Un mail d'une ancienne lectrice et me revoilà plongée dans ce fandom alors que j'ai un tas d'autres choses à écrire ^^ Ce ne sera sans doute pas une histoire très longue et je ne sais pas encore où elle va mais la voilà !

Disclaimer : Hogan'heroes ne m'appartient pas, seulement Newkirk. Non ? Bon eh bien on va faire comme si.

1942

Chapitre 1 : Des alliés ennemis et des ennemis amis

Déjà deux semaines qu'il avait été transféré dans ce stalag où il était le seul Français parmi un camp débordant d'Anglais qui n'avait que peu d'estime pour son pays natal qui avait plié face aux Allemands, et donc que peu d'estime pour lui. Il ne servait à rien de leur rappeler que son avion avait été descendu alors qu'il combattait l'Allemagne. Et que si le gouvernement français s'était rendu, ce n'était pas le cas du peuple français dans son intégralité et que lui s'était battu pour la liberté.

La plupart de ses codétenus l'avaient laissé tranquille jusque là et les quelques incidents à déplorer avaient eu lieu dans le cercle restreint de son baraquement. Car s'il pouvait aisément éviter les autres prisonniers en dehors de la baraque, il était compliqué d'ignorer complètement ses compagnons de chambrée, surtout quand ceux-ci étaient particulièrement mauvais.

– Alors le petit français, on partage pas ?

Lebeau ignora la remarque de Williams. Parfois l'autre abandonnait de lui-même avant que ça n'escalade. Parfois non.

– C'est pas très joli de faire le fier, le français. Tu te crois meilleur que nous ?

S'il répondait à ça, le corporal Louis Lebeau de l'aviation française était certain que ça allait mal finir. Surtout s'il répondait honnêtement. Il remua le contenu de la casserole qu'il faisait chauffer sur le poêle qui trônait au milieu de la pièce. Il avait prélevé les ustensiles parmi les déchets de la cuisine. La casserole ne payait pas de mine, mais elle faisait l'affaire pour réchauffer et assaisonner à sa sauce le repas qu'il ne mangeait jamais au mess avec les autres. Jusque là, les gardes Allemands avaient été plutôt conciliants et le gros sergent en charge des prisonniers le laissait faire sa maigre cuisine même si cela était, en théorie, interdit.

Au final, ce n'était étonnamment pas avec les Allemands qu'il avait le plus de problèmes. L'Anglais qui l'avait si gentiment apostrophé posa sa main de cartes bruyamment sur la table.

– Oh ! Tu réponds ?

Lebeau avait bien essayé de faire croire qu'il ne parlait pas l'anglais quand il était arrivé, pour éviter toute interaction non souhaitée, mais il n'avait pas pu faire semblant longtemps. Il était difficile de garder son calme lorsque l'on se mettait à insulter sa patrie et son peuple. Il avait donc fini par se défendre, manquant de briser un nez au passage, et les Anglais avaient compris, non seulement qu'il parlait leur langue, mais aussi qu'il était capable de se battre au besoin. Ça avait calmé la plupart des remarques désagréables. Mais pas toutes.

– C'est ma ration, Williams, tu as déjà eu la tienne et rien ne t'empêchait de la retravailler si elle ne te plaisait pas.

Le sergent Anglais aux cheveux clairs et au visage marqué par le soleil eut un rictus. Il cherchait clairement les ennuis.

– Allons, Williams, essaya de le raisonner un de ses camarades de jeu, laisse-le donc, tu sais bien que cela ne sert à rien de discuter avec lui. Il ne veut rien avoir à faire avec nous. Il ne vaut pas la peine de s'y intéresser.

Le mépris était évident dans sa voix, mais au moins, O'Connel était partisan de lui foutre la paix.

Lebeau rajouta un peu de sel dans la casserole et goûta. Bon, ce n'étaient pas encore des haricots de premier ordre, mais c'était mangeable. Content de voir que Williams ne disait plus rien pour le moment, il alla s'asseoir sur sa couchette pour profiter de son repas bien chaud. L'hiver approchait et le froid commençait à se faire ressentir dans les baraquements mal isolés et peu chauffés.

Le temps était pluvieux aujourd'hui et tous les hommes du baraquement profitaient de l'intérieur, lisant, se reposant ou jouant aux cartes. En observant le jeu de loin, Lebeau eut une pensée pour le seul homme absent. Le seul homme qui était moins aimé que lui dans le camp. Et pourtant, c'était un Anglais.

La porte du baraquement n°2 s'ouvrit sur un Allemand dont le tour de ventre l'avait très certainement empêché d'être transféré sur le front. Ça et son âge, car le sergent Schultz n'était plus un jeune soldat. Le soldat Allemand ne faisait pas bien peur et Lebeau avait été très surpris de le voir compatissant, voire presque amical avec certains prisonniers. Enfin, plutôt avec un prisonnier en particulier, même si celui-là ne semblait pas le remarquer. L'Allemand s'approcha de l'un des lits, tirant le petit coffre qui se trouvait dessous.

