6. Peverell ?

En sortant du pub, James s'arrêta pour demander au barman la direction de l'église. L'homme nous dit joyeusement qu'elle n'était qu'à petite distance de là et que si nous n'avions pas quitté la route principale pour venir au pub, nous l'aurions manquée.

"C't'une église et un cimetière," ajouta-t-il, sa voix aussi austère que son visage. "Je ne devrais pas dire ça, mais il n'y a rien à voir, pas vraiment." Il s'interrompit pensivement et détourna le regard de James pour me regarder. Je pensais voir une étincelle au fond de ses yeux. "Splendide vue sur la vallée, pour sûr, mais r'in d'aut'."

"Et Jean Petit…" commença James.

"La tombe d' 'Jean P'tit d'Hathersage', oué." L'homme hocha doucement la tête et je pouvais entendre les guillemets qu'il plaçait autour du nom. "C'est r'in d'aut' qu'un monument Victorien, mais j'présume qu'vous voulez allez voir ça d'vos propres yeux." Après avoir confirmé mes suspicions, il nous offrit un sourire sardonique, haussa les épaules et se retourna pour servir un autre client.

"Est-ce qu'on y va toujours ?" demandais-je à James qui tenait la porte du pub ouverte pour moi.

"Ouaip ch'tiote, qu'on y va," dit James en approximation passable de l'accent du barman. Je souris.

Nous enfourchâmes de nouveau Tigre et, en suivant les instructions du barman, James trouva rapidement la route escarpée. La voie était, sans surprise, nommée 'Talus de l'Église'. Elle était un peu plus large qu'une voiture, mais des arbres penchés au-dessus de murs de pierre de chaque côté la faisaient sembler encore plus étroite. Ce fut heureux que nous croisions personne en sens inverse. La voie s'élargit légèrement à l'église, mais pas assez pour être sûr que la moto soit en sécurité des véhicules passant si nous nous garions là, nous suivîmes donc les panneaux en direction du parking.

"On aurait pu marcher jusqu'ici depuis le pub," dis-je lorsque nous laissâmes la moto et marchâmes jusqu'au cimetière.

"Je n'avais pas réalisé à quel point c'était proche. Et on va à Mam Tor, souviens-toi,' expliqua James, une expression inquiète sur le visage. "Je suis bienveillant, je pense à ton bien-être. Deux marches en une journée pourrait être trop pour toi, petite Annie."

"Crétin !" lui dis-je, poussant son épaule avec espièglerie. Il tituba en arrière comme si je lui avais décoché un coup puissant et essaya de paraître étonné de ma force. "Quelle chochotte !" dis-je dédaigneusement. "Je parie que je suis plus en forme que toi."

"Piscine, demain matin à Pond's Forge, tu as le choix de la distance," défia-t-il, levant les poings en imitation de la posture d'un boxeur. "Je te montrerais qui est le plus costaud ! Grrrr !"

" Non !" dis-je.

"Non ?"

Je relevais sa surprise. Il ne s'était pas attendu à ce que je refuse.

"Nope," dis-je avec prétention. "Demain c'est dimanche, donc il n'y a pas de ligne pour nager. Disons lundi, à quatre heures, Jimbo ! Et prépare-toi à te faire botter le cul."

"Jimbo ?" demanda-t-il. "Personne ne m'a jamais appelé comme ça. Pourquoi Jimbo ?"

Je haussais les épaules. "Je t'ai demandé de m'appeler Annabel, ou Anna, pas tu continues quand même de m'appeler Annie. J'explore simplement mes possibilités, Jimmy."

Il me regarda fixement et sourit. "Et une fois que tu auras trouvé celui que je déteste le plus…" Il s'arrêta, attendant que je poursuive.

"Ce sera celui que j'utiliserai," lui dis-je en souriant.

"C'est pas juste," se plaignit-il.

"Tu prétends être bienveillant, penser à mon bien-être ! Mais tu m'appelles toujours Annie. Pourquoi ?" demandais-je.

Ses yeux bruns scrutèrent les miens. Il semblait fixer directement mon âme. "Parce que – et tu vas le nier – tout au fond de toi tu aimes quand je t'appelle Annie, Annie c'est absolument évident pour quelqu'un d'aussi bienveillant que moi. Il n'y a donc aucune raison pour que tu m'appelles Jimbo." Il se rapprocha, et je crus qu'il allait essayer de m'embrasser. Je fus un peu déçue quand il ne le fit pas. "Tu as toujours été Annie pour moi, Annie, et je parie que Hen t'appelle toujours Annie."

