Chapitre 11 (bonus) – Premier baiser (Embry)
Le silence fut long. Trop long. Elle se tenait là, debout devant moi, penchée à partir du moment où elle m'avait poliment apporté mon verre d'eau. Elle semblait agacée, comme une bête sauvage qui est coincée au moment où elle s'y attend le moins. Et même avec les sourcils froncés, je ne pouvais m'empêcher d'admirer les taches de rousseur qui ornaient joliment ses joues et son nez. Elle était vraiment très belle et même si aucun mot ne semblait capable de la qualifier assez justement à mon goût, je devais pourtant rester focalisé sur l'objet de ma colère. Colère sourde et grondante qui menaçait d'exploser à mesure que le temps passait. Dans ma main, son poignet, si maigre et si pâle que j'aurais probablement pu le casser sans même m'en rendre compte. Et sur ce joli poignet de poupée, un pansement, grossier, puant le sang à peine coagulé. Si au départ j'avais mis cette fine odeur sur le compte de quelque chose d'un peu plus féminin, il était maintenant évident que c'était cette vilaine plaie qui avait agité tous mes sens en arrivant. Garder le contrôle. Je devais impérativement garder le contrôle si je ne voulais pas paraitre aussi stupide que Paul et Sam qui eux, perdaient le contrôle. Hors de question que je la blesse.
« - Rey. »
L'appeler par son prénom sembla la réveiller un peu et elle s'extirpa farouchement de mon emprise. Visiblement, je l'avais piqué au vif en me mêlant de quelque chose qui, de prime abord, semblait vouloir rester secret. Tant mieux, je voulais tout savoir la concernant. Y compris le nom du crétin qui avait osé lui faire du mal. Il allait passer un sale quart d'heure !
« - Mêle-toi de ce qui te regarde. »
Sa voix était sèche. Elle était donc bien plus qu'agacée vu son comportement. Et le regard meurtrier qu'elle me lança semblait clairement vouloir dire qu'elle n'avait pas envie de discuter de ça avec moi. Pourquoi ? Est-ce qu'elle était en train de rejeter l'imprégnation ? Rien qu'en y songeant, mes poings se serrèrent violemment. Il fallait que j'arrête de me faire des films rapidement. Ça n'avait probablement rien à voir. J'avalais ma salive pour tenter de me contrôler et lui répondit avec une patience hors du commun
« - Maintenant ça me regarde. C'est quoi ? On t'a fait du mal ? Dis-moi qui s'est et je vais lui pêter la gueule direct. »
Bon, peut-être pas aussi patient que ce que j'escomptais tout compte fait. Je soufflais doucement mais me stoppait bien vite. Venais-je de l'entendre rire ? Un bref coup d'œil dans sa direction et je remarquais qu'elle souriait. Pire encore, elle semblait se retenir pour ne pas rire. Affligeant. Un peu inquiet à l'idée qu'elle ne devienne folle en moins de dix secondes, je tentais de trouver une explication logique à son comportement. Mais rien.
« - Pourquoi tu rigoles ? »
Elle partit de plus belle dans un rire franc. Je ne pus m'empêcher de me demander si je n'étais pas devant une femme avec l'apparence de Rey. Mais c'était pourtant bien son parfum enivrant qui chatouillait mes narines depuis que j'étais rentré dans la grande maison. Peu à peu, je songeais qu'elle riait peut-être de moi ou de mes propos et, alors que je me redressais dans le divan, je réalisais qu'il était parfaitement envisageable qu'elle se soit mutilée. Quelle horreur. Mon sang se glaça dans mon corps et je me figeais, incrédule
« - Attends… Tu t'es fait ça ? »
Cette fois-ci, elle se calma immédiatement. Pour mon plus grand malheurs il semblait que j'ai vu juste et, l'idée qu'elle se soit volontairement fait du mal acheva de me torturer. Voilà des jours que je n'avais pas eu l'opportunité de la croiser et malgré Colin qui me donnait régulièrement de ses nouvelles, il apparaissait désormais évident qu'elle me dévoilait un côté d'elle plus sombre que ce que j'aurais pu imaginer. Enfin, elle ne me l'aurait probablement pas fait découvrir si je n'étais pas tombé sur cette plaie.
« - Mais pourquoi ? Demandais-je d'une voix un peu étranglée. Mais t'as essayé de te suicider ? Ça va pas la tête ?! »
L'idée même qu'elle veuille mettre fin à ses jours me torturait. Pourquoi voulait-elle mourir ? N'étions-nous pas deux âmes sœurs qui venions tout juste de nous rencontrer après tout ? Je n'avais entendu aucun des gars dire que son imprégnée avait fait des tentatives de suicide et j'avais l'impression d'être dans un mauvais roman.
« - J'ai pas essayé de me suicider. J'ai pas envie de mourir.
