Bonjour à toutes et à tous !
J'ai enfin reçu ma nouvelle affectation pour les six prochains mois. Je suis donc d'ors et déjà moins disponible pour l'écriture, puisque je prépare mes prochains cours. La rentrée est le 4, il est grand temps !
Chose promise, chose due, dans ce chapitre vous allez découvrir l'histoire de Loki. Elle n'est pas beaucoup différente des livres, mais suffisamment j'espère pour ne pas vous ennuyer.
Bonne lecture !
Chapitre 13 : L'Histoire de Loki
À bien des égards, les Æsir étaient semblables aux humains. Ils étaient peut-être un peu plus grands. La diversité de leurs couleurs de peau était peut-être un peu moins grande. Ils étaient beaucoup plus forts et pouvaient vivre beaucoup plus longtemps. Mais en dehors de cela, ils pouvaient être confondus avec des humains. Pas qu'ils s'en soucient. En réalité, assez peu d'entre eux savaient ce qu'était un humain. C'était un peuple lointain, peu évolué, avec lequel on ne pouvait commercer, et dont la planète était trop excentrée du reste de l'univers habité pour être intéressante.
Il y avait néanmoins des Æsir qui s'intéressaient aux humains. Des scientifiques, de ceux qui étudient les différentes sociétés de l'univers. Mais l'être humain était un peuple trop jeune pour que les connaissances sur leurs civilisations soient importantes. Des stratèges étudiaient de près leur planète pour découvrir d'éventuels minerais rares, même si les planètes telluriques avaient tendance à se ressembler entre elles.
Les Æsir étaient majoritairement bien trop occupés par un autre peuple de leur système solaire pour avoir quelque chose à faire des humains. Ils étaient en guerre depuis des lustres contre les Jötnar, une autre espèce intelligente à quelques planètes de la leur. Les Jötnar n'avaient rien en commun avec les Æsir, ou en tout cas, c'était ce que ces deux peuples voulaient croire. Pourtant, ils partageaient bien plus de choses qu'ils ne le pensaient. Ils étaient sensiblement de la même taille, avaient des forces équivalentes, étaient organisés en une société monarchique absolue, détenaient des technologies similaires et pratiquaient une forme ou une autre de magie.
Pourtant une chose les différenciait totalement : les Jötnar étaient faits de glace.
Ou c'était la croyance populaire ase qui disait cela. En réalité, les Jötnar étaient un peuple à sang froid, à la peau bleue et aux capacités magiques radicalement différentes de celles des Æsir. La totalité des Jötnar pouvait manipuler à sa guise la glace et le givre. C'était inné, et c'était cette capacité qui avait donné naissance à la croyance asyne des Jötnar faits de glace.
Les Æsir vivaient avec la certitude que les Jötnar étaient des êtres brutaux, décérébrés, qui ne vivaient que pour la guerre et la glace.
Les Jötnar vivaient avec la certitude que les Æsir étaient des êtres brutaux, décérébrés, qui ne vivaient que pour la guerre et les banquets.
Régulièrement, ils tentaient de s'envahir l'un l'autre, quoique les raisons politiques restaient très floues pour la plupart des combattants.
La véritable raison était que le roi Odin, qui gouvernait les Æsir, et le monarque Laufey, à la tête des Jötnar, se haïssaient pour des raisons privées et avaient poussé leurs peuples à se haïr en retour.
Les raisons de la haine entre les deux souverains n'étaient pas connues, et de nombreuses spéculations circulaient à ce propos, mais aucune n'avait été accréditée ni même démentie. Si bien que certains peuples, qui commerçaient avec ces deux planètes, en étaient venus à penser qu'il s'agissait d'une histoire d'amour qui avait mal tourné, ou qu'il s'agissait d'une rivalité familiale dont les raisons étaient mortes avec leurs parents respectifs, mais dont la haine s'était transmise quasi génétiquement.
Pour cette histoire, les raisons importent peu. L'important est de savoir qu'un beau jour, les armées d'Odin infligèrent une si cuisante défaite aux Jötnar, qu'un traité de paix fut signé. Un traité humiliant pour les vaincus, comme il existe des milliers dans l'univers. Un de ceux qui entretiennent la haine et la rancœur.
L'indemnité de guerre réclamée fut exorbitante, une humiliation de plus. Comme si cela ne suffisait pas, Odin réclama à Laufey quelque chose de plus, s'il voulait revoir en vie les milliers de prisonniers de guerre qui avaient été faits. Il lui réclama son plus jeune enfant, encore un bébé.
