Holybleu : Tu as été trop optimiste pour ce petit couple ! Paf, le drama revient ! XD


Drago était assis dans le canapé, les bras entourant les jambes repliées contre son torse, et se rongeait nerveusement les ongles.

Les chariots du soir étaient arrivés.

Les chariots du soir étaient arrivés, et Potter n'était pas là.

Il lui avait pourtant dit qu'il serait de retour avant le repas du soir. Il le lui avait assuré. A deux reprises. Il l'avait presque promis.

Potter n'était pas là et des centaines de raisons pouvaient expliquer cette absence.

Il avait été attaqué. Le Détraqueur. Un Mangemort encore en liberté. Le proche d'un Mangemort enfermé. Un amant éconduit et revanchard. Un envoyé du Ministre, craignant que le Survivant ne s'intéresse au poste suprême. Une fichue créature à crocs et à griffes qu'il se serait arrêter pour papouiller, cet idiot téméraire…

Un nouveau travail. Pourquoi le tuer alors qu'il suffisait de lui proposer un nouveau poste, plus respectable, plus intéressant, mieux payé ? Ministre des Sports, Directeur au Cabinet des Aurors, Directeur de Poudlard, simple employé à la boutique de farces et attrapes du frère de Weasley…

Il avait rencontré quelqu'un. Une fille, ou un homme. Potter semblait à voile et à vapeur. Un moldu, un Sorcier, une Vélane, un Vampire, vieux, jeune, superbe ou puissant ou soumis et faible, éveillant son satané syndrome du héros, ou lui offrant l'amour qu'il recherchait et méritait…

Et puis il y avait une autre possibilité, la pire de toutes, rédigée d'une encre verte sur un papier épais, dans l'enveloppe sur la table…

Drago s'arracha un bout d'ongle qui révéla la chair à vif et permit à quelques grosses gouttes de sang de s'échapper.

Potter l'avait de nouveau rejeté. Enfin, pas vraiment, mais c'était tout comme. Il savait, en indiquant à Drago que ses baisers ne l'empêcheraient pas d'embarquer à l'heure prévue, que le prisonnier se retirerait. Il l'avait dit exprès. Et il l'avait dit avec son sourire. Ce satané sourire.

Drago ferma les yeux et suçota son doigt.

Ce satané sourire…

« Klock. » Bruit de porte. Drago ouvrit les yeux et leva brusquement la tête.

Ce satané sourire…

« Désolé. » Potter n'en avait pas du tout l'air. Il souriait, évitait son regard avec une gêne visible, tentait de dissimuler son plaisir en se mordant les lèvres…

Il entra dans la pièce, suivi par une multitude de paquets, de sacs, de boites de chocolats et de bouteilles d'alcool, qui lévitaient doucement dans son dos.

« J'ai eu des ennuis sur le Chemin de Traverse, expliqua-t-il en laissant doucement son chargement retomber contre le mur. Il y en a qui m'ont reconnu, et… Et bien ça a pris plus de temps que prévu… Les gens ne savaient pas trop que les hiboux refusaient de venir sur l'île, alors il a fallu expliquer ça a tout le monde, et puis les gens voulaient offrir des cadeaux, ou trinquer un coup, et… Et ensuite, le ferry a eu du mal à quitter le port, parce que forcément… »

Drago le regarda, bouche bée. Au moins était-il vivant, au moins était-il revenu. Il fallait se satisfaire des petites victoires. Il fallait…

« Il faut que tu apprennes à te faire respecter, pauvre crétin. »

La silhouette de Potter, accroupie devant le mur se figea un instant avant qu'il ne se relève lentement et se retourne vers lui. Toujours ce satané sourire.

« Qu'est-ce que tu me conseilles, Malfoy ? Je devrais me comporter comme toi et ton père ? Regarder les gens comme ça, » il ferma à demi les yeux et releva un angle de sa lèvre supérieure dans une moue dédaigneuse, « et parler comme ça ? » demanda-t-il en faisant traîner ses mots comme un vieil aristocrate dépravé. Il s'approcha à pas lents la tête légèrement penchée sur le côté et vint déplier avec langueur le corps de Drago, qui se laissa faire en fronçant les sourcils et en plissant les yeux. « Est-ce que je devrais me mouvoir comme ceci ? » s'enquit-il, la bouche à quelques centimètres de celle de Drago, en pressant ses mains sur ses cuisses. « Est-ce que j'ai l'air suffisant hautain et supérieur, comme ça ? Est-ce que je suis suffisamment détestable ?»

Drago n'était pas réellement vexé. On avait souvent singé l'attitude hautaine des Malfoy, que ce fût à l'école, au quartier général des Mangemorts, ou ici, à Azkaban. La moquerie avait pour but de dissimuler la fascination qu'ils exerçaient ainsi sur leurs semblables. Il y avait toujours une forme d'admiration dans leurs imitations.

