Le village était calme et ses ruelles désertes. Il trônait, fier, malgré la pluie battante qui faisait rage en cette première journée de juillet. C'était une véritable cascade qui semblait venue droit des enfers pour nettoyer tout ce bas monde. Il y avait, un peu à l'extérieur du centre, une charmante maison dont les briques rouges brillaient presque. Un feu magique illuminait et réchauffait le salon calme et doux. Ce petit cocon de paix. Johanna Prewett esquissa un léger sourire devant le visage de son fils endormi. Il avait les joues rougies par l'arrivée de ses premières dents mais la respiration paisible. Il était emmitouflé dans une petite couverture et son berceau faisait de lents vas et viens, légers bercements de douceur. Un homme s'avança et entoura délicatement la taille de Johanna, déposant un baiser dans son cou. Elle sourit et se laissa aller contre lui.
- Merlin, heureusement que cette onction fonctionne… Il peut enfin dormir sans douleur. Dit Anton Prewett, soulagé.
- Oui, notre tout petit est sain et sauf.
- Il le sera toujours. Murmura son époux au creux de son oreille.
Elle acquiesça doucement, un léger sourire sur les lèvres. Comme souvent, à ces mots, son esprit commença à s'éparpiller dans des souvenirs qui lui semblaient désormais lointains, bien que toujours aussi effrayants et sombres. Alors qu'elle fermait doucement les yeux pour les chasser, quelqu'un frappa fermement à la porte d'entrée. Sourcils froncés, Anton avait saisi sa baguette magique et regardait sa femme.
- Nathanaël avait annulé sa visite, non?
Elle le remarquait toujours, dans ces moments imprévus, la tension qui émanait sournoisement, au sein de chacun d'entre eux. Il n'était pas normal d'avoir continuellement peur. Ils avaient fui depuis si longtemps. Pourquoi la peur restait, toujours si profonde et venimeuse? Son époux ouvrit doucement la porte, et c'est une femme qui s'échoua dans l'entrée, trempée autant par ses larmes que par la pluie, le visage inondé. Sa jeune cousine eut bien du mal à la reconnaître. Il fallait dire qu'elles ne s'étaient pas revues depuis des années. Depuis exactement dix ans.
- Ella? Murmura Johanna.
- Tu avais raison. Pleura la jeune femme. J'ai essayé… mais je ne peux pas… je ne peux pas lui faire ça… Je pensais que ça évoluerait, tu sais. J'ai cru que, peut-être avec le temps, ça changerait, il s'adoucirait…
Johanna eut toutes les peines du monde à ne pas lever les yeux au ciel. Sans blague. S'adoucir? Et par quel miracle se serait-il adouci? Pourquoi personne ne l'écoutait donc jamais? Anton regarda longuement sa femme tandis que sa cousine lui tendait le présent qu'elle tenait. Et quel présent… Le nourrisson, qui venait visiblement de naître, dormait à poings fermés, emmitouflé dans une grosse couverture. Elle posa son doux regard sur lui et sourit légèrement, c'était une véritable beauté. Sa cousine semblait secouée de larmes plus intenses encore, mais, dans ses yeux dévastés, brillait une lueur de détermination sans faille alors qu'elle observait Johanna.
- Je sais que je ne t'ai pas écoutée. Je sais que tu m'as prévenue. Encore et encore. Je sais ce que tu voulais, à présent. Je comprends que tu voulais me protéger, me sauver…
Johanna ne la quittait pas des yeux, le regard triste, elle sourit faiblement.
- J'ai échoué… Murmura t-elle.
- Non. C'est trop tard pour moi, j'ai été aveuglée, je ne t'ai pas écoutée. J'avais trop peur de sortir du cadre… C'est entièrement ma faute.
Il y eut quelques secondes de silence durant lesquelles les deux cousines ne se lâchaient pas des yeux, un pacte muet prenant racine entre elles. Un pacte complètement fou. Mais que Johanna avait déjà accepté au plus profond de son cœur. Comme une évidence.
- Ce n'est pas trop tard pour lui… Je sais que ma demande est inconcevable et peut paraître immorale… Je sais et je comprendrai que vous n'acceptiez pas. Tu es partie depuis si longtemps, tu les as reniés, ils t'ont reniée, tu as construit ta vie. Je sais que c'est…
- C'est d'accord. Trancha Anton, fermement.
Sa femme le regarda avec attention, légèrement tremblante. Il s'était penché au dessus du bébé et l'admirait avec un léger sourire. Le front de son époux était plissé, indiquant qu'il était soucieux. Pourtant, sa décision était prise et semblait sans appel. Il caressa le front du bébé, toujours endormi.Elladora redoubla de larmes, ou se mêlaient la tristesse et le soulagement. Johanna la regarda intensément, avec un air intransigeant.
- Il n'est jamais né, d'accord? Du moins, pas vivant… Tu n'as pas pu le voir, ils l'ont emmené… Il ne respirait pas. Tu t'es évanouie. Est-ce que c'est clair?
Elladora acquiesça sans un mot, malgré les larmes. Malgré le sacrifice que ça engendrait. Elle avait déjà usé de plusieurs sortilèges de confusion à l'hôpital, pour pouvoir sortir et annuler toute trace. Elle savait, elle comprenait. Johanna était rôdée, elle protégerait son fils, mieux que quiconque. Elle serait une véritable mère, à toute épreuve, courageuse et exemplaire. Pas comme elle. Elle n'aurait jamais réussi. Elle abandonnait aujourd'hui son nourrisson, mais c'était son geste le plus courageux. Et le plus difficile. Elladora quitta la maison sans un mot, elle serra simplement avec force la main de Johanna et celle d'Anton, dans un remerciement silencieux. Après quoi, elle disparut et s'évanouit dans la nuit noire. La pluie battait toujours si violemment. En apparence, rien n'avait changé. Le feu distillant toujours sa douce chaleur dans le cocon de la famille Prewett. En apparence seulement car, par delà les nuages, le tonnerre se mit à gronder violemment et un éclair immense zébra le ciel. La foudre tomba ce jour-là, à quelques mètres du petit cocon. Était-ce un présage?
Pourtant, dans la maisonnée, le calme était toujours là. Johanna berçait doucement l'enfant. En ce 1er juillet 1959, la famille Prewett venait de réaliser, peut-être, la plus grande provocation de leur vie. Anton esquissa un léger sourire en coin.
- Maintenant, je te laisse te débrouiller avec «papa» Jared…
Johanna leva les yeux au ciel en berçant le nouveau né.
- Trouillard…
- C'est mieux si ça vient de toi, tu finis toujours par le convaincre à l'usure. J'ignore comment tu fais…
- Pouvoir de Malefoy! Ironisa Johanna.
Il y eut quelques secondes d'un silence étonnamment paisible, comme si la situation était la plus normale au monde.
- Que penses-tu de Fabian?
- Fabian, murmura Anton. C'est parfait.
Ils échangèrent un sourire. Il y avait, dans les yeux d'Anton, un amour sans faille, sans bornes, prêt à décrocher la lune et les étoiles. Dans ceux de Johanna brillait une reconnaissance sans fin. Ils s'épaulaient depuis dix ans, il la suivait et la comprenait les yeux fermés, depuis toujours et jusqu'à la fin. Ils avaient grandi ensemble, s'étaient donnés tout l'amour possible dont ils avaient chacun cruellement manqué. Ils s'étaient rencontrés pour se guérir et s'épauler, coûte que coûte. Leurs regards se posèrent sur Fabian.
- Bonsoir mon tout petit. Murmura Johanna. Bienvenue dans la maison de l'amour.
[…]
- Vous avez fait… QUOI? S'écria Jared.
Fabian geignit à cet instant dans les bras de Johanna, qui fronça sévèrement les sourcils.
- Tu vois, il n'aime pas les cris, ça n'aurait pas pu fonc…
- Je ne plaisante pas, Johanna! Gronda violemment Jared, la coupant dans sa phrase.
Elle donna Fabian à son époux et s'approcha doucement de son beau frère, prenant ses mains dans les siennes. Cécilia, la femme de Jared, grimaçait légèrement, pas certaine que la tempête se calme si facilement… Nathanaël, le plus jeune des frères Prewett, regardait calmement la scène, pensif.
- Jared, écoute-moi s'il te plaît…
- Tu as conscience que tu nous mets TOUS en danger? TOUS sans exception? Jusqu'aux deux bébés sous ton toit qui n'ont rien demandé?
- Je t'interdis de dire ça!
- C'est la vérité, Johanna. Trancha t-il, sèchement. Tu as une simple petite idée de ce que c'est d'arriver à s'enfuir de ce type de famille sans en payer fortement le prix? Tu as une idée des sacrifices que j'ai du faire pour sauver vos belles têtes à tous les trois? Tu as une idée de ça?