Ce n'était pas n'importe quel bébé. C'était un bébé chargé d'une magie extraordinaire. À quelques mois, il était déjà certain de prendre le trône de son géniteur à l'âge adulte, pour mener son peuple vers un nouvel âge d'or. L'espoir de la société Jötnar reposait tout entier sur ce tout petit bébé. Pris par Odin. Avec un cynisme ignoble, le souverain jura au couple qui perdait leur enfant de le leur rendre quand il serait en âge de monter sur le trône, promettant l'avènement d'un roi pantin, au service des Æsir.
On décida de cacher à l'enfant sa véritable ascendance, préférant dissimuler sa peau bleue sous un sortilège, et l'élever comme un Ase. Ainsi, il fut baptisé Loki, et fut présenté à la cour comme le second fils du roi Odin et de la reine Frigga. Il devint le frère de Thor, et fut élevé par les mêmes nourrices, les mêmes tuteurs et tutrices, les mêmes maîtres et maîtresses d'armes.
Néanmoins, dès sa plus tendre enfance, Loki ne se sentit pas à sa place. Il était un enfant renfermé, replié sur lui-même, car moqué pour sa frêle carrure, et son incapacité à égaler Thor à bien des niveaux. Thor était fort, doué au combat, lumineux, jovial. Il était tout ce qu'un Ase rêvait d'être. Loki était fort aussi, mais moins. Il était doué au combat, mais d'une autre manière, plus sournoise, plus maligne, et cela ne plaisait pas aux Æsir. Il évoluait dans l'ombre, préférant la ruse à la force physique. Il aimait les manœuvres politiques, et jouer des tours aux autres. Surtout, il manipulait la magie comme personne, d'une façon unique, si unique que ses maîtres et maîtresses de magie n'avaient jamais réussi à le former. Il avait découvert comment maîtriser ses pouvoirs seul.
Souvent, les courtisans accusaient Loki de jalouser son frère. C'était tout à fait vrai. Loki crevait d'envie de surpasser Thor dans un domaine où cela comptait.
« Y a de quoi être jaloux !
— Anthony, s'il te plaît, ne m'interrompt pas. »
Durant la majeure partie de leur enfance, Odin ne cessait de répéter que Loki et Thor étaient tous deux nés pour être rois. Inconscients de la véritable signification de cette phrase, les deux enfants se concurrençaient l'un l'autre. Très tôt, ils avaient tous les deux juré de mettre un terme à l'existence des Jötnar, ces êtres immondes. Odin avait tranquillement répondu qu'ils n'avaient pas à aller jusque là.
Loki n'eut pas une enfance misérable, mais pas heureuse non plus. Il se souvenait encore vivement des quolibets des autres jeunes de son âge, encouragés par Thor lui-même, se moquant de sa maladresse avec une hache de guerre, ou de sa passion pour l'étude de la magie.
Le coup de grâce arriva à la fin de son adolescence, quand il fut clair pour tout le monde que Thor serait celui qui monterait sur le trône d'Asgard. Ce fut une grande incompréhension pour Loki qui ne comprit pas pourquoi Thor, qui n'avait que la bagarre et la ripaille en tête, était celui qui aurait la responsabilité du royaume et du peuple Ase. Lui-même se trouvait infiniment plus compétent.
Il s'en ouvrit à sa mère, qui tenta de l'apaiser, en lui assurant que leur père avait des projets pour lui aussi.
Comment aurait-il pu deviner ce qu'Odin avait en tête ?
Mais Loki accepta. Il serra les dents pendant encore quelque temps, jusqu'au banquet célébrant le couronnement tout proche de Thor. Cette célébration fut la goutte d'eau qui fit déborder l'amphore.
Thor avait pourtant promis, il avait juré qu'il écouterait toujours les conseils qu'il savait avisés, de son frère. Pourtant ce soir-là, il balaya tout d'une seule phrase : « Connais ta place, mon frère. »
Connais ta place. Cela percuta Loki comme une gifle. Devant les guerriers les plus renommés, devant la plus haute noblesse, devant le futur gouvernement de leur peuple, Thor venait de discréditer à tout jamais le second prince. Loki sut à ce moment précis que s'il ne faisait rien, alors il n'aurait aucune place à la tête de ce royaume.
Le prince fomenta un plan, une ruse digne de la puissance de sa magie, et de son esprit retors.
Alors que Thor était acclamé par la foule, à deux doigts de prononcer les paroles qui feraient de lui le roi des Æsir, le tocsin sonna violemment dans le palais. Des ennemis s'étaient introduits dans la salle aux trésors !
