visages jouait avec sa fourchette de façon presque enfantine, voire provocante. Ce qui agaça Mlle Parker. Thomas, lui, ne remarqua pas tout de suite ce qu'il se tramait autour de lui, où du moins, il préféra faire abstraction des nuances subtiles qui régnaient dans la salle à manger. Il essaya désespérément de maintenir une conversation sans sujet fâcheux, il se lança dans des potins de la semaine, des blagues idiotes et autres pitreries en tout genre. Sa bienveillance commença peu à peu à détendre l'atmosphère. Malgré ses peurs et ses réserves, Mlle Parker esquissa un sourire séduite par la simplicité et le naturel de Thomas. Mais alors que les plats se succédaient, une tension sous-jacente persista. Leurs joutes verbales étaient riches de sous-entendus et de réparties cinglantes.

« Méfie-toi, Thomas ! Jarod n'est pas ce qu'on pourrait appeler un véritable ami. C'est un manipulateur, un menteur, un arriviste doté d'un égoïsme rare.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait pour te mettre dans cet état ? il se servait de nouveau dans le plat de légumes.

- Laisse-moi répondre à ça, il regarda Mlle Parker. Qu'est-ce que tu lui as dit, Miss Ice Queen ?

- Ce n'est pas ce qu'il m'a fait, elle ignorait la question de Jarod. C'est ce qu'il est. Il joue avec les gens comme s'ils étaient des pions sur son échiquier. Il s'amuse avec nous.

- Attends une seconde. Je n'ai pas l'impression que Jarod soit comme ça. Il a l'air sincère et amical. Qu'est-ce que tu lui as fait ? Pourquoi réagit-elle comme ça ?

- Il se trouve que les histoires ne sont jamais à sens unique. Mlle Parker, ici présente, a elle aussi sa part de responsabilité.

- Tu ne le connais pas vraiment, Thomas. Il peut paraître gentil et respectable, mais en réalité, il a toujours une arrière-pensée. Ne te laisse pas entraîner dans le jeu de Jarod.

- J'aimerais bien comprendre de quoi il s'agit. C'est quoi ces secrets que vous cachez tous les deux ?

- Tout le monde a son lot de secrets, n'est-ce pas, Mlle Parker ? il lui lança un sourire.

- Vous êtes mes amis, vous pouvez me faire confiance, non ?

- Nous, on est un peu plus qu'amis, non ? elle attrapa son amant par la chemise et l'embrassa fougueusement sous les yeux envieux de Jarod. Ne te laisse pas charmer par ses paroles, Thomas. Il est doué pour ça.

- Hum, moi, je dirais que c'est de toi dont il devrait se méfier. Tu es dangereuse, Parker, redoutable, obstinée. Certes, tu es belle et très intelligente, mais tu es INSUPPORTABLE !

- Écoutez, je ne sais pas ce qui s'est passé entre vous, mais s'il y a quelque chose qui risque d'affecter notre relation à tous les trois, il vaut mieux régler le problème maintenant.

- C'est Jarod, le problème. Ne t'inquiète pas, mon amour, je vais le régler. D'ici, demain, on entendra plus jamais parler de lui !

- Eh bien, c'était une agréable soirée. Il vaut mieux que je m'en aille à présent, avant que la foudre ne s'abatte sur moi. Thomas, mon ami, on s'appelle. Parker, c'est toujours un plaisir.

- Non, tu ne bouges pas, on n'a pas terminé. » s'eclama le charpentier.

Après un dîner qui avait bien mal commencé, ce dernier évolua progressivement vers une ambiance plus sereine. Tout à coup, la tension remonta d'un cran lorsque les assiettes vides étaient enfin débarrassées. Thomas poussa sa chaise en arrière et se leva. Il était temps pour lui d'obtenir enfin des réponses. Mlle Parker inquiète jeta un œil en sa direction alors que Jarod, toujours aussi calme, haussa un sourcil interrogateur. Sans un mot, Thomas se dirigea vers un meuble, ouvra un tiroir d'où il sortit un dossier. Il le posa sur la table devant Mlle Parker et Jarod, et avec un soupir, il en révéla le contenu. C'étaient des photocopies de documents aux en-têtes familiers.

« Je suis désolé, Parker, je t'avais promis de ne plus m'immiscer dans ton travail. Il se trouve que j'ai mené ma petite enquête la semaine dernière. Et voilà sur quoi je suis tombé.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Où as-tu trouvé ça, Tommy ? sa voix diminua d'un ton.

- Là n'est pas la question, Parker.

