Stiles enfonça la clé dans la serrure et verrouilla la porte. Le voilà rentré chez lui, dans cette maison beaucoup trop grande pour une seule personne. Au moins, Derek n'avait pas manqué à sa parole : il l'avait ramené dans cette splendide Camaro dont Stiles avait davantage profité cette fois-ci. Il s'était imprégné de l'odeur des sièges, de l'habitacle, de la propreté du véhicule, de ses détails qui le rendaient si unique. Disons que, dépourvu de son stress, Stiles avait pu se rendre compte de la chance qu'il avait eue, tant et si bien qu'il avait fait de son mieux pour se museler et ne pas… Trop déranger son chauffeur éphémère. Après le repas qu'il lui avait offert et l'aller-retour en Camaro, Stiles lui devait bien ça. Lorsqu'il se fut installé sur le canapé, il lui envoya d'ailleurs un message. « Merci. » Aussi simple que court et efficace. Stiles était persuadé que Derek ne tenait pas à lui parler plus que nécessaire, d'autant plus qu'il savait que l'autre regrettait parfois qu'il ait son numéro. Mais Stiles n'abuserait pas et ferait en sorte, à l'avenir, de ne l'utiliser qu'en cas d'urgence. Autrefois, il était vrai qu'il avait eu tendance à lui envoyer des messages à n'importe quelle heure, particulièrement concernant des choses futiles. Des plaisanteries, parfois. Stiles aimait embêter Derek, mais ces derniers temps… Il avait arrêté, et il avait bien fait. Il serait peut-être bien de ne pas recommencer. De ne plus l'emmerder. Ce repas, aussi simple soit-il, montrait à Stiles que Derek était gentil et ce, même avec les gens qu'il n'appréciait pas. Et l'hyperactif n'abuserait pas de cette gentillesse. Peut-être qu'ainsi, il réussirait à remonter dans son estime – au moins un peu.
Peut-être qu'à cet instant, c'était tout ce que Stiles voulait.
Une fois son court message envoyé, l'hyperactif choisit de profiter du repas qu'il avait eu pour s'activer et faire quelque chose de sa soirée : s'il ne voulait pas que sa situation le plombe, autant faire comme si elle ne pesait rien. Peut-être que, le ventre rempli, il arriverait à s'en convaincre.
Stiles pensa fugacement au fait qu'il retrouverait la fadeur de ses pâtes le lendemain midi, mais qu'importe. Il devait se concentrer sur ce qui lui était arrivé de bien en ce jour – c'était bien mieux pour son moral.
Bon, il avait un peu mal au ventre… Mais ne comptait pas laisser celui-ci lui gâcher ce début de soirée si prometteur. Ainsi, une fois à l'étage, Stiles se dirigea vers sa chambre et s'installa directement devant son ordinateur, qu'il alluma sans attendre. Des choses à faire, il en avait. Aucune n'était primordiale, mais au moins, il était capable de s'en occuper. Et ce fut le cas.
Pour une petite demi-heure.
Car bien vite, son mal de ventre grandit, gagna en puissance jusqu'à le plier en deux… Puis le faire foncer aux toilettes à cause des nausées aussi soudaines qu'intenses qu'il provoqua.
Stiles comprit ainsi, lorsqu'il eut vidé l'entièreté du contenu de son estomac, qu'il avait mangé trop vite et qu'il avait gâché là non seulement le repas de Derek, mais aussi sa chance de se remonter le moral. Tremblant de tous ses membres, il n'eut que peu d'énergie : réussit à se laver la bouche, les dents, et à aller se coucher. D'une humeur complètement opposée à celle qui l'animait en rentrant, l'hyperactif ferma les yeux sans même regarder l'écran de son téléphone, qui avait vibré quelques minutes plus tôt. Démoralisé, il s'endormit rapidement, avant même de pouvoir songer au fait qu'il n'avait, à cause de sa gerbe, rien fait de sa soirée. Qu'il n'aurait, sans doute, pas la foi de tenter de faire grand-chose le lendemain.