Johanna consentit à baisser la tête, légèrement. Anton, lui, se consacra aux bébés, faisant mine de ne pas avoir entendu. Jared était en colère, et c'était légitime. Il avait tout fait, tout pris en charge dix ans auparavant, du haut de ses dix sept ans, pour les sauver de leurs familles respectives. Il était dans son droit de crier, autant qu'il le voulait.
- Ça fait dix ans! DIX ANS que jour après jour, je prie pour qu'il n'arrive rien à aucun de vous! DIX ANS qu'on a vécu à moitié cachés en attendant que l'orage ne cesse de gronder! DIX ANS BON SANG! DIX ANS de boulots merdiques, de bataille pour gravir les échelons, pour s'en sortir tant bien que mal…
- Tu es quasi directeur du département de la justice magique à 27 ans frangin… Sourit Nathanaël. Détends-toi…
Son sourire se fana aussitôt devant l'air qu'arborait son grand frère, figure sans précédent de l'autorité depuis sa jeunesse, malgré lui et bien souvent à contrecœur.
- Et alors? tu crois que ça s'est fait sans efforts? Souffla son aîné.
- Non, bien sûr que non! Ce n'est pas ce que je voulais di…
- Peu importe. Coupa sèchement Jared. Le sujet n'est pas là. Vous savez quoi? S'il vient un jour vous massacrer, ou plutôt, qu'il envoie quelqu'un s'en occuper, je vous laisserai crever la bouche ouverte.
Sur ces derniers mots, il avait transplané. Johanna blêmit, elle était soudain si pâle et tremblante qu'elle dut s'asseoir sous peine de s'effondrer. Les larmes inondèrent ses yeux et une vague de panique la submergea, elle se berçait lentement, comme en proie à une crise de panique.
- Il… Il a raison… Je vous ai tous mis en danger… Je… Je voulais juste…
Nathanaël vint devant elle et prit ses mains dans les siennes, lui adressant un sourire.
- Laisse notre cher papa grincheux se reprendre, veux-tu? Il est inquiet et c'est sa façon de nous faire part de son inquiétude: la colère. Comme d'habitude. Tu le connais Jo': Il va réfléchir pour s'apercevoir qu'il aurait fait exactement la même chose que vous. Et, de toute façon, c'est le même geste que lui, dix ans auparavant. Il aurait pu tout quitter et nous laisser derrière lui, au lieu de quoi, il nous a pris sous son aile…
- Justement, Naty. Je n'avais pas le droit de lui imposer ça, à nouveau… Jared a tout pris sur ses épaules, il a travaillé pour qu'on puisse se loger, continuer Poudlard, nous accueillir pendant les vacances. Ce n'était pas son rôle. Il a passé sa jeunesse à jouer le papa soucieux…
- Je sais. Et tu as raison, ce n'était pas son rôle, ce n'était pas juste, mais il a choisi de le faire. Parce que c'est lui, Jo'. Parce que tant qu'il pourra faire un peu de bien autour de lui, il le fera. Sans hésiter. Donc ne t'inquiètes pas, il reviendra.
Mais Jared ne revint pas ce soir là, ni la semaine qui suivit. Pendant ce temps, dans le cocon Prewett, deux bébés grandissaient ensemble, l'un âgé d'un an, l'autre à peine nourrisson. Le duo Gideon et Fabian prenait peu à peu vie dans la maison, papa Anton travaillait mais tonton Nathanaël était présent pour épauler sa belle sœur. Effectivement, elle n'avait pas envisagé, à la base, d'élever deux bébés en même temps. Ce n'était pas simple, mais il n'y avait pas de regrets. Elle allait sauver une âme destinée au malheur, elle allait protéger Fabian, coûte que coûte. Elle le gaverait d'amour, jusqu'à en exploser s'il le fallait.
Il fallut quelques semaines à «tonton Jared» pour digérer ce nouvel affront, pour prendre la mesure de ce que cela représentait et bien sûr, pour agir. Il était habitué, après tout, à provoquer la colère de familles puissantes, et, le travail dans lequel il se dirigeait était un choix volontaire pour rétablir l'ordre dans ce monde. Ce monde déjà bien trop manipulé et soudoyé par ces petites gens qui se croyaient puissants. Jared Prewett était encore un jeune, certes, mais il était surtout un sacré bout d'homme qui n'avait plus peur de grand-chose. Il avait, du haut de ses vingt sept ans, bravé bien des dangers, affronté bien des gens, et s'était imposé comme une figure emblématique du ministère de la magie. C'était un homme de parole, de confiance, pour qui la justice représentait une valeur fondamentale. Il avait transplané et s'était confortablement installé dans le canapé, chez son frère et sa belle sœur. Johanna sortit de la cuisine et sursauta violemment en l'apercevant.
- Jared! Tu m'as fait peur!
- Il faut que tu intensifies la sécurité, je te l'ai déjà dit cent fois. On rentre comme on veut ici. Grommela t-il. Et je dois te parler. Ajouta t-il d'un ton ferme.
Johanna le regarda avec hésitation, détaillant son visage attentivement. Elle ne savait pas à quoi se préparer. Allait-il la prendre à partie à nouveau? Hausser le ton? Se mettre en colère? À quoi devait-elle s'attendre? Elle le regarda longuement et lâcha un soupir, les bras durement croisés. Elle était préparée au combat si besoin.
- Je suis prête à t'écouter si tu es calmé. Répondit t-elle d'un ton aussi ferme que celui de son beau frère.
Jared la fixa longuement, avant d'esquisser un léger sourire. Il aimait bien Johanna, elle était drôle, intelligente, combattive, aimante. Et, par-dessus tout, elle était la seule de la famille qui osait lui tenir tête ou l'obliger à se remettre en question. Ses frères n'avaient pas ce pouvoir, ils avaient grandi ensemble, il avait toujours joué le papa, les avait toujours défendus et protégés, ils étaient plus hésitants à se confronter à lui. Johanna en avait vu de son côté, Jared n'était qu'un adversaire de pacotille pour la première rebelle née dans la famille Malefoy.
- J'ai effacé les traces. Répondit-il, simplement.
- Qu'est-ce que tu veux dire?
Johanna était tout simplement abasourdie. Elle écouta, effarée, son beau frère lui raconter tout ce qu'il avait mis en œuvre durant les dernières semaines. Il avait enquêté, s'était aperçu que sa cousine Elladora avait effectivement jeté des sortilèges de confusion au personnel qui s'était occupé d'elle, il s'était chargé de modifier leurs souvenirs, plutôt que de les ôter, rendant leur version plus discrète et crédible en cas de recherche. Il avait «effacé les traces» comme si bien dit précédemment. Plus étonnée encore, Johanna écouta Jared lui raconter comment il avait su créer un acte de naissance falsifié, ajouté dans les bureaux des naissances au ministère, en toute discrétion. Ainsi, Fabian Prewett était bel et bien né le 1er juillet 1959, d'Anton et Johanna Prewett. Il avait alors discuté avec un des sorciers le moins discret du ministère et le plus enclin à faire passer toutes sortes de fausses informations. Jared lui avait sourit et lorsqu'il lui avait demandé des nouvelles de sa famille, il avait mentionné involontairement le fait que son cher frère et sa belle sœur avait pour le moins des difficultés à gérer deux enfants dont l'âge était si rapproché. Deux garçons qui plus est. Ils en avaient fait une belle plaisanterie et, Jared avait très peu attendu avant de recevoir les remarques compatissantes de nombreux autres collègues. Johanna, tremblante et émue, se jeta contre son beau frère, le serrant de toutes ses forces.
- Merci Jared… Merci! Je t'en suis tellement reconnaissante…
- Je ne sais toujours pas si c'est une bonne idée, Jo'.
- Je sais… Mais tu m'aides quand-même.
- Je suis l'aîné, c'est mon rôle de vous épauler.
- Non, tu surpasses ta mission, Jared. Depuis le début. Je ne pouvais pas le laisser là-bas, grandir avec… Tu comprends?
- Je comprends l'idée. Maintenant, par contre, je vais être intransigeant.
Johanna le regarda avec la plus grande attention. Elle acquiesça à chacun de ses mots, elle obtempéra à tout ce qui lui demandait. Il avait raison, ils devaient être prudents, désormais. Plus que jamais. Elle ne reprendrait pas le travail et resterait avec ses enfants, jusqu'à ce qu'ils soient assez grands. C'est-à-dire, qu'ils entrent à l'école. Ils n'ouvriraient la porte à personne d'autre qu'à leur cercle restreint, c'est-à-dire: Jared, Nathanaël, Cécilia, la femme de Jared et quelques amis. Ils resteraient au maximum en famille, jusqu'à ce qu'ils soient certains que tout danger soit écarté. Jusqu'à ce qu'ils soient certains que Caius Malefoy, le frère aîné de Johanna, ne chercherait jamais son fils, soit disant mort-né.
