L'estomac noué, Candice ne prit même pas la peine de déjeuner, préférant répéter son discours devant le miroir de sa salle de bain. Elle n'était pas convaincue mais… l'envie de s'expliquer la poussait. Elle opta pour quelques retouches maquillages et checka une dernière fois sa tenue avant de jeter un œil sur sa montre. 7h47… À cette heure-là, Antoine devait s'apprêter à emmener sa fille à l'école avant de rentrer chez lui, profiter du calme avec un café chaud, avant de retrouver le brouhaha de son commissariat. C'était donc le moment…

Rapidement, Candice débarqua devant la maison de ville de son ex. Elle fixait la bâtisse, secouée par un flot de souvenirs de ses moments passés ici. Faut dire que la commandante n'était pas revenue ici depuis quelques temps. Et les images de leur ultime conversation dans son jardin la tourmentèrent… Elle était venue avec l'espoir de le récupérer et s'était finalement retrouvée plus seule que jamais. Mais Candice reprit ses esprits et chassa ses pensées négatives pour s'encourager. Elle claqua la porte de sa voiture, ajusta sa coiffure dans le reflet de la vitre et enclencha le pas sur le chemin de graviers. Elle n'était plus qu'à quelques pas de son salon et l'angoisse montait… Puis la commandante s'immobilisa. Des rires venaient de percer ses tympans. Elle reconnut celui de sa fille mais… il y en avait un autre, inconnu. Mais ce n'était pas le sien… Perturbée, elle fronça les sourcils et s'approcha doucement pour distinguer l'intérieur de la pièce. Et l'image qu'elle reçut dans sa rétine la figea. Suzanne, sur le canapé, en train de s'amuser avec la brune d'hier soir. Ses doutes étaient donc vrais… ? Antoine avait vraiment refait sa vie alors qu'elle était en train de changer pour lui… ? Ses yeux s'embuèrent à vitesse grand V. Paniquée, elle quitta rapidement les lieux, priant pour que personne ne l'ait aperçu dans ce jardin.

. . . . .

« Candice ? Qu'est-ce que tu fais là ?! demanda-t-elle paniquée en débarquant dans son labo. Oh… lâcha-t-elle d'émotion face à ses larmes en l'enserrant dans ses bras. Mais qu'est-ce qui se passe ?

- C'est fini Nath… lâcha-t-elle émue.

- De quoi tu parles ?

- Antoine… Il a refait sa vie… avec la femme d'hier soir…

- Hein ?!

- Je les ai vu chez lui… tout à l'heure… elle était dans le canapé avec Suzanne… à la place que j'occupais y a quelques mois… s'emporta-t-elle dans un sanglot.

- Il t'a vu ?

- Non… J'ai même pas eu la force d'entrer… Tu te rends compte ?! Moi je suis là, à subir les rendez-vous chez le psy… à remuer le passé… Pour lui ! Et pour quoi ? Pour rien ?! Il m'a demandé de changer… Je travaille dessus… Qu'est-ce qu'il faut de plus ?! Hein ?! Qu'est-ce que je peux faire ?!

- Mais tu lui as dit pour ta thérapie ?

- Mais oui… répliqua-t-elle en pleurant. Enfin il sait que je travaille sur mes problèmes… Je lui ai dit !

- Mais pourquoi tu lui dis pas clairement les choses ?!

- C'est ce que j'allais faire ce matin… Avant de les voir…

- Bon… En attendant, tu vas bosser… T'as de la chance ce matin il est à Montpellier avec Sylvie… Ça te laisse le temps de réfléchir à tout ça… D'accord ?

- Réfléchir à quoi ?! Y aura plus jamais de nous, de toute façon…

- Candice…

- En fait, j'suis maudite… Je les fais tous fuir… J'suis incapable d'en garder un… Puis… Puis lui c'est différent… Parce que je l'aime et...

- Arrête… Là t'es en boucle ! Tu mets ça de côté pour l'instant, ok ? Tu les as vu main dans la main ?

- Non…

- Tu les as vu s'embrasser ?

- Non…

- Bon voilà !

- Mais elle était chez lui, Nath !

- Tutututu ! Pas de preuve… Pas de culpabilité… C'est pas à toi que je vais apprendre ça quand même ?

Elle hocha doucement la tête.

- Comment je vais faire pour l'affronter maintenant ?

- Ça va aller…

- Puis manquait plus qu'elle… souffla-t-elle en voyant le numéro de Vasseur apparaître sur son écran de téléphone.

La blonde ravala sa salive avant de décrocher.

Oui ? demanda-t-elle durement.

- Euh… J'crois que vous devriez venir… C'est important…

- Envoyez-moi l'adresse, j'arrive ! »

Nathalie salua sa collègue de la main, pestant intérieurement contre le commissaire. L'hésitation demeurait… Lui expliquer la situation ou les laisser régler leurs problèmes ? Certes, elle détestait s'en mêler. Mais vu l'état de Candice et leur incapacité à régler leurs histoires… Elle se décida à agir.