Aussitôt, la foule fut dispersée, les gardes se mirent en chemin vers le coffre, et une rumeur monta du sous-sol. Des Jötnar ! Des Jötnar s'étaient introduits dans la salle aux trésors !
Ils étaient peu nombreux, et les Jötnar moururent bientôt sous les coups des gardes Æsir, causant tout de même des pertes trop nombreuses. Aussitôt, Thor réclama réparation, exigeant l'envoi d'une expédition punitive vers la planète ennemie.
Odin refusa. La dispute fut mémorable. Soudainement, il comprenait que son fils n'était pas prêt pour le trône, à peine correctement formé. Cette compréhension ébranla si bien le roi, qu'il prit une décision inédite dans l'histoire de la dynastie royale : il exila son propre fils. Temporairement, Thor allait vivre sans titre, sans gens, sans cour, au milieu de la plèbe (lettrée, il ne fallait pas être trop extrémiste), pour apprendre l'humilité.
C'était bien plus que ce que Loki avait espéré. Sans Thor dans ses pattes, il avait le champ libre pour ses actions.
L'étape suivante fut d'ensorceler celui qu'il pensait toujours être son père. Il le fit tomber dans un profond coma, quelques jours à peine après l'exil de Thor. La panique gagna la cour. Qui allait pouvoir reprendre le trône si Odin venait à mourir ?
Loki se présenta comme l'homme providentiel. Il parla si bien devant les ministres que ceux-ci acceptèrent aussitôt de faire de lui le régent du royaume. Il reçut la couronne, le sceptre, et s'installa sur le trône.
C'était une victoire. Une revanche. Évidemment, les plus proches amis de Thor n'étaient pas ravis de le voir à la place de son frère aîné, mais ils durent s'incliner comme les autres.
Pendant des semaines, tout se passa comme prévu. Loki dirigeait le royaume d'une main de maître, et faisait regretter leurs humiliantes paroles à tous ceux qui l'avaient un jour déconsidéré.
Avide de faire ses preuves, il n'écoutait pas les conseils de ses ministres et seule la reine, sa mère, parvenait parfois à lui faire changer de point de vue. Loki était par ailleurs inquiet pour elle. L'exil de Thor et le coma d'Odin avaient été de durs coups, et elle semblait dépérir.
Un jour, il la fit quérir, pour lui demander ce qui lui remonterait le moral. Pour elle, il était prêt à faire revenir Thor, si cela signifiait qu'il ne perdait pas la régence. Il était prêt à tout ou presque pour sa mère.
Elle lui avoua savoir que c'était lui qui maintenait Odin dans le coma. Elle avoua également savoir qu'il était à l'origine de l'apparition des Jötnar dans le coffre du palais, des apparitions qui n'étaient que pure magie, et pas de véritable Jötnar. Elle ajouta qu'elle avait d'autres révélations à lui faire, mais qu'elle préférait être sûre que personne n'écoutait.
Loki, trop abasourdi pour réagir à de telles paroles, invoqua un bouclier magique qui permettait une parfaite intimité en son sein. Sitôt fait, Frigga s'approcha de son fils et lui prit les mains. Elle jura l'aimer plus que sa propre vie, mais que ce qu'elle allait lui révéler allait être un changement très important dans la vie de Loki.
Il s'attendait à tout sauf à ce qui suivit.
Elle lui raconta tout. Le secret de sa naissance, comment ils l'avaient adopté et pourquoi. Pourquoi Thor avait eu la prévalence sur le trône. Pourquoi Loki n'avait jamais été à sa place dans cette société. Elle conclut en l'assurant qu'elle serait toujours sa mère, quoi qu'il décide de faire, mais qu'elle avait confiance en lui, qu'il saurait faire la chose juste.
Ces révélations le laissèrent apathique pendant des jours. Il fonctionna mécaniquement, donnant des ordres quand il fallait en donner, gérant ce qu'il fallait gérer, mais sans grande volonté.
Secrètement, il fit tomber le charme apposé sur sa peau, la découvrant bleue. Cette vision lui fit horreur, et il s'empressa de la camoufler sous un autre sortilège, encore plus puissant.
Un Jötun. Il était un Jötun. Entre toutes les créatures de l'univers, il fallait qu'il soit issu du peuple le plus barbare, le plus cruel, le plus décérébré. Il ne voulait pas être un Jötun. Il ne voulait pas être le fils de leur roi.
Néanmoins, il fit quelques recherches. Il savait déjà que ce peuple maîtrisait le givre et la glace. Ce n'était pas un élément qui attirait Loki. Si Jötunheim était le royaume de l'hiver éternel, Asgard était celui de l'été sans fin. L'hiver, le froid, la glace étaient des choses inconnues pour les Æsir, et même qu'ils avaient en horreur.