Les mois s'écoulèrent, peu à peu, délestant chaque jour la jeune famille d'une pression qui comprimait leurs épaules. Ils vivaient les moindres moments avec passion, grandissant ensemble, s'aimant, sans conditions, sans faille, toujours plus fort, plus liés que jamais.
[…]
- Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan!
- Quoi mon cœur?
- Mais Fabi il vient m'embêter aloys que ze zoue!
Johanna soupira. La petite terreur lui avait laissé quoi, une demi-seconde de répit? Elle regarda Gideon avec attention.
- Qu'est ce qu'il t'a fait?
- Il a tout mis pay teyye mes peysonnazes!
- C'n'est même pas vyai d'aboyd!
Johanna prit un air sévère et regarda le cadet droit dans les yeux. Fabian affronta son regard sans baisser la tête, ni même rougir, ni même se sentir coupable. Il était d'une mauvaise foi à rendre dingue un sage! D'une personnalité rude et intransigeante à toute épreuve.
- Tu embêtes encore ton frère?
Il prit alors un air triste et jeta un œil à son grand frère avant de regarder sa maman.
- Mais Gideon il veut pas zouer avec moi, aloys ze m'ennuie de lui. Répondit-il d'un ton à vous fendre le cœur.
Mais c'était aussi le ton qu'aurait employé un menteur professionnel. Johanna, le connaissant assez pour le savoir, haussa les sourcils. Il marmonna d'un air grognon des choses incompréhensibles et haussa les épaules.
- Ze voulais zuste l'embêter un peu...
- Touzouys tu m'embêtes! Protesta Gideon.
- Payce que sinon c'est pas dryôle.
Gideon croisa ses bras sur sa poitrine, boudeur. Son petit frère le regardait avec un sourire amusé. Johanna soupira et prit l'aîné dans ses bras avec la plus grande des douceurs, caressant sa tête.
- Ne sois pas en colère mon cœur. Tu as beaucoup de chance d'avoir ton frère tu sais.
- Oui ze sais mais il m'éneyve...
La jeune maman soupira, elle le serra un peu plus contre elle. Même si Johanna savait que ces disputes étaient banales, des histoires de gosses de quatre et trois ans, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir peur à l'idée que ses enfants se désunissent un jour. Elle, elle aurait tellement aimé avoir une famille aimante, que tout soit parfait comme pour ses propres enfants. Fabian fît alors la moue en les voyant tous les deux tristes et pensifs. Il s'approcha timidement et s'accrocha à la jambe de sa maman, la regardant de ses petits yeux verts. Puis, son regard tendre se posa sur Gideon.
- Ze t'aime Gid.
[…]
Gideon était entré en courant dans la maison, criant à plein poumons.
- Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan Papaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa!
Johanna accourut aussitôt, suivie de près par son époux, Anton. Tous deux semblaient inquiets. Le père fronça les sourcils et regarda son fils avec attention.
- Qu'est ce qui se passe Gid?
- Y avait les garçons dehors ils embêtaient Molly, les petits moldus. Alors Fabian il...
Ses parents ne lui laissèrent pas le temps de terminer sa phrase, tous les deux accoururent dehors, Johanna prenant la main de son fils. Lorsqu'ils arrivèrent devant l'aire de jeux, Fabian était positionné à califourchon sur un petit garçon de son âge et le frappait sans s'arrêter. D'autres gamins les regardaient, paniqués et choqués. Gideon le fixait d'un air embêté, se mordillant nerveusement la lèvre, ne sachant pas quoi faire, ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé. Anton se précipita et souleva son fils, le retenant avec fermeté. Cependant, ce dernier se débattait, empli de colère. Johanna se plaça face à Fabian, caressant sa joue avec douceur. Ce dernier, âgé d'à peine sept ans, continuait de se débattre avec une force étonnante et une rage hors du commun.
- Mon cœur, je t'en prie, calme toi...
Gideon se dirigea vers Molly qui pleurait, il lui prit la main et alla se placer à côté de leur père. La petite fille s'inquiétait de voir son frère dans cet état, elle était en état de choc total. Si sa famille ne connaissait pas Fabian, il aurait pu à cet instant passer pour un fou. Mais il était simplement fou d'amour pour les siens, et fou de rage dès qu'on leur faisait le moindre mal. Fabian poussa un cri de colère, le visage baigné de larmes. Sa mère prit son visage entre ses mains avec douceur et le regarda droit dans les yeux, caressant ses joues.
- Mon ange... C'est passé d'accord? Il y a des merdeux partout, il y en aura toujours. Mais tu ne peux pas te mettre en colère comme ça. Calme-toi s'il te plaît…
Fabian allait continuer de se déchaîner mais sa maman le prit dans ses bras et le berça, s'éloignant doucement vers la forêt à l'entrée du village. Elle s'isola longuement, seule avec lui. Johanna s'assied contre un arbre et continua de le bercer en chantonnant une comptine. Son fils avait fini par essuyer ses larmes. Elle s'inquiétait beaucoup pour lui mais ne souhaitait pas trop attirer l'attention sur son tempérament colérique et indomptable, qui, malheureusement, lui faisait penser à quelqu'un. Elle caressait sa joue et le regardait avec attention. Fabian se calmait peu à peu, blottit contre elle, la tête enfouie dans son cou. À ce moment là, une licorne approcha d'eux, lentement, elle resta tout de même à deux bons mètres. Le petit garçon était émerveillé, sa maman caressait toujours sa joue.
- Tu vois, Fabian. Si tu te sens triste ou en colère, il n'y a pas de meilleur endroit que cette forêt pour t'apaiser. Je viens ici quand j'ai besoin de réfléchir, je me sens tout de suite mieux, ça permet de s'évader et de s'isoler. Parce que dans la nature, tout est beau et simple. Contrairement à nos vies qui peuvent parfois être bousculées.
Johanna soupira et caressa ses cheveux. Elle devait comprendre, et, pour cela, ils avaient besoin d'une conversation.
- Regarde-moi mon cœur.
Le petit garçon tourna ses yeux vers sa maman, clignant des paupières pour faire disparaître les dernières traces de larmes.
- Pourquoi tu t'es autant énervé ? Qu'est ce que tu ressens? Tu peux me l'expliquer?
- Le garçon il avait bousculé Molly, il l'a faite tomber en lui disant qu'elle n'était pas normale.
- Tu trouves que c'est méchant?
- Oui! Il n'a pas le droit…
- Tu es en colère?
Fabian acquiesça vivement en baillant, le regard toujours traversé par la colère. Sa mère soupira et le serra un peu plus. Elle avait peur de ce caractère impulsif, il lui rappelait quelqu'un de mauvais. Mais, contrairement à son grand frère Caius, Fabian était rempli de bonnes intentions et prêt à tout pour les défendre. C'était ce qui les différenciait, par l'amour et l'écoute sans limite qu'elle avait su lui transmettre.
[…]
Le jeune Prewett n'avait jamais vu pareille beauté. Le château se tenait face à eux, derrière le lac, droit, fier, imposant. Ses murs de pierre semblaient indestructibles. L'immensité de Poudlard transmettait un sentiment de sécurité. Fabian était carrément émerveillé. Dans la même barque que lui se trouvaient deux jeunes garçons avec qui il était dans le train. Deux rigolos. L'un avait les cheveux noirs et des yeux aciers qui semblaient vous transpercer sur place, le genre de personnes à qui on ne pouvait pas mentir. Il était drôle, avait l'air assez sûr de lui et ne semblait pas laisser de place au doute. L'autre avait des yeux noisette et des cheveux bruns qui partaient dans tous les sens, un sourire constamment accroché aux lèvres. Ils s'appelaient respectivement Sirius et James.
- Hé James, Fabian, vous avez vu comment c'est géant?
Un autre garçon monta avec eux, il semblait ne plus y avoir assez de place dans la barque ou ses amis s'étaient précipités. Il était blond et avait des yeux bleus glace à vous couper le souffle, il portait un masque de froideur et d'arrogance, du haut de ses onze petites années. Masque qu'il voulait impressionnant.
- À quelque chose près, mon manoir est aussi spacieux.
Les trois amis se tournèrent vers lui, incrédules. Ça existait des maisons aussi grandes? Sirius avait haussé un sourcil devant la fierté mal placée dont leur camarade avait fait preuve. Le jeune garçon n'aimait pas vraiment les personnes qui se vantaient, il ne connaissait que trop bien ce genre d'énergumène.