- Comment as-tu pu me faire ça ? elle avait l'impression que son cœur rétrécissait. Tu n'aurais pas dû.

- Ah, non. Ce n'est pas moi qui cache des choses ici. Dans quoi êtes-vous impliqué ? Qu'est-ce que ça signifie ? Qu'est-ce que le Centre ? Qu'est-ce que vous y faites là-bas ?

- Parker a raison, tu n'aurais jamais dû faire ça. Bon, pour le moment, il n'y a pas de quoi s'alarmer, Jarod se mit debout. Thomas, en ce qui me concerne, je ne peux pas te donner toutes les réponses que tu veux, maintenant. C'est très compliqué et très long.

- Je ne vais pas lâcher l'affaire, Jarod. Je veux savoir la vérité. Et toi Parker, tu ne dis rien ?

- Thomas, si je ne t'ai rien dit, jusqu'ici c'était pour ta sécurité.

- Ma sécurité ? C'est moi qui décide de ce qui est sûr pour moi. J'ai le droit de savoir.

- Je vais rester dans le coin quelque temps, vous me trouverez à cet hôtel à la sortie de la ville. Il est tard, je vais vous laisser. Je vous appelle et on en reparle demain. Bonne nuit. »

Mlle Parker s'approcha de la fenêtre observant la silhouette du caméléon s'éloigner petit à petit. La pluie torrentielle s'abattait violemment du ciel, comme si les nuages se déversaient en cascades. Les gouttes d'eau qui étaient fines devenaient plus grosses et épaisses, martelant le sol. Les rues devenaient rapidement des rivières en furie, charriant avec elles feuilles, débris et terre tandis que des éclairs zébraient le ciel. Elle n'osait pas se retourner vers lui, de même que lui n'osait rien dire. Thomas posa ses mains sur les épaules de la jeune femme. Indignée et les larmes aux yeux, elle s'écarta de lui.

« Comment as-tu pu, Thomas ? Je croyais que tu avais confiance en moi.

- C'est toi qui me parles de confiance ? Ne me fais pas de reproches, Parker. Si tu avais été honnête avec moi dès le début, on n'en serait pas là, rétorqua-t-il sur la défensive.

- Et toi, Thomas, tu ne me caches rien ? Tu n'as aucun secret pour moi, hein ? Tu t'es bien gardé de me dire que tu connaissais Jarod. Tu vois, j'ai passé outre le fait qu'il était ton ami et je m'y suis fait une raison. Mais ça !

- Jarod ? Tiens, parlons-en justement. Tu crois que je suis idiot. Tu crois que je n'ai pas vu votre petit manège à tous les deux ?

- Ton imagination te joue des tours. Jarod n'est qu'un ami. Un collaborateur.

- Un ami ? Un collaborateur ? Il laissa échapper un rire amer. Et ces regards entre vous, ces sourires échangés, ces conversations à voix basse lorsque vous croyez que je ne vous entendais pas ? Tu t'imagines que je suis dupe ?

- Mais tu es jaloux, ma parole ! elle jubilait.

- Jaloux, moi ? il éclata de rire. C'est tout ce que tu as à dire ? Je sais que tu ressens quelque chose pour lui. Ne le nie pas.

- Thomas. Tu comptes beaucoup pour moi, mais après ce que tu as fait, je ne suis même plus sûre de ce que nous avons. Je ne suis plus sûre de vouloir continuer.

- Tu remets en cause notre couple ?

- Le Centre. Tu as fait des recherches derrière mon dos alors que je te l'avais strictement interdit ! elle se servit un verre de vin, puis un deuxième qu'elle avala aussi vite que le précédent.

- N'inverse pas les rôles, Parker. Tu ne m'as jamais dit la vérité sur ce que tu faisais là-bas. Tu travailles dans les assurances, c'est ce que tu disais ! Regarde ses documents ! Il brandit les feuilles devant elle. C'est loin d'être la vérité. Ce ne sont pas des contrats d'assurance que le Centre signe, mais des contrats gouvernementaux et militaires. Ce n'est pas le pire, si l'on se réfère à ces documents, il est fait mention d'activités plutôt louches. Des expériences… Tu veux m'expliquer en quoi elles consistent ? Ne me dis pas que tu es impliqué dans ce genre de truc !

- Tu n'avais pas le droit de fouiller.

- Je ne vais certainement pas m'excuser de vouloir m'intéresser à toi. Et aujourd'hui, je ne peux plus fermer les yeux sur ce que j'ai appris. Des vies sont en jeu, peut-être même la tienne.