- Pourquoi t'as fais ça alors ? »
Je ne parvenais pas à comprendre. Avait-elle une sorte de vieux délire masochiste ? A moins qu'elle soit comme les autres femmes des grandes villes, un peu malade sur les bords. Et puis, peut-être même était-elle adepte de ses trucs trop obscures pour moi, en jeux de rôles et donjons. J'avais vu un reportage flippant sur le sujet, et plus les minutes passaient, plus il me semblait que ma parfaite petite Rey n'avait rien d'un ange. En soit l'idée était vraiment effrayante, mais si c'était réellement le cas, tans pis, j'étais prêt à faire avec !
« - Pour me soulager, répondit-elle après un instant. »
Se soulager de la vie ou de pulsions sexuelles ? Bordel, j'étais paumé là, trois mots ce n'était clairement pas une réponse valable. Je me levai, peut-être un peu trop rapidement, pour la rejoindre. Elle était si petite, si chétive, j'avais vraiment beaucoup de mal à la concevoir comme une sorte de dominatrice.
« - Je ne comprends pas, murmurai-je. »
Il fallait qu'elle m'aide un peu, j'avais l'impression de devenir totalement cinglé à force ! Et à mes mots, sa réactions ne se fit pas attendre. Très brusquement, elle s'emporta avec colère
« - C'est de ta faute aussi ! Tu débarques et tu me tapes dans l'œil, puis tu disparais pendant des semaines ! J't'ai cherché tous les soirs à la sortie des cours, mais t'étais pas là ! C'est uniquement de ta faute toute cette merde. »
Même là, elle était belle. Même quand elle me montrait que j'étais un bien piètre imprégné et que j'avais fait passer certaines priorité de la meute avant elle, je ne pouvais m'empêcher de la trouver incroyablement parfaite. Elle avait parfaitement raison, de son point de vue. Car elle ignorait la souffrance que je ressentais tous les soirs en sachant que je ne croiserai pas son regard à la sortie du lycée. Elle ignorait aussi les longues nuits que j'avais passé sous sa fenêtre à veiller que personne ne lui fasse le moindre mal. Elle ne savait pas non plus que plusieurs fois, je m'étais surpris à marcher pour aller sonner à sa porte et je m'étais efforcé de me détourner de ces envies pour me focaliser sur la meute. Mon cœur se serra, comme déchiré. J'avais depuis peu, bien trop besoin d'un contact, même le plus simple avec elle que j'en étais devenu plus agressif, surtout avec Colin, Cody et Seth qui avaient entre autres l'opportunité de la voir régulièrement. Je comprenais mieux maintenant, pourquoi Jacob avait éprouvé tant de peine avant de se stabiliser dans son rôle de petit ami parfait et dans celui de chef de meute, quoique Renéesmée soit plus à même de comprendre que Rey.
« - Je suis désolé Rey. »
Mes excuses venaient du cœur. J'étais réellement désolé, pour elle comme pour les miens, d'avoir tant de mal à faire la part des choses. Dans quel enfer les avais-je tous envoyés ?
« - Ben pas moi. Parce que c'est le seul truc que j'ai trouvé pour aller mieux. Parce que ça me fait tellement mal d'être subitement sous le charme d'un type que je ne peux jamais voir et qui s'en fout probablement, que ouais, j'fais ça. Tu crois que c'est un jeu pour moi ? T'as pas le droit de me juger ! »
Mon cœur sembla rater un battement. Décidemment, Rey avait le chic pour jouer au yoyo avec mes émotions. Et même si elle semblait un peu agacée de s'être ainsi livrée à moi, je ne pouvais, pour ma part, pas m'empêcher de hurler intérieurement de joie. Elle l'avait dit, peut-être bien sans le vouloir, mais elle l'avait dit et c'était tout ce qui m'importait. Tant pis si c'était peut-être trop précipité pour elle, trop imparfait, pour moi, c'étaient les mots les plus tendres et les plus bienveillants que j'ai jamais entendu. J'étais comblé, réellement.
« - Oh, Rey, je suis tellement désolé si tu savais. »
Et sans vraiment le vouloir, ni même lui demander la permission, je l'attirai -ma foi un peu trop brusquement je crois- contre moi pour la serrer dans mes bras. Ses cheveux sentaient bon les fleurs et la vanille et je pouvais sentir son cœur s'affoler dans sa poitrine. Un sourire niais naquit au coin de mes lèvres. J'étais probablement l'homme le plus chanceux au monde de connaitre une personne comme Rey. Enfin non, de connaitre Rey.
Je la libérai bien vite pourtant -un peu à contre-cœur- pour éviter de l'étouffer avec ma rudesse et tentait de capter son regard -visiblement un peu paumé.
« - Sous le charme hein ? La taquinais-je doucement. »
Bien heureusement pour moi, elle ne s'agaça pas de mon comportement. Au contraire, elle se mit à sourire doucement, avec une pointe de tendresse dans le regard.