- Et ta tête enfle tellement qu'elle surpasse ton manoir et Poudlard visiblement.
James éclata de rire, rapidement suivit de Fabian. Le jeune Sirius semblait fier de sa répartie et il ne vit pas leur nouveau camarade se renfrogner. Il le regardait avec un rare mépris pour une personne si jeune, un enfant.
- Tu ne sais pas à qui tu parles.
- Oh... autant pour moi...
Sirius s'avança et le regarda, pas le moins du monde impressionné. Il avait même plutôt l'attitude d'un garçon qui s'amusait comme un petit fou.
- Sirius Black.
- Lucius Malefoy.
Le jeune Black grimaça.
- Ah oui, je comprends mieux d'un coup...
- Comprendre quoi? Répliqua ledit Lucius d'un ton glacial.
- D'où te vient cette fâcheuse tendance à te vanter. Répondit simplement Sirius en se détournant et en l'ignorant royalement, un grand sourire malicieux affiché sur ses lèvres.
Mais le petit Malefoy était en colère, il s'avança et s'apprêta à pousser celui qui avait osé critiquer sa famille. Sauf que, Fabian réagit plus vite et, incapable de réfléchir plus d'une seconde, il poussa Lucius directement dans l'eau. James éclata de rire tandis que le jeune Prewett se mordait la lèvre, soudain coupable. Peut-être que Lucius Malefoy ne savait pas nager? Peut-être que c'était dangereux? Ses deux camarades ne semblaient pas s'en soucier outre mesure… C'était de la pure insouciance et rivalité entre jeunes garçons.
- Monsieur Hagrid ! Appela Fabian, paniqué en ne voyant pas Lucius remonter à la surface.
Il avait tendu la main vers le lac pour lui désigner l'endroit ou le garçon était tombé. À ce moment là, le jeune Malefoy réapparut, dans un tourbillon d'eau, comme remonté par une petite vague, debout sur ses deux pieds. Rubeus Hagrid, garde chasse de l'école Poudlard, ramena, à l'aide de son parapluie rose, le jeune Lucius à l'intérieur de la barque, élevant le ton en leur demandant d'être plus prudents. Le petit blond était trempé jusqu'aux os, il claquait des dents et tremblait, fusillant Fabian du regard. Hagrid le sécha d'un simple sortilège.
- Euh... je suis désolé. Je voulais le défendre, je ne pensais pas que tu chavirerais…
Fabian tendit une main sans le lâcher des yeux, en guise d'excuses. Seulement, les yeux bleus glace le fusillaient toujours et le garçon tapa violemment dans sa main pour l'écarter.
- Un Malefoy n'excuse personne.
- Tu ne me donnerais donc pas une deuxième chance?
- Jamais.
Le petit Prewett soupira puis haussa les épaules. Après tout, si monsieur était caractériel ce n'était pas son problème, lui, il n'avait plus rien à se reprocher, ses excuses étant faites. Ils arrivèrent sur la berge et furent émerveillés. De près, le château était d'autant plus impressionnant. À l'intérieur, des torches éclairaient les couloirs. Sur leur passage, les tableaux leur souhaitèrent la bienvenue. Un chevalier étrange sortit son épée lorsqu'il vit James.
- En garde petit insolent mal coiffé! Je vais te réduire en bouillie!
Le jeune Potter le regarda un instant d'un air étonné avant d'éclater de rire.
- Et comment vas-tu faire? Explique moi, j'ai hâte de savoir.
- Vous apprendrez monsieur, que le chevalier du catogan est plein de ressources.
- Tu sais, en principe, quand on est dans un portrait, on y reste... Répondit James d'un air malicieux.
- Espèce de voyou! Chenapan! Vaurien! Je ne t'oublierais pas!
Les trois amis éclatèrent de rire et Sirius attrapa deux autres garçons par le bras, tout sourire.
- Remus, Peter! On vous avait perdu!
- Pettigrow est mon nom de famille, j'ai du venir à la nage, j'étais trop lourd pour la barque...
Tous les cinq éclatèrent franchement de rire, Sirius ébouriffant les cheveux du jeune garçon.
- N'importe quoi. Dit Remus en soupirant.
Les premières années furent conduites à une dame d'apparence glaciale. Fabian la jugea méchante. C'était toujours ainsi, au premier aperçu parfois les gens vous semblaient être mauvais. Mais le jeune Prewett ne connaissait pas encore la véritable méchanceté et en l'occurrence, il apprendrait bien assez tôt que le professeur Mcgonagall était un excellent professeur, juste et sérieux.
- Lorsque les portes s'ouvriront, vous me suivrez. À l'intérieur, le choixpeau magique vous placera dans une des quatre maisons qui deviendra vôtre. Vos succès lui feront gagner des points, vos manquements au règlement lui en feront perdre...
Fabian s'empêcha de rigoler en entendant derrière lui Sirius murmurer un «Game over tilalilaloum. Je m'excuse d'avance». Le professeur McGonagall, qui, apprit Fabian, était la directrice adjointe et la directrice de la maison Gryffondor, entra dans la grande salle en les laissant là, refermant la porte derrière elle. Le jeune Prewett soupira, il angoissait au fond de lui, sous ses airs malicieux et confiants. Et s'il n'était pas à Gryffondor comme le restant de sa famille? Cette idée l'inquiétait sincèrement malgré le fait que sa mère l'ait rassuré. Sirius souffla bruyamment et Fabian se tourna alors vers lui.
- Qu'est ce qui t'arrive?
- J'ai bien peur d'atterrir dans la même maison que ma famille. Ça me ferait sincèrement chier!
Son ami fronça les sourcils, il ne comprenait pas qu'on veuille faire l'inverse… Sirius sembla lire dans ses pensées et esquissa une grimace éloquente.
- Ils ont tous été à Serpentard.
Fabian grimaça.
- Oh… je comprends mieux.
- Et toi? Ou voudrais-tu aller? J'ai vu dans le train que ton frère était aux couleurs rouge et or.
- Toute ma famille était à Gryffondor... J'ai un peu peur de faire exception.
- Tu sais, c'est toujours bon de se démarquer. Sourit Sirius.
- Dans ton cas oui, pas dans le mien. Et tu ne dirais pas ça, si j'atterrissais à Serpentard!
À cet instant, les deux portes s'ouvrirent. Fabian se sentit incapable de bouger. D'ailleurs, il resta planté là jusqu'à ce que James le pousse fermement en avant. Ils avancèrent tous ensemble dans un seul et même mouvement et, comme tous les autres, il admira la beauté de la grande salle. Le plus impressionnant était certainement son plafond ou figurait un ciel magique: Il faisait d'ailleurs un terrible orage. Fabian ne savait pas comment il devait le prendre, si ça devait être un mauvais signe ou non! Par chance, il était très loin dans l'ordre alphabétique. Il vît Sirius être envoyé à Gryffondor avec un large sourire sur les lèvres. Ainsi que Remus, Peter et James. Ils avaient tellement de chance... Et si lui n'y était pas hein? Il vît le sourire encourageant de son grand frère se teinter de malice. Il le vît murmurer en articulant bien «Je croyais que tu n'avais pas peur?» Le jeune garçon grogna et grommela quelques méchancetés qu'il ne pensait pas le moins du monde.
- Prewett Fabian!
Ce dernier inspira à grands coups avant de s'avancer d'un pas qu'il obligea à être assuré, il avait peint un sourire sur ses lèvres et à cet instant aux yeux de tout le monde, il passa pour un des garçons les plus confiants en eux que la terre ait jamais porté, ce qui était totalement faux. Surtout à ce moment. Mais il avait toujours eu cette facilité à mentir, à dissimuler ses émotions, à faire croire ce qu'il voulait à n'importe qui. Il était ce qu'on appelait un menteur professionnel. Hormis sa mère. Elle, elle savait toujours tout, elle le connaissait par cœur. Ce qui d'ailleurs pouvait être assez frustrant parfois. Il prit place sur le tabouret, toujours si souriant. Intérieurement, c'était la panique totale. Et, contrairement aux autres membres de sa famille qui étaient envoyés à Gryffondor alors que le choipeau n'avait même pas encore touché leurs cheveux, il eut l'impression d'y rester une éternité, devant tout le monde, pendant que «monsieur le Choixpeau» hésitait.
«Je vois en vous beaucoup de talent, vous êtes si malin et rusé que vous êtes digne de rejoindre les plus grands Serpentards, vous disposez d'un courage, d'une arrogance et d'un culot sortit tout droit de chez les Gryffondors... Le mélange entre ces deux maisons est plutôt rare et surprenant.»