"Il le fait," admis-je, impressionnée et amusée par le nombre de fois où il était parvenu à utiliser mon nom. Ce fut alors que je me souvins du coup de fil de mon frère. "J'ai oublié de te dire. Henry m'a appelé l'autre jours quand il a appris pour toi. Il m'a demandé de dire bonjour à Jamie. J'avais oublié."

"Jamie," sourit James. "Hen est le seul à m'appeler Jamie. Je déteste ça !"

"Non, tu mens," dis-je. "Tu veux seulement me faire croire que c'est le cas."

Il secoua la tête à mon commentaire et prit un air pensif. C'était sa vraie expression pensive, pas l'expression 'je fais semblant de réfléchir', qui n'était que sourcils froncés et lèvres pincées. Ici, c'était l'air songeur, légèrement confus, 'je vais devoir utiliser mon cerveau', qui indiquait qu'il réfléchissait vraiment. Je me demandais ce qui le perturbait et l'observait choisir avec soin ses paroles suivantes.

"Annabel May Charlton." James commença avec mon nom de baptême. Cela aurait pu être cause de problèmes, mais je ne savais pas s'il était sérieux. "Le jour où je t'ai rencontré, j'ai parlé à Rosie au téléphone. J'allais lui dire pour toi. Tu m'as presque imploré de ne pas le faire. En fait, tu m'as demandé de ne rien dire à quiconque. Donc je ne l'ai pas fait. Mais tu as dû le dire aux gens, à des tas de gens. Comment sinon Hen l'aurait su ? Est-ce que tes parents le savent ?"

Il avait raison, et il était parvenu à me faire me sentir coupable de mes actions. Pour une raison inconnue, cela m'agaça. Je choisis de ne pas répondre.

"Le barman avait raison, c'est une vue magnifique," dis-je, pointant le doigt dans son dos, loin vers la campagne.

James regarda par-dessus son épaule. L'église était posée à flanc de colline au-dessus de Hathersage. De notre point de vue dominant, nous pouvions voir les maisons aux toits d'ardoise en dessous de nous. Au loin, les verts, bruns et pourpres des collines couvertes de bruyères s'élevaient pour toucher le ciel, créant un horizon ondulant et coloré.

"C'est vrai," approuva James. "Maintenant réponds à la question."

"Pourquoi Mam Tor ?" demandais-je. Ses yeux se plissèrent tandis que je continuais d'éluder sa question. "Je ne pensais pas que tu connaissais cette région du monde."

Il grimaça, mais plutôt que de réagir à ma taquinerie, il répondit à ma question. "Je ne connais pas, pas vraiment," admit-il. "Rosie savait que je voulais venir ici, pour voir la tombe de Jean Petit. Elle a suggéré que, ensuite, on roule jusqu'à Mam Tor. Tu connais l'endroit ?"

"Donc tu l'as dit à quelqu'un. Rosie sait qu'on est ensemble !" je bondis sur ses propos.

"Rosie sait que je retrouvais une fille que j'ai rencontrée en ville," dit James. "Je ne lui ai pas dit qui tu étais. Donc, à tu l'as dit ?"

"Mam Tor est un peu une attraction touristique, comme la caverne de John le Bleu. C'est une ascension plus importante que la randonnée vers Drakestone et c'est un peu plus loin, mais il y a des marches et un chemin correct presque tout le long. Ce n'est pas des mares et du terrain sauvage comme Drakestone ou le lac d'Harbottle," continuais-je d'éviter sa question, uniquement parce que ça m'amusait. En levant les yeux vers son visage, j'étais sûre que lui aussi était amusé. "Ça ne devrait pas être une randonnée trop difficile, même pour un grand garçon de la ville chétif comme toi. Maintenant avançons et allons voir cette tombe qui t'intéresse tant."

J'agrippais sa main et tirais, mais James ne bougea pas. Il baissa les sourcils en pantomime de renfrognement et se dressa face à moi. Bien qu'il n'ait rien dit, je savais qu'il ne dirait rien tant que je n'aurais pas répondu à sa question. Par chance, je m'étais laissé suffisamment de chance pour formuler une réponse qui ne me fasse pas paraître hypocrite.