– Hé, sergent ! s'indigna Williams, vous privez pas surtout.

Lebeau savait que le sergent Williams s'insurgeait plus par principe que par réel souci pour le contenu du coffre en question, étant donné les sentiments qu'il avait pour son propriétaire.

– Oh, pardon. C'est que j'ai l'autorisation de l'ouvrir. Je veux dire...

Lebeau observa avec étonnement l'Allemand s'excuser de son comportement. Il n'avait pas à s'excuser, c'était lui qui avait le fusil après tout.

Le garde jeta un œil dans le coffre tout en s'expliquant :

– C'est l'Englender qui m'a demandé de lui ramener ses cartes. Mais elles ne sont pas là…

Lebeau lança un regard noir en direction des cinq joueurs attablés et de Williams et ses sbires qui pouffaient dans leur barbe. L'Englender en question, c'était Peter Newkirk, le mouton noir du camp. Il n'avait pas eu l'occasion de faire vraiment connaissance avec l'homme en question. Déjà parce qu'il évitait toute interaction, mais aussi parce que l'Anglais semblait faire de même à l'exception des fois où il se prenait la tête avec ses concitoyens ou les gardes Allemands. Et enfin parce que, résultat du dernier point, Newkirk avait déjà passé un grand nombre de jours en cellule depuis l'arrivée de Lebeau au camp. Les hommes ricanaient en racontant qu'il avait même une cellule à son nom et qu'il avait passé plus de temps en isolation qu'en dehors du cachot. Lebeau lui, ne trouvait pas cela particulièrement drôle, même s'il était vrai que le caporal Newkirk de la RAF lui était plutôt antipathique. Lui non plus ne s'était pas privé de lancer une pique ou deux au français à son arrivée.

Deux jours auparavant, Newkirk s'était battu avec l'un des hommes de Williams et il s'était retrouvé être le seul à être emmené au frigo, charmant surnom des geôles du Stalag 13. Stevenson, qui avait donné autant de coups qu'il s'en était pris, n'avait pas été inquiété ce qui n'était pas étonnant puisque tous les Anglais du baraquement avaient juré à qui voulait l'entendre que le caporal s'en était pris au pauvre Stevenson sans aucune raison. C'est à ce moment que Lebeau avait réalisé à quel point le caporal Newkirk était isolé de ses compatriotes. Qu'est ce qu'il avait pu faire pour mériter pareil traitement ? S'il le méritait vraiment…

Lebeau n'avait pas voulu se mêler de ce qu'il ne le regardait pas à ce moment-là, mais il avait bien vu que Newkirk n'avait fait que répondre aux provocations de Stevenson qui cherchait à faire le malin devant son seigneur et maître, Williams. Il n'avait pas tout compris des échanges, l'anglais n'étant pas sa langue natale, mais il en avait suffisamment entendu pour savoir que Stevenson était un bel enfoiré et qu'il méritait qu'on lui écrase son poing au milieu du visage.

Alors que le sergent Schultz se dirigeait penaud et les mains vides vers la porte, Lebeau posa son repas sur la couverture, se leva et se dirigea d'un pas décidé vers la table de jeu. Comptant sur la présence de l'Allemand pour éviter tout esclandre, il arracha aussi délicatement que possible les cartes des mains des joueurs, ramassa celles qui se trouvaient sur la table et les glissa toutes dans leur boite avant de les tendre à un Schultz qui venait tout juste de comprendre la situation.

– Oh, merci.

Le sergent s'apprêtait à sortir sans un mot de plus, mais il se ravisa, observant la casserole de Lebeau. Le français crut un instant que celui-ci allait lui faire une remarque sur le fait de cuisiner dans le baraquement, mais Schultz le surprit par sa question.

– Si je vous apporte quelques ingrédients, vous pourriez préparer une soupe pour l'Englender, pour sa sortie, demain ?

Lebeau fut tellement surpris par la question qu'il ne parvint pas à vocaliser la moindre réponse. La porte se referma sur l'Allemand, laissant Lebeau prêt à assumer les conséquences de son empathie. Lui qui avait décidé de ne pas se mêler des affaires des autres…

Schultz cacha le jeu de cartes dans la poche de son manteau et se dirigea vers les cellules. Il avait beau être un ennemi de la patrie, le sergent ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la sympathie pour l'Anglais qui se retrouvait, encore une fois, enfermé seul dans une cellule froide et inconfortable.

