Quelques jours s'étaient écoulés et Liam prenait peu à peu ses marques. Une chose était certaine : il avait bien moins peur de Stiles. Le châtain avait ce quelque chose de rassurant, ce truc qui… Le poussait à s'ouvrir à lui. Ainsi, ils avaient discuté un certain moment et s'étaient racontés quelques petits pans de leur vie. De cette façon, Liam apprit que le serveur vivait ici depuis quelques années et ne parlait plus à son père – celui-ci l'avait jeté dehors. De ce côté-là, c'était tout ce qu'il savait et à son avis, c'était déjà pas mal. Stiles n'avait pas eu l'air franchement dérangé de lui parler de cela mais au cas-où, Liam n'avait pas insisté pour connaître les raisons de ce traitement fort peu humain de la part de son père. Il ne voulait pas le mettre mal à l'aise et savait à quel point il pouvait être désagréable de se retrouver face à quelqu'un de trop curieux, ou d'insistant. Stiles avait beau l'héberger, le soigner et prendre soin de lui, il ne le harcelait pas de questions sur sa situation. Disons qu'il savait l'essentiel grâce à ce qu'il avait vu au bar et à ce qu'il savait de ses blessures. Mis à part ça, rien. Il n'avait pas cherché à en savoir plus, dépourvu de cette curiosité poussée et tournée vers le malsain chez certains.
Plusieurs fois, Stiles lui avait dit qu'ils se ressemblaient, qu'ils avaient malgré eux partagé certaines expériences. Et Liam commençait vraiment à le croire. Peut-être le serveur avait-il réellement vécu des choses semblables aux siennes. En tout cas, ça expliquerait, selon lui, cette compréhension tacite qu'il y avait entre eux, et l'absence d'interrogatoire de la part de Stiles. Ou alors peut-être était-il simplement… Gentil. Rien de plus. Des gens comme ça, il en restait encore quelques-uns, même si c'était parfois un peu difficile à croire.
Et même si Liam prenait doucement ses marques, il appréhendait. Parce que Stiles était en train de se préparer à partir. Après une semaine à s'occuper en permanence, le voilà qui devait retourner travailler. Evidemment, Liam ne lui dit rien : il n'avait pas la moindre intention de le retenir alors qu'à cause de lui, Stiles allait voir son salaire amputé. S'il s'en voulait à ce sujet ? Bien sûr, mais il commençait lentement à connaître l'hyperactif et était à peu près certain que celui-ci lui dirait que ce n'était pas de sa faute. Il trouverait moults arguments pour le convaincre qu'il n'avait rien à se reprocher. Et Liam tendrait à le croire, parce que c'était plus facile. Que Stiles était naturellement rassurant.
Alors lorsqu'il lui dit au revoir et qu'il ferma la porte à clé derrière lui, Liam fut à peu près tranquille Stiles lui avait tout montré de son petit appartement, jusqu'à l'emplacement de sa bombe au poivre un peu « spéciale », d'après lui. Selon ses dires, elle était surpuissante. Techniquement, le blondinet ne craignait rien ici, mais Stiles avait tenu à le rassurer quand même. A lui montrer qu'il était tranquille et pourrait se défendre en cas de problème.
- De toute façon, je finis mon service à minuit ce soir, lui avait-il dit. Je rentrerai vite !
Il était dix-neuf heures et Stiles lui avait laissé quelque chose de tout prêt. Des carbonaras. Il s'y était mis tôt pour faire en sorte que Liam n'ait rien à faire. De son côté, le blondinet espérait que le châtain se nourrirait une fois là-bas : il n'avait rien mangé avant de partir. Peut-être était-ce normal, peut-être l'hyperactif vivait-il ainsi, mais Liam n'en savait rien, alors il s'inquiétait un peu ? Tout en se rassurant en se disant que Stiles était quelqu'un qui semblait avoir la tête sur les épaules.