Fabian déglutit. Comment pouvait-il dire une chose pareille? Lui? À Serpentard? Non. Impossible. Sa famille ne cesserait de le chambrer. Peut-être lui en voudraient-ils qui sait? Sirius échangea un regard étonné avec James. Le jeune Prewett semblait poser un sérieux problème de réflexion au choixpeau, Gideon avait froncé les sourcils, visiblement surpris.
« Ton esprit est aussi compliqué que fascinant jeune homme...»
Merci beaucoup... Enfin, si c'était un compliment. Mais pouvez-vous vous décider s'il vous plaît?*
- Je dirais...
Le jeune Prewett crut que son cœur allait cesser de battre.
- GRYFFONDOR!
[…]
- Tu sais maman, je suis super content d'être à Gryffondor.
- Moi aussi mon coeur, je suis heureuse pour toi. Répondit Johanna en l'embrassant sur le front.
Fabian la regarda droit dans les yeux, il était mal à l'aise.
- Le choixpeau a beaucoup hésité...
- C'est clair! Approuva Gideon en arrivant dans la cuisine à son tour. Je n'ai jamais vu ça! Un élève qui reste cinq bonnes minutes avec le choixpeau sur la tête... impressionnant!
- Il voulait m'envoyer à Serpentard. Murmura Fabian en baissant la tête.
Son grand frère eut un moment d'arrêt, les yeux et la bouche ouverts en grand. Leur mère, elle, se contenta de sourire et de caresser la joue de son plus jeune fils.
- Et alors?
- Ben… chez les méchants, maman!
- Je ne crois pas qu'on devrait cataloguer comme ça. Car si tu écoutes bien le choixpeau, il choisit ta maison en fonction de ce qui te caractérise. Le fait que tu sois rusé ne veut pas dire que tu deviendras une personne mauvaise, tu comprends? C'est une qualité la ruse, lorsqu'on n'en abuse pas.
- Mais c'est quand même la maison où ils sont tous odieux... Insista Fabian, peiné.
- Non. Je ne pense pas. Je crois que c'est l'image que les gens leur donne sous prétexte qu'ils sont froids et qu'ils restent entre eux, dans leur coin. Tous ne sont sûrement pas mauvais. Et ou que tu aies été Fabian, je suis sûre que tu es et que tu seras toujours quelqu'un de bien.
Fabian allait lui demander si elle le pensait vraiment lorsque son père entoura son cou de ses bras et déposa un baiser sur sa joue.
- Tu es un petit ange doué et plein de talent. Tu réussiras. La maison on s'en fout, Fabian! D'accord?
- Oui. Murmura le jeune garçon.
Anton obligea son plus jeune fils à se tourner et à lui faire face, il caressa tendrement sa joue. Ils faisaient du mieux qu'ils pouvaient, Johanna et lui, pour l'élever dans la confiance et dans l'amour. Ils étaient bien entourés et aidés par ses frères pour cela, mais, étrangement, ça n'avait jamais l'air de suffire à le rassurer. Comme s'il portait en lui quelque chose qui le dépassait et qu'il ne parvenait pas à gérer.
- Ça te perturbe tant que ça?
- Je me demande comment ça se fait que je sois si différent par rapport à vous tous. Souffla t-il en baissant la tête, gêné.
Anton s'efforça de ne pas réagir à cette réponse, tandis que Johanna, malgré elle, faisait tomber les couverts qu'elle était en train de ranger. Elle s'excusa maladroitement pour le bruit et rangea aussi vite que possible, si perturbée qu'elle n'utilisait même plus sa baguette.
- En quoi es-tu différent?
- Je m'énerve vite et fort, je mens tout le temps, je m'entête tellement… Le choixpeau n'arrive pas à me placer, il me dit que je suis compliqué...
Son père lui releva doucement le menton, le regardant droit dans les yeux et esquissant un tendre sourire.
- Tu es un petit garçon qui fait tout pour les siens, qui a un cœur énorme, tu es gentil et doux. Ton caractère impulsif je m'en contrefous, d'accord? Il nous prouve, au moins, que tu es capable de te défendre si quelqu'un te fait des misères. On t'aime comme tu es, point à la ligne. Tu as compris?
Son fils sourit alors et acquiesça vivement, serrant fort son papa contre lui. Anton répondit à son étreinte avant de l'embrasser sur le front. Johanna sourit devant la scène, oui décidément, sa famille était désormais sa plus grande fierté.
[…]
Les années s'étant écoulées tranquillement, sans difficulté particulière, la famille Prewett s'était autorisée peu à peu à relâcher la bride et à savourer leur bonheur d'être ensemble. Jared n'était plus aussi intransigeant qu'il avait pu l'être. Ils invitaient davantage de monde et vivaient une vie plutôt paisible. Ils avaient grandi, évolué, et, un jour, ce bonheur, si difficile à atteindre prit fin d'une façon aussi brutale qu'inattendue.
Johanna avait vêtu une jolie robe bleue marine et laissait ses cheveux bruns détachés, ondulant dans son dos, parvenant presque jusqu'à sa taille.
- Vous êtes prêts les enfants? On rejoint papa dans cinq minutes.
- Oui! S'écria la voix hilare de Gideon.
Il tentait, tant bien que mal, d'ajuster la cravate de Fabian. Ce n'était pas une mince affaire, ce dernier arborant un air blasé et dépité devant la tenue classe qu'il se devait de porter.
- C'est vraiment nul…
- Mais non! Tu es tout beau! Sourit Molly, très joyeuse.
Fabian lui sourit gentiment, pourtant pas convaincu. Il n'aimait pas vraiment porter des choses tape à l'œil ou classe, il préférait la simplicité. Gideon avait l'air plus naturel ainsi, avec sa robe de soirée. Il fallait dire que c'était une de leur première vraie sortie en famille, ils avaient plutôt tendance à rester dans leur cocon, entre eux, en comité restreint. Il avait été surpris, d'ailleurs, que, pour la première fois, son père accepte de participer à la fête chic organisée par le ministère de la magie. Mais, le ministre se faisait un plaisir d'inviter les familles impliquées en son sein, une fois par an, au moment de la fin d'année scolaire. Cette fois-ci, elle se faisait, par un hasard total, le soir de son quatorzième anniversaire. Il ne savait pas s'il devait se réjouir ou pas. Bien sûr, découvrir le ministère et sûrement dans un très beau jour lui donnait envie. Et, sa mère l'avait évidemment rassuré, en rentrant, ils continueraient la soirée tranquillement, ensemble.
- Tu es sûre?
- Je suis ta sœur, et j'ai toujours raison! Répondit-elle, comme si c'était une évidence.
Voilà qui concluait la conversation. Gideon finit par y arriver, il avait un air satisfait et poussa son frère devant le miroir, souriant.
- Alors?
- Plutôt pas mal, j'avoue…
- Je vous attends! S'exclama leur mère, dans le hall d'entrée.
Ils descendirent les marches en faisant la course, hilares, s'arrêtant devant leur mère. Johanna les regarda tour à tour et esquissa un sourire satisfait.
- Vous êtes trop beaux! Gros câlin à maman!
Dans un rire, ils se blottirent contre elles, bras dessus, bras dessous, pressés tous les quatre tendrement. L'amour à l'état pur. Johanna inspira longuement et transplana avec eux, directement dans le hall du ministère. Elle retrouva rapidement son époux et ses deux frères, leur adressant un signe de la main en les rejoignant. Anton les accueillit dans une bulle d'amour, souriant et heureux. À cet instant, personne ne sentit la légère tension qui était apparue dans leur groupe. Les jeunes riaient, ayant retrouvé certains de leurs amis de Poudlard, les adultes discutaient, profitaient, d'une gaieté qu'ils souhaitaient légère. Mais, pour leur première sortie dans le monde sorcier, la famille Prewett avait choisi le ministère. Et, qui disait ministère, disait prestige. Qui disait prestige disait famille qui aime briller… Aussi, ce soir, l'ensemble de la famille Malefoy était présente. Johanna jouait la femme heureuse et légère à la perfection, mais en son for intérieur, ce n'était pas si facile. Il y avait trop de choses en suspens, la séparation d'avec les siens avait été brutale. Elle s'était faite avec regret en ce qui concernait sa mère et son frère, Abraxas, dont elle avait été proche jusqu'assez tardivement. Et elle sentait, plus qu'elle ne souhaitait l'admettre, les regards qui la suivaient avec attention. Elle s'efforçait cependant de ne pas entrer dans le jeu et se promit que, jusqu'à la fin de la soirée, elle n'aurait pas croisé de regard bleu glace.