"On a été découvert par Brad et Corrine, tu te souviens ? Au restaurant ?" dis-je. "Mes amis savent qui tu es. Et Simon aussi nous a vu. Il était immonde envers toi en ligne, donc j'ai changé mon profil pour dire qui tu étais. Henry l'a remarqué et il m'a appelé pour me demander ce qui se passait."

Malgré mes excuses, qui étaient bonnes, je me sentais toujours un peu coupable. J'avais demandé à James de ne rien dire à personne et il semblait qu'il avait tenu parole. Mais je l'avais dit à presque tout le monde. Les seules personnes qui ne savaient pas étaient mes parents.

"Tu es sérieux ?" demandais-je. "Tu n'as pas dit à Rose avec qui tu sortais quand tu l'as vue ?"

"Tu m'as demandé de ne rien dire," dit James. "Donc je ne l'ai pas fait."

Je plongeais les yeux dans son regard noisette et décidais qu'il me disait la vérité, et qu'il n'était pas réellement ennuyé. Il me taquinait de nouveau. Il avait vraiment tenu parole. La réalisation que James Potter avait tenu parole me fit me sentir coupable. Et la réalisation que, après tout ce qu'il avait pu faire au fil des ans, James puisse encore me faire me sentir coupable m'ennuya. J'avais besoin de retrouver le dessus moralement.

"Mes parents ne savent pas pour toi," dis-je. "Et j'aimerais que ça reste comme ça, du moins pour le moment. Mais je n'aurais pas dû être aussi inquiète quand tu as téléphoné à Rosie. Après tout, il n'y a aucune raison pour qu'elle ne sache pas. En fait, il n'y a aucune raison pour que le reste des Sept de Drakestone ne sache pas. Après tout, on a tous prêté serment – par le sang !" Je souris au souvenir de nous tous debout au sommet de la Drakestone.

"Les Sept de Drakestone !" sourit James. Levant les yeux, il fixa au-dessus de mon épaule, pas au loin, mais vers notre enfance partagée. Quand il secoua la tête et revint au présent, des aventures d'enfances à demi-remémorées dansaient dans son sourire.

"J'avais presque oublié," admit-il. "C'était le bon vieux temps. Toi, moi, Hen, Rosie, Al, Lily-Lou et Hugo… nous étions des aventuriers, des chasseurs de dragons, des redresseurs de torts, des explorateurs. À cette époque, on était pas limité par quoi que ce soit d'aussi trivial que la réalité. On pouvait tout faire, être n'importe qui !" Le bonheur brillait dans ses yeux comme un projecteur. "Et c'est ce que nous faisions."

"Une fois tu nous as dit que tu voulais être le plus grand sorcier de tous les temps," lui rappelais-je. "Comment ça avance ?"

"Pas aussi bien que je pensais," admit-il, paraissant un peu gêné. "Mais tu n'es pas devenue Première Ministre et tu n'as pas non plus empêché les gens méchants de faire de mauvaises choses." Il leva la main et m'ébouriffa affectueusement les cheveux. "Il y a encore tout le temps pour nous deux, même si je pense que tu as plus de chances de réussir que moi."

"Juste un peu," dis-je en riant.

"Je voulais vraiment le dire à Rosie, parce qu'elle est strordinairement curieuse de qui j'ai rencontré." James eut un immense sourire lorsqu'il utilisa un autre de ses mots d'enfance. "Je lui dirai ce soir je mettrai aussi Al, Lily et Hugo au courant. C'est plus juste."

"Ce soir ?" demandais-je. J'avais pensé que nous serions ensemble jusque tard. "Est-ce que tu as prévu de retrouver Rosie ce soir ?"

"Je suppose que je la verrai. Après tout, je vis avec elle." Il vit mon expression et rit. "Les parents de Rosie lui ont acheté une maison à deux chambres dans un endroit qui s'appelle Crookes, donc j'ai emménagé dans sa chambre libre. Tu vas être coincée avec moi pendant un bon moment, Annie."

"Tu vis avec Rosie ? Qu'est-ce qu'Oncle Ron en pense ?" demandais-je.

J'avais toujours appelé le père grand, roux et dégingandé de Rose 'Oncle Ron'. J'avais aussi toujours appelé le père de James 'Oncle Harry', bien que je ne sois parente avec aucun d'eux.

"Oncle Ron et Tante Hermione pensaient qu'elle vivrait seule. Ils ne voulaient pas qu'elle partage un appartement avec n'importe quel genre de bon à rien," dit James.

Il m'avait joliment préparé une réplique, je ne le déçus donc pas. "Mais tu as douché leurs espoirs sur ce point !"