À Montpellier, Antoine était en entretien avec Sylvie… et définitivement loin de s'imaginer que Candice était venue faire irruption dans son jardin le matin même. Il interrompit la discussion lorsque son portable vibra dans sa poche.

« Ah ! Excuse-moi, c'est Nathalie… Allô ?

- A quoi tu joues ?! cracha-t-elle sans le saluer.

- Hein ? De quoi tu me parles ?

- Candice ! Je viens de la récupérer en pleurs dans mon labo…

- Ah bon ? s'inquiéta-t-il. Mais qu'est-ce qu'il se passe ?

- C'est qui cette femme ?!

- De qui ?

- Celle qu'est venu déposer Suzanne hier soir et qu'était sur ton canapé ce matin…

- Julie ?! Mais c'est la nounou de Suzanne ! Y a une épidémie de varicelle à l'école…

- Eh bah tu devrais lui expliquer… parce qu'elle est persuadée que t'as refait ta vie avec là…

Antoine souffla.

- Mais n'importe quoi… Elle me garde juste Suzanne quand ma mère peut pas… Depuis qu'elle fait du bénévolat, elle a moins le temps…

- Eh bah parlez-vous ! Parce que ça devient plus possible cette situation…

- Comment elle l'a vu ?

- Elle est passée chez toi ce matin…

- Pourquoi faire ?

- J'en sais rien ! mentit-elle.

- Ok… répliqua-t-il dubitatif. Je… J'vais pas tarder à rentrer… J'vais lui parler…

- Elle est partie sur Montpellier, Élodie l'a appelé.

- Ah… Bah je… bredouilla-t-il encore chamboulé par l'annonce de Nathalie. Je m'en occupe, ok ?

- Ouais…

- Merci Nath… »

Antoine raccrocha, l'esprit préoccupé par l'annonce de Nathalie… Et inévitablement, imaginer Candice en larmes à cause de cette histoire lui serra le cœur. Alors oui, il s'était brièvement amusé à utiliser cette femme pour la rendre jalouse mais… visiblement, il était allé trop loin, conscient que la vengeance avait assez duré et que l'heure des explications allait bientôt sonner.

De l'autre côté du bureau, Sylvie le fixait. Son collègue était très clairement ailleurs et leur rendez-vous encore loin de se terminer… Irritée, elle claqua sa main sur le bureau pour le faire réagir.

« Oh ! Antoine ?!

- Hein ? bafouilla-t-il en revenant à la réalité.

- Y a un problème ? l'interrogea Sylvie, visiblement irritée.

- Euh… non… fin' c'est Candice…

- Quoi ? L'enquête patauge encore à cause de vos dissensions ? demanda-t-elle en soufflant.

- Mais non… lâcha-t-il agacé. Ça n'a rien à voir avec l'enquête…

- Oui enfin bon… On vous connaît hein…

- Je gère… maugréa-t-il.

- Ah bah ça se voit… répliqua-t-elle hilare. J'comprends pas… C'est si compliqué que ça d'être heureux simplement… ?

Antoine haussa les épaules en baissant la tête.

Ah… L'amour…

- Oui bon… On est là pour bosser non ?!

- Ouais…

- Alors on bosse… »

. . . . .

La blonde claqua la portière de sa voiture et enclencha le pas vers ses collègues. Ceux-ci donnaient l'air de l'attendre de pied ferme et visiblement, son homologue n'avait pas attendu son autorisation pour lancer une perquisition. Elle observa les hommes en costume bleu s'agiter devant l'immeuble en compagnie d'agents de la scientifique en tenue blanche, procédant à quelques allers-retours, les bras chargés de sacs à scellés. Agacée d'être tenue à l'écart, elle serra les dents et se planta devant Élodie qui terminait sa cigarette.

« Une perquisition ?! Merci de me tenir au courant… maugréa-t-elle.

- Oh ça va… J'vous ai appelé dès que j'ai lancé les opérations…

- Alors ? éluda-t-elle sèchement.

- On s'est entretenus avec son ex. Le mec est pas bien…

- Il est où ?

- Dans son canapé… On l'a fait s'asseoir avant qu'il nous tombe dans les bras…

- Ah oui quand même…

- Et on est tombés sur une clé… continua-t-elle en lui tendant un sachet transparent.

- Mais c'est la même qu'on a trouvé chez Émilie…

- Exactement… Et c'est la clé de son garage…

- Son garage ?! s'étonna-t-elle.

- Ouais… Et… J'vous laisse découvrir la suite… »

Candice acquiesça avant de contourner la commandante pour rejoindre le côté de l'immeuble. Elle s'approcha doucement du garage et écarquilla les yeux de stupéfaction. Face à elle, des murs recouverts d'affiches, de plans, de photos d'individus… Au milieu, une table en bois trônait, supportant une large feuille de papier. La blonde s'approcha et scruta les écritures avec attention. Au milieu, elle reconnut la photo de Camille. Et depuis ce cliché, des flèches reliaient d'autres clichés légendés par Émilie.

