Depuis qu'il était devenu langue de plomb, Harry avait des secrets. Beaucoup de secrets.
Il était devenu l'un des gardiens des secrets du monde magique, il avait accès à un savoir immense qu'il ne devait jamais partager pour la sécurité du monde magique.
Cependant, il avait également des secrets personnels. Autant que de secrets professionnels.
Autrefois, il aurait tout dit à ses amis pour avoir leur avis ou pour obtenir des conseils avisés. Cependant, cette fois, tout était différent à ses yeux. Ils étaient des adultes et leurs chemins se séparaient, tout doucement.
Hermione était sur le point de se marier et Ron… était Ron. Il s'ajustait encore aux changements, peinant à admettre qu'il avait perdu Hermione pour de bon. Il savait qu'Hermione le soutiendrait comme toujours, mais il aimait l'idée d'avoir une part de sa vie qui lui appartenait totalement, à lui et lui seul…
Ce n'était pas qu'il avait honte ou qu'il se sentait mal à l'aise, mais Théo refusait que leur relation soit rendue publique. Dès qu'ils étaient devenus amis proches, Théo s'était retranché derrière la réputation de Harry pour rester aussi discret que possible, frustrant énormément le jeune langue-de-plomb.
En d'autres circonstances, Harry aurait probablement insisté, mais il savait exactement pour quelle raison Théo s'accrochait au secret.
Il était terrifié que les crimes de son père rejaillissent sur Harry.
Le nom des Nott était entaché, plus encore que celui des Malefoy. Là où Lucius se faisait discret à Azkaban, pâle et défait, visiblement désespéré, le père de Théo hurlait ses convictions sans hésiter et regrettait de ne pas avoir fait plus de morts parmi les sang-mêlés et nés-de-moldus. Azkaban semblait avoir libéré toute la cruauté de l'homme et il était désormais considéré comme un prisonnier dangereux, surveillé de très près.
Bien que Théo soit un jeune homme discret et qu'il n'ait jamais posé de problèmes à Poudlard, il était regardé avec méfiance et colère. Les Aurors n'étaient pas les seuls à s'en prendre à lui et Harry était déterminé à le protéger. Théo n'avait rien à voir avec son père, loin de là. Si le jeune homme semblait se résigner à subir la situation sans broncher, Harry était prêt à se battre pour lui, tous ses instincts protecteurs éveillés.
Il avait commencé à lui offrir un nouveau départ, avec l'aide de Kingsley. Puis, il lui avait proposé un logement, le suppliant presque d'accepter d'être son colocataire. L'idée de le voir s'éloigner de lui le rendait presque malade et il lui avait fallu amadouer Théo pour qu'il accepte enfin de vivre à ses côtés.
Harry avait été déçu que Théo prenne l'ancienne chambre de Hermione maintenant que cette dernière avait élu domicile au Manoir Malefoy. Il avait espéré qu'ils pourraient continuer à dormir dans la même pièce, d'autant plus que Harry dormait mieux en présence de Théo. Il lui suffisait de se concentrer sur sa respiration paisible pour s'endormir plus facilement, plus sereinement.
Leur premier baiser avait été accidentel. Un colis était arrivé pour Théo et ce dernier l'avait réceptionné avec un froncement de sourcils perplexe. En dehors de lettres échangées avec ses amis, Théo n'avait personne d'autre susceptible de le contacter.
Harry s'était approché, inquiet, et seuls ses réflexes lui avaient permis de protéger Théo.
C'était un colis piégé, destiné à blesser. Harry ignorait comment il l'avait su, mais il avait fait confiance à son instinct. Il s'était jeté sur le jeune homme et il avait fait écran de son corps sans hésiter un seul instant.
Harry s'en était sorti avec quelques brûlures dans le dos, mais il n'avait pas immédiatement senti la douleur. Il s'était redressé pour examiner Théo, vérifiant qu'il était sain et sauf, avant de l'embrasser avec une pointe de désespoir, terrifié par ce qui venait de se passer.
Théo ne l'avait pas repoussé. Il avait répondu à son baiser, avant de paniquer en voyant les blessures de Harry.
Le jeune homme avait peur de mettre Harry en danger et il était prêt à s'éloigner pour éviter cela. Ils s'étaient disputés, âprement, chacun campant sur ses positions. Finalement, Harry avait eu le dernier mot, haussant juste les épaules et jurant qu'il continuerait de le protéger qu'il soit d'accord ou non.