Stiles eut presque envie de ne pas se réveiller tant ce qu'il s'était passé le dégoûtait.
Quoiqu'on disait souvent que passer une bonne nuit faisait du bien.
xxx
Stiles n'avait pas bien dormi. En fait, il s'était réveillé en pleine nuit à cause d'une sensation de faim trop intense pour qu'il puisse l'ignorer d'un revers de pensée. Suite à cela ? Il avait retrouvé le sommeil après moults essais rapidement suivis par un nombre de réveils équivalent.
Résultat ?
Le matin, il se leva à contrecœur aux alentours de sept heures, incapable d'essayer plus longtemps et las, fatigué de tenter de dormir correctement. Si l'on ajoutait à cela le fait que Stiles n'avait pas encore digéré le fait qu'il avait littéralement régurgité son seul véritable repas depuis le départ de son père… Il y avait de quoi avoir un moral quelque peu vacillant. Une motivation bancale. Des envies faiblardes. C'était tel qu'il se retrouva, à peine levé, à descendre et à s'assoir sur le canapé. Quoiqu'à défaut de pouvoir petit-déjeuner, il pouvait au moins s'hydrater, boire un coup… Mais même ça, il n'avait pas l'énergie de le faire. A quoi bon ? Et en même temps, il fallait bien qu'il survive. A ce stade-là, l'on pouvait effectivement parler de survie. Il n'arrivait pas à vivre dans cet état-là. Au moins, il était seul, n'avait aucun compte à rendre à personne. La honte le submergea toutefois lorsque son téléphone lui fit comprendre, par la nature particulière de ses vibrations, qu'il avait reçu un message et qu'il vit qu'il s'agissait de Derek. Qui lui demandait s'il pouvait faire une recherche rapide pour lui. Stiles n'osa pas répondre, pas tout de suite en tout cas. Il y avait plusieurs raisons à cela : d'une part, le loup n'évoquait pas le repas de la veille, ce qui était censé être une bonne nouvelle, mais… D'autre part, l'hyperactif n'arrêtait pas de penser audit repas. Et sa gorge se serra. Pourquoi avait-il fallu que son corps rejette la seule chose bien qu'il avait mangée ces derniers jours ? D'autant plus que Derek était un homme mesuré. Il avait peut-être eu suffisamment pitié de lui pour lui offrir un plat – en plus des deux paquets, l'un de pâtes, l'un de riz, qu'il lui avait déjà donnés –, mais il n'irait pas s'intéresser davantage à son cas.
Et Stiles avait honte, profondément honte. Honte de se dire qu'il était dans une telle situation, que… Qu'il n'avait plus rien dans le ventre juste parce il avait mangé trop vite et… Peut-être trop par rapport aux doses ingurgitées ces derniers jours. Honte du fait que Derek ait vu ses placards et son frigo vide. Honte d'avoir manqué de craquer devant lui. Une chose était certaine : le loup-garou avait forcément senti la manière dont il avait failli pleurer là, dans sa cuisine.
Alors non, Stiles ne lui répondit pas. Pas tout de suite en tout cas. Plus tard, peut-être. Puis si la demande de Derek était urgente, il ne l'avait pas précisé – ainsi, Stiles considéra que ce n'était pas le cas. Il pouvait bien s'accorder un peu de temps, non ? Il n'avait pas le cœur de faire semblant d'éprouver cette joie qui l'animait réellement la veille, lorsqu'il était rentré. Pas envie non plus de travailler d'une quelconque manière et ce, même s'il avait des choses à faire.
Ainsi, il somnola, se rendormit plus ou moins, dans l'espoir de se réveiller à l'heure de midi. Là, il terminerait les pâtes qu'il était censé manger la veille, avant que Derek ne vienne le chercher pour lui faire déguster un somptueux repas qu'il n'avait pas pu garder longtemps dans son ventre. Arriverait-il seulement à garder cette ridicule portion en lui ? Techniquement, oui. Cette fois, il irait doucement – son erreur, il l'avait comprise et ne la reproduirait plus. Manger vite était rarement une bonne idée, encore moins avec un estomac réduit à cause de la privation et ça, Stiles l'avait appris à ses dépens.