Mais, au cas-où, il lui envoya un message. D'ailleurs, l'hyperactif avait fait le ménage dans son téléphone. Il avait retiré toutes les restrictions installées par Brett et avait supprimé son numéro pour y ajouter le sien et celui d'autres personnes qu'il ne connaissait pas. « Des contacts de secours, avait-il dit, au cas-où je ne serais pas joignable. » Stiles tenait à être là pour lui et, le cas échéant, à faire en sorte qu'il puisse compter sur quelqu'un en cas de problème. Pour être honnête, Liam ne comprenait pas complètement cette espèce de dévotion à sa personne, mais il la prenait. Il en avait besoin. Après tout, si ça pouvait l'aider à remonter la pente un minimum… Ensuite, il pourrait peut-être envisager de reprendre sa vie en main, et son indépendance. Mais ça, ce n'était pas pour tout de suite et Liam en était bien conscient. En fait, il n'était même pas certain que cela arriver, mais la douceur de Stiles lui donnait envie d'espérer et c'était un sentiment si nouveau qu'il était comme toute les nouveautés d'une vie : on avait envie d'en profiter un maximum jusqu'à en épuiser la source. Si Liam avait envie de se raccrocher à cet espoir inédit, il le ferait et ce, même si celui-ci le faisait chuter. En l'occurrence, ce serait de haut. De très haut.
Au départ, Liam ne fit rien, à part attendre une potentielle réponse de Stiles, qui ne vint pas. Liam choisit de tout faire pour ne pas s'en formaliser : après tout, l'hyperactif était au travail et il devait avoir du pain sur la planche. Liam se souvenait du fait que le bar était bondé, le soir où il avait réussi à faire en sorte que Brett l'y amène. Le blondinet ne serait pas surpris si on lui disait que c'était régulièrement le cas.
Cependant, l'angoisse le rattrapa. Et si Stiles regrettait sa décision, celle de l'avoir pris sous son aile ? Celle de l'héberger ? Bien sûr, des questions, il en avait des tas d'autres en tête, mais s'efforça de ne pas se torturer l'esprit plus que nécessaire. Il fallait qu'il s'occupe, qu'il fasse quelque chose.
Ce qui le calma ? Une réponse à son message, deux longues, très longues heures plus tard. Stiles lui racontait brièvement que son amie Lydia qui, d'après lui, savait tout – qu'entendait-il par tout ? –, était vite fait allée lui chercher quelque chose, histoire qu'il ne travaille pas toute la soirée le ventre vide. A la fin de son texto, Stiles lui disait qu'il rentrait bientôt. Liam se détendit, cessa de se torturer l'esprit… Pour l'instant.
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Stiles était heureux d'avoir retrouvé le bar. Déjà une semaine qu'il avait repris le boulot, et c'était comme s'il n'était jamais parti. Le petit plus dans cette histoire ? Liam. L'air de rien, c'était agréable d'avoir quelqu'un chez soi lorsqu'on rentrait, d'autant plus que le petit blondinet était réellement adorable. Il commençait à s'affirmer, lentement, à oser parler un peu plus fort en sa présence. Il restait craintif, mais il se crispait moins. Côté blessures, ça guérissait doucement et Stiles en était plus qu'heureux. Il n'irait pas jusqu'à dire que Liam était en forme, mais il était toutefois capable de marcher sans aide de sa part – signe qu'il reprenait également des forces. Tout était très lent mais Stiles considérait qu'en deux semaines, c'était pas mal. Chaque petit progrès était bon à prendre, selon lui. Liam prenait quelques initiatives osait se déplacer un peu partout dans le petit appartement de son propre chef… Il lui était même arrivé de cuisiner quelque chose à Stiles, lorsque celui-ci oubliait de se nourrir – qu'on le croie ou non, il oubliait régulièrement. Dans sa tête, il se passait tellement de choses à la seconde qu'il zappait souvent l'essentiel.
Mais si Liam commençait doucement à aller mieux aussi bien physiquement que mentalement, rien n'était gagner. En fait, tout était à travailler. Lorsque Stiles lui avait un jour proposé de l'accompagner à l'épicerie du coin pour faire quelques courses, le blondinet avait refusé, une lueur terrifiée dans le regard. Il avait peur de sortir, peur qu'on lui tombe dessus, que tout recommence. Stiles avait eu beau le rassurer quant au fait que son enfoiré de désormais « ex » ne débarquerait pas puisqu'il ne le chercherait sans doute pas, Liam n'avait rien voulu entendre. Il n'était pour ainsi dire pas prêt à sortir, pas prêt à reprendre contact avec le monde extérieur. A ses yeux, c'était encore un peu tôt… Et Stiles comprenait, il lui laissait le temps. Ainsi, il n'insistait pas, ne faisait que proposer lorsqu'il sortait quelque part pour autre chose que le boulot. Liam déclinait toujours en baissant les yeux.