Il ne cilla pas, et adopta même délibérément son regard le plus méprisant.

« Est-ce que ce n'est pas déjà ce que tu tentes de faire quand tu humilies ou violentes ceux qui n'ont plus le pouvoir de t'affronter ? »

Potter perdit lentement son attitude moqueuse alors qu'il réfléchissait aux paroles du détenu.

« Tu aimerais être capable de rejeter cet amas d'hypocrites, poursuivit Drago. Ceux qui ne t'ont pas soutenu quand tu en avais le plus besoin… Mais tu es si désespérément en manque d'amour que tu n'oses pas ne serait-ce que les ignorer. Et tu passes ta frustration sur ceux qui te haïssent déjà, parce qu'avec eux, tu sais n'avoir absolument rien à perdre… »

Potter était parfaitement sérieux, à présent… Drago s'en voulut alors d'avoir mis le doigt là où ça faisait mal. Il s'en voulut mais ne changea pas de ton. Il réalisa qu'il désirait toujours provoquer Potter, le voir s'énerver, le voir s'emporter, le voir souffrir comme son absence l'avait fait souffrir.

« Je suis vraiment la cible idéale pour toi. Je te hais, tu sais à quel point je te hais, et que je te haïrai toujours. Tu peux me faire tout ce que tu veux, et mes sentiments ne changeront jamais. Sur moi, tu peux passer toutes tes humeurs. Parce que tu sais, en plus, que ma vie est tellement pitoyable que je reviendrai, que j'en redemanderai, que je subirai tout ce que tu voudras parce que, moi non plus, je n'ai rien à perdre… »

Potter soupira, puis s'assit à califourchon sur les jambes de Drago, qui sursauta de surprise. Il n'avait pas l'habitude qu'un homme écarte les cuisses devant lui. Pas comme ça. Cela eut au moins le mérite de le faire taire.

Potter garda le silence un moment, laissant son regard errer sur la pièce et ses mains jouer distraitement avec les cheveux de la nuque de Drago. Finalement, il soupira de nouveau, le regarda avec sérieux, et prit enfin la parole.

« Je vois que maintenant que tu n'as plus rien à me demander, c'en est fini des baisers… »

C'est une façon élégante de le traiter de prostitué. Drago ne pouvait nier ni le texte, ni le sous-texte, et il garda le silence.

« T'as surement raison. Sur beaucoup de points. Tu oublies juste deux choses. Primo, je suis loin de faire l'unanimité chez les Sorciers. Même chez les civils là dehors, même chez les anciens membres de la résistance ou de l'Ordre du Phénix. Le fait que j'ai défendu certains accusés comme ta mère ou le professeur Rogue est très mal passé auprès de beaucoup de gens. Le fait que j'ai fait abolir le baiser du Détraqueur, que je sois venu travailler ici. Mes travaux en faveur des Loups-Garous, des Géants, des unions inter-humanoïdes. Les gens me trouvent trop laxiste. »

Drago avait ouvert la bouche, ses yeux avaient lancé des éclairs quand Potter avait évoqué Narcissa Black Malfoy. Cela faisait des années qu'il n'avait pas pensé à cette femme, et personne n'avait le droit de lui rappeler son existence. Mais le ton monocorde de Potter l'avait empêché d'exprimer le fond de sa pensée.

« Secundo, je te l'ai déjà dit, je te le répète : Je voudrais vraiment que notre relation prenne une autre direction. Et j'ai beaucoup à perdre, parce que j'essaye d'être honnête et patient avec toi, mais chaque fois où j'ai l'impression d'avoir réussi à avancer, tu me balances un truc comme ça qui me donnes l'impression de m'être impliqué pour rien… »

Potter ramena une longue mèche de cheveux blonds entre ses doigts, et y observa pensivement les reflets brillants.

« J'imagine que j'ai bien cherché tout ça. Comme tu l'as dit, j'ai été le pire des connards, au début, et j'en suis désolé. Seulement, je peux pas revenir en arrière. Maintenant, j'ai le choix entre fuir comme un lâche ou essayer de réparer mes erreurs… Je ne suis pas un lâche, Malfoy, affirma-t-il en ancrant de nouveau ses yeux dans ceux du prisonnier. Si tu as une idée d'un truc que je pourrais faire pour te prouver ma bonne foi, alors dis-le-moi. Parce que je ne vois quoi faire de plus que ce que je fais déjà. »

Drago ne voyait pas non plus.

Ils gardèrent tous les deux le silence, puis Potter posa son front sur l'épaule de Drago et soupira encore.

« Dis-moi, répéta-t-il. Putain, je suis pas loin d'être prêt à tout… »

Drago secoua négativement la tête, sans répondre.

« Dis-moi, insista-t-il une troisième fois.

– Je ne sais pas quoi te répondre, Potter. Je regrette de t'avoir dit ça. Je n'ai pas de solution.