Dire qu'il en était sorti à peine une semaine plus tôt après 15 jours d'isolation pour une tentative d'évasion et voilà qu'il y était jeté à nouveau. Schultz savait que l'Anglais avait du caractère et qu'il se mettait généralement lui-même dans ces situations, mais ce n'était pas toujours le cas et il était certain que, cette fois-ci, Newkirk ne méritait pas la punition. Il n'était pas là le jour où la bagarre avait éclaté entre Stevenson et Newkirk, mais c'est lui qui avait sorti ce dernier de cellule peu avant et il était certain que Newkirk n'aurait rien fait pour y retourner aussi vite. Il ne pouvait s'empêcher d'éprouver une sorte d'affection pour le caporal Anglais, même s'il n'aurait pas du éprouver de sympathie pour les prisonniers qu'il était chargé de garder. Mais Newkirk était un personnage complexe et il avait eu l'occasion de l'observer dans ses interactions avec ses compatriotes. Il maintenait une distance avec les autres, parfois par la violence des mots ou des gestes, mais Schultz pouvait voir que, dans le même temps, il recherchait la compagnie. De loin, comme un papillon de nuit attiré par la lumière, mais qui aurait peur de se brûler.

Quand il était revenu de son weekend de permission ce matin et qu'il avait appris ce qu'il s'était passé, son cœur s'était serré pour le jeune Anglais et il avait osé saisir son courage à deux mains pour aller parler au commandant Baum et lui demander de réduire le temps de détention de Newkirk. Il avait encore du mal à en revenir, mais le commandant lui avait accordé de laisser le prisonnier retourner à son baraquement deux jours avant la date prévue. Ce n'était pas habituel pour Baum d'être aussi magnanime, mais peut-être en avait-il simplement assez d'entendre parler de cet Anglais et qu'il redoutait que Schultz ne revienne à la charge.

Schultz salua le soldat à l'entrée du bloc de cellules et entra le pas léger. Newkirk serait heureux de savoir sa peine allégée. Son moment d'allégresse prit fin quand ouvrit la porte de la cellule. Il y faisait très sombre, l'ouverture dans le mur ne laissant passer que peu de lumière. Et c'est dans ce rai de lumière, contre le mur, que s'était recroquevillé l'Anglais.

– Oh, Englander… soupira Schultz.

Combien de jeunes cette maudite guerre allait-elle encore briser. Le prisonnier semblait endormi et Schultz décida de frapper à la porte derrière lui pour le réveiller sans avoir à s'approcher. Il savait que le jeune soldat n'avait pas confiance en ses geôliers et ne voulait pas risquer de se faire attaquer dans un moment de panique. Les autres, que ce soient les Anglais prisonniers ou leurs gardes Allemands, parlaient souvent du caporal Newkirk comme d'un animal sauvage, un loup impossible à dresser qui montrait les dents dès qu'on l'approchait. Il était vrai que le caporal jouait facilement des poings, mais ce n'était pas un animal que voyait Schultz, c'était un enfant. Perdu seul, sans ami, sans soutien, terrifié par le monde cruel dans lequel il avait été jeté. Ce n'était peut-être pas bien de comparer un soldat à un enfant, mais Schultz n'y pouvait rien. Quand il était arrivé au Stalag, un an auparavant, Newkirk était déjà là. Il avait été l'un des premiers à être transféré de son premier camp de prisonniers et il y resterait jusqu'à la fin de la guerre. S'il ne réussissait pas à se faire tuer en tentant de s'évader avant.

Newkirk leva la tête et Schultz se demanda s'il avait vraiment dormi. Il n'avait pas l'air de s'être reposé depuis des jours.

– Je te ramène tes cartes, Englander.

Newkirk était surpris. Quand le garde lui avait demandé s'il pouvait faire quelque chose pour lui, il ne s'était clairement pas attendu à ce que ce soit sincère.

Newkirk tendit une main tremblante vers le sergent qui s'approcha pour lui placer le paquet de cartes entre les doigts.

– J'ai une bonne nouvelle. Encore une nuit et tu pourras sortir, Englender. J'espère que tu te tiendras tranquille.

Newkirk se renfrogna. Ce n'était pas vraiment ce qu'avait voulu dire Schultz, tout ce qu'il voulait c'était que l'Anglais prenne le temps de laisser son corps et son esprit reprendre des forces avant de recommencer à chercher les ennuis.

Schultz soupira et s'apprêtait à sortir quand Newkirk le rappela d'une voix ferme qui tranchait avec l'état fébrile dans lequel il était réellement.

– Sergent.

Le garde se retourna et fut interloqué de voir Newkirk lui tendre le paquet de cartes sorti de sa boîte.

– Choisissez une carte, n'importe laquelle, sans me la montrer.

Schultz ne put empêcher un large sourire de se dessiner sur son visage.