- Te rends-tu compte de ce que tu viens de faire ? Tu n'as pas idée de ce que tu viens de déclencher. Tu as dépassé les limites et tu as détruit la confiance que j'avais en toi. Je ne sais pas si je pourrai un jour te pardonner, elle prit ses clés de voiture et son sac. Tu m'as déçu, Thomas. Je préfère m'en aller avant de dire quelque chose que je pourrais regretter.

- Qu'est-ce que tu fais ? Il la retenait par le bras. Tu viens de boire, tu ne vas pas prendre le volant.

- Lâche-moi !

-'Tu ne vas pas sortir par ce temps ? Parker, on n'a pas fini !

- C'est fini ! » furieuse, elle claqua la porte violemment.

Hôtel de Blue Cove, Delaware

À Blue Cove dans le Delaware, le caméléon occupait une chambre d'hôtel à la lisière de la ville. Il sortit de la douche encore vaporeuse, un filament transparent ruisselait le long de son dos. Il attrapa une serviette posée à côté de lui et l'enroula tout autour de sa taille. Il scrutait son image dans le miroir embué. Il soupira. La soirée qu'il venait de vivre avait subitement chamboulé son monde intérieur. Entre les questions incessantes du charpentier concernant le Centre, son amitié avec lui et ses propres sentiments envers Mlle Parker, il se sentait pris au piège. « Tout cela devient trop compliqué à gérer. » Et pourtant, il avait adoré passer du temps en leur compagnie… En sa compagnie. « Être avec elle, c'est tout ce que je veux. » Pendant qu'il était en proie à ses pensées, il entendit un toc toc. Le bois grinça lorsqu'il ouvrit la porte. Là, par surprise, se tenait devant lui, Mlle Parker. « Elle est là, devant moi, fragile et magnifique. » Ses cheveux dégoulinaient d'eau, ses yeux bleus gonflés et rougis par les larmes, sa silhouette détrempée et frissonnant de froid. Sa beauté si saisissante la rendait vulnérable. « J'aimerais juste avoir le courage de la prendre dans mes bras et de l'embrasser comme je le désire. » Sans un mot, il lui tendit ses bras vers elle, l'invitant à se rapprocher de lui. Mlle Parker, ses vêtements mouillés collant à sa peau, vint se blottir contre le torse-nu du caméléon. Une étreinte, où sa propre humidité se mêler à la douceur de son corps tout justement savonné. Gênée et rougissante, elle leva la tête vers lui. « Sa présence me trouble plus que je ne l'aurais imaginé. Pourquoi ça me fait ça ? Pourquoi tu me troubles autant, Jarod ? » Ni lui ni elle ne prononçait une parole, seuls leur yeux communiquaient avec insistance. « À chaque fois que je croise son regard, brun et innocent, j'ai l'impression que le monde s'arrête. » Tandis que les mains de Mlle Parker venaient se positionner, hâtivement, volontairement, sur les hanches de Jarod, la distance entre eux se réduisait petit à petit et chaque millimètre gagné amplifiait son envie de la posséder. Pressé contre elle, il écrasait sa poitrine, alors qu'elle le sentait effleurer ses seins lui faisant grimper son excitation, son cœur s'agitait de façon inhabituelle. Accroché à ses iris, il succomba à son charme. Lentement, ses doigts remontaient jusqu'à la base de son cou, repoussant en arrière sa chevelure dégageant ainsi sa nuque. L'odeur agréable et exaltante de l'orage sur la demoiselle lui chatouilla ses narines. Son souffle brûlant, leur rappelait à quel point ils étaient proches, beaucoup trop proches. Puis avec une infinie tendresse, il lui caressa la joue, son pouce dessinait le contour de sa bouche encore toute coloré de rouge. À cet instant, Thomas ne faisait plus partie de l'équation. Déstabilisés, ils n'avaient plus les idées très claires. « Est-ce qu'il ressent la même connexion que moi, ou suis-je en train de me faire des illusions ? » La respiration du caméléon devenait de plus en plus erratique. Leurs visages ne se trouvaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, leurs lèvres aussi bien incontrôlables qu'impatientes se cherchaient comme des aimants, magnétisées, attirées inéluctablement l'une vers l'autre. Le désir était insupportable tant ils se délectaient de cette délicieuse torture. Il poussa la porte, elle s'y appuya et lui adressa un demi-sourire charmeur. « Peut-être que ce soir, il osera enfin franchir le pas et m'offrir le baiser que j'attends depuis si longtemps, le baiser qui pourrait tout changer. » Et sans en détourner le regard « Je veux lui donner ce baiser, mais en ai-je le droit ? »