James essaya de paraître blessé. "Je te ferai savoir que je ne suis pas 'n'importe quel genre' de bon à rien," protesta-t-il.

Je lui tapotais l'épaule d'un geste consolateur. "Non, James, je sais que tu es d'un genre très spécial de bon à rien," lui dis-je.

Alors que nous riions, il passa son bras autour de mes épaules et m'offrit une étreinte très fraternelle. C'était clairement un geste d'affection, mais je fus déçue. Il semblait que James me voyait à nouveau comme la petite sœur de son meilleur ami et rien de plus. J'ignorais l'étreinte et revins à la raison de notre visite.

"Regarde, Jamie, une grande tombe !" dis-je en pointant le doigt vers l'autre bout du cimetière.

Il ne répondit pas. Au lieu de ça, il me relâcha. Les yeux écarquillés, il balança légèrement plaçant tout son poids sur un pied, puis sur l'autre. J'étouffais un rire. C'était sa posture 'excité", et il semblait qu'elle n'avait en rien changée au cours des années écoulées depuis la dernière fois que je l'avais vu. Il m'abandonna, avançant rapidement le long du chemin pour aller examiner la tombe. Après avoir secoué tristement la tête, je le suivis.

C'était une attraction touristique, et cela fut immédiatement évident lorsque nous en approchâmes malgré tout, c'était un édifice impressionnant. La pierre dressée indiquait 'Ci-gît Jean Petit, l'ami et lieutenant de Robin des Bois…'. La tombe était extraordinairement longue, au moins deux mètres et demi entre la stèle de tête et celle du pied. Bien que la stèle soit bien entretenue, elle était aussi relativement moderne, peut-être vieille d'un ou deux siècles, mais guère plus.

"Le barman avait raison, elle n'est pas assez ancienne," observais-je.

James haussa les épaules, se baissa et plaçant une main dans sa poche, l'autre sur l'herbe. "Tu as raison, Annie, mais ça ne veut pas dire que les os dans cette tombe ne sont pas plus anciens. Peut-être que ce sont réellement les siens." Il essaya de garder l'excitation hors de sa voix, mais échoua.

Soudainement réticente à réfréner son enthousiasme, je ravalais la remarque sarcastique que j'avais été sur le point de faire et l'observais. Il regarda fixement sa main. À en juger par son expression, il semblait qu'il essayait de voir, ou de ressentir, ce qui était à l'intérieur de la tombe. Il sourit et hocha la tête.

"Il ne peut possiblement pas être aussi grand," protestais-je. Personne n'est aussi grand !" Ce fut alors que je me souvins du rêve que j'avais fait la nuit après que je l'aie rencontré.

"À part ce vieux type immense et hirsute que ton père a connu, celui avec un nom bizarre… Hagrid."

"Rubeus Hagrid," dit James doucement en se remémorant cet homme géant si particulier. Lorsqu'il leva les yeux vers moi, j'y vis un mélange de tristesse, d'admiration et d'excitation. "Si tu continues à faire des commentaires comme celui-là, Annie, je vais être obligé de te créditer comme co-autrice de mon article."

"Le Père Noël," dis-je, mon esprit s'égarant à nouveau en direction de Drakeshaugh. James sembla confus. "Un de mes plus anciens souvenirs d'enfance est Mr Hagrid qui sortait de la cheminée à Drakeshaugh. C'était juste avant Noël et je pensais que c'était le Père Noël. Le souvenir est vraiment clair, bien qu'il soit également ridicule. Les gens ne sortent pas réellement des cheminées, n'est-ce pas ? Y repenser me fait toujours me demander ce que j'ai réellement vu."

James sembla surpris, puis il baissa la tête de sorte que je ne pouvais plus voir ses yeux. "Rubeus Hagrid était grand et fort, et généralement un homme très gentil. De bien des façons il était comme Jean Petit, bien que je suppose que Jean Petit n'était pas un féru de tricotage," dit-il pensivement. Lorsqu'il releva la tête, son visage était marqué par le chagrin, et je remarquais seulement à cet instant le temps qu'il avait utilisé.

"Était ?" demandais-je doucement, sachant ce qui allait venir.

"Il avait quatre-vingt-quinze ans quand il est mort," me dit James en se relevant de sur la tombe.

"C'est un bel âge, surtout pour quelqu'un d'aussi grand qu'il était," dis-je. J'eus une envie irrépressible d'étreindre James, et j'y cédais. "Il comptait beaucoup pour toi, et pour ton père, n'est-ce pas ?"