C'était sûrement sans compter la présence de ses indomptables adolescents… Fabian, pour son plus grand bonheur, avait retrouvé deux de ses amis de classe, Sirius Black et James Potter. Gideon, lui avait rejoint Jamie et Sacha, ses meilleurs amis, de la même année que lui. Tous les six s'en donnaient à cœur joie. Fabian, sur le moment, ne sut s'expliquer pourquoi Sirius était aussi sage. C'était si… défaillant et inhabituel par rapport au garçon qu'il côtoyait à l'école Poudlard. Pourtant, le jeune garçon se tenait aussi bien que possible, ne faisant pas trop de vagues. Aussi, ils décidèrent de danser et s'amuser simplement, prenant en compte les réticences de leur ami. Au milieu de la soirée, Fabian fit tout de même le pari idiot de leur ramener un verre d'alcool à chacun, et, sous les yeux médusés de son frère qui lui chuchota férocement un «Fais surtout attention à tonton Jaredsi tu ne veux pas qu'il nous étrangle!», il s'éclipsa de façon discrète, presque invisible, vers le bar. Presque, car il entra brutalement en collision imprévue avec quelqu'un. Une main d'adulte, ferme, puissante, le retint par le col de sa chemise. Il était remonté et bien stable sur ses pieds avant même d'avoir compris ce qui s'était passé.
Ses yeux verts rencontrèrent alors deux yeux bleus, d'une profondeur qui lui coupa la respiration. Il connaissait ces yeux, cela lui donnait une impression de déjà vu. Il resta figé durant de longues secondes, la main qui l'avait relevé remis sa chemise en ordre, et saisit sa propre main. De façon incompréhensible, il avait soudain le tournis. Il parvint enfin à accrocher directement les yeux de l'homme et le détailla. Il était grand, davantage que son père, bien bâti, les cheveux bruns et les yeux… indescriptibles de profondeur, presque transparents. Son visage était dur, cependant. Intransigeant, c'était le mot qui le traversait. L'intransigeance à l'état pur. Il sentit un frisson lui parcourir l'échine et déglutit légèrement.
- Excusez-moi… Je n'ai pas fait attention…
L'homme donnait l'impression qu'il fallait faire profil bas pour le satisfaire, s'incliner pour pouvoir continuer tranquillement son chemin. Il était sûrement important et influent. C'était ce que Fabian sentait, au plus profond de son être. Un nœud d'angoisse s'était inexplicablement formé dans sa gorge. Il ne parvenait pas à comprendre les sensations qu'il ressentait, bouleversantes et effrayantes. La main ne l'avait toujours pas lâché et il n'arrivait pas à esquisser le moindre geste pour s'en éloigner. Sensation complètement folle et insensée. Pourtant, en face de lui, l'homme semblait traversé par les mêmes états d'âmes.
- Tu devrais être plus prudent.
- Euh… oui… sûrement…
- Fabian, c'est ça?
- Oui, c'est bien ça.
Comment connaissait-il son prénom? Et pourquoi n'arrivait-il pas à décrocher plus de deux mots ce soir, face à cet homme? Lui qui était pourtant si bavard! Leurs yeux ne se quittaient pas et le malaise s'installa plus profondément encore. Ils étaient entourés d'une centaine de personnes et, pourtant, ils semblaient soudain seuls au monde. Fabian, gêné, tenta de récupérer sa main, mais alors qu'il allait engager le mouvement, il sentit, entre leurs deux mains liées, une énergie les traverser, une délicate décharge. Comme si, un lien invisible les retenait l'une contre l'autre et créait une fusion entre elles, les faisant se reconnaître. Il fronça les sourcils en même temps que l'homme qui lui faisait face. Il vit, dans le regard bleu, un éclair de compréhension, et presque aussitôt, une effrayante rage. Fabian retira instinctivement et brutalement sa main, comme s'il avait été brûlé. Les yeux l'emprisonnèrent à nouveau dans leur éclat.
- C'est toi. Tu es là. Je le savais…
- Fabian!
Brutalement et sans comprendre, il fut happé dans une grande étreinte et sentit ses cheveux complètement ébouriffés.
- C'est vingt heures! Bon anniversaire officiellement! Tu as quatorze ans! S'écriait Gideon, hurlant contre son oreille, complètement hystérique.
Ses yeux retrouvèrent le regard dont il avait été brutalement séparé, et il vit apparaître sur les lèvres de l'homme «1er juillet 1959, vingt heures.» Alors, ce moment marqua la fin de la première et dernière soirée «tranquille» des Prewett.
Une explosion d'une force incroyable secoua la salle de réception de fond en comble, des hurlements résonnèrent de part et d'autre, il entendit, non loin, la voix de son frère l'appeler. Ils étaient séparés, la fumée noire emplissait la salle et les cris d'angoisse furent de plus en plus nombreux. Il ne distinguait plus rien. Tandis que le chaos régnait, que chaque personne cherchait ses proches, que certains employés du ministère tentaient de remettre de l'ordre et de ramener le calme, une main, puissante, emmena Fabian dans une étreinte ferme et sans appel. Il essaya, tant bien que mal, de se soustraire à l'emprise. À chaque nouvelle tentative, elle se faisait plus violente et, il devait se l'avouer, bien plus douloureuse. Pourtant, il ne cessa pas de tenter des échappatoires, aussi vaines les unes que les autres. Il commençait à sentir une angoisse sourde et effrayante prendre place dans tout son être. Ils traversèrent de multiples couloirs, carrelés de noir brillant, il sentit qu'ils montaient dans un ascenseur et déglutit, il serait incapable de retrouver le chemin en sens inverse. Une pensée le traversa, terrifiante, qui lui disait qu'il pourrait faire le chemin du retour? Soudainement, il reprit ses esprits et se débattit avec force, y mettant toute la violence dont il était capable.
- Lâchez-moi! S'exclama t-il avec force. Je dois trouver ma famille!
- Elle est là. Siffla l'homme, d'un ton glacial.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent. Fabian ouvrit la bouche pour protester, mais, il cessa soudainement de bouger. Il ne mentait pas, sa famille était belle et bien présente. Du moins, sa mère et son oncle Nathanaël.
- Maman! Tu vas bien? Tu… Où sont Gideon et Molly? Papa?
Mais non, visiblement sa maman n'allait pas bien, elle était avachie contre le mur, un trou béant dans la poitrine, des larmes plein les yeux. Elle essayait, tant bien que mal, de résister, elle tendit la main vers lui, le bras tremblant. Nathanaël murmura un faible «non, rends nous-le, laisse-le…» avant de s'effondrer contre le sol.
- NATY!
Sous la force du choc, il s'était libéré et avait accouru vers eux. Les mains tremblantes, il secoua Nathanaël et tenta de le ranimer, il se précipita vers sa mère. Elle tremblait mais il sentait qu'elle voulait lui parler, que c'était important.
- Ne m'en veux pas, je t'en supplie… Je sais que tu l'as senti, je vous ai vus, ensemble… Je sais que tu as senti son pouvoir d'attraction… Je le sais…
- Maman, je ne…
- Il vient te chercher. Murmura t-elle dans un souffle, les joues baignées de larmes. Laisse-le faire. Laisse-le t'emmener…
- Quoi? Qu'est-ce que tu racontes? Pourquoi?
Fabian s'était alors de nouveau retrouvé près du bar, entouré de son frère, sa sœur, et leurs amis respectifs. Comme s'il n'avait jamais bougé. Il s'était soudainement figé, d'un mouvement, comme vidé. Il s'était alors mis à se débattre, comme un dément et de façon incompréhensible, devant l'ensemble des invités. Il hurlait à s'en briser la gorge, en proie à une vraie crise de panique. Il ne reprit conscience que bien plus tard dans la nuit, et, lorsqu'il s'éveilla, se trouvait dans un lit d'hôpital. Des cheveux bruns étaient étalés sur lui, au niveau de sa poitrine, le cou et le dos complètement tordus, sa mère semblait s'être assoupie sur lui. Il posa une main douce dans ses cheveux, murmurant «maman?»
Aussitôt, Johanna bondit sur ses pieds, s'exclamant «il est réveillé!», Anton et ses oncles se penchèrent sur lui, de chaque côté du lit. Gideon et Molly apparurent également au bout de ses pieds.
- C'était qui, cet homme? Murmura t-il, le plus naturellement du monde.
Gideon échangea un regard avec sa sœur, ils semblaient incertains, ne sachant visiblement pas comment lui répondre.
- Quel homme, Fabian?
- Celui qui m'a aidé à me relever! L'homme avec les yeux quasi transparents! Il m'a prit par la main, il m'a entraîné au loin juste après l'explosion!