Face à son entêtement, Théo avait cédé… en apparence. Il avait cessé de sortir de leur appartement et il refusait systématiquement tout courrier qui lui était adressé. Il imaginait que s'il vivait une vie solitaire et sans attrait, le monde magique l'oublierait.
Harry avait cru devenir fou. Il y avait ce besoin presque viscéral de protéger Théo, mais également l'envie de le voir heureux… sans compter le désir de plus en plus grand de l'embrasser encore, autant que possible et à la face du monde.
Or, il ne fallait pas être devin pour remarquer que Théo supportait mal l'enfermement. Il dépérissait, passant des heures près de la fenêtre, le regard dans le vide, l'air… éteint. Il gardait ses distances, évitant le regard de Harry tout en se retranchant de plus en plus dans sa chambre.
La guerre ne l'avait pas brisé, mais la haine des sorciers à son égard était en train de le faire et Harry avait envie de rendre coup pour coup, prêt à tout pour redonner le sourire à Théo.
Harry avait fini par se confier à Kingsley, comme toujours, et son ami avait éclaté de rire, en secouant la tête.
— Au lieu de te mettre dans cet état, emmène ce jeune homme dans le monde moldu, loin d'ici, à un endroit où personne ne le connaît. Emmène-le quelques jours en vacances et parle-lui !
Harry avait marmonné, peu convaincu, mais Kingsley s'était gentiment moqué de lui, en lui suggérant de voir avec Hermione comment parler aux serpents.
Harry était donc rentré chez lui pensif, en se demandant si la solution était aussi simple que ça…
Lorsqu'il avait trouvé Théo errant dans l'appartement comme une âme en peine, pâle et les yeux cernés, il n'avait pas dit un mot et il s'était rendu dans sa chambre. Il avait préparé un sac pour quelques jours, prenant assez de vêtements pour deux personnes. Théo était un peu plus grand que lui, mais ce serait suffisant pour ce que Harry avait en tête.
Son petit sac à la main, Harry avait rejoint Théo et il l'avait pris dans ses bras, toujours sans un mot. Lorsque Théo lui avait rendu son étreinte avec un soupir presque résigné, Harry avait transplané.
Avant que Théo ne commence à protester, Harry s'était expliqué, avec calme.
— Nous sommes à Bath, côté moldu. C'est une petite maison que j'ai achetée pour les vacances il y a quelques mois. Elle est au bord de la mer. Elle est loin de tout et nous sommes en basse saison, ce qui fait que la ville est vide de touristes. Personne ne sait que ça m'appartient et nous sommes en sécurité. Tu es en sécurité.
Théo avait froncé les sourcils, mais Harry n'avait pas terminé. Il reprit après une légère hésitation.
— Tu ne vas pas bien, Théo. Tu ne peux pas continuer comme ça, je ne veux pas te voir te… détruire jour après jour.
Théo avait évidemment protesté, avant de demander, les bras croisés sur sa poitrine.
— Pourquoi tu fais ça ?
Harry s'était renfrogné, mais l'air têtu de Théo lui avait appris qu'il ne céderait pas. Finalement, il avait levé les bras au ciel, exaspéré.
— Parce que je tiens à toi ! Je veux que tu sois heureux, d'accord ? Ça me rend malade de te voir errer comme une âme en peine, de ne pas pouvoir de rendre le sourire !
Théo était resté silencieux le reste de la soirée, sous le choc, mais il avait fini par se détendre petit à petit, sans cesser de jeter de brefs coups d'œil perplexe à Harry.
Pendant la première nuit, le stress et l'inquiétude avaient fait ressurgir chez Harry d'anciens cauchemars et Théo s'était précipité à ses côtés pour l'aider. Encore dans un demi-sommeil, Harry s'était agrippé à Théo et avait avoué qu'il avait besoin de lui… et Théo avait cessé de résister pour de bon.
Pour autant, s'ils s'étaient rapprochés, tous leurs problèmes n'étaient pas réglés. Théo acceptait la proximité de Harry, mais uniquement en privé, puisqu'il s'était convaincu qu'il mettait le jeune homme en danger et il l'aimait beaucoup trop pour le supporter.
Avec beaucoup de patience, Harry l'avait rassuré et amené à reprendre une vie normale. Il y avait parfois des moments où Théo avait envie de se retrancher à l'abri de leur appartement et Harry prévoyait régulièrement des week-ends dans la maison de Bath pour qu'il puisse souffler un peu, mais ils avançaient lentement, mais sûrement, ensemble.