"Ouais," admit James. "Il était un lien avec les parents de papa, l'un des rares que Papa avait." Il tapota mon dos et me serra contre lui. C'était une étreinte puissante et amicale, mais quand je le serrais, il me relâcha. "Merci Annie. J'en ai assez vu ici, est-ce qu'on peut y aller ?"

~~~oooOOOooo~~~

Hathersage était animé et les gens se retournèrent pour voir la moto descendre la rue en vrombissant. Nous atteignîmes rapidement le centre du village, où un panneau pointait en direction de Hope et Castleton. En quelques minutes nous étions à nouveau en pleine campagne.

La route montant dans la vallée était plus large et bien plus animée que n'importe quelle route du Cheviotdale. Le fond de la vallée était large et plat, et les collines plus distantes que chez moi. Alors que je regardais le monde défiler, je fus surprise de ressentir un peu le mal du pays.

Nous nous inclinions dans les virages serrés et rugissions à travers la campagne, et mon esprit continuait de s'évader en direction du Cheviotdale – vers chez moi, Lintzgartz, et vers chez James, la presque magique Drakeshaugh. Mes souvenirs furent interrompus quand nous ralentîmes. Je levais la tête juste à temps pour voir le panneau 'Bienvenue à Hope' défiler. Alors que nous traversions le village, j'eus à nouveau l'envie irrésistible de chanter. Je parvins à la réfréner pendant un moment, mais quand James commença à chanter 'Un dimanche matin Lambton alla pêcher dans le Wear, et 'trappa un poisson sur s'n'hameçon qu'avait l'air très bizarre', je réalisais que, bien que je n'aie pas chanté, j'avais fredonné l'air entre mes dents.

"Maman nous avait l'habitude de chanter 'un d'manche tôt l'jeune Lambton est allé', dis-je. "Et c'est qu'était ben, pas qu'avait l'air, et tant, pas très."

"C'est ça, paie-toi la tête de mon accent, par-dessus le marché !" dit James. Nous passâmes sous un pont et je vis un panneau : Merci d'avoir roulé prudemment dans Hope.' Nous fûmes hors du village aussi soudainement que nous y étions entrés. En roulant vers la campagne dégagée, James poursuivit : "Je ne me souviens pas de toutes les paroles, de toute façon. Peut-être que tu devrais me la chanter."

"Tout d'un coup je n'ai plus d'entrain pour chanter," dis-je, essayant de paraître triste. "Je n'ai plus que du hip, puisque Hope est derrière moi !"

Simon n'aurait pas compris, il m'aurait offert son regard 'tais-toi, espèce d'idiote,' mais James avait clairement prêté attention aux panneaux routiers. Il hurla de rire. "Ton père serait fier de toi, Annie," dit-il, pressant mon genou. "C'est clairement aussi mauvais que tout ce qu'il aurait pu trouver."

Ce moment fut perdu presque immédiatement. Nous nous inclinâmes pour un virage à droite serré, les cales pieds touchant presque le bitume et nous nous retrouvâmes face à une voiture qui s'était décalée au-delà de la ligne blanche. James klaxonna, redressa la moto et vira sur la gauche. Nous passâmes à quelques centimètres seulement de la voiture, et j'offris un doigt d'honneur au conducteur surpris. Nous nous dirigions vers le fossé et une haie, mais James ré-inclina la moto vers le virage. Incroyablement, nous passâmes le virage sans rouler sur l'herbe. La Tiger semblait être collée à la route.

C'était un très beau pilotage de la part de James, mais pendant que l'incident se déroulait, j'étais trop occupée à jurer pour être impressionnée.

"Enfoiré de connard !" criais-je. "Il était du mauvais côté de la route ! Il aurait pu… On aurait pu… Merde ! Putain de merde !" Je tremblais et mes bras étaient accrochés fermement autour de la poitrine de James.

"Il ne l'a pas fait. On l'a évité et on va bien," me dit calmement James. Retirant sa main gauche du guidon, il la glissa gentiment le long de ma jambe et pressa ma cuisse. Ce fut suffisant pour me faire remarquer à quel point je le tenais serré. Je relâchais mon étreinte de son torse. Il fit glisser sa main doucement en descendant sur ma cuisse pour une dernière caresse de mon genou avant de la replacer sur le guidon. "On est en sécurité, Annie, donc ne jure plus, d'accord ? Pourquoi est-ce que tu ne chanterais pas, plutôt ? J'acout'rais et je m'tairai, et tu pourras m'dire tout su'l'ver."