Stiles sortit d'un épisode de somnolence parce qu'il se sentait frissonner. La raison ? De faiblesse, son corps tremblait un peu. Seulement, il n'eut pas la force de se lever pour attraper un plaid – et l'on parlait ici bien ici de motivation. Il était fatigué, trop fatigué pour se donner la force de quoi que ce soit, pour se donner envie d'améliorer son confort. Pourquoi faire, de toute manière ? Stiles ne s'en rendait pas compte, mais il était lentement en train de tomber dans des travers… Peu recommandables. Quiconque le verrait en cet instant ou ferait une petite balade dans sa tête comprendrait qu'il était important d'agir rapidement, de l'aider.
Autrement, il allait se perdre jusqu'au retour de son père… Moment où il remonterait la pente tout en sachant qu'il n'était pas certain que tout ne recommence pas malgré tout. C'était le genre de cercle vicieux quelque peu discret, mais tout de même présent.
Ainsi, Stiles se recroquevilla simplement sur lui-même, ignorant son téléphone qui avait émis une nouvelle vibration. Les yeux fermés, il replongea dans cette espèce de somnolence un peu facile et doucereuse, dont il devait se séparer autant qu'il en avait besoin. C'était paradoxal, mais c'était ce qu'il ressentait… Tout en espérant que son prochain réveil soit celui où il pourrait manger un peu. Sa gorge lui semblait aussi serrée que son ventre, mais… Il faudrait bien qu'il finisse par faire un effort. Difficile dans son état, aussi bien désastreux moralement que physiquement. Mais au moins, il essaierait – c'était en tout cas ce qu'il se disait pour, dans un sens, se tranquilliser l'esprit, garder bonne conscience. Il n'était toutefois pas dit qu'il tienne son engagement – il les tenait rarement, lorsque ça le concernait. Stiles avait la fâcheuse tendance à oublier qu'il était important, lui aussi. Qu'il devait penser à lui plus qu'aux autres, encore plus lorsque ça allait si mal. Il songea au fait qu'il les ferait, les recherches de Derek. Il les ferait et lui donnerait les meilleurs résultats possibles… Mais juste pas tout de suite. Il n'était actuellement capable de rien, mis à part de somnoler. Pas de dormir vraiment, juste de somnoler. Ça n'allait pas plus loin, et c'était épuisant. Car à chaque « réveil », il se sentait encore plus fatigué que précédemment. Et il ne mangeait rien, ne s'autorisait pas à piocher dans les pâtes de midi, préférant manger sa petite portion en une fois – s'il le faisait. Puis dans un sens, il commençait à être gagné par quelque chose de peut-être plus dangereux encore que l'absence d'envie : la flemme.
La flemme de bouger, la flemme d'aller chercher de quoi se couvrir, la flemme de manger.
La somnolence commença à endormir à nouveau son corps devenu faiblard, tout en augmentant paradoxalement la vitesse des battements de son cœur. Au même moment, un bruit sourd provenant de l'étage se fit entendre. Stiles l'ignora, tout comme les vibrations de son téléphone qui s'étaient multipliées ces dernières minutes. Concernant l'étage, c'était sans doute le bois de la maison qui travaillait, et l'hyperactif n'avait pas la moindre intention d'aller vérifier. Il avait mal au ventre, d'ailleurs : ou à cause de cette faim viscérale, ou de cette espèce de dégoût dû à son vomissement de la veille. D'ailleurs, il se rendit compte – et cela le ressortit de sa torpeur – qu'il avait de nouveau la nausée.
Belle journée en perspective.
Pour autant, il refusa d'ouvrir les yeux. A force, l'épuisement aurait raison de lui, il le savait. Il finirait sans doute par se rendormir… Et c'était tout ce qu'il voulait à cet instant.
Dormir, vraiment.