Un silence pesant s'installa durant lequel les quatre adultes qui l'entouraient semblèrent tout à coup perdre leur confiance. Une explosion? Il n'y avait eu aucune explosion. Pas même l'ombre d'un petit feu d'artifice…
- Vous étiez là, tous les deux! S'exclama t-il en montrant sa mère et son plus jeune oncle. Vous étiez blessés, j'ai eu si peur!
Perplexe et inquiète, Johanna regardait son fils, ils avaient beau avoir tout prévu et tout donné pour qu'il n'y ait pas d'échange entre les deux familles, ils avaient visiblement échoué. Jared s'avança presque à toucher le nez de Fabian et posa fermement ses mains de chaque côté de lui. Son regard était sans appel.
- Raconte-moi tout ce qui s'est passé, jusqu'au moment ou tu t'es retrouvé seul avec lui.
Fabian eut juste le temps d'ouvrir la bouche que la porte de sa chambre d'hôpital, aussi blanche que le reste de la pièce s'ouvrait. Le jeune Prewett se figea sur place. C'était lui. C'était l'homme. Est-ce qu'il était encore le seul à le voir? Avait-il des hallucinations? À nouveau, cette sensation bizarre s'empara de tout son être, comme s'il était figé de l'intérieur, glacé. Ses yeux s'accrochèrent à nouveau à ceux de l'homme, essayant de comprendre ce qui le rendait à la fois si attirant et effrayant. Il n'eut pas l'occasion de le remercier qu'aussitôt Jared levait sa baguette et la pointait directement entre les yeux de l'inconnu.
- Quitte immédiatement cette chambre.
Pas si inconnu que ça, visiblement…
Le jeune Prewett regardait son oncle, vraiment choqué. Qu'il donne des ordres et sache impressionner sa famille était une chose, qu'il ose imposer ses consignes à un homme comme ça par contre, cela l'ébahissait au plus haut point. La bonne nouvelle qu'il fallait retenir, c'était que Fabian était sain d'esprit, l'homme était bien là. Les menaces de Jared ne l'empêchèrent pas d'avancer davantage. Fabian sentait, à sa droite, sa mère le tenir fermement par le bras, comme si elle avait peur qu'il ne lui échappe. Il lui sourit avec douceur pour la rassurer mais l'air qu'elle arborait ne fit que l'inquiéter plus encore. Elle semblait pâle, angoissée, triste.
- Je viens récupérer ce qui m'appartient. Répondit l'homme, d'un calme qui laissait présager une terrible tempête.
- Il n'est donc encore que question d'appartenance. Répliqua froidement Johanna. Mais les êtres humains ne sont toujours pas des objets…
Lorsque leurs yeux s'accrochèrent, vert contre bleu, l'ampoule de la chambre se mit à clignoter de fureur. Fabian ne comprenait pas et ne connaissait pas cette rage qui avait envahi littéralement sa mère. Elle tremblait de colère, tout son corps tremblait. Il ne savait pas que la peur y était pour beaucoup. L'homme l'ignora royalement, bien que la fureur qu'il ressentait semblait lui donner des envies de meurtre, et, il accrocha son regard à celui de Fabian, pour la quatrième fois ce soir là.
- Bonsoir Fabian. Je suis Caius Malefoy. Ton père.
Cette phrase entraîna un silence sans précédent dans la chambre d'hôpital. Il cligna plusieurs fois des yeux, violemment, comme s'il essayait de se réveiller. Mais, cependant, il dut se rendre à l'évidence devant le silence abasourdi et pesant: ce n'était pas un cauchemar. Les yeux de Fabian s'accrochèrent à ses parents qui, inexplicablement, n'osaient soudainement pas le regarder… Ce fut Gideon qui prononça les mots qui le démangeaient.
- Papa? Maman? Ce type est taré n'est-ce pas?
Il ne s'attendait pas à ce que, ledit -Caius Malefoy le taré- saisisse son frère par le col et le plaque violemment contre le mur de la chambre, ses yeux le foudroyant sur place. Il avait sorti sa baguette et elle était pointée contre sa gorge. Fabian s'était redressé vivement.
- Lâchez-le! Siffla t-il, bien plus férocement qu'il ne s'y était lui-même attendu.
Caius esquissa un léger sourire à son attention, sourire froid, et ses yeux s'accrochèrent à Jared. Il relâcha Gideon, Anton se précipitant pour le ramener près de lui.
- Toi et moi, on se connaît bien, Jared. N'est-ce pas? On travaille chaque jour à proximité l'un de l'autre. Tu saurais peut-être me renseigner sur ce que j'essaie de comprendre? Pourquoi par exemple, mon fils, soit disant mort-né, se retrouve avoir grandi chez ma… sœur?
- Tu délires. Et ce ne serait pas la première fois...
- Ah oui? N'est-il pas étrange que mon fils «mort-né», l'ait été déclaré le 1er juillet 1959 à 20 heures et que, Gideon Prewett, ici présent, souhaite à Fabian, même heure, même jour un «joyeux anniversaire»?
Jared le fixait droit dans les yeux sans ciller. Fabian sentait qu'il était ferme, droit dans ses chaussures, comme toujours, pourtant, un léger mordillement de l'intérieur de sa joue lui donna le signe. Le signe qui fit tomber une brique dans sa poitrine. Jared mentait. Son oncle, directeur du département de la justice magique, qui était rattaché à la valeur de la justice, de la droiture avant toute chose, mentait. Fabian le regarda et attrapa sa main, accrochant son regard au sien. Il avait envie de pleurer, il voulait ignorer cette douleur lancinante qui s'insinuait sournoisement en lui, mais pourtant il voulait comprendre ce que disait cet homme. Il refusait la vérité et à la fois, il lui semblait qu'à l'intérieur de lui, plein de choses s'éclairaient, prenaient un sens qu'elles n'avaient pas jusqu'alors. Sa différence vis-à-vis de sa famille, qu'il avait, malgré lui, toujours ressentie… Johanna bougea alors et sortit sa baguette, la plantant dans la gorge de… son… frère? Fabian fronçait les sourcils.
- Maman…
- Cet horrible crapaud malfaisant ne raconte que des mensonges et ne sait que pourrir la vie des gens depuis qu'il est né!
- Johanna. Gronda fermement Jared. Il est temps…
Elle secouait négativement la tête et des larmes s'étaient emparées de ses yeux. Elle refusa de lâcher, si bien que Caius saisit violemment ses poignets. Il la regardait avec une haine incommensurable qui déclencha une grande peur chez Fabian. Son frère et sa sœur n'osaient pas prononcer un seul mot, choqués. Il sentait, plus qu'il ne l'aurait désiré, que les deux étaient prêts à s'entretuer, ou que, du moins, Caius était prêt, sans la moindre hésitation, à foudroyer sa mère sur le champ. Il se leva doucement et s'avança pour se placer entre eux. Il tenta, par ce geste, d'apaiser la colère de l'homme, de l'adoucir. Il saisit, à son tour, les poignets de Caius Malefoy pour lui faire lâcher prise et accrocha son regard au sien. Sa phrase lui donna l'impression de recevoir un coup de baguette magique dans le cœur.
- Ca ne m'empêchera pas de me débarrasser d'elle si j'en ai envie. Dit-il, froidement, comme s'il parlait d'aller acheter du jus de citrouille.
Fabian déglutit tandis que sa mère ricanait tout aussi froidement, elle se dégagea brutalement de son emprise.
- Tu ne me fais plus peur depuis bien longtemps!
- Tu devrais, pourtant. Il y a bien des choses que je pourrais t'enlever…
Jared s'éclaircit fermement la gorge. D'un simple geste, il ordonna à Gideon, Molly et Nathanaël de quitter la chambre. Les deux premiers protestèrent, tandis que leur plus jeune oncle calmait le jeu en disant qu'il leur expliquerait les choses en détails à l'extérieur, qu'ils devraient laisser un peu de calme à leur frère et leurs parents.
- Et toi, tu ne sors pas? Demanda Caius, avec une pointe d'ironie.
- Moije reste au cas où tu aies besoin d'être recadré.
- Recadré? Siffla Caius.
Il n'avait pas l'air d'être un homme qui se laissait recadrer, et effectivement, la provocation avait bien fonctionné puisque Fabian vit Jared lever les yeux au ciel. Il semblait si facile de le faire sortir de ses gonds. Alors, aussi calmement que c'était possible pour des personnes qui se détestaient, chacun raconta sa version de la jeune histoire de Fabian. À coups de cris et de gestes à peine retenus, Johanna et Caius réglaient des litiges qui leur appartenaient. Fabian comprit, dans les grandes lignes, que la famille où était née sa mère, la famille Malefoy, était froide, sombre, dure. Elle n'avait pas grandi dans un cocon d'amour, comme lui. Elle avait grandi dans la persécution la plus totale, et, le principal responsable était visiblement son père biologique, Caius. Ne pouvant se résoudre à ce qu'il ait la même vie qu'elle, et à la demande de sa mère biologique, Elladora, elle l'avait recueilli tout juste né et ils avaient fait en sorte que cela reste un secret. Fabian restait ébahi, choqué. Il ressentait à la fois de la colère et de la compréhension.