Je ressentis un picotement à son toucher. Une pression de la cuisse n'était pas l'action d'un homme envers la petite sœur de son meilleur ami ! Ou bien si ? Mes genoux étaient serrés contre ses hanches. Tant que nous chevaucherions Tigre, mes jambes seraient la seule partie de mon corps qu'il pouvait toucher. Mais une pression rassurante du genou aurait été simple pour lui au lieu de ça, il était allé chercher en arrière aussi loin qu'il le pouvait en toute sécurité. Sur-analysais-je les choses ? Je n'avais aucune idée de quel genre de relation James voulait, mais je n'avais aucune idée du genre de relation que je voulais non plus. Je connaissais James trop bien et, en même temps, pas assez.

Incertaine de ce que je pouvais faire d'autre, je fis ce qu'il demandait.

"Un d'manche tôt l'jeune Labton est allé,

Pêcher d'ans le Wear

Il 'trappa un poisson sur s'n'hameçon,

Qu'était tant ben bizarre.

Mais d'quel genre d'poisson qu'c'était,

L'jeune Lambton pouva pas dire.

L'ava pas l'coeur à l'ram'ner maison,

Lors l'a b'lancé d'in l'puit."

Alors que j'entamais le refrain, James se joint à moi.

"Écoutez ! Gars, tais'vous,

Et j'va vous dire eun' terrib' 'stoire,

Écoutez ! Gars, tais'vous,

J'va v'dire tou su'l vers."

Je chantais toujours et James ajoutait sa voix au refrain quand nous entrâmes dans Castleton. Nous vrombîmes à travers les rues étroites.

"L'vers 'frayant était s'vent nourri,

D'veux et d'agneaux et d'moutons,

Et gobait des p'tits ch'tiots entiers

Quand y' s'couchaient pour dormir.

Et quand l'a eu mangé tout s'qu'a pouvait,

Et qu'l'a été ben rempli,

S'en est filé loin et a 'touré sa queue

Dix fois tour d'Penshaw Hill.

Écoutez…"

James ne se joint pas à moi. "Sacré bon sang !" dit-il, écrasant subitement les freins. J'agrippais sa taille et couinais alors que la Tiger s'arrêtait dans un glissement au niveau d'une petite route latérale. Mon cœur battait de nouveau la chamade, mais cette fois la manœuvre soudaine me laissait confuse. Autant que je puisse en juger, rien ne me semblait problématique avec la moto et la route était calme.

"Quel est le problème ?" demandais-je.

James commença à rire. "Désolé, Annie, c'est Rosie !" dit-il. "C'est vraiment une gigantesque intello tête d'œuf des fois j'oublie que derrière tout ça, elle reste encore une Weasley."

"Et j'ai oublié d'apporter mon dictionnaire Charabia/Anglais, Jimbo," dis-je sarcastiquement. "Rien de ce que tu viens de dire n'a le moindre sens. Tu vas devoir traduire pour moi."

"Regarde." Il indiqua le panneau à l'intersection.

"Château de Peveril," dis-je. "Je peux lire. C'est un château, et alors ? Ils sont un peu rares par ici, pas comme par chez nous." Je regardais en direction du panneau et repérais le château perché au sommet de la colline. "On dirait qu'il en reste bien plus que du château d'Harbottle, mais ce n'est clairement pas Bamburgh."

"Pourquoi cet endroit ne s'appelle pas Peveril ?" demanda James.

Repassant d'un coup de pied la première, il quitta la route principale et remonta ce qui était très justement nommé Rue du Château."

"Quoi ?" demandais-je.

"Le château d'Harbottle est à Harbottle, le château de Bamburgh est à Bamburgh," expliqua James alors que nous roulions doucement vers le haut de la rue.

"On est Rue du Château à Castleton, littéralement la ville du château, et tu es étonné qu'il y ait un château ? Je me suis toujours dit que tu étais benêt," lui dis-je sarcastiquement. À cause de l'arrêt soudain, mon cœur battait encore à tout rompre.

"Cet endroit s'appelle Castleton, pas Peveril," dit-il.

"Et alors ?" demandais-je. "Il y a aussi un château à Newcastle et il n'a même pas de nom, c'est juste 'le château'."