Tout ce qui était en relation avec les Jötnar était détesté des Æsir.
Prendre conscience qu'il n'était pas un Ase était plus qu'une épreuve pour Loki.
Pendant ses recherches, il découvrit que les Jötnar n'avaient ni sexe biologique ni notion de genre. Quelle bizarrerie ! Un Jötun n'était ni homme ni femme. Il pouvait féconder et être fécondé. Une autre preuve de leur sous-évolution, pensa Loki.
Ce fut tout ce qu'il put trouver. Les livres de la grande bibliothèque du palais traitaient plus volontiers de la façon de tuer les membres de ce peuple, que d'études sérieuses et approfondies sur leur civilisation. Si tant était qu'on puisse parler de civilisation pour des barbares !
Frigga revenait régulièrement parler à Loki, pour l'accompagner dans l'acceptation de sa différence. Mais la révélation était trop violente pour être acceptée. Sans que la reine ne puisse y faire quelque chose, Loki commença à se haïr.
Il haïssait cette peau bleue, dissimulée sous la rose. Il haïssait son corps qui finalement n'était même pas masculin. Il haïssait son nom qui n'était pas son nom de naissance, mais il haïssait aussi son nom de naissance qu'il ne connaissait pas. Il ne voulait pas se regarder dans un miroir pour découvrir que ses yeux verts, dont il était si fier, n'étaient que le reflet de l'imagination d'Odin. Il ne voulait pas découvrir que des lignes parcouraient sa peau, comme autant de scarifications tribales.
Il ne voulait pas admettre qu'il n'avait pas sa place sur le trône d'Asgard. Il ne voulait pas admettre qu'il n'avait pas sa place à Asgard.
Pourtant, il se savait dans l'erreur. Le Jötun qu'il était avait pris la mauvaise décision en interrompant le sacre de Thor.
Thor. Quelle serait sa réaction en apprenant que Loki était un ennemi ? Allait-il l'abattre, comme il l'avait promis durant leur enfance ? Allait-il l'exiler sur Jötunheim ? Il en frissonnait d'horreur et d'épouvante rien que d'y penser.
Puis, un jour, il comprit. Il comprit que sa nature était mauvaise, et que s'il voulait se racheter, il lui faudrait se rendre. Odin était dans le coma depuis une poignée de mois, Thor exilé depuis autant de temps. Loki réalisa qu'étant mauvais, il ne pourrait mener Asgard qu'à la chute, et à la perte du peuple Ase. Il lui fallait rendre le trône.
Avec résignation, il leva le sortilège qu'il maintenait sur Odin, et attendit dans ses appartements qu'on vienne l'arrêter.
Il savait qu'un tribunal le condamnerait à mort, pour crime de lèse-majesté, usurpation du trône, et attaque sur le souverain.
Mais il n'y eut pas de procès. Odin se réveilla furieux. Le sortilège de Loki lui avait permis d'être conscient du monde qui l'entourait, et les soignants qui s'occupaient de lui étaient bavards. De plus, Odin n'était pas naïf et savait qui l'avait ensorcelé.
Il se présenta donc lui-même dans les appartements de Loki. Entre-temps, le régent avait laissé la couronne et le sceptre magique au pied du lit du comateux. C'est donc avec tous ses attributs que le roi pénétra dans la pièce.
Loki ne l'avait jamais vu autant en colère. Il subit stoïquement les éructations, les insultes et les accusations plus ou moins fondées de celui qui avait été son père. Odin répéta plusieurs fois qu'un tel crime méritait la mort. Puis il s'arrêta de hurler et prit un air grave.
Ce fut à ce moment-là que Loki commença à s'inquiéter.
Odin annonça qu'il allait faire preuve de mansuétude, et qu'il allait laisser une chance à Loki pour se racheter, tout comme pour Thor. Mais Loki avait bien plus de leçons à apprendre que l'héritier du trône. Il lui faudrait apprendre à ne pas envier la place de l'autre, et comprendre que le pouvoir impliquait une forme de responsabilité. Le pouvoir de Loki allait donc être mis à contribution.
Le puissant sortilège qui frappa sa poitrine le surprit, et avant de comprendre ce qui lui arrivait, il fut enfermé dans la lampe, et esclave de ses propriétaires. L'ultime humiliation fut d'être envoyé aux confins de l'univers habité, sur une petite planète au peuple fruste, et à la technologie archaïque : la Terre.