Il voyait bien qu'ils avaient voulu le protéger, mais combien de temps lui auraient-ils encore menti?
- Mais c'est terminé. Dit froidement Caius. Tu rentres à la maison. Maintenant.
- Pas si vite, tu ne peux pas faire ça de cette façon… Protesta Johanna.
- Et de quelle façon voudrais-tu que je le fasse? Que je te demande ta permission comme tu l'as fait? Demanda sèchement Caius.
- Fabi a grandi avec nous, il… il a toutes ses affaires à la maison, il… il a son frère et sa sœur…
- Il n'a pas de frère et sœur.
- Tu ne peux pas tout effacer d'un simple coup de colère, Caius! ça ne se passe pas comme ça!
Se déroula alors une scène qui lui sembla terrible, irréelle. Pour la première fois, il fut témoin d 'une vraie scène de violence, entre membres d'une même famille. Caius hurla un«PARCE QUE C'EST TOI, JOHANNA MALEFOY, QUI VA M'EXPLIQUER COMMENT VONT SE DÉROULER LES CHOSESQUI CONCERNENT MON FILS ?!» Bien sûr, Fabian était habitué aux bagarres, il en était même un des premiers éléments déclencheurs, entre serpentards et gryffondors par exemple. Il savait que, dans certaines familles, les relations étaient complexes. Comme pour son ami Sirius par exemple. Les colères de sang pur envers les traîtres, les pressions, il connaissait tout ça, et il savait, de loin, que ses parents en avaient été des victimes. Il savait que son père et ses deux frères avaient été des victimes de violences physiques et morales de la part de leur père. Que Jared les avaient pris sous son aile et avait fui. Mais, voir un homme si grand et puissant, saisir violemment sa mère par la gorge et la plaquer contre le mur lui coupa le souffle. Ils étaient frère et sœur, et pourtant, Caius serrait si fort, semblant vouloir la supprimer en l'étranglant lentement. Il voulait, visiblement, lui ôter la vie, d'un trait, pour lui faire payer sa provocation. C'était sans compter Jared qui, réagissant plus vite qu'Anton, le fit voler dans les airs d'un coup de baguette après une décharge électrique. Il le fixa froidement.
- Ne la touche plus jamais devant moi ou je te réduis en cendres. Annonça calmement Jared.
- Maman… murmura Fabian.
Mais Caius ne le laissa pas approcher, il le ramena fermement contre lui, dans une étreinte autoritaire.
- Rassemblez ses affaires et on rentre chez nous. Ne vous avisez pas de l'approcher à nouveau.
- Tu ne peux pas séparer Fabian de nous, Caius. Expliqua calmement Jared.
Son… père biologique le poussa derrière lui et avança, se tenant à quelques centimètres de son oncle, mais ce dernier n'était pas du tout impressionné. Cependant, leurs yeux s'accrochèrent froidement.
- Tu sais ce que c'est, Jared, d'être poursuivi par des démons, n'est-ce pas? Tu sais ce que c'est de quitter les tiens et de devoir les affronter chaque jour et tu sais, comme moi, que je peux te pourrir la vie si besoin… Sans la moindre hésitation.
- Tu voudrais bienle croire, mais tu n'as pas ce pouvoir.
- Cela ne m'empêchera pas, si vous vous avisez de le contacter, de le récupérer, de le voir, de briser chacun d'entre vous, l'un après l'autre. Tu sais, comme moi, Jared, que si je cherche, je trouverai les preuves dont j'ai besoin. Si je les trouve, je vous ferai couler. Ils risqueraient la prison d'Azkaban, Dit-il en désignant Anton et Johanna d'un signe de tête, et, sûrement que toi aussi, n'est-ce pas? Qui donc aurait pu dupliquer un acte de naissance avec autant de perfection si ce n'est toi? Qui aurait pu protéger si bien ce secret, Jared, à part toi? Qui d'autre?
Jared le fixait sans l'ombre d'une émotion, entraînant l'admiration sans borne de son filleul. Il avait un air tranquille, pas le moins du monde perturbé par aucune des menaces prononcées. Cependant, il leva les mains en signe de paix. Peut-être qu'il n'était pas si innocent après tout… Cela semblait lui coûter, mais ses yeux se posèrent sur Fabian et sur ses «parents».
- Tu nous laisserais dix minutes ? Je t'en fais la promesse, nous allons chercher ses affaires, avec lui, et nous te le ramenons.
- Hors de question. Je viens avec vous.
- Tu n'entreras pas dans ma maison. Tu ne souilleras pas le cocon de mes enfants! Siffla Johanna d'un ton glacial.
Fabian était comme sonné, il ne comprenait plus ce qui était en train de se jouer, ce que devenait sa vie, ce qui venait de lui péter à la tête en une seule soirée. Il était secoué, perdu. Il se rendait bien compte à quel point sa mère avait du souffrir, à quel point elle haïssait Caius Malefoy, à quel point il la faisait trembler. Mais lui ne pouvait que se sentir perdu, entre un père qu'il ne connaissait pas et des parents adoptifs qui lui avaient menti pendant quatorze ans. Et, peu à peu, il réalisait ce que tout cela signifiait. Il eut une réaction puérile qui, avec le recul, aurait pu être drôle. MALEFOY. Il portait le même nom de famille que son pire ennemi…
- Malefoy? Je… ça veut dire que…
- Que tu vas porter le nom de Malefoy, oui. Confirma Caius
Cette simple vérité, énoncée paisiblement et fièrement, le fit tomber dans un gouffre profond. Il était comme engourdi, endormi. Il ne parvenait plus à comprendre les échanges qui se jouaient, il vit simplement Jared partir et revenir avec sa valise fermée et remplie, son hibou. Il vit sa mère qui lui murmurait des mots doux et des excuses sincères. Elle le serrait avec force contre lui, ce qui le ramena légèrement à la réalité. Elle avait du mal à le lâcher, elle pleurait, secouée de spasmes.
- Je suis désolée, je voulais te protéger… Murmura t-elle pour que lui seul l'entende, j'ai tout fait pour te protéger de lui. Tu dois rester fort, Fabi, d'accord? Aies confiance en toi, toujours… Tu es un bon garçon. N'en doute jamais. Quoi qu'il fasse…
Il avait comme l'impression de partir directement à l'abattoir. Caius les sépara avec colère, et, sans attendre qu'il puisse réellement dire au revoir aux siens, transplana avec lui.
Cette soirée au ministère, la première ou chacun avait relâché son attention, marqua le changement -définitif et profond- de la vie du jeune Fabian Prewett. Il ne s'en aperçut pas immédiatement. Bien sûr, il y avait des choses qu'il ne pouvait pas ignorer: il n'avait plus son frère et sa sœur, avec qui il était tout le temps collé. Il n'avait plus ses «parents», qui l'avaient toujours entouré d'amour, de douceur, de tendresse. Il n'avait plus son oncle Nathanaël, aussi joueur et immature qu'un adolescent, qui adoucissait les peines et amusait la galerie. Et, il n'avait plus Jared. Il n'avait plus l'oncle ferme, autoritaire, sévère, attentif et dévoué. Le parrain, plein d'attentions discrètes mais qui démontrait son affection avec difficulté. Le parrain avec qui, il s'était pris mille fois le bec à cause de son insolence. Le parrain qui, ayant vécu une jeune vie difficile, faisait figure d'autorité pour tout le monde. Le parrain qui avait pris la place de l'adulte, pour ses propres «parents» mais aussi pour Gideon, Molly et lui. Le VRAI adulte de la famille. Le SEUL qui avait agit en adulte responsable quand tout le monde lui passait tout: ses accès de colère, de violence, d'insolence. Ce fut l'absence qui le marqua le plus dans cette nouvelle vie. Celle de Jared. Parce que Fabian, dans sa nouvelle maison, faisait face à une démonstration des plus surprenantes d'autorité et de répression. Il ne comprenait absolument pas les codes, les règles, les dictats auxquels il devait faire face chaque jour. Et il regretta -chose qu'il n'aurait auparavant avouée pour rien au monde, pas même sous la torture - de ne pas avoir été totalement éduqué par son cher parrain.
«La famille est la seule chose que l'on ne peut renier, ses membres sont les rares personnes que l'on ne peut fuir. Quels qu'ils soient, bons ou mauvais, nous sommes, au fond de notre cœur, par un lien puissant, toujours rattachés à eux.»