"C'est différent," protesta James. "La ville s'appelle Newcastle parce qu'elle est nommée d'après le new castle, le nouveau château ! L'indice est dans le nom, Annie."

"Nouveau ! Il a plus de neuf cents ans," dis-je. "Mais pourquoi tout ça, James ? Tu as certainement vu bien assez de vieux château quand on était petits ?"

Il eut un éclat de rire. "J'ai même été à l'école dans un château. Mais ce n'est pas le château, Annie, c'est le nom. Quand Rose a suggéré que j'emmène 'ma mystérieuse amie' à Mam Tor, elle a dit : 'Tu pourrais trouver Castleton aussi intéressant qu'Hathersage.' Maintenant je sais pourquoi !" me dit-il. "Est-ce que ça te dérange si on marche jusqu'au château ?"

"À une condition," dis-je avec un soupir. "Tu vas devoir m'expliquer pourquoi tu es si excité par ce château en particulier. Tu en as vu des plus gros et mieux que celui-ci. Est-ce que ton école privée – peu importe son nom – était vraiment un château ?"

"Oui," admit James. "Bien qu'il ait été modernisé… un peu."

Il glissa la moto au bout d'une longue file de voitures et attendit que je descende. Il ne dit rien jusqu'à ce que nos casques soient attachés à la moto.

Me regardant dans les yeux, il peina à se décider sur quoi me dire. "D'après les histoires… enfin, d'après l'histoire de Papa, je suppose… les Potter… On est… C'est…"

"Trois petits chats, chapeau de paille, paillasson, somnambule, bulletin, tintamarre," chantonnais-je.

"Quoi ?"

"Si tu recommences à parler en charabia, alors moi aussi," lui dis-je. "Tu as babillé à propos de noms et de châteaux, mais tu es totalement incompréhensible. Marabout, bout de ficelle, selle de cheval…" poursuivais-je la chanson.

"D'accord !" James leva les mains en geste de reddition. "C'est compliqué, mais…" Il s'interrompit pour réfléchir, mais quand j'ouvris la bouche, il poursuivit. "Ma famille, les Potter, sont liés à une vieille famille de so… de sages… du mois supposément sages, appelée Peverell." Il épela le nom pour moi. "D'après diverses sources, nous… moi… Papa… non, c'est trop compliqué. Il y a des tas d'histoires à propos des Peverell et nous, les Potter, sommes supposés être leurs descendants, mais à part quelques pierres tombales dans un village du West Country appelé Godric's Hollow, je n'ai jamais trouvé la moindre preuve d'où les premiers Peverell vivaient."

"Donc tu fais aussi des recherches sur ton arbre généalogique ?" demandais-je.

"En quelque sorte," me dit-il. "Sais-tu que la plupart des gens pensent qu'il n'y a que quelques types de noms de familles Anglais : liés à l'occupation, à la description, à la géographie et patronymiques ?"

"Quoi ?"

"Je suis un Potter," expliqua-t-il. "Donc, selon toute vraisemblance, un de mes ancêtres faisait des pots à moins qu'il n'ait été potelé. Tu es une Charlton, ce qui je pense est géographique : un nom de lieu. C'est probablement du vieil anglais, de Ceorl Tun, ce qui signifie que tes ancêtres venaient d'une ferme paysanne."

"Merci," dis-je sarcastiquement. "Tu es un commerçant, mais je suis une vulgaire paysanne !"

"Peverell est difficile," poursuivit-il, ignorant mon interruption. Il semble qu'un Peverell soit arrivé de Normandie avec William le Bâtard…" Je levais un sourcil. Il haussa les épaules. "Je l'appellerai William le Conquérant, si tu préfères. Mais les informations solides à propos… à propos de la famille se sont révélées dures à trouver. Il y a un endroit appelé Peverell, avec un E et deux L, c'est une banlieue de Plymouth, et il existe un Hatfield Peverel, avec un E et seulement un L, à côté de Chelmsford. Mais jusqu'à présent je n'avais pas idée qu'il y avait un château de Peveril."

"Épelé," commençais-je. Il me fit taire d'un geste.

"L'épellation est une invention récente," dit-il dédaigneusement.

"Récente ?"

"Cinq ou six cents ans, c'est tout," me dit-il. "R-O-I-Tréma-N-E. Une idée de ce que ça épelle ?"

Je secouais la tête.