Le soir, lorsque Stiles allait se coucher, il passait toujours dire bonne nuit à Liam, qui continuait d'occuper son lit. Le blondinet lui avait déjà dit qu'il pouvait le récupérer, mais l'hyperactif campait sur ses positions : il lui laisserait ce lit le temps qu'il serait ici. Après tout, le canapé était confortable et au moins, il était utilisé… Mais voilà, une fois le blond salué, Stiles se retrouvait seul avec lui-même. Seul avec son manque d'affection, seul avec ses petits soucis sans intérêt, seul avec ces questions, qu'il se posait toujours. Des questions stupides, qui concernaient divers aspects et sujets de la vie quotidienne. Mais le plus lourd, c'était cette idée de manque qui revenait souvent et que Liam lui rappelait malgré lui.
Stiles avait envie d'avoir quelqu'un là pour lui, quelqu'un qui pourrait le rassurer, calmer ses insécurités… L'aimer, peut-être. Quoiqu'il savait l'amour trompeur : il avait pour cela sa propre expérience, mais aussi celle de Liam. L'amour, c'était parfois cruel et sans état d'âme pour celui qui se retrouvait brisé, soumis à un rapport de domination certain. D'ailleurs, Stiles ne se voyait pas être aimé sans cet aspect-là, et ça ne lui plaisait pas. Lui, il voulait quelque chose d'égalitaire, où aucune des parties ne prendrait l'ascendant sur l'autre. Enfin, dans tous les cas… Stiles ne devrait pas penser à ça. Mettre ce sujet sur le tapis, c'était stupide. Car Stiles aimait, mais il n'était pas aimé en retour et il n'avait pas l'intention de se mettre en couple juste pour combler son manque affectif. Il n'était pas pour ce genre de relations-là.
Et c'était là que Derek l'emmerdait. Parce que c'était le mec qu'il insupportait mais qu'il ne pouvait s'empêcher d'aimer plus que de raison. Cet idiot avait la fâcheuse tendance de se rendre toujours plus attachant à ses yeux… Tout en l'envoyant bouler aussi souvent qu'il respirait. Il était gentil, ne lui répondait jamais méchamment… Il était juste froid et distant. D'aussi loin qu'il le connaissait, ç'avait toujours été comme ça entre eux : cordial, sans plus. L'amitié réelle que Stiles mettait en front pour dissimuler son amour n'était pas vraiment réciproque et il était certain que Derek l'oublierait facilement, s'il démissionnait du jour au lendemain.
Alors ça le démoralisait. Oui, ça le démoralisait de surprendre ses regards appuyés sur sa personne, cette… Présence omniprésente au boulot. Ces derniers temps, Derek avait la fâcheuse tendance à vouloir… L'avoir dans son champ de vision, au boulot. Il faisait même en sorte de l'accompagner jusqu'à sa voiture, comme s'ils étaient amis – à la différence que Derek ne décrochait généralement pas un mot. Il se contentait de scruter les alentours, tendu. Alors, Stiles faisait semblant. Il souriait, blaguait, et tentait de se convaincre du fait que Derek cherchait juste à se donner bonne conscience – il ne pouvait pas, selon lui, s'inquiéter pour lui.
D'ailleurs, Stiles découvrirait bientôt à quel point les inquiétudes de Derek étaient fondées, mais il faudrait attendre quelques jours supplémentaires pour cela. En attendant, Stiles vécut dans l'insouciance la plus totale tout en alternant boulot et Liam – qui se révélait être une occupation à temps plein – sans jamais se douter de ce qui allait bientôt se passer. Sans jamais remarquer les regards qu'on lui lançait parfois depuis l'ombre.