– Et tu le penses vraiment quand tu dis que tu me détesteras toujours ? »

Ça semblait inévitable. Drago se sentait profondément attiré par Potter. Sa présence le rassurait et le faisait se sentir bien… Malgré cela, il était impossible de ne pas oublier la haine, la peur, et la répulsion…

« Hm. Ne réponds pas », suggéra Potter après avoir attendu une réponse qui ne venait pas. Ses épaules se détendirent cependant…

« Je… Ne sais pas, Potter… » dit finalement Drago. C'était ce qu'il pouvait affirmer de plus bienveillant…

Ils restèrent silencieux et immobiles un long moment… Drago aurait voulu se sentir mieux après avoir balancé au Survivant ses quatre vérités, mais ce n'était pas le cas. Il aurait dû garder tout ce ressentiment en lui. Il ne se sentait pas mieux, et la peine de Potter ajoutait à son fardeau.

Il tenta finalement de changer de sujet :

« C'est du poisson au menu, ce soir.

– Arf. De pire en pire…

– Pané.

– Oh. »

Il sentit la joue de Potter se redresser dans son cou, et en fut soulagé. Il sourit également.

« Allons manger ? » suggéra-t-il.

Potter ne bougea pas un muscle…

« Potter…

– Malfoy… J'y retourne la semaine prochaine… » Drago se crispa légèrement. « S'il te plait, supplia l'homme en se redressant finalement, insulte-moi, dis-moi tout ce que tu penses, je le mérite largement. Mais n'essaye plus de m'empêcher d'y aller. C'est important pour moi. J'ai mis longtemps à accepter le fait que j'avais un problème. Et ça m'aide vraiment. »

Il le regardait avec un air sérieux et sincère, et Drago hocha brusquement la tête. Il osa toutefois faire observer :

« Je pensais que c'était censé être des rendez-vous réguliers. Le précédent date d'il y a bien plus d'une semaine…

– Oui, mais beaucoup de trucs ont changé. On s'est mis d'accord sur le fait que j'avais besoin de plus de séances… »

Drago hocha de nouveau la tête et détourna les yeux d'un air soucieux. Il anticipait déjà l'absence.

« Allons manger », accepta Potter en se levant finalement.

·

A la fin du repas, alors que Drago était en train de remettre ses chaussures – il les avait ôtées avant de se recroqueviller sur le canapé – Potter vint s'asseoir sur la table à ses côtés, et posa de l'argent sur le bois roux.

« Je pourrais faire un virement automatique sur ton compte à la cantine. Ça éviterait que j'oublie à nouveau.

– Non.

– Je pourrais faire le virement sur le compte de ton père. »

Drago hésita. Il y avait peu d'échanges d'argent entre détenus, mais il ne pouvait imposer cette pratique à son père. Pas sans lui avoir demandé son avis. Et puis il aurait fallu accorder une confiance totale au Surveillant Greffier qui s'occupait de gérer les comptes.

« Non… décida-t-il finalement.

– Je pourrais lui donner l'argent directement. »

Drago hésita à nouveau, les yeux fixés sur les jolies pièces brillantes, en se mordillant les lèvres.

« Je pensais aller le voir demain, de toute façon. »

Drago leva aussitôt les yeux, alerté, et demanda d'une voix stressée : « Pourquoi ?

– Pour qu'il sache que le retard vient de moi. Je vais lui dire que j'avais envie de te donner une bonne leçon, ou quelque chose comme ça. En plus, depuis le confinement, ils font du bruit au corridor 3. Ça inquiète Johnson, je vais voir ce qu'il veut…

– Si tu lui donnes l'argent. Il pourrait penser que tu cèdes…

– Est-ce que tu prends mon parti, finalement ?

– Je me range du côté où se trouve le pouvoir, tu le sais bien. »

Potter sourit et réempocha les pièces : « Le pouvoir se trouve dans les mains de celui qui a l'argent, n'est-ce pas ? Je vais lui donner demain. »

Drago haussa les épaules. Après tout, il faisait davantage confiance à Potter qu'à Ackerley pour transmettre l'intégralité de la somme à son père. Et puis si cela pouvait pousser le Directeur à se rendre plus régulièrement dans la cellule Malfoy, ce serait forcément bénéfique pour son image.

Il allait se lever de sa chaise quand Potter demanda :

« Je suppose que tu ne veux toujours pas passer la nuit ici ? »

Drago stoppa son mouvement.


Ce que j'aime bien avec ce dernier dialogue, c'est la façon dont Harry montre mine de rien qu'il sait parfaitement où va l'argent de Drago... Et le fait que Drago ne s'en rende pas du tout compte. Bon, je focalise peut-être un peu trop dessus alors qu'on s'en fiche complètement, ça fait un peu trop auto-congratulation XD Mais il est rare que je sois contente de moi, alors voilà.