"Il y a quelques centaines d'années, c'était une façon tout à fait acceptable d'épeler le titre donné à la femme d'un roi," me dit-il. "Donc V-E-L, V-I-L, un L ou deux, aucun ne fait la moindre différence. Fichue Rosie ! Je me demande depuis combien de temps elle sait pour ce château et elle ne me l'a jamais dit."

"Est-ce que tu cherches Robin des Bois, tes ancêtres ou des dragons ?" demandais-je. "Tu as vraiment l'air de virevolter de l'un à l'autre, James. Tu as dit que nous allions marcher. Il n'y avait aucune mention de renégats ou de dragons ou d'ancêtres jusqu'à ce que tu me fasses monter à l'arrière de la Tiger."

"Tu as raison," dit-il le visage penaud. "Je t'ai tiré de tes études, Annie. Je ne devrais pas t'imposer les miennes. Je retournerai certainement visiter l'église d'Hathersage sans toi. Donc je pourrais aussi revenir ici un autre jour. Je suis désolé."

"Pas de problème," lui dis-je. "Tu es comme un petit garçon, James, surtout quand il s'agit de ces trucs. Tu es soit un excellent menteur, soit tu connais ton histoire ancienne. Est-ce que tu as inventé ce truc sur mon nom ?"

"Ceorl Tun ? Non, je ne l'ai pas inventé. Tun signifie ferme, c'est dans un tas de nom de lieux, généralement en 'ton'."

"Ashington, Ellington, Widdrington, Washington," dis-je, essayant de paraître intelligente.

"Ouais, mais ce sont tous des 'ing' ton donc ça signifie ferme appartenant à. Donc, il y a dû y avoir des gens appelés Ash, Ell, Widdr et Wash qui possédaient la ferme d'origine."

"Je commence à penser que tu sais vraiment de quoi tu parles quand il s'agit d'histoire ancienne, et même que tu peux parler le vieil anglais," lui dis-je.

"Étonnant, n'est-ce pas ?" dit-il, l'air un peu gêné. "Mais mon vieil anglais est autodidacte. Il est loin d'être courant. Et pour l'histoire, je ne suis pas expert en histoire ancienne. Oublie les Romains et au-delà, c'est les mal-nommés âges sombres et le début de la période médiévale qui me fascine. La période allant de Arthur Pendragon à Richard Coeur de Lion est celle qui m'intéresse le plus."

"Ça aurait sonné bien plus impressionnant si tu avais commencé avec un roi réel plutôt qu'un légendaire," le taquinais-je.

"Je fais des recherches sur Robin des Bois et ses Joyeux Compagnons," me rappela-t-il. Mais ne transformons pas cette journée en une leçon d'histoire. Je reviendrai à Castleton un autre jour. Est-ce qu'on peut remonter sur la moto et trouver cette randonnée ?"

Je levais les yeux vers le château et me demandais si nous devions y monter pour le voir. Puis j'eus une idée. "Nous pourrions revenir ici un autre jour," lui dis-je. "Mais allons à Mam Tor aujourd'hui."

"Marché conclu," dit joyeusement James. Nous remontâmes sur la moto et il retraça son chemin vers la route principale.

Nous roulâmes en silence à travers la vallée. J'essayais de comprendre mes émotions. La familière sensation de chaos, d'apercevoir l'inconnu du coin de l'œil était de retour. C'était une sensation que j'associais à mon enfance. Maintenant j'étais, supposément, 'bien adulte', et pourtant il semblait que l'inconnu me regardait en retour.

James était appréciable, mais il y avait toujours l'impression que quelque chose se tenait derrière son épaule, tapi dans l'ombre. Je venais juste de m'inviter à sortir à nouveau avec lui. Était-ce réellement une bonne idée ?

Utilisais-je simplement James pour blesser Simon ? Je ne pensais pas le faire. Était-il possible de blesser Simon ? Il était certainement possible de l'agacer. Seulement oublier qu'il était le centre de l'univers était suffisant pour y arriver. Que faisais-je avec James ? Il était gentil. Gentil ? Après ce qu'il avait fait lorsque nous étions enfants, comment pouvais-je penser qu'il était gentil ? Comment pouvais-je avoir mes bras autour de sa taille ? Je les retirais.

"Est-ce que ça va ?" me demanda-t-il.

"Qu'est-ce qu'on est ?" demandais-je en réponse.

"Deux vieux amis qui sortent pour la journée," dit-il. "C'est suffisant pour moi, Annie. Du moins, pour le moment ça l'est. Un jour à la fois, d'accord ?"

"Un jour à la fois," approuvais-je.