« Elle avait investi les lieux pour continuer son enquête… balbutia-t-elle étonnée.

- J'crois que vous aviez raison…

- Hum… Mais… Il ne s'en est jamais rendu compte ?!

- Nan… Il prenait les transports en commun pour aller bosser… Il utilisait jamais son garage…

- C'est dingue…

- Vous pouvez aller lui parler… annonça-t-elle doucement. »

Candice acquiesça avant de tourner les talons et gagner le salon de Grégoire. Et comme annoncé, elle rencontra un homme mal en point… Assis dans le canapé, le quadragénaire soutenait sa tête avec ses mains, signe flagrant de désespoir. La commandante eut un pincement au cœur, hésitant même à l'aborder. Pourtant, il le fallait… Alors elle dépassa la petite table basse en verre et s'autorisa à s'asseoir à ses côtés. Le brun releva la tête vers elle, les yeux humides.

« Je… J'suis désolée… marmonna-t-elle avec émotion. Je suis le commandant Renoir et je travaillais avec Émilie…

- Je sais… réussit-il à répondre dans un souffle. Elle n'arrêtait pas de me parler de vous.

- Ah bon ? s'étonna-t-elle.

- Elle disait que vous étiez la meilleure flic qu'elle avait pu rencontrer et… qu'elle adorait votre grain de folie…

- C'est gentil… répondit-elle en baissant la tête de gêne.

- Il faut que vous retrouviez celui qu'a fait ça hein…

- On est dessus… Et je vous promets qu'on va faire notre maximum pour le retrouver…

- Hum…

- Je suis désolée mais… Je vais devoir vous poser quelques questions…

- Ok… bafouilla-t-il en reprenant ses esprits.

- Le psychologue d'Émilie m'a dit que vous étiez séparés…

- Ouais… Mais c'était temporaire… On s'aimait vous savez…

- Je vous crois… répliqua-t-elle dans un sourire de compassion.

- On avait juste décidé de faire un break, le temps qu'elle règle ses histoires… J'attendais juste qu'elle… qu'elle aille mieux… et qu'on vive une histoire plus sereine… Vous comprenez ? »

Candice acquiesça, frappée par les mots qu'elle venait d'entendre. Évidemment, la commandante n'avait pas pu s'empêcher de faire un parallèle avec sa situation personnelle. Eux aussi attendaient que Candice règle ses histoires et aille mieux… Enfin… Antoine attendait-il encore malgré cette fameuse présence féminine dans son salon… ? Elle ne savait plus… Mais ce dont elle était certaine, c'était que la peur de le perdre l'envahissait. Et l'histoire d'Émilie venait de lui revenir en pleine face... comme un boomerang. Il fallait désormais cloisonner et éviter tout transfert pour se montrer impartiale dans cette enquête. Alors elle reprit ses esprits et changea de sujet.

« Quand vous parlez de ses problèmes, vous voulez parler de sa sœur ?

- Ouais… Émilie était en boucle avec cette histoire… Ça devenait plus possible…

- Pour tout vous dire, on pense que la mort d'Émilie a un lien avec le décès de sa sœur et… ce qu'on vient de trouver dans le garage confirme grandement cette piste.

- Je savais pas qu'elle s'était installée là-dedans… J'y vais jamais au garage moi… J'ai rien à y mettre…

- Et est-ce qu'elle vous avait parlé de sa sœur ?

- Vaguement… C'était un sujet sensible alors on évitait souvent d'en parler… Elle m'a juste raconté qu'au moment de son suicide, Camille revenait d'Agde. Elle avait travaillé dans un bar pour la saison estivale et quand elle est revenue sur Nice, Émilie l'a trouvé totalement différente. Isolée… Renfermée…

- D'accord… acquiesça-t-elle gentiment. Et… Dans le garage on a trouvé cette affiche… expliqua-t-elle en tendant le papier. Est-ce que vous reconnaissez des gens dessus ?

- Elles ce sont des amies de Camille, Émilie m'avait montré des photos.

- On a pu identifier en haut à droite les patrons du bar ou Camille a travaillé... Il reste encore ces trois hommes dont on ignore l'identité…

- Je sais pas… Je… Je les ai jamais vu… Je peux pas vous aider… souffla-t-il en retenant ses larmes.

- C'est pas grave… Vous avez déjà fait beaucoup… Je vous donne ma carte, si jamais vous vous souvenez de quelque chose… expliqua-t-elle en lui tendant le petit carton.

- Ok…

- Merci Grégoire… »

Candice claqua la porte de l'appartement quelque peu secouée par leurs découvertes. Elle connaissait sa collègue têtue et déterminée mais ne s'attendait pas à ce qu'elle se soit lancée bille en tête dans cette enquête parallèle. L'idée était maintenant de regrouper leurs infos et d'établir un plan précis pour la suite de leurs investigations. Mais Candice avait déjà une idée bien précise en tête…