« - Va te faire foutre Embry. »
J'étouffais un léger rire avant de retourner m'asseoir. Si elle était capable de rire alors que la tension était palpable quelques secondes plus tôt, cela voulait probablement dire qu'elle ne me tenait pas tant rigueur que cela. Et c'était tant mieux ! D'un léger regard, je l'invitais à me rejoindre. J'avais ce besoin vital de la savoir près de moi et si je ne pouvais pas le lui expliquer pour le moment, il fallait que je le comble d'une façon discrète. Et puis, il fallait qu'on discute tous les deux plus sérieusement de ce qu'elle faisait de ses poignets et de la manière dont j'allais pouvoir l'empêcher de se faire du mal. Elle vint s'asseoir, hésitante. Je l'observai un instant, charmé par ses cheveux blonds un peu en bataille et son regard qui tentait désespérément de fuir le miens.
« - Je vais venir tous les soirs à la fin des cours, annonçais-je. Et tous les matins aussi. Et même pendant ta pause de midi s'il le faut. Je serais là. Je te le promets. »
C'était là une promesse que j'allais tenir. J'échangerais mes tours de gardes avec Leah, et ferait plus de rondes la nuit pour compenser s'il le fallait, mais Rey avait besoin de moi. Et j'avais indubitablement besoin d'elle. Et ignorant son air surprit et son envie de protester -que je devinais non sans mal- j'enchainais, toujours avec douceur
« - N'empêche. Toi aussi tu m'as tapé dans l'œil Rey tu sais. »
Elle réagit d'une façon incroyablement douce, rougissant alors que les battements de son cœurs s'emportaient à nouveau. Là encore, je la trouvais magnifique. Mais il fallait que je parvienne à crever l'abcès sans la rendre furieuse à nouveau
« - Promets-moi un truc s'il te plait, commençais-je
- Quoi donc ?
- Arrêtes de te faire du mal.
- Je ne peux pas, répondit-elle en secouant doucement la tête. »
Je me mordis l'intérieur de la joue. Elle était peut-être honnête mais sa réaction était bien loin de me satisfaire. Il fallait pourtant que je garde tout mon calme dans cette histoire. Lentement je l'attirai davantage contre moi pour la serrer dans mes bras. Sa présence me faisait un bien fou, c'était indéniable.
« - Alors promets-moi que la prochaine fois, tu m'appelleras pour que je sois à côté de toi.
- Glauque, commenta-t-elle avec détachement.
- Tant mieux si ça te dérange. Pour ma part, je veux simplement m'assurer que tu ne te feras pas mal. »
Elle ne répondit pas. Je savais pertinemment qu'elle recommencerait et même si j'étais certain que je le saurais à chaque fois -probablement trop tard- je ne pouvais m'empêcher d'être inquiet. Je ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose, qu'elle se blesse trop profondément ou pire, qu'elle se donne la mort. Je ne voulais pas la perdre. J'avais donc tout intérêt à faire désormais en sorte qu'elle soit heureuse. La plus heureuse possible et ce jusqu'à la fin de nos jours. Et cette résolution devait impérativement commencer aujourd'hui.
« - Rey ?
- Mmh ? »
Elle se redressa doucement dans mes bras et me toisa avec interrogation. Elle était tellement belle que j'en avais presque le tournis. Les lèvres un peu sèche, je chuchotai
« - Pour chaque coupure, ce sera un baiser. »
Et avant qu'elle n'ait vraiment eu le temps de protester, je l'embrassais avec toute la douceur dont je pouvais faire preuve -c'est-à-dire pas des masses. Quelque chose en moi s'éveilla et mon instinct animal me confirma ce que je semblais savoir depuis toujours, c'était elle, la femme de ma vie. Mon âme sœur. Ma moitié. Ma lune et mon soleil. Mes étoiles. Mon univers. Le centre autour duquel je gravitais depuis tout ce temps. C'était comme si subitement, je me sentais complet et accompli. Je n'étais plus Embry Call le gars qui se change en loup pour affronter des vampires et protéger les siens. J'étais son loup. Celui qui mourrait pour elle. Celui qui ferait en sorte que jamais plus elle n'effleure de sombres pensées. J'étais celui qui pourrait combattre des géants et affronter des titans, pourvu que je puisse une fois de plus me noyer dans son regard aux couleurs de l'océan.
« -Dis-moi que t'en as plus qu'une en fait. »
Je venais tout juste de me reculer pour la laisser respirer et j'avais pourtant envie de l'embrasser à nouveau, de la toucher et de l'aimer de la plus pure des façons. J'avais ce besoin de l'honorer, de la vénérer comme une sorte de divinité. Cette sensation, Jacob m'avait prévenu qu'elle serait probablement enivrante et incontrôlable. Pourtant, pour Rey, je devais faire attention. Y aller doucement. Elle n'était pas n'importe qui et rien ne m'importait plus que ses sentiments. Il fallait qu'elle soit à l'aise et je doutais sérieusement que le fait de rester collé à ses lèvres lui soit agréable.
« - T'es arrivé trop tôt. »
Je grognais légèrement, mais, bien loin de me laisser abattre par cette nouvelle, je l'accueilli avec joie. Celle-ci serait la dernière. Lentement, je l'attirai à nouveau contre moi, profitant de la douceur qui émanait d